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MÉMOIRES
DE LA
SOCIETE ROYALE
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ANTIQUAIRES DE FRANCE.
DE L'IMPRIBIBRIE DE J. SMITH.
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MÉMOIRES
ET
DISSERTATIONS
SUR LES
ANTIQUITÉS NATIONALES
ET ÉTRANGÈRES,
PUBLIAS
f »
PAR LA SOCIETE ROYALE DES ANTIQUAIRES
DE FRANCE.
TOME QUATRIEME. /C>t .^^
A PARIS ,
Chez J. Smith ^ Imprimeu]>-Lîbraire, rue Montmorency^ n*^ 16 *,
Ai7 BiTBEAiT de l'AImanach du Commerce, rue J.-J., Rousseau^ 20.
H. DGGC. XXIII.
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ou Tombes Romaines ou Celli<jueB,
voies ou diaussées.Bomaineft.
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Ecbclledee Buttes.
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MÉMOIRES
DB LA
SOCIÉTÉ ROYALE
DBS
ANTIQUAIRES DE FRANCE.
^ . . ...
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NOTICE
Sur Içs MoDumens celtiques ou romains du département de
l'Aisne; par M. L. F. Lehaist&b^ ancien inspecteur général
des poudres et salpêtres.
LiBs monutnens anciens, objet de cette Notice ,
sont de quatre sortes; les mottes ou tombes dites
romaines y les voies ou chemins dits aussi chaussées
Brunehault , les camps ou postes militaires , et les
piédailles ou monnaies.
BUTTES, MOTTES ou TOMBES.
«
On trouve sur beaucoup de points de notre dé-
partement de petites éminences , placées sur les
parties les plus élevées de nos montagnes, rare-
IV, 1
2 ItKÏOÏEXS BX XA êHOàrt ROYALE
ment dans les plaines ; toutes d'une tonne conique
régulière de 1 2 à 1 5 mètres ( 36 à 45 pieds ) de
hauteur j et qui paraissent bien avoir été formées
de main d'homme ( figures 1 et 2^ planche I).
On b'esl pbinl d'accord sxxr Toriginef de ces buttes.
Les uns les regardent comme des mônumens cel-
tiques ou gaulois; d'autres^ et c'est le plus grand
nombre^ j voient Tœuvre des Romains dont il nou&
reste encore tant d'autres ouvrages. Indiquons d'à*
bord toutes les buttes que nous connaissons dans le
département. Je reviendrai ensuite sur les diverses
opinions aus^quelles elles oat donné lieu.
Laniscourt. *- On voit une de ces buttes sur le
sommet dé la montagne qui domine Laniscourt > à
une lieue ouest de Laon.
Crépjc^ — 1^6 mojalin à vent de la montagne qui sé-
pare Grépy de Fourdrain> est placé sur la basie d'iine
hutte que Ton a fort abaissée, il j b vingt-ciaq àns^
pour j asseoir ce moulin ; on l'appelait la Tombelle.
Sincems et 'Rouj. •*- On en trouve uâe wr la
montagne > entre Rouj et Sincenis.
VoueL — Un?e autre à Vouel , à droite et à peu de
distance de la route de Lafère à Ghaunj, dans une
plaine basse. Celle-ci^ qui diffère de toutes <3elles
que je connais par sa forme et sa hauteur, mérite
une description particulK^e. Elle est piiîlbrme , je
veux dire que sa base présente la section d'une poire
longue coupée suivant son axe. On voit facilement
d'après cela la forme qu'a du prendre une butte de
terre élevée sur une telle base. Je les ai représen-
MS kUmiiVhtRU SB nANGX. ' 5
J
lées par les figures 3 et 4 ^ piancke /. Le grand
diamètre de cette èutiè , dirigé du levant au cou-
chant ^ est de ii5 mètres (35o pieds); et le petit de
63 mètres (190 pieds) environ. Sa bautenr actuelle
est donc de 35 mètres (100 pieds); en y compre*
nant la base ou espèce de socle sur laquelle elle
est assise. Cette butte , très- bien cultivée depuis
long- temps sans doute, et plantée de pommiers
jusqu'à son sommet , a dû s^abàisser beaucoup pair
Teffèt même de cette culture ; et les habitans en
trouvent la preuve dans le rapport des anciens du
village^ qui découvraient jadis de son sommet Téglise
de Saint-Quèhtin qu'on n'aperçoit plus aujourd'hui.
Il ne paraît pas que cette butte ait été fouillée}
du moins les vieillards ne^e souviennent pas d'y avoir
V!} travailler. On croit daus le pays que les terres
employées àisa formation ont été prises à 1200 mètfes
environ de distance dans un bois, dit le bois Fjibhi^,
parce que l'on y voit une excavation considérable \
mais cela ne parait gâèrè vrais^^oiblable , et le grand
abaissement de terrain environnant la butte , surtout
au sud> porte à croire qne c'est là que les terres auront
été .prises.
Montécourt.—fi y a aussi une butté kiïontétàutt
i(m porte le nom de Motte , et passe dans tîelte corn*
mune poùi \è tombeau d'un général espagnol.
Clâtres. — fïfne autre à Gfâtres. Cette dernière,
aj^elée la Moite Fremoy, se trouve dans le jardin
d'une *aî^on îdu lieu. On 1 y Vè^arde comme là isé-
pûiture d'tfn ^âoîéïfal romain.
1*
4 tfiMOinXfi D2 lA BOClili ROYALE
PontrU. '^^ Attily et Étreilly. — On voit encore
une de ces buttes à Pontru , à 2 lieues nord-ouest de
Saint-Quentin ^ et une autre placée sur le plateau ,
entre Etreilly et Àttil j , à 2 lieues ouest de ladite
ville. Ces buttes portent aussi dans ce canton le nom
de Motte ou Tombe. Celle d'Ëtreilly a son sommet
garni de quelques arbrei^.
Mouy. — Il y a^ à Mouj sur l'Oise, une butte de
i3 à i4 mètres ( 4o à 44 pieds) de hauteur. Elle est
couverte de broussailles. Cette butte ( c'est le nom
qu'on lui donne aussi dans le pays } est placée sur,
le haut et le bord du coteau de la rive droite de
rOise. De ce point on enfile la vallée supérieure et
inférieure.
On a trouvé, il y a deux ans environ , sur le plateau
même de la butte ^ à une quarantaine de mètres de dis-
tance, et à 80 centimètres {% pieds ? ) de profondeur,
un tombeau de pierre , recouvert d'une dalle de même
nature renfermant un squelette qui paraissait bien
conservé; mais au toucher tout tomba en poussière,
à l'exception dune portion du crâne et des genoux
qui avaient conservé quelque solidité. Il ne se trou-
va, ni dans ce tombeau, ni dessus, aucune inscription,
ni médaille, ni autre objet qui pût éclairer sur sa
date; mais on ne peut rien en inférer de relatif à la
butte romaine qui en est aussi rapprochée. Je doute
que les ossemens aient pu résister à 16 ou 18 siècles>
si ce tombeau datait de l'invasion des Romains , qui
n'ont d'aiSeurs cessé de brûler les corps et qui n'ont
adopté l'usage des tombeaux que lors du bas-empire.
DES ANTIQUAIRES DB FRANCS. 5
Ce tombeau n'est pas le seul qu'on ait découvert sur
ce plateau. Il y a une vingtaine d'années qu'on en dé-
couvrit encore d'autres à peu de distance de là. Des
restes de constructions, qui y furent aussi découverts
il y a deux ans, feraient croire à l'existence ancienne
d'unmonastère ou d'une église, ou d'une maladrerie.
Les corps avaient les bras croisés sur la poitrine.
Ariane. — Chaillevois. — Pénancourt. — On
m'a assuré qu'il y avait aussi une ^li/^eprèsd'Àrtane,
à gauche de la route de Soissons à Château-Thierry;
une à Ghaillevois, à une lieue et demie sud de
Laon, et une autre près de Pénancourt, canton d'A*
nisy-le-Château.
La Tombelle. —Il est fort à présumer que l'ha-
bitation appelée la Tombelle^ à une lieue sud de
Marie, doit son nom à une de ces buttes qui aura été
détraite ; je ne sache pas du moins qu'il en existe
une aujourdthui sur ce point.
n est très-possible, et il est même vraisemblable
qu'il y a encore d'autres buttes antiques dans le dé-
partement, mais je n'en ai point connaissance.
Ces buttes, évidemment de main d'homme, sont,
généralenïent regardées .comme les tombeaux de
chefs militaires , ou d'autres personnages de marque
chez les Romains. D'autres, en plus petit nombre ,
les regardent comme des moyens de signaux emr
ployés par leurs armées. La première opinion a
pour elle les noms de tombe, tombelle doanés à
ces buttes de temps immémorial , et un grand nombre
de partisans. La seconde est appuyée suf la position
6 MEMOIBES DE LÀ SOGlili ROYALE
de ces. mooticqles presque tous placés^ dii moins
dans notre départçmeât , sur les poin.ts Içs pl,us
élèves.
L'opiùioD cepeodant^ quelque geoérale^qu'elle soit,
peut^ ce me semble , en imposer sur des faits an-
ciens. Elle peut être y quelquefois du mpio^ > une
tradition incertaine. Si ces biUf^s sont des tombeau^^,
elles devraient renfermer, ou des urnes cinéraires ,
si elles datent du haut -empire^ ou des sépulcres,
3i eUes sont du bas-empire ; et, dans les deuxt^as, il
senible qu'on devrait y trouver des lacrvmatoires y
d'autres vases mortuaires, des nïonnaies oun^édailles^
et des armes que les anciens avaient Tusâge de dé-
poser dans les tomhes> surtout dans cqlles des per-
sonnages marquans. Cependant il ne parait pas qu'il
ait été rien trouvé de ce genre dans la butte de La-
nicourt que fit fouiller jadis le chevaUer c^e Boui9Ler3,
ni dans celle de Grépj lorsqu'on la détruisit pour y
placer le moulin, ni dans céUe de MontécouttoùTon
a établi une cave.
Quoi qu'il en soit, c'est l'opinion de quelques aq-
. teiffs qui ont écrit sur les afntiquités , que ces buttes
sont] des monumens^ mortuaires élevés par les Rq-
mains sur le corps de leurs généraux.
Les auteurs de hi. Description; topo graphique et
statistique de la France assurent que quelques^-unes
de nos buttes fouillées se sont trouvées contenir
des> armures et des ossemens. Il me semble, commue
je l'ai déjà dit, que la conservation de ces osisemeos
^éfidant^uii si grand nombre de sieclas o^bsI pas
DES ANTIQPÀIRX8 DS FHAJNCi:. J
présumable^ d'après surtout ropiuion que paraissent
adopter ces mêmes auteurs^ que ces monticules pour-
raient bien' être les tombeaux de généraux gaulois ,
ce qui en reculerait peut-être encore l'origine .
M. Laurent de T Yonne, ancien ingénieur en chef
du canal de Picardie, m'a dit qu'un savant bénédic*
tin dont il ne se rappelle pas le nom ( c'est peut^
être dom Lelong), et qui faisait, il y a cinquaate
ans., des recherches sur les buttes ou tombes d^ notre
pays, lui avait donné à cet égard des détails quiprou*
veraient qu'il les regardait aussi comme des nionu-
mens mortuaires élevés par les armées romaines*
Il paraîtrait que le transport des terres pour for-
mer ces tombes se faisait à bras , et dans les calques
des soldats. On plaçait ceux-ci sur quatre, six, douze
rangs et plus , depuis le lieu marqué pour la butte,
jusqu'à celui où la terre devait être prise. Les çasn
ques remplis de terre se passaient de mains en mains,
et les cheifs de file qui les recevaient les versaient sur
le corps du général en disant ; SU tibi terra i^m. Ce
vœurdu soldat pour soxi général était san$ doute le
SQphait religieux du .bonheur de la vie futurç*
La butte àe\ovie\, d'après ses dimensions, serait
la tombe du chef d'une nombrevse armée, s'il e^t
yyctà, comme ouïe prétend, que chaque soldat j.etait
sur le^cQtps un nonibre déterminé de casquées de
tcïre.
8 MÉMOIRES 0£ LA aOCI^TÉ KOtklM
CAMPS.
Camp du Vieux-Laon ou de César. -^ Les auteurs
qui ont traité des autiquités de notre pays, parlent
d'un camp romain à trois lieues sud-est deLaon^
entre les villages de Saint-Thonias et deSaint-Erme.
Il est indiqué sur la carte de Cassini sous le nom de
Camp de Vielaon, Dom Lelong en a dit quelque
. chose dans son Histoire des diocèses de Laon, etc.,
où il expose son opinion sut* ce poste militaire qu'il
* croit bien avoir été occupé par F armée de César.
Ce camp a attiré l'attention de M. le comte àt
Cajlus qui en a parlé dans ses Recherches d^antiqui^
tés, et en a donné un plan.
. Les auteurs de la Description topographiqiie et
statistique de la Finance qui parlent aussi de ce camp,
et d'après M. de Cajlus , ne font point de doute
qu'il ne soit des Romains, et assurent qu'on y a trouvé
plusieurs médailles romaines.
M. Devismes, avocat à Laon, qui travaille à une
histoire du pays attendue du public avec impatience,
a écrit sur ce cainp un Mémoire fort intéressant (i).
Diaprés l'érudition connue de l'auteur , il serait dé-
placé de ma part de parler encore de ce camp; je
' ne me permetterai donc que quelques réflexions sur
la partie descriptive de cet ouvrage que j'ai examiné
avec attention.
Çkt x^amp porte dans le pays le nom de Camp de
(i) Inséré dans le tome II des Mémoires de la Société royale
dés antiquaires de France^ pag. 4o3.
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DES ÀNTIQ AIRES 1)S yfik^Œ.' Q
César, des Romains ou du'F'iéux-Laon. Il occupe
tpcft le plateau du cap de montagne qui oQinine
Saint-Thomas^ au nord de ce village. "^
Le périmètre du camp A, B, C, D, E, F, G, H, I,
K, L, M, N, A (planche II) présente un polygone
de treize côtés dont plusieurs angles rentrans , et
dont la surface totale est de SogS ares( 61 arpens
laonois). Son irrégularité parait avoir été déterminée
par celle même du contour de la montagne sur la-
quelle est assis le camp. On aura sans doute voulu,
pour toute la partie qui n'est point fortifiée réguliè-
rement^ profiter, ensuivant ce contour, de l'escar-
pement de la montagne en abandonnant pourtant
ses sinuosités, lorsqu'elles eussent exigé, sans grands
avantages, beaucoup de travaux par leur dévelop-
pement, ainsi qu'on l'aura fait pour les éperons ou
pointes vis-à-vis les angles H, I, K, N. Quelques-
uns cependant ont cru que ces avancées de la mon-
tagne étaient de vrais bastions, faisant partie des
ouvrages défensifs du camp. Mais cette opinion ne
peut se soutenir , d'abord parce que les Romains ne
connaissaient pas les bastions; que, dans le cas même
où ils les eussent employés, les bastions, tours et au-
tres ouvrages de ce genre étant aussi destinés à la
défense des courtines intermédiaires, ils ne les au-
raient point placés à des distances de S et 600 mètres.
La ligne de défense eût été supérieure à la portée
même des plus fortes catapultes et balistes qui , au
rapport de Végèce , ne lançaient point les traits et
pierres à plus de cinq cîîénts pas, si toutefois encore
A
/
10 liiHOIRES DB LA $aqiTB ROYALE
les Romaips se servaieot , pour la défense de leurs
çamps> de ces,machme$ qui n'étaientguère emplojéea
que pour les batailles et lattaque des places. RoUiii
dit que Scîpic» ne mil pas plus de cent pieds de dis*
^nce entre les tours dont il flanqua l'enceinte desoq
camp devant Numance. On n'eût donc pu défendre
aisément ni ces bastioDs i ni même les courtines.
Pourquoi d'ailleurs aurait-on fait de$ bastions aussi
irréguliers ? L'inspectian seule des^lieux prouve, au
reste , que ces aya,ncées sent Touvrage de la nature,
et non de Tart.
L'irrégularité de ce ça,mp n'a rien qui doive nou.s^
étonner. Végèce, comme le dit lui-même M* Dé-
viâmes dans son Mémoire , assiure que l'usage ei les
règles de la cas tram étation chez les Romains ne Ie$
astreignaient à aucune forme particulière. Les cir^
constances locales leur faisaient px^esque tauîours la
loi y conime il le paraît bien par le camp dont il est
question.
D'autres fajiçtoriens prétendent cependant que les
camps- romains étaient de forme carrée ; c'est d'uju
camp de cette forme, qxie Rollin donne, diaprés
Poljbe, une 4^sçriplion détaillée. (T. II, %^ partie. ).
La portion de l'enceinte G , Ë, H, K , L> !ip7 na
se distingue que par un. petit escarpement , dont ûbi
voit, %. h y planche 11 y le profil en a, qjui a généra-
lemj^nt moins de 45 d^és d'inclinaison i sur une;
. hanteji^r de a t i 3 m^ètres ( 8 à 9 pieds ) , et au-des-r
sous* Il règnes partout où le9 lignes du camp lie reinr
contiçept poîint la pente delà moatagne^ qjiia» comme
j
DIL^ AJ^ITIQUAIRES Df FRANCE. 1 l
le» fi^iIVi h^qfes m^nUa^es du l49Jonois, loo mèlres
de ha^le^r. La nature le défendait assez dans cette
partie» Les RoaiaiDs> d'aiUeurs , ne devaient point
avoijr à prendre de grandes mesures défensives de ce
cdté cçoQtre le; paysdoi^t ib avaient fait la conque te,
<jpie tes empereurs avaient encore d'autres moyens
que des camps , de tenir sous leur obéissance j et ce
devait être le cas des plaijçies de Champagne que
doQiine le camp, de Saintr^homas. Il n'en était pas
de vaêi^e du côté du nord ^ contre les peuples qu'ils
cherchaient à soumettre , et dont ils avaient à
craindre ks incursions , comme les Belges le leur
avaient prouvé.
Aunord^ le terre*plein de la montagne obligeait à
plus de travaux pour la défense > et c'est ce qui a
daigné lieu aux ouvrages qui forment le front du
camp sur une longueur de 700 niètres.
On ne peut parcourir ces ot:ivrages sans admirer
l'art et la patience de ces conquérans , qui savaient
yaincre les difficultés , et trionàpher des obstacles
qjoè la nature lefur opposait ; on ne peut les exami-
jfé^v sai^s s'étonner que i5 à. 18 siècles , malgré la so-
lidité de ses travaux y les aient tellement respectés ^
^^e tous leurs reliefs > leurs formes çt leurs lignes
spnt eiic^re aujourd'hui aussi visibles que s'ils da*
ts^nt i^ulçin^t djB deu^ siècles.
Çe^ -ouvragçs ne doivent-ils pas nous ;:endre mo-
4f9st^ si}r Fét^t acfi^el de nos moyens , si nous con*
.9idéiK>ps qup Ifi lw^\f£c^^à^ est encpiie
M^l^'h^i» à peu| de chose près^ tellement la
1 â MiMOIEES DB LA 80CIÉTX ROYALE
même y qu'on douterait presque si le camp de Gésa^
ne serait pas un camp de Louis XIV ! Qu'on en juge
par les profils {planche II). Le fait est qu'ici^ comme
dans d'autres arts, les anciens ont été nos maîtres»
et que nous ne les avons pas toujours laissés fort loin
derrière nous, malgré les nombreux siècles qui nous
séparent d'eux.
Le front A, C {planche II) n'est point , coiÉnme
on pourrait le croire , une ligne droite ; il fait un
angle saillant au point B. On ne voit pas la raison
de cet angle obtus ; mais ce qui a lieu d'étonner ,
c'est que les ouvrages qui composent A fond , ne
sont point uniformes dans, toute sa longueur ; la pe-
tite face B, A présente nn simple fossé entre un
parapet et un glacis ( fig. 2 ). La grande face B, G
a quelque chose de jjus , c'est un véritable chemin
couvert et une befme dans l'escarpe qui paraissait
avoir échappé à ceux qui , jusqu'alors , ont décrit ce
camp {planche II, figi 1 ). •
Les ouvrages ne sont pas conservés dans l'intégrité
que supposent les profils ( fig. 1 et 2) , non seule-
ment la crête des parapets > et tous les angles sont
émoussés et arrondis par le temps, comme l'indiquent
les fig. 3 et 4 î on y voit aussi beaucoup de brèchèset
de dégradations quisont moins l'œuvre du temps que
le résultat des entreprises des habitans du pays et des
cultivateurs qui exploitent l'intérieur et l'extérieur
du camp. Mais rien de plus facile que d'y retrouver
les formes que je présente ici et les dimensions qui
n'ont pas du changer b<eaucoup,si l'on considère
DES ANTIQUAIRSS DB FRANC£« i3
(el c'est un sujet d'admii^ation pour la persévérance
qu'il a fallu pour creuser les fossés, façonner et éle-
ver ces parapets dans un tel sol ) ; si Ton considère ,
dis-je i que les premières couches qui composent la
mcmtagne ne sont que des pierrjailles presque pures, et
que c'est dans c^^ mêmes couches ^ et d'elles seules,
que son t construitsces ouvrages* C'est aussi sans doute
à la nature de ces matériaux, aujourd'hui recou-
verts de gazons , que nous devons la belle conserva-
tioii^de ce monument dans notre climat dont il semble
encore devoir braver les intempéries pendant autant
de siècles quf'il en a déjà vu s^écouler. Les fîg. 3 et
k représentent les ouvrages tels qu'ils existent au-
jourd'hui, avec les effets du temps.
Le fossé a dû avoir dans l'origine une dizaine de
mètres ( 3o pieds ) de. largeur. Il en a encore à peu
près huit aujourd'hui, sur 3 mètres 5o cent, de pro-
fondeur. Le rempart, qui, dans les parties les mieux
conservées , a encore 8 à 9 mètres de hauteur du
côté du fossé , en a peut-être eu 9 ou lO. Il domine
le terre-plein du camp de 5 mètres environ. La
banquette C ( %• 1 ) , formée dans la contrescarpe
a encore un mètre de large. Ne serait-ce pas un vé-
ritable chemin couvert? Sa petite dimension pouvait
safiire à une époque où l'artillerie n'était point con-
nue ; et si le combattant n'y serait pas couvert aujour-
d'hui par la crête du glacis G,D,on doit bien penser
que cette crête a dû baîpser et s'abaisse encore par
le soc de la charrue , qui , tous les jours, pousse ses
envahissemens , jusqu'au bord du fossé qu'il détruira
X
l4 MÉttOlR^S ' DS' £A SOCIÉTÉ' àOYéU
successivement, sif oa n*y met obstacle. IWafiA traite;
d'après ces (entreprises de la charhiè, que le glâe^
avait une pente assez grande , pûisqu^éllè ésl ènedré
aussi sensible àujourd'liui.
Les Hômains -ddnnant peu de talud à leurs rém^
parts, c'est vt^aisémblàblerbént; comme notts lèlav»
sons aujourd'hui, pour eti soutenir les remblais qà'ife
auront formé la berme ô , malgré leur solidité ; elle
aura peut-être servi aussi à faciliter Télévaïiôn deS
déblais du fossé pour la formation dil rempart?
Cette berme qui n'existe pas dans d*autres cainps ,
même dans lès autres parties du camp doi^t il est
ici question , était - elle aussi destinrée à recevoir un
rang de combattans ! Elle a pu être garnie de palis^
sades , dont Vitruve nous apprend que les Romains
faisaient grand usage dans leurs fortifications de cam«
pagne. J'observerai, en {Passant, qu'ils laissaient aux
bois dont ils $e servaient, une partie de leUts
branches qu'ils clayonnaiettt de • manière à rendre
leurs palissades peut-être plus solides que les nôtres.
La crête du parapet n'a guère aujourd'hui plus
d'un mètre 65 cent. (5 pieds) de large, et ne semble
pas en avoir eu plus de a à 355 (ôà 7 pieds). Cestpeû
pour une plàte-forme qui devait peut-être servir à
la défense du camp , et pour y mancéwTéi^ àvèe dès
machines qui exigeaient bien àùtàiit d'éspa^ ^ë
notre artillerie.
tJn premier examen dè^hettè J)âfrtîe du camp iiè
m'avait pas doîhné à remarquer de banquettes^ daiiis
le talud intérieur des remparts ; mais dans uri nou-
J>tè ANTIQUàlRSé ËB FRANGE., l5
veâu vojasg^Jfaitàce eatnpyetenj^ôrUuit une atten^
tion plus particùlièi^ au talud intérieur du rempart
G,JL, B, A de la planche II, je découvris les traces
d'une Banquette assez dislin<^tement pour affirmer
iju^elle existe. -ESe ne m'avait échappé d'abord que
parce qu'établie dans le talud du rempart exposé à
toi£tes les intempéries dâ strd et di^d-ouest , éUe
s*eÈÎ tàiolû» bien conservée que les autres parties des
outrages , surtout dans le rempart B^ A^ bù elle n'est
même plus visible.
Cette tàiiquètte(e),qui h'a peut-être eu que deux
mètres dans Foriginè, n'a plus guère qn^un mètre
cinquante centimètres aujourd'hui. Elle né pouvait
vrài^mblablement pas recevoir les machines de
guerre du temps , mais bien les combattans. Elle a
été établie à la hauteur ordinaire A^'en-fouèy eu égard
k la crête dû parapet q\ïî, coriame je l'ai dit, ne pré-
sente âucufie apparence de ploilgéë.
La teêohe T, qui atira servi à conifeîer le fossé,
est-elle moderne, ou bien eàt-iee unfe ancienne en-
*ée du Cdimp?..r. Elle serf aujourd'hui pour Fex-
ploitation aigricole de l'intérieur.
Il me teste à parler èe Is %ne d'tmvrages P, Q, R.
Eltb éivise le camp eit detit parlas ( a, b) dont h,
première est d'une étendue de a5oo a^es , quadruple
de4a seconde. OeUte lîgiie a vSà îssdlkAt coté Q , d'un
lâigle moins obtus que céïui B. £{à forme. de cet où-
"^Mgé e^fi enfièFétoent ta ïnèiae que celle der la petite
ftfccé B^ A> «'eis«-4-dtt* «]^élte^^ ni cheniîb: ètoà-
vé1^t l l^rme dîaos rèSfcârrpe. Le Fossé, coûime on
Jk6 UÉUOIBBS DE LA SOGIÉXE KOTAIX
le voit dans le plan^ est vers la partie (b ) et le pa-
rapet du côté de la parue (a). Ce parapet se rattache
sans interruption à celui ;ide la face B, 6^ par son
extrémité R; mais au sud le retranchement ne s'ap-
puie point au talud M de l'enceinte; il existe donc
(aujourd'hui du moins) de P à M une interruption ou
passage de 2i^Hubtres ( 6 pieds ) de large par lequel
on comniuniqtle d'une enceinte à l'autre. On trouve
en U un autre passage pratiqué pour le même, oi>-
)et que celui T , à moins qu'il ne soit une ancienne
communication du grand et du petit camp.
Je crois devoir ici relever une erreur que j'ai
c<3marquée dans le Mémoire de M. Devismes^ erreur
dans laquelle quelques rapports ou dessins iùqiiiacts
auront pu l'induire.
M. Devismes^ en parlant de la petite enceinte^ dit ;
« Les deux côtés qui tiennent au te.rre-plein de la
« montagne ( et qui ne peuvent être que ceux R, A,
« et B ^ P ) sont défendus par un rempart en glacis
(c d'environ i5 pieds, un fossé > etc. »
Plus loin, en parlant de l'enceinte (a ) : « Le ter-
ce rain est défendu par z/tz épaulement qui, semblable
« aux deux grands remparts de la précédente en-
cr ceinte, n'est même que le prolongement de. Fun
« des deux. »
n dit encore : « La position était si bonne qu'on
<c aura jugé à propos de la réoccuper dans un a:utre
« temps, avec beaucoup moins de monde; c'est alors
« qu'on aura tiré la ligne (d^ouvrages) qui sépare les
« deux]t^rrains, afin de se couvrir du côté de la par^
« fié (â) de Tanciien camp qui restait vacante. »
Par ces passages et d'autreis de ce genre, il est
évident qufe M. t)evisme*s regarde le retranchement
P, Q, R comme faisant partie dti système de défense
de eè ijtfil appelle \è petit camp (h); mais la preuve
irréfctisable de cette erreur résulté de Finspection du
terrain et de là disposition des ouvragies. Le fossé est
à Test du coté de Tenceinte ( b ) , et le parapet sur
Tenceinte (a). Le retranchement P, Q,B. appar-
tient donc âFëncèinte (a); il a été élevé pour sa dé-
ferise et non pour celle du petit camp.
Et Idrsqùe M. Dèvismes dit que le retranchement
R, Q, P if est que le prolbngemeiit de Tun dès deux
antrèil, Fêst-à-dire de la partie Ç , R , son assertion
lie J)teut être que le résultat de ce qui e:^i5te en effet,
que lëi^ ouvrages G; R ei R, P ont tous deux les
mêmes dispositions et âont conséquemment tous deux
La juSIe rëpiitatîon littéraire dé M. Dèvismes m*a
semblé rendre nécessaire la réfutation de l'erreur
dâiis laquelle* il st été entraîné , parce que , consignée
dan)^ ébti Mëinoire, elle doit nécessairement s'accré-
dite*, et qu'elle importe beaucoup pour les raisdn-
némens qif on peut faire sur la distribution et l'objet
de ces deux camps ou de ces^deux parties de camp.
Dîaprès èe qui vient d^être dit, s'il m'était permis
de me Kvrër à une digression étrangère pourtant à .
ndonimt, je proposerais ici quelques suppositions.'
la l^nàièt'è , que lès deux partiel du camp ne for*
TÀiaéùi drigiàairèment qu'bne seule et méiiie en-
ÏV. 2
1 8 liEMOIRBS D£ LA ftOCIETjé «KOYALK
ceinte; que ce camp, devenu ' par circonstwce trop
étendu ; aura été réduit à lenceinte (a). Mais, dirait*
en, pourquoi n'a^t-on pas âdors détruit la partie de
retranchement X» A, qui, dans cette hypothèse,
devenait inutile? Qui sait, peut -on répondre, si
des circonstances inattendues , heureuses ou mal--
heureuses n'ont pas mis larmée dans le cas d'aban-
donner cette position peu de temps après la for-
mation du retranchement P, Q, R, et avant d'avoir
pu s'occuper de la destruction de celui X, A?
Ne peut^on pas supposer encore que , par le moyen
des ouvrages P, Q, R, on a voulu faire de l'en-
ceinte (a) un arrière-catnp, un réduit , toute spa-
cieuse qu'elle soit, dans le cas où l'ennemi aurait
forcé les lignes de la petite enceinte? Le 3jstème
des réduits, pratiqué aujourd'hui avec avantage,
pouvait déjà être connu des anciens.
Enfin , je lis d^QS le Mémoire de M« Devismes, que,
suivant M. le comte de Caylus, le petit camp doit
«voir été occupé par un corps d'étrangers qui était au
service de l'empire, vers la fin du quatrième siècle,
et précisément dans cette partie de la seconde Bel-
gicfue^ entre Rbeims et Amiens. Sans revenir sur ce
que peut avoir. de faux, d'après ce que j'ai exposé,
le système d'un petit camp qui, au lieu d'être fermé
et sûr, aurait eu même tontre lui le retranchenaent
P, Q, R, ne pourrait-on pas présumer que d'abord
le général romain , peu confiant dans la fidélité de
ces troupes étrangères, a voulu les tenir dans l'en-
ceinte ( b ) commandée par cette ligne d'ouvrages
0fiS ANTIQUAIRES ]>£ FRANCE. I9
P^ Q, R> camme les habitans d'une place forte sont
contenus par la citadelle en même temps qu'elle sert
de réduit à la garnison? sms doute» dans ce cas, les
signes de défiapce du général romain auraient été
bien appareng aux yeux des étrangers et peu propres
à entretenir avec eux la bonne intelligence néces-
saire dans les opérations nûlitaires. Mais il faut peut-*
être reporter' ce camp ou sa distribution intérieure
à l'époque où la puissance de l'empire s'affaiblissait
daos les provinces belgiques qui fournissaient peut-
être ces troupes étrangères. Le général pouvait avoir
de justes motifs de se défier des levées faites dans des
pajs impatiens du joug et disposés à le secoue/r. Au
surplQs>ce sont là de simples conjectures que je sou-
mets aux personnes éclairées qui ont étudié ^t suivi
toutes les phases de la pi^sance romaine dans notre
pays. ) .
Je ne dois point omettre ici la petite éminenee
cotée $ au plan. Elle a encore plusieurs mètres d'é*
lévation , sur une base très-aplatie de 3o à 4o mètret
de cliamètre. Elle doit être de main d'homme, et
avoir eu un but coordonné à la distribution du camp,
sans quoi on Veut détruite , comme interrompant son
nivellement , et pouvant gêner les manœuvres.
M. Devismes regarde ce tertre comme l'emplace-
ment du prétoire ou de la^tente du général dressée
ordinairement dans l'endroit le plus élevé du camp.
Polybe , cependant, place le prétoire plus au centre.
Or , le tertre S est tellement près de l'enceipte ,- que
la tente du général n'y eùt.point été, ce me semble,
2*
ianê tme poskûm avantageioe r soif pont sa* sArefé
en tM d'attaqMf cmitre le camp , soit pour la sm^
▼eflkmëè et? l'es ordres à donner. Cette éminence ,
seras diMie' forf aJ^issée aajotird'liai^ n'atirait-ette
pas serti à^placer des macBines d^ guerre , a« pour
des signaux ^ objet qui devait être essentiel! dans ua
pays nourellement conquis ?
D'après les détaib iinnineux que donne M* Dé-»
vismes* dans son Mémoire sur les deux espeees de
camps' en* usage pour les armées romaines > on ne
peut douter , comme il le pense lui-même , que ce*»
Ini-ci ne soit un camp fixé ou à demetwe , siativOr.
La l^aui^em actuelle du parapcft qui a néanmoins
perdu par l'effet du temps ; les dimen^ons du fessé
et'^les'berme et banquette que f ai fait remarquer
dans les profils^ fig. 1 et 3, prourent- astozr que ee
n'était pas un de ces camps momentanés appdés ,
comme* le' rapporte^ M. Derismes , sukita t^mpùror
Tiea, et désignés aussi par les^ expressions de ppi^
mis ûa^tris, seeundis eastm^ etc. y par lesquelles
les auteurS'liatins nombrent les j^^urs de marefae de^
armées^ mais bien un camp qui devait durer.
Un peu au-dessous de la face méridionale K^ Lda
camp,^on trouve une source assez abondante ap-
pelée, dans le pafjrs > Fontaine des Romains.
En avant du camp et a une centaine* de mètres
die distance ^pas^e un chemin vicinal qui 'conduit de
Fétieux à Outre et Saint-Erme. Ce chemin^ dans les
parties f, c, d, e, a tous les caractères d\ine chaussée
romaine /mais très^égradée, et défigurée. Je* l'ai
Y -^ 5 -^ sï y.
//-"^^
*"t
découv^rtie «en portaat atteottoa à la dîrectkm âe la
voie ramame, qoî» àVeslud , s'elère sur latinootagOie
4e Fétieiix el Tieot abo^itirà la Fosse-Grisard^^ tm la
route.de Hbeims Ta coupée sous un angle d'environ
45 degrés. Cette voie, devait nécefiBàirecmeot |e |>pot
longer à l'est de ladite ronte de Rheims ^ etj^oilMir
blement aous le même anglie. EUe ^ disparu aaiia
doute par Vefiet de» défiidkemens ; maïs c'ett en
suivant cettf3 direotieo / <fue j'û retrouve près du
camp les vestiges dè^clMiussée dont je viens de par*
1er. On voit» en effets par ce qui . nous reste, de cm
voies^ qu'elles cmiservai^nt le même, aligneioent s<nr
de tirès-|^andes étendues. ^ disposition: des .petites
p}erm9|>li^tes eaiinil^^/ées dans U. ooni^pi^on 4e cette
€bAiissé|s> j&t que ^'ai remarquée « vls^vis/l^cago^f»
le$TOSt$s d'!00]f»ie)7r^fa^t^t de caiUcmtisJR^rt solid^>
«pi se voient. encore dans la partie G» et les pierre$
^jQailJt(^U9.cé|ijindu^ dansies terres au noi^d du cher
tûia^^ir imVà . du déiiicjbiemdpt de 4a voie , m'ont
confirmé dup^ m^n opinion ; iiiaia' il ne. semble pas
qiid.Q^te voi^ aboutissfttt aq;caaip ; il parait qu'elle
pte3aijt400S lé. front à une centaine de mèitre^ en-*
virQud^ di£^^nci^> et dans une direction qui devait
7 ^^Mlpea- près.paraUèle avec un petit angle en d.
• Camp de Ybracand. — * Le second camp/^du dé-
partement y regardé comme romain j, est celui de
Vermând , à 3 lieues ouest de Saînt-Ouentiui»
^^lUielqif'ait été.autreii|is ce lieu, qyi n'est aufour-'^
t'ma simple vîllage> ^e n'entreprendrai auomie
discussion sur son ancienneté ûl son origibe ; \e ne
me livrerai à aucune de ces controverses , qui ont
produit des volumes pour prouva lequel de Saint-
Quentin ( A$'a/nâ/t)6nVtf des Gaulois , dit-on ) y ou
de y^mand'y a été la plus ancienne capitale du pajs
des* yermandui y et auquel doit conséquemment
s'appkquer la dénomination iiAugusta f^ermonduo-
rounr, d'abord parce que' je ne suis point assessins^
truit sur Thistoire ; que^ malgré ce que les Giommen^
taires de César et l'Itinéraire d'Àntonin donn)ent de
positif à cet égard , cette question me semble encore
' difficile à décider^ et qu'enfin toute discussion de ce
genre m'écarterait ;de l'objet de cette notice^qui est
de ne présenter que des faits, d'indiquer seulefoient les
restes des monumf ns anciens déjà connus de notre
département et ceux qui pourraient être ignorés.
En histoire comme ei\ phjrique^ trop d'empwsse-
ment à bâtir des systèmes nuit à' la vérité. On s'ém-^
presse de conclure de quelques faits obsetae^^- de
quelques monumens défigurés ;. on les^ force ^ se
plier 9 son système ; on s'abuse soi-même /et/ l'er-*
reur , entourée de tous les prestiges sédilisaiis de
l'antiquité^ usurpa souvent les droits de la vérité. .
VernMHûd , village de goo âmes , est le ëhèf-^Iieu
d'un canton de l'arrondissement de Sain t-O^uen tin.
n est placé sur une jpetite éminence, dont le pied
est arrosé, au midi, par l'Aumignon, petite rivière
qui , après un cours marécageux de 4 ^ ^ lieues
Versl'ouett/se jette dans la Somme. Ce village avait,
avant la révolution , un monastère- de Prémontrés' ,
I ,
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 25
qu'on ditj avoir été fondé dans le huitième siècfe (î).
En remontant plus haut^ Yermand aurait eu une
importance plus considérable , mais aurait été dé-
truit de fond eu -comblé par les Vandales vers ^07 ,
et par les Huns en 4^i ; ce qui ferait remonter son
existence jusqu'à l'époque des invasions romaines ,
sans prétendre pour cela juger le grand procès en sa
faveur; mais, le fait sur lequel, je pense ,^ on ne doit
élever aucun doute, c'est l'importance de Vermand
dans'des temps postérieurs,si l'on considère les restes
de constructions très^anciennes qu'on retrouve 'dans
cette commune à plus ou moins de profondeur, le
nombre de ihédailles ou monnaies de difTérens âges
qui s'y rencontrent journellement dans les fouilles ou
dans la tulture des jardins, et sur lesquelles je revien-
drai plus tard; enfin, si l'on consulte le nom même de-
Fermandy celui de Champ de la trésorerie^ conservé
à un terrain au centre du villaffe, etc. Un historien de
SainiPQuenïin a donc eu tort d'avaacer, page 6 de
son livre (2), qu'on ne trouve à Vermand aucun mo-
nument ni vestige considérable d'une ancienne ville.
Les chaussées anciennes qui y aboutissent , ou y
passent, nonobstant l'assertion contraire du même
auteur, page 5i , sont encore d'un grand poids en
faveur de mon opinion. Au reste, quelles. qti*aient été
(1) Description topographique et statistique de la France ,
par MM. J. Peuchet, et C. G. Chanlaire, 1808.
(2) La défense des principales prérogatives de ta TÎllt et de
''^glt|»iojaledeSalnt-Quentiii; 167 u
â4 MEMOIRES ^ LA iOCXiti R01f4L£
Fprigine et rimpop^taace aqciei;i^ne 4^ ce I^qu^ 4 ^
aujourd'hui duo grand iutérét par les travaux luuili-^
taires qui y furent exécutés^ et qui 3*y sont si bien
conservés jusqu'à nos jours.
Je ne renverrai points pour la descriptipn du canûip
deVermand^ à celle qu'en opt faite Içs auteurs de
\dL D^cription topographique et statistique dç, lq>
France. Elle est si inexacte qu'ils ne l'ont) sa|n;stdout6>
pas visité eux-ménies, et qi;i'ib se^nbleat s'ep êtpe
rapportés à un voyageur qui n'aura vu Vermajnd
qu'w passant sur la route de Péronne*
Ce qui forme le camp était;il uo simple poste, i^*
litaire destiné au campement de la légiop romaine
chargée de couvrir le pay3 des Veromandui^ comme
semblent l'indiquer les dénominations do» Castra n-
rimandis^ castrum i^irmandensey donnée par quelques
auteurs à la' position- de Vermand ; ou bi^n les ou-
vrages dont je vais parler éta.ient-ils, non pa% une
«impie fortification de campagne, mais reiawçeinte
fortifiée et stable d'une place de guerre pormanente,
d'une ville importante , çonune sembfe l'indiquer la
hauteur des remparts? Je laisse cette question à^ér
cider à de plus instruits que moi sur l'histoire an-
cienne du.Vermandois, et sur le système milijaire
adopté par les Romains pour la conquête et la con^
servation de cette province de leur vaste empire.
Je me borne à décrire le monument de Vermand.
L'enceinte du camp est une eUipsea?§ez régulière
dont le grand diamètre est d'envir^n^5,oo,JWèfrf5s> et
le petit de 55 o. Il paraît ^yi^etif q^'^te.Oâ«a|«w<^
-j
m aMQtîcnW dont 00 aura ^(Hilil praitâr paur don-
ner au camp plu9 d'aYftaiage ; et e^es% sans doute ' ce
aaontkiil^. qijL faiiî donner aujourd'Jbui à ce plateau
le nom 4e Motie^ de Vermi^nd. La partie C> D, E^F
{planche myeat jd^fe^iie.par uoisiAiple t^ud de
i5 à i)Q 9»^m (^^ à ^ pi^dfi) 4e iaùtçiir ^ fo»t
^o^jrpjé, et de^iija d'iLôBdi^e ^ c^r il a plua de 4^ dc^
gif4s^, ^-Tf}jes^ àeXU>xm>^^ çt sa; forme, régiilièii^er
mfot idirciil^sM^, nt^X çoordpnQée im toMe d^ rel%ie.
Le ^koà Bt, (^ ^|piais[sé. et ^^hadiMeji dai>a Tespiiee
]^ 1^, popt jr éta}>lii> sai^il^tiÇ; 1^ h^italionS et
le^}a^dm$wi|ifi^On 7^ Toit, cm bi^n pçu^éj^ç^ ]^ QOùrs
li^écageui; 4e. VA^M^^oa fi^.a^u^fiîsitpoui? mettre
le csufip à Kabri d'ime sm^^riHft ,; ajapar-l-il feil n^ir
ger dav^t^^ fette partie^ de renceûite et da mon-
tîcijijie?
Le pl4t9ai}4Q c^Ue éaweftcô«a uoeioctinaûefnTets
Touest r.çi9b4^e s^ens^ible^daps le^ pi^ofil^ {fdamha, III);
je;or4;^is méioer q.i|e cjBilt^ pent^i f«5< plus^ forte qéé j^
ne Tai indicjué.PoiQ^ ayoif 4iQ#A daoa oeltb partie
F, Grr H on, escarpement 4^; n^rqe (hauteur <pie dans
<iç^eCy^^,JË^, Qx^ y ^^^ ^levé lj$ remf^rt dpat k
t^ud;;^irè&-rapid9, mfa Sjejtnl^lé ne ai écarter quev'de
Sç^djçgres; ej^T4raP>de la veiilkaji?^, ce q^i san^doé^
lui fait fjoi^qor 4^t^s\ h pay^ le: japiP^ dte /7»wv; ;.; on^dSIt;
ep, parlant, 49 ce rempart, les ^uf)s 4e Ve^rnwm^.
On en voit |es.profil$î en P, %• 1 et % Ce ren^paiE* â, •
Qpm;me r^iîç^p^ ^, eniFiroa< iSk iStmàtrea 4eifc»u-
\^yg. I^p£)is9p0f: qu'il forme à l'égard de. Fi^térîeur
4wppi«;ilo t^rneTi^ileici où k sol du momieub de 5
\
1
20 MtvdiBss M Lk soairà rotale
à 6 mètres. La cféte.dece parapet a 2 m6te«s5c
millimètres ( 7 à 8 pieds ) de large •
Cette encdnle ne présente dans son contour m
saillant ni rentrant ;• mais une forme vcompléteiùent
elliptique. Il faut observer ici cependant qu'an
point F, le rempatt, après avoir achevé Péllipse ^
Ven écarte tout-à-coup pour prendre > vers le sud •,
nne direction F^ I, à peu près parallèle au chemin
de Pérônne, comme sice point 'eût été jadisrentrée
ou une des entrées du camp. Cette observation ne
niérite-t-elle pas quelque attention^ quand on consi-
dère que c'est du nord que les BomaiAs* avaient à
craindre les incursions ennemies, et que le pays au
sud, en deçà du camp, leur appartenait? Si ce point
F était en effet une entrée du camp, j'y trouverais en-
core une sorte de preuve qu'une partie du chemin de
Péronne, entre le bois d'Holnoti et Marteville,. pour-
rait avoir appartenu à une voie romaine qui se
dirigeait vers le camp. Je reviendrai sur cet objet,
en parlant des chaussées romaines. •
La partie du rempart F,I va toujours s'abaîssant
de F en I , et en diminuant d'épaisseur au point de
n'$voir à l'extrémité I que 4 à 5 mètres ( r2 à i5
pieds) de hauteur, sur i"',5o environ à la crête.
•Cette partie, ainsi que le point F, ont été dégrades
pourên extraire des marnes ety pratiquer un. pas-
sage pom* les deux rampes modernes M, N.
.Au point H, le rempart s'abaisse oncore ainsi* que
l'escarpement oriental au point C ; ^ se trouve aussi
une entrée de l'enceinte. Celle-ci a-t*elle été étabKe
MB ANnQUAt&lK DBFllADrca. 37
lors. Je la formatioa du camp ? loi est-«Ue pos-
térieure ?••• C'est ce qu'il est difficile ide décider ai^*
joiiErd'hui ; mais il faut remaixjuer ici que le chemin
0^ considéré dans le pays comme cA^i^^^ee Brû--
nehault .oxi^ommne y fort dégradée et méconnais-
sable sur ce point /fait en efFet ^partie de la diiiec*
tionde la chauâ^ée ancienne qui de Bavay aboutis-
sail:0.u passait à Vermand^et dont je pa^leraià l'article
des voies romaines. < , -^ y '
/Quoiqu'il paraisse que ni l'usage ni les règles delà
castramétaticm chez les Romains ne les obligeassent
à. aucune formé partîmlièpe pour les eamps^ cepen*
dant Poljbe nous, apprend qu'ils adoptaient souvent
1^ fprmes triangulaires ou ovale$ qui se rappro*-
cbaient filors delà forme ronde adoptée par les Grecs
(RûUêb), Cela posé ^ le camp de Vermand ^ par sa
seule &rmejeliiptique^ attesterait son origine > si l'on
pensait^evoir encore en douter; mais on trouverait
aussi dans cette forme régulière la presque certi^
tude que l'enceinte retranchée de Vermand n'a d4
être y à cette époque du mcûns , qu'un simple campe-
ment^ qu'une position militaire etna«i une place ou
ville, fortifiée dont l'enceinte est obligée de suivre
à peu près toutes les irrégularités.
Les reliefs du camp ne sont pas les seules parties
cons^rées; les^essés même sont encore très-visib|es,^
comme rindiquent les profils des ouvrages {planche
III) pris dans la direction du grand diamètre A^ B
du plan. Ces fosiés ont fourni les terres nécessaires
à l'élit vation du rempart P> peut-être aussiàl'ex^
f 8 uÉmonas xm ik Maàrà lof me
haii6semeHt«de Tescarpa 6^ et eofiii^ k déiemeéti
eamp.De R à I je h^ai plôs retrouvé la trace an tût^él
loab d'est aussi partie de Fen ceinte oà le tadod eâC fal
plas<tfi^a/i99 et il est présui|iab}e 4^e les ddlilaisatRroÀt
comblé le fossé, si t(iutelbil?> contre mon obser^atiiofi
précédente , il y eât des travaux de^ fait; de ce cèté.^
Je n^ai trooTé ki m trace de cbcrmin cotit^rt ni
apparence de glacis* La qualité des tetres, ieatra«
vaux fréquens de la culture sur le boa tarrain qiii
abcKotit au fossé > auront fait dispaxahre -ce glacis,
^il a existé. Le fossé lui*«iiejBaté a dû perdre beau-'
coup de sa profondeur /si Toi» coaisidère la banteut
que cooserve encore aujourd'bui le rmpaèt >P«|
pour lequel il éi fallu beaucoup dé terrasses. Foifit
de berme dans l'escarpe du rempart comme au
eamp du YJeux-Laon ^ et c'est uo# rèmarqoe^ qui
9 peut-être droit de surprendre , quand on faiti at*
^ntiop au peu de talud du irempart qui pouvais
dOinnei>tieu à son écroolement dans le fossé ^ et ià iâ
grânde bauteuv qui a dû en rendre Féiévatiop di^
£eib sans le secours d'un rélaîs« Ce «relais^ a j^u
^b^em aurplus supprimé postértencensent^ et lors<»
que les terres qui composent -le irempart se seront
trouvées tassées et. consolidéest ; î , .
La. parl^ M ^ N ^ F > I du rempart » cotivertep dlun
^az^^ conâervaleiir> était exjtoaéé à dbs dégradations
journalières 9 qui awpËuent fini piar la détrutzB^^ddts
bdbitapa qui oïlJj ^bU leur deineure vien.T^^ an
pie4 mêo^e ^iiù r^ntp4^rt> y mt AwaI dé|à faiïplw
d^ ravag(K qu'il n'en a éprouvé do min^ oiidi9:^hiiit
$êmktA€fa%9r9iS i^éeovîkié, et le Menâçâiëtil d'cftte
destraction piioeb«aiec Le^Mi^ i^«{^affeiit sa basé ,
d'antres exï déinibaient lesf tàlvtSà et la crête ^ et sans
graïutaifiantagéy l^s tepms^e^ marâenée^ qbi compô^
sent cet imvpa^:^ étant peu propres à ht culture. Ce
YjiidiaUsnie nr'aAredt donc eu d'autre résultat cjuë
la chute d^uii nnotaiiâéM ^espefélable pdi^ i^a ban te
aotiquifté, et qai e^t uâ des pliM entier» et des plos
intéressant à& la'{^|idSatide roinàine daols le nord de
la FVanee. Mais M. té iifiarqnis de Nicolai , préfet
du dqpartemeM y a bien vGtàa , sHt mon inritatîon ,
doDûer deS ordi'es pour aerréter toute entrepi^ise
contire oe monument et toM ceux que nous possé^
dons*
VOIES ou CHAUSSÉES.
*
Notre dépaifteWrenÉ est traversé pai* cinq voies
romaines ou réputées romaines, qu'on désigne , de
teoËps imlnémorial^usles noms de chaussées ùxtôhe-
nàns 4^s A&ntams, chemin Romeret, chaussées ÉrUr
nehdult.le diseinq vdies, parte qu'elfes me parais-
sent a^irdesdirectioris diSPértiites et particulières .
Beuxde ces tôies ^ partant de Rheims (Durocor-
tùnun } , enfkent dans le d^épartement par le sud*
est; une aiitre se dirige de Soissons sur Saint-Quen*
tin ; une autre, venant de Bavày (Bagacum), passé à
Vermànd, et se dirigé de là sur Amiens; enfin , la
dâqnJëèiHé qtie j'ai bien reconnue depuis le camp dit
d$ Césér ou dé Saint-* jthomaif jusqu'à Sàint-Quen-
1
30 HBMOntXS P% tA SOCIBTi I^T4LE
tin, mais doat je crois bien a¥<nr encore retrovré
des traces jusqu'au camp de Yermand.
Des deux chaussées Tenant de Rhéims^ 1 une éon*
duisaît à Bayaj> , ville jadis importante sans doute,
puisqu'elle est centre de'sept de ces anciennes chaus-
sées dont le point de divergence était encore indiqué
il y a une quarantaine d'années, et peutrétre encore
aujourd'hui, sur la place de cet^ ville par une piérré
bleue eptagone. Cette voie, que je n'ai point visitée,
passait par Neufchâtél et Vervins ( Verbmwn)^
L'autre voie venant de Rheims , que je ne connais
pas non plus, passe près de Fismes, à Braine , Sois*
sons, Vie-sur- Aisne, et se dirige de là sur Noyon et
Amiens. On dit qu'elle faisait partie d'une route
qui allait de Lyon à Boulogne-sur-mer, et qui, d'a-
près les témoignages de Strabon, fut construite,
par ordre d'Auguste, en continuation de l'une de celles
qui , de Rome , conduisaient dans les Gaules. '
La chaussée de Spissons ( Augusta^Suessionum)
à Saint-Quentin {Augusta-J^eromanduorum) sem-
ble n'avoir été que pour la communicatioQ de ces
deux villes, qui, du temps, des Romains, /avaitsnt
déjà beaucoup d'importance , puisqu'ils avaient une
fabrique, d'armes à Soissons, et qu'au rapport d'An-
tonio, cette ville était la garnison ordinaire de la itlC
Légion. Cette voie,décrite dans l'Itinéraire d'Anjonin,
passe à Pont-Saint-Mard , à Folembray , se dirige de
là vers Rouy , qu'elle laisse à droite, ejn passant près
de la butte dont j'ai parlé. Elle descend la vgUée de
B«fi AWTlQUAlREa DE FRANCK. ^ OJ
• «
rOi^ 9 où elle est encore visible ^n places , malgré
le^ ejQPets des inondations qui TQnt beaucoup abaissée,
et arrive à Condren. Condren, aujourd'hui chétif vil-
lage sur le bord de l'Oise, à une lieue au«<lessus de
Ghaunj, ne peut cepeiidant être passé sous silence.
Les historiens s'accordent à la , regarder comme le
Contaginum ou Çontraginum des Anciens , ville
célèbre ,disent«>ils, et qui, avec Ghaunj, ne formait
qu'une seule et même cité»
Dom Lelong, dans son Histoire des diocèses de
Laoq ^ etc. , prétend qu'on i^oit encore à Gondren
les vestiges du pont qui devait y exister sur l'Oise.
Oa n'y voit néanmoins rien de semblable, et le gué
qui existe dans la rivière à Gondren ne peut étw
regardé, suivant l'opinion de quelques-^uns, comme
les restes, do ce pont, attendu qu'il est beaucoup au-
dessous du point oiji arrive la chaussée. Ge gué ,
d'ailleurs , formé par des grèves, change de place
tous les ans, par le mouvement des grosses eaux. 1)1
a dû cependant exister un pont dans cette vallée; mais
comme les habitans m'ont assuré n'avoir jamais
rien senti de solide au fond de la rivière, il est à
présumer que, le sol de la vallée et le fond de la ri-
vière s^étant exhaussés, les culées et fondations du
pont sont aujourd'hui à une grande profondeur..
Si Gondren a été jadis une ville considérable, cé-
lèbre même , comme on le prétend , il devrait y
exister des restes de constructions ; on devrait y
trouver des médailles , monnaies ou autres objets
d'art. Je sais seulement , pa^r les rapports des habi*-
uni , que touWs lë» fois qu'on y tfuvrfe hterte pùixv
des jptiit^; èaves ou fonààtiûDS; ou j rencontre en
effet de^ restes dé constractiotaà qui paraissent fOrt
' aftcieohes; mais il faudrait qu'aiors dei personnes
instruites oii intelligedtes fusseht appelées^ èi il Se-
rait à désirer que lé conseil général du département
votât Une sorfime pour faire quelques recherches
à Coùdren' et sur d'autres qui offriraient saiis
doute des résultats intéressàns. Cest une niésùre
prisé par plusieurs conseils généraux eu laveur de
l'histoire dé leurs pays et des arts. Je Fétfvbîe, à èetté
occasion, à la lettre que j'ai eu Fhonneur d'adresser,
le 1 a octobre , 1 8 1 g , à M. le préfet de l'Aisne.'
i)és dégradations occasionnées par là rivière k
Coridreti ont mis à découvert des restes de côûsiruc-
tiôns eu ^ès très-solides qui paraissent se prolonger
sous utié éminence qui , dé temps ^immémorial ,
porte dans le village lé nom êi ancien Couvent de
Sainte-Croix. Ce couvent n'aurait-îl pas été céliii de
Croisés que doin Lelong dit avoir été fondé àCoudréii
en iaSa, et transféré à Chauny en 1286.
La Croix S aint-Momble, un antveàeà lieox dits dé
celte commune , porte le nom d*un saint révéré au-
jourd'hui , et depuis des siècles , comme patron à
Chauny 9 que dés antiquaires regardent comme ayant
fai^ autrefois partie cle la ville de Contraginum.
Ées monumens du moyén-âge, en constatant l'im-
portance des lieux à des époques plus rapprochées
de nous , ne sont-ils pas quelquefois dés indices
d'une importance précédente é( plus reculée ?
DES AltïIQUAIlUM SB FRANCE. 35
la chaossée-de Condren passe à Vouel , à 45o mè-
tres de la butte dont j'ai parlé ; de là à Liez, qa'eUe
laisse un peu à diroite , et où elle est coupée par le
canal. Elle prend ensuite sa direction entre Remigny
et Montécourt, où se trouve encore une butte ainsi
qu'à Qastre , et de là sur le Grand-Essigtjj.
Les différentes directions que prend cette voie
en entrant et sortant de ce dernier village m'ont
para mériter attention. J'ai rendu cette disposition
dans la (%. 8 planche I).' Si la voie avait suivi sa
airection A , B, eUé ne passertit pas aujourd'hui dans
le village. On voit que cette direction a été brisée
enC, sous, un angle d'environ 45 degrés, pourenpar-
courirune nouveUe de i3oo mètres de C enD, et re-
prendre ensuite une direction à peu près parallèle à la
première. Note* qa'aucua obstacle naturel, ni marais,
mrivière, ni montagne, n'obligeaient à ce détour!
Cette disposition , qute nous donnons quelquefois
à nos routes, lorsque les villes ou villages qu'elles
rencontrent en valent la peine, n'indiqnerait-dlle pas
que le Grand-Essigny occupe aujoard'huil'emplace-
meat d'une cité importante qu'on aura voulu traver-
ser parla voie? J'ai parcouru ce village, je n'y ai
vu aucun monument contemporain de cette voie ;
mais oif y trouve quelques parties de vieilles cons^
tractions du moyen âge qui semblent être les restes
d'un château et d'une porte, de ville qui pourraient
faire supposer peut-être une importance plus an-
cienne, comme je le disais pour Condren (i).
(i) II serafit du moios à propo» d'y faire des fouille»
IV. -g ^
N
34 MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
La chaussée^ en quittant le Grabd-Essignj^ se di-
ur Saint- Queutih ; mais disparait aux envi«
rons de cette ville\êï*s Saint-Ladre.
La voie romaine qui vient de Bavlay sur Vermand
passe dans les bois de Beaurevoir à Estirées^ de là
près de Nauroy , de Pontru où se trouve une butte ,
et arrive, sur Tenceinle même du camp, verà le point
C (planché III). Y entrait-elle jadis? c*est ce qu'il
est impossible de savoir aujourd'hui. De Vermand ,
la vwie se dirige sur Amiens par Estrées, Mons-en-
Chaussée , Brie , etc. Je ne la connais ni au-dessus
ni àu--dessous de Vermand « où elle est dégradée ad
point qu'on a beaucoup de peine à la reconnattre.
La cinquième chaussée romaine, que f ai parcourue
depuis Te camp romain près de Saint-Thomas jusqu'à
Saint-Quentin, part vraisemblablement de Rheims^
comme les deux premières dont j'ai parlé, soit di-
rectement, soit par embranchement de celle de
Rheims à Bâvay par Neufchâtel et Ver vins ; mais
Je ne la connais pas au-dessus du camp. Elle passait
à une centaine de ntiètres eu avant du front de ce
camp , dans une direction à peu près parattèle y
conimie je l'ai dit précédemment : oïi n^en voit que
de très-légers vestiges. La chaussée a di^arû depuis
le camp jusqu'à la route moderne de Laon à Rheims ,
où on la retrouve au lieu dit la Fasse igrisarde. Elle
fait avec ladite route un angle d'environ 45 degrés
en se dirigeant vers le moulin de Fêtieux et Veslud.
Là, elle descend dans la plaine où elle est coupée de
nouveau par la route de Rheims i elle se ooiltiiiu^B à
M9 ANTIQUAIRE» M nàHCt. 3^
traters Âtbies^tle marais qm leséparé àû Çhambrj»
«t pu elle dîspûraEik dmi» Va^tûe<,]ie plus lf9is, da
deux cetits mètres entir^s*
Cette Toie est assez blea ëoiiâervée àé Gkasûbtj
jusqu'au marais dé ^roûtM qu'elle, trayers^il $a
écbarpe, et oit rou ue Vaficarçeit plus ; m&b 4ië^ e&
retroure encore la foodatioft dans les .exploita|isMDs
de tourbes que l'on extrait de q^ maraisw Âu-dei4dtu
màrms^ la voie reparaît* Elle f raV^rde ude émiaeiaoe
que^ oon^leur usage , les^Ronlainà paraissent avoû
tranché eux - mém^s pour adoucir sans doute les
pentes > et qui se nomme le Mont-fendUk t)e ce poiut
elle se porte à la Setrre eiHt4. A^y et Remjt. Tout ce
trajet depiâs Yeslud est uae %ne pi^esque <koite«^
Le point où la voie trayersjait 1$ S^rre) a. atdtré toute
mou attèntioxk.Lès Hodiains ^^ioBlr-il^ ^ur ces i^outes
Hiililaires > 9iœ gièilitw^s, et pèut-^re ro^e de car-,
COQ$tance>deâ ponts de piefre&^.ou des ponts de bois,
ou de sâmplés r'adeaUJc ob ba^> comme ç^Ujs; dont cous
âdboiia encore Usage? ^'ejstitf^jç question que .je désirais
pouvoir éclâirck po^r Ce poinjl^ La Sarre était basse,
pcpus dtecôtdt^ dans.M>P lit> et voir facilement qu il
exisfiaît daiis le fond , et sous les deux rives , des fon-
4alions ^ maçfônneiies conaidérables qui pourraient
fort bie^ être les i^estes d'un pont des Romains^ Je
Savais cependant q^i'il avait existé là up moulin il j a
une quarantaine d'aufiées ;.iti^S| loin que ce faitaffai-
Uisse ma présomption^ rétab)issen>eât de ce moulin
sur le point même où la voie traversait La Serre »
{i^^^Sy planche I)j ne seràit-ilpàs^ne sorte depjreuyç
3^
56 uiUOlhU DE lA SOCIÉTÉ AOTAUS
eDsafaveur?n'aQraiM>o pas reconnu lesrestesdu pont
aVànt rétablissement du moulin^ et nVt*onpas voplu
en profiter pour en diminuer les dépenses toujours
trèsh'grandes^ surtout dans la Serre , rivière assez ra-
pide , rarement basse et sujette à de grands dél^or-
démens? Les restes de maçonneries^ qui servent aux
eaux -basses de passage à gué aux habitans des deux
rives, sont assez considérables pour douter d'ailleurs
si elles auraient été établies pour une petite usine qui
n'a pi) se soutenir. Il a aussi existé sur ce .point un
corps -de -garde des douanes dont la Serre formait
une arrière-ligne,
La voie est encore visible par place au- delà et dan»
la prairie; elle disparait aux* approches de la petite
rivière du Pérou ^ et se fait ensuite remarquer de nou-
veau jusque sur la montagne de Gatillon-du-Temple
par des traces d'empierreméns et de cailloutis très-
sensibles.. Un bâtiment de la ferme de M. Blin est
assis sur la voie même qui de là se dirige en assez
droite ligne sur Surfontaine et Serj. Gependaat elle
a entièrement disparu dans la petite Vallée qui sé-
pare Fay-le-Noyé de Surfontaine> par re£Pet des eaux
de ravins qui Tinondejit dans la mauvaise saison.
La voie très-visible encore jusqu'à looo à 1200
mètres au nord de Surfontaine a été ensuite défrichée
jusqu'au-dessus de la vallée de l'Oise > et ne se fait
plus remarquer que par la quantité de pierres et de
cailloux répandus sur les terres , et ne doivent jpas les
rendre très-productives. Ainsi dispàraissentsqr beau-
coup dfi points > par l'effet d'une cupidité mal enten*;;
DES ANTIQUAIRES DE FEASTCS: 5'J
èûe , des monumeos que dix-duit siècles avaient
respectés. . . .
Quoique ce que nous voyons encore des chemiiis
romains fasse croire qu'ils négligeaient les débla» et
remblais pour adoucir les pentes , il faut c^penda&t
qu'ils les aient employés quelquefois ou qu'ils aient
du moins donné à leurs routes des contours pour les '
rendre plus faciles. La voie g ^ a^ (fig. 6, planche 1),
qui n'est presque plus sensible au point a, n'edt pu
descendre en droite ligne dans la prairie au point C|
où la côte est très-rapide et où Ton ne voit point
d'ailleurs qu'il ait été fait aucun déblais pour l'adou*
cir. U est à croire qu'on lui aura donné , pour re-
prendre sa direction b, e^ le contour a^ c, b, à tra-
vers une très- vaste tranchée d> f, qui parait de main
d'honune et fort ancienne. La même voie fait un
semblable contour à Gatillûn-^sur-^Oise et vraisem^
blement à Veslud.
Sur le petit plateau qui se trouve entre le village
de Sery et la voie romaine^ et dans fintérieur même
du contour a, c , b, on trouve y en fouillant à moins
d'un mètre de profondeur, des. tombeaux de pierre,
où sont encore des ossemens. ICies tombeaux d'uiii
mètre 66 centimètres à 2 jnètres de longueur » sur
5o centimètres de profondeur et 10 centimètres di'é-
paisseur^ sont de pierre semblable à «celle des car^
rières de Saint«Nicola6*aux-Bois , près Saint^j-obain y
et des bancs, appelés/^li^eisu^n? et œquiller ; c*es% de
ce dernier que sont faites les dalles qui couvrent ce»
tombeaux. H en est qui renfermaient des-, espèces
r
38 MiMOius DE tk aociyri eoyaie
ie lames à^épée, de sabre ou de lance et ( me di-
saient les gens du pays) des pots de fer, qui sem-
blent bien deyoir étefe des casques. On m'a assuré
n'aToir jamais trouvé sur ces tombes et dans Tinté-
rieur m inseriptiou, niméflaille, ni monnaie qui puisse
jeter quelques himi^res sur rq>oque et le^ circons-
tances ^e 'ces inhumations. On croit dans le pays
quHl existait là un couvent de Templiers , peut-être
lioe léproserie o|l maladerie que f on plaçait toujours
aur âe^ lieux élevés«
IRi^n ne prouve, au surplus, que ces tombeaux re-
montent àîu temps des Romains. Je n'en parle qu'en
passant, et je me bornerai à dire qu'il fut un temps,
sans doute , où les tombeaux ^u cercueils de pierres
( car ceux'-ci en ont toute la forme ) étaient générar-
leinent en usage dans ce pays, puisqu'on en a trouvé
etqu^on en trouve encore de semblables à Martévîlle,
prèsYermand, à Mouy près de la butte, à Saint-Gobam
sous ia forêt, à Presles-Thiemy près Laon, et à Laon.
Je re^nens à la chaussée romaine* Du pied de la
côte de Sery, elle se porte en droite ligne sur Ca-
éllon-Pise , à travers la vallée où eHe est^énérale-
nent apparente autant par sa largeur que par un
eiâiaussement sensible au«dessus de la prairie- Elle
a ^1 ici deux bras de l'Oise à traverser ; mais je n'ai
pu rien recueillir sur les ponts qui ont pu être étaHis
pour cette voie. Ëlles'éEeve sur le coteau à Gatillon^
et se dirige ensçite sur Saint-4Qqentin : }e ne l'ai point
^viatée-daot ce4erniertsajet.
fii y a tout lieu de oroire , ce me semble^ que la
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. ÙQ
chaussée dont nous nous occupons ne se terminait
point à Saint-Quéntin, et qu'elle se continuait jusqu'au
camp de Vermand, quoique personne que je sache
n'en ait jamais parlé. Comment penser, en effet , si
cette ville est véritablement Vjiugusta P^eroman-
duorurriy qu'il n'ait existé aucune communication di-
recte entre celte capitale importante et le campe-
ment des légions destinées , dit-on , à la couvrir et à
la protéger. Mais, très - vraisemblablement , cette
communication a existé; et, pour le prouver, je
renverrai à la partie du chemin de Saint-Quentin à
Péronne, depuis le bois dllolnon jusque p^ès de
Marteville j on est forcé d'y reconnaître tous les ca-
ractères d'une chaussée romaine : même (exhausse-
ment au-dessus de la plaine, même composition,
même nature de matériaux formant un empierrement
beaucoup plus épais et plus large que celui qui est
pratiqué pour nos routes actuelles ; ce qui fait un des
caractères distinctifs des chaussées romaines.
L'existence de cette chaussée et l'espèce d'entrée
que j'ai fait remarquer en F, I {^planche III) y au
camp de Vermand, se.niblent alors se prouver réci-
proquement.
On m'a dit qu'il j avait encore une chaussée ro-
maine au-delà de Soissons, qui serait traversée par
la route de cette ville à Château-Thierry, à une demi-
lieue d'Artane. Cette voie passerait très-près de la
butte dont j'ai parlé „ mais ne convergerait pas vers
Soissonsj elle serait là sixième voie qui traverserait
notre département : je ne la connais point.
!
4o MÉMOIRES DV^LA SOClixÉ ROYAIX
Après avoir considéré les voies romaines de notre !
département sous le rapport de leur direction, si i
nous les examinons sous celui de leurs points de con- ,
vergence, nous verrons que Soissons et Saint-Quentin
étaient, Tun et Tautre , centre d'au moins trois grapdes
routes connues aujourd'hui ; ce qui justifierait l'im-
portance qu'on leur accorde sous l'empire romain ,
et leur titre ^Augunta , qui, vraisemblablement, in-
dique des villes qui jouissaient de privilèges parti-
culiers.
Vermand se trouverait aussi centre de trois cbaus-
sées; mais, quand même on aurait raison de lui re*
fuser le titre diAugusta , ce que j'ai dit de ce lieu ,
et les routes qui y aboutissent , attestent assez , ce
me semble , son importance ancienne , du moins
sous le rapport militaire*
Il ne faut pas croire que toutes ces chaussées soient
également conservées dans toute leur étendue. Elles
sont détruites ou cultivées dans des espaces d'un
quart de lieue et au-dessous, d'une demi -lieue et
plus. Dans les vallées , les eaux les ont emportées
partiellement, ou recouvertes d'attérissement, comme
dans celle de la Serre et de POise. La voie qui tra-
verse les marais de Barenton, deChambry et d'Athies,
a aussi beaucoup souffert , et s'y trouve recouverte
d'une couche de tourbe, comme dans celui de Baren-
ton. Mais les phjs grands ravages qu'aient éprouvés
ces voies, rie viennent ni des élémens, ni du temps ,
ni même de l'abandon ou de l'oubli dans lesquels
elles sont tombées depuis tant de siècles; ce qui
ras ANTIQUAIRES 4>E FRANCS. 4^
prouve y dans notre climat surtout y leur extrême so*
iidité : c'est la main de Thomme qui leur fait la guerre
la plus destructive. Le laboureur^ sur une infinité de
points, les retourne quand il le peut, tes cultive , soit *
en entier, soit en restreignant la largeur réduite
généralement aujourd'hui à 1 6 à 1 7 mètres (5o pieds),
ao lieu de a5 à a5 mètres qu'elles ont dû avoir dans
Forigine.
Les communes et les particuliers les exploitent
comme des minières de grès et de cailloux , pour
réparer leurs rues ou leurs chemins vicinaux ; et, mal-
gré ces entreprises , ces enlèvemens de matériaux ,
depuis long-temps continués, ces fameuses chaussées
subsistent encore depuis dix-huit siècles et en verront
encore s'écouler bien d'autres ( nonobstant les petits
eiforts de la cupidité et de Tignorance) , pour attes-
tera puissance et la gloire d'un peuple qui nous a
légué de si grands souvenirs et de si beaux monu-
mens. Je le demande : que deviendraient nos grandes
routes modernes, si elles étaient abandonnées depuis
cent ans,et exposées auxmémes dégradations du temps
et des hommes ? Sans doute on en chercherait vai-
nement les traces aujourd'hui. Je suis loin assurément
d'en accuser le talent de nos ingénieurs : cette supé-
riorité des ouvrages des Romains tient aux grandes
Tues qui les animaient, à la confection ordinaire de
leurs monumens , et aux soins qu'ils y apportaient ;
ib ne connaissaient point les petits calculs de l'éco-
nomie pour les ouvrages qu'il fallait faire durer par
économie. .
4a IIÉMOIBES ÛE LA SOCliTB ROYALE
Trois choses principales « à mon avis, assuraient la
solidité des chaussées^romaines : Tépaisseur de Teiu-
pierrement et cailloulis^sa largeur, et res^haussemenl
de ces chaussées au-dessus du terrain naturel*
Dans toutes les parties les moins dégradées qui
présentent encore une largeur totale de 83 à 26
mètres (70 ky5 pieds ), j'ai toujours trouvé Veia-
pierrement d'un mètre à un mètre 16 centimètres
(3 pieds à 3 pieds 4) d'épaisseur, sur unie largeur d'en-
viron 10 mètres ( 3o pieds) ;, ce sont à peu près les
dimensions reconnues par M. l'ingénieur en chef Lau-
rent de l'Yonne dootresprit d'observalion est connu.
Il fallait sans doute au^Romains beaucoup de solidité
dans leurs routes pour les transports des énormes et
nombreuses machines de guerre que leurs armées,
nous dit RoUin, traînaient toujours à leur suite. On
sent alors quel avantage cette largeur de la i^oie charr
rière et son épaisseur lui donnaient en pareil cas
sur nos étroites et mesquines charrières de cinq
mètres ( 1 5 pieds ) , où i^es voitures passant et repias-
sant continuellement aiLx mêmes places les enfoncent
et les dégradent eiTtrès-^peu de temps.
Les chaussées romaines sont encore aujourd'hui,
sur presque tous les points , relevées , même sur les
hauteurs etlesmontagnes, de o mètre, 65 centimètres
^ un mètre ( ^ à 3 pieds ) , et plus au-dessus du sol /en-
vironnant, ce qui ne contribue pas peu à leur con?
servation. .
La composition de ces rouies est généralepi^Qt 1^^
même dans notre département ; c'est toujours , dans
ïffLS ANTIQUAIRES DE FRANCE. 43
la partie du nord ^ un lit ou fondation de moellons
reiîouvert d'une couche épaisse de grèves ou cail-
loux ^ et ces moellons sont presque partout du^rès>.
et souvent assis sur une première couche de craie ou
marne. M. Laurent dit cependant avoir vu aussi ,
dans quelifues voies , des couche^ alternatives de
moellons et de graviers. Les matériaux étaient tou-
jours ceux du pa^s ; mais les Romains les transpor-
taient souvent à une lieue et plus de leur minière ,,
lorsqu'ils en rencontraient qui ne leur ofFraiei](t
point assez de qualité ^ ou bien ils en faisaient un mé
lange qui ajoutait à la solidité de l'un et de l'autre ^
telle que la marne ou craie , seule pierre de la par-
tie nord du département > avec les cailloux , mélange
que l'on ne manque pas encore défaire aujourd'hui /
lorsque Ton veut avoir des chemins solides* Ils ont
aussi beaucoup employé ^ dans le nord du départe-
ment , des cassures ou morceauxxle grès de la gros-»
seur du poing , seuls ou mêlés de marne , et toujours
recouverts d'une couche épaisse de cailloux ou
grèves, qui abondent dans nos rivières ou dans des
minières. La figure 7 { planche I) présente la coupe
transversale des chaussées.
Dans les montagnes calcaires de la partie du sud ,
les Romains ont apporté queilques différences dans
la confection de leurs routes. La rareté du caillou ,
l'absence des' grès > la difficulté des transports et la
moindre solidité de la pierre calcaire leur ont fait
adopter, pour les petites pierres plates dont est com-
posée la crête de presque toutes nos montagnes, une
44 11ÉM0IRI8 DE Là 80CIBTÉ ROYIU
>
disposition bien simple pour en augmenter sanrS'
doute la solidité ; du moins l'ai-je remarqué sur les
montagnes de Fétieux ^ dans les couches supérieures
de Tempierrement. Il paraît qu'ils rangeaient ces-
pierres de champ un peu inclinées^comme on le voit
dans la figure 9 {planche I). Je présunae qu'ils en
rangeaient ainsi plusieurs assises, en alternant Tincli-
naison des pierres, comme de a en b {même figuré).
Je n'ai encore remarqué cette disposition que sur un
seul point , parce que, sans doute , on ne l'employait
que pour la couche supérieure de la voie, qui, la
première , a subi les ravages du'temps.
Mais c'est dans la traversée des marais et des val*-
lées basses, sujettes aux inondations, que les Ro-
mains ont employé de grands moyens pour la solidité
de leurs chaussées. Dans le marais de Barenton, eptre
Ghambry et Chery , et vraisemblablement dans les
autres marais , ils ont jeté des quartiers de grès
énormes , sur lesquels ils ont fondé leurs voies. Ces
grès, recouverts aujourd'hui de 3o à 5o centimètres
( 1 à 2 pieds) de tourbe ( ce qui est considérable ,^
vu la lenteur de la formation de la tourbe)> sont ar-
rachés, cassés et enlevés de temps en temps parles
habitans du pays, pour leurs constructions.
Dans la vallée de la Serre , et dans celle de l'Oise ,
à Gondren, jusqu'à Vouel , les voies sont aussi fon-
dées sur une base de grès recouverts 'aujourd'hui,
dans la vallée de la Serre et du Pérou, d'un nolètre
ai"*, 35 cent. (3 à 4 pieds); de terre d'alluvion/mais*
ici les masses de grès sont éaormçs. M. Blin , culti-.
DES ANTlQtAIRES Dl FRANCS^ 45
yateur à GatiUon «du-Temple , qui jouit d'une consi-
dération et d'une confiance bien méritées ,,en a , dit-
on, fait extraire, à une quarantaine de pas au nord
du Péron , pour des pavés du château de Richecourt y
qai devaient avoir deux mètres ( 54 pieds ) cubes.
Quelles masses énormes à charger et à transporter
car il n y a point de grès dans ce canton. Mais les
monamens que les Romains nous ont laissés, depuis
Rome jusqu'au fond des Gaules, nous prouvent, par
les masses prodigieuses de granit et autres pierres
qu'ils ont employées dans leurs constructioas , que
rien ne leur résistait. Ces grès auront été tiréa de la
plaine de.Gouvron et Yivâise, où ils abondent.
Ceux qui font la base de la chaussée de Gondren
à Vouel ( vallée de l'Oise ) , sont aussi très -volumi-
neux, et ont pu être tirés de Gommenchon ou de
Glastre. '
MÉDAILLES ou MONNAIES.
Il circule daas le département des monnaies ro-
maines , données et reçues en paiement , et qui doi-
vent , pour la plupart , y avoir été trouvées ; car la
monnaie de cuivre est peu susceptible d'importation
et d'exportation 3 elle sert le plus ordinairement aux
transactions locales et journalières.
Il est constant qu'il sp fait assez souvent dans notre
département des découvertes dé monnaies anciennes
dans les travaux de la culture et dans les diveipses
fouilles 'pour constructions, etc. Op en trouve tous
46 MEHOIBES DE lA «OGIBTÉ KOTALE
les jours dans et hors l'enceinte de Yermatid. On en
a trouvé^ ayec d'autres objets antiques/en grande
quantité , dans des fouilles faites en 1624 et années
suirantes , pour établir les anciennes fortifications
de Saint-Quentin (1). M. de Gajlus prétend qu'on en
a trouvé au camp romain , près de Maurégny ( c'est le
camp du Vieux -Laon ou de Saint -^ Thomas (2).
MM. Peuchet et Chanlaire (o) assurent qu'où a
aussi trouvé plusieurs médailles romaines à Laon ^
position dont ils parlent comme ayant été (av^ec
beaucoup de vraisemblance ) occupée par les Ro-
mains»
Les monnaies Ou médailles trouvées à St.*-Qnentin
à l'époque dont il vient d'être question étaient de
Jules-César , d'Auguste^ de Tibère y de Gcrmanicus^
de Galigula^ de Claude; beaucoup de Néron, de Ves-
pasien, deTite, deDomitien, beaucoup plus encare
de Trajan , d'Adrien , d'Antonin, de Marc-Aurèle ,
de Commode et d'autres empereurs, postérieurs et
du haut -empire (4).
On trouve à Braine, près Soissons, âes médailles
et monnaies romaines. En 1765, M. Jardel^ officier
dbez le Roi y en faisant creuser les fondations d'une
(1) La défense des principales prérogatives de la YtRe <et de
réglise de Saiot-Quentîn ^ 1671, p. 5i.
(2) Aeeherchcs d'antiquités.
(3) Description topographique et statistique de la France.
(Aisne.)
(4) La défense des principales prérogatîyes de la ville et de
l'église royale de Saint-Quentin, p. Sa et 35.
\
DES ANTIQUÀIKES DE FKANGE. 4^
maison^ en a trouvé qui portaient les têtes d'Auguste
cl ^'Agrippa , de Glaudius , de Galba , de Germa-
nicus, de Néron , de Julià^ femme de Septime-Sé-
vère, et une de Maximien. On se rappelle que nous
avons parlé d'une voie romaine passant par Braine
qui paraîtrait alors avoir été au moins un poste ou
une station romaine •
Ce sont précisément des monnaies de la plupart
de ces empereurs que l!on rencontre dans la circu-
lation.
Celles que je possède^ ainsi que M. Brugnon , di-
recteur dé la poste aux lettres à Laf ère, et que nous
avons aussi retirées de la circulation dans le départe-
men£> sont de ^
Gésar-Aogu6te 9 Alezaade-SéTère ,
Tibère-Néron, Maxîmia de Thrace,
Tîb'ère-Glâude , Gordien le plus jeune ,
D(miîtien-Nék*onf Emilîen^
FlaT.-Vesi>asien, Posthume jeune ,
Domitien , Posthutoe aîné , dit Victorin ,
Nerya-Goccius y Flavius^Glaudius ,
Trajan-Ulpius , Aurélien ,
Pub. Alel. Adrien » Pub. Annius Tacitus,
Luc. Gœ. Gommode » Probus ,
Antoninle Pieu, et FaustineDioclétien,
sa femme 9 Gonstantin-le-Grand,
Marc-Aurèle Antonin , Gonstantin-Ie*Jeune »
Lucille, Gonstantius^
Luc. Ael. Aûrel. Commode Decentîus.
et Crispine sa femme.
48 uiMOIESS D£ LA SOGliTÉ ROYàlS
Il y a peu de temps qu'on trouva à Saint-Quentia
une médaille ou monnaie de Néron , en creusant les
fondations d'une maison rue Saint -Jean , et une
autre de Yespasien en fouillant dans une cave de Tan-
cieniie abbaye d'Ue.
M. Vatin-Tronquoj, de Saint -Quentin, qui a une
collection de médailles et monnaies antique^^ est pos-
sesseur d'une petite pièce représentant d'un côté un
guerrier avec ce mot Roma , et sur le revers une
louve allaitant deux enfans surmontés de deux étoiles
avec une espèce de palme entre deux. Cette mé-
daille fut jtrouvée dans le bassin du canal de ladite
ville, lors de rétablissement de ce canal. Il y a deux
mois que M. Yatin, faisant fouiller dans sa maison
pour établir Tescalier d'un cellier, trouva, à :2", 35
cent. (7 pieds) de profondeur, une autre médaille
antique dont je ne connais pas le sujet. Enfin une
monnaie de Trajan a été découverte encore à Saint-
Quentin, en 1818, dans l'emplacement du ren^
part dit Tourha , à la profondeur de 5 mètres ( 1 5
pieds 5 pouces).
■
J'ai de Vermand une monnaie àéCrispine' Auguste
trouvée dans le jardin de la maison U {plan-
che 111)9 plusieurs pièces de Constantin, et beau-
coup d'autres aussi postérieures à ces règnes, trou-
vées dans et Jiors le camp de Vermand.
Des fouilles ont fait découvrir dernièrement à
» • >
Crécy-sur-Serre et à Vervins {J^erbinum ) un grand
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 49
nombre de petiles monnaies de cuivre de la gran-
deur de nos liards. Celles que je mé suis procurées
sont du règne de Constantin que je crois être Cons-
tantin4e*Grand, et de ceux, de ConUantinus junior y
de Flavius Julius Constantinus et Ai Flanus Julius
Crispus , tous deux fils de Gonstantin4e-Grand , et
à'vLXïLiciniusy beau-frère de Constantin. On m'a dit
que ces monnaies qui semblent n'avoir jamais été
mises en circulation dans leur temps, tant elles sont
bien conservées, avaient été trouvées enfermées dans
des vases de terre.
DÉNOMINATIONS, LANGAGE.
n paraîtra peut-être bizarre de présenter des mots
comme des monumensantiques; cependant les noms
de lieux , les dialectes, le langage vulgaire qualifié
de patois, pour n'avoir rien de matériel, n*en sont
pas moins de véritables restes qui, autant que des
ruines, déposent pour l'histoire d'un pays. Ainsi nous
avons, dans nos campagnes, des lieux dits le Champ
de bataille , la Fosse aux jillemands; des noms de
lieux : Follembray près Coucy , les Échelles en
Savoie , etc. etc. , et une infinité d'autres noms ou
mots vulgaires et historiques. Je pourrais encore ci-
ter ici beaucoup de dictons populaires dont le sens,
aussi historique , est assez clair pour ne laisser aucun
doute sur la raison et la valeur de ces expressions
religieusement conservées de siècle en siècle. Elles
sont en quelque sorte Fhistoire du peuple , comme
les proverbes en sont la morale.
XV. 4
5o MÉMOIRES DE LA SOCléli ROYALS
A l'appui de nos antiquités, jetterai :
La dénomination de chemin Romerèt ou Romain ,
indicpiant encore Forigine romaine de nos vieilles
chaussées qui, par leur type commun, paraissent bien
en avoir ui/e c^mune, mais plus reculée qne le
siècle de la reine Brnnehault dont le nom ne parait
leur avoir été généralement donné que parce que
cette princesse passe pour les avoir restaurées ;
Le nom de fontaine des Romains donné à la source
Z, du camp du vieux Laon, indice particulier de
Forigine de ce monument ;
L'étymologie donnée avec asseï de vraisemblance
au nom de Marteville, Martis Filla, village placé à
200 ou 3oo mètres au sud-ouest du campdeVermand,
et où Ton a découvert des tombeaux renfermant les
restes d'hommes de guerre avec armes et armures (1).
Celle de Villa-solis attribuée à la dénomination
Ville-chple ou Ville-sole , hameau situé à la même
distance nord-est de Yermand. Ces étymologies ne
sont pas reléguées dans les livres écrits sur notre
pays, mais elles subsistent aussi chez les habitans
de ces lieux dont l'opinion aura plutôt déterminé
celle des écrivains.
(1) Je me rappelle que M. Panier, religieux de Tabbayt de
Yermand, encore prieur de Castres, près de Saint«-QueDtiD ,
en 1790 et 1791, avait chez lui plusieurs objets curieux, et Ton
m*a assuré qu'il avait conservé un casque et un bout de lance^
trouvés de nos jours dans une des tombes de Marteville. On
pourrait savoir ce que ces objets sont devenus à la mort de ce
i*espectable religieux, qui était ami de M. Dartois de Saint-
Quentin, où il a aussi laissé des parens.
o
MS ANTIQUAIRES M tBANCE* 5l
Qui ne reconnaît pas, dans le nom de yermand,
ou XAugusta Veromanduorum^ ju&qu*à oe que le
procès soit jugé en faveur de Saint-Quentio ^ on le
Castra VirimanâiSy le Castrum Firimanêème tttt îfe
Pagus yermandensis ? Combien devons-fabijs, ce me
semble, nous étonner de la conservation ae ces dé-
nominations qui auraient survépu à sei^e ou dix<-
huit siècles, quand la face des em[»res a tant de fois
changé depuis cette immense pét^odè !
À une lieue et demie de Saint-Quçntin, au $ua-6uest,
SUT la Somme, est situé le village appMé Ca$tir^s^ Ce
village, qui était un prieuré dépendant de Tabbaje
de Vermand, né prendrait-il passonnam de 6lM/\*^èt
ne pourrait-on pas raisonnablement soupçonner tpi'il
fut aussi un lieude campement des ârhlées i^bihàîiiés,
quand on considère surtout la fréquence de leurs
campeméns dont j'ai parlé plus haut?
Enfin, la patois ou langage picard coittprencl tm
grand nombre de mots dont la j^hjsidifiottiié et la
consonnance, encore toutes latines, semblent attester
aussi le long séjour des Romains chez nos ancêtres
qui, comme il arrive ordinaireixient, ont dû prendre
quelque chose de la langue et des habitudes de leurs
vainqueurs. Tels sont les mots dé :
heup pour loup ^ qui semble dériyé de lupus.
Franger^ en Pranger
pour au dîner^ pen- ^
dantrheure(/i«cf//i«r, de prandercj verb.
Allume lie ou lumelle ,
4*
52 MÉMOIRES DE IK SOCIÉTÉ ROYALE
pour le couteau , ou
seulement U lame
du couteau^ qui semble dériré de lamelta^ sub.
Lumer pour éclairer^
Minable^ m minable ^
l'extérieur de celui
dont la santé parait
mauvaise, ou dont la
mise oulesYêtemens
sont déchirés et an-
noncent la misère ,
Proyer pour pàcher^ ce-
lui <iiii fait paître les
^ Taches 9
Sola pour souliers^ san*
dales y
Ondée ^ur pluie j onde.
Pour une mare ou
petite étendue d'eau.
Pleuve pour pluie j
ExepererfimT attendre,
Adjouter pour ajouter.
de luminare yyeth»
de minere j terb.
de produx, sid».
de Boleaf sub.
de unda, sub.
de ptuviaj sub.
de exepectare, yerb.
de adjungerey rerb.
Le langage des is'' et iS'' siècles dans cette partie
de la France nous présente aussi des expressions
qui dénotent une origine toute latine.
Honour arèc une seule n
pour honneur, qui semble dériré de honor^ sub.
Los pour louange , de laue, sub.
Vélicious pour déli^
cieux , de delicioeus , eLdi,
n ne manque qu'un
« dans ce mot*
F'olist pour iwulut, de poluit, rerb.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 53
Je me borne à ces citatioos qui seraient suscep-
tibles d'une grande extension.
•ÉW
MEMOIRE
Sur des antiquités celtiques ou gauloises du départ^menl 4e
la Charente-Inférieure; par H. le baron GiAVDairc die Cra*
zannes , membre de la SocîAé royale des antiquiiirçs de
France.
^EXTRAIT n'vRB LETTRE iCRITB A LA SOGliTJ. )
iJ NB excunsion archéologique que je vieûs d'exé-
cuter dans le dépaigrnientde la Charente^ etlesutiles
indications qui m'ont été données par mon sarantcen-*
frère d'académie^ M. Fleunau de Bellevaey à nM)n
passage à la Rochelle (i ), m'ont fait connaître plu-
sieurs antiquités celtiques dont j'ignorais l'existence
lorsque j^ai fait imprimer mon ouvrage sur les anti-
quités inédites ou nouvellement expliquées de la ville
(i) M. Fleuriau de Bellevue, membre de la chambre des
députés^ a eu la bonté de me communiquer un Mémoire
maouscrît sur les monumens antiques de TAuniS; lu à l'aca-
démie de la Rochelle il y a quelques années : j'y al puisé des
'«nieiguemens utiles.
54 M£JfOIR£$ b£ LÀ SOCIÉTÉ ROYALE
de Saintes et du département de la Charente - Infé-
rieure (i). Jen*y ai fait mention que de quatre pierres
levées ou dolmens , et il s'en trouve aujourd'hui seize
à ma connaissance dans ce département. M. Bouri-
gnon (2), qui écrivait au moment de la révolution ,
n'en cite que deux çjans la ci-devîtnt province de
Saintonge.
Je n-afonlerai rien ici à ce que j'ai dit dans Tou-
vragé'ieû question sur la pierre levée de Givrac, com-
mune de Geay, près de Saintes. J'en ai donné les
dimensions (3), et j'ai rapporté les traditions et les
croyances populaires qui s'y rattachent . MM. de la
Sauvagère (4) et Bourignon avaient déjà parlé avant
moi de ce. mpaument. Moo, ami , {eu M. Millin^ l'a
aussi signalé dans son Voyage dans les départemens
du midi.
Je parlerai de^çuveau et avec plus, de détail de
la pierre levée de la Jarne^ pHft de la. Rochelle^
l'ayant visitée et examinée av4G une nouvelle atten-
tion dans la tournée que je viens de faire.
Le père Arcère, datis son Histoire de la Rochelle(5)
(1) l&itok. m<-4\ Paris» iSaoi Gbes^ Hebuse^ Treultel et
(2) Recherches sur les antiquités celtiques et romaiDes de
là proyince, de Saintonge ^ un vol. in-4''.
r5) x3 pieds, non de circonférence^ comme Ta écrit Bouri-
gnoQ^ mais de diamètre.
(4^ .Antiquités dans les Gaules. — Kçchçrhçs sur les ruines
romaines de Saintes et des environs , un vol. in-4''.
(5) Deux vol. in-4% T. I, pag. 3179.
DES ANTIQUAIRES DE FRAiîfCE. 55
est, je pense , le premier écrivain qui en dise quel*
quechose. 11 pensait, d'après l'opinion de son temps,
que c'étaitun tombeau , et peut-être celui de quelque
chef de ces Wisigoths qui se dispersèrent dans ces
contrées , après leur défaite et celle d'Alaric leurroi,
par Glovis, dans les plaines de Poitiers. Je ne m'atta-
cherai pas à relever ici ce qu'il y a d'erroné dans
cette conjecture. Ces sortes de monumens étaient
moins bien observés et connus , à l'époque oùM. Ar-
cère écrivait, que de nos jours ; et Ton se trompait
égaleraient sur leur origine et sur leur destination.
Témoin les méprises de M. de la Sauvagère, touchant
les fameuses pierres de Carnac.
Le dolmen de la Jarne est placé sur une éminence
d'où la vue s'étend au loin ; il est de médiocre gran-
deur. Sa table, quia 2 mètres 599 de longueur, était,
dans le principe, soutenue par quatre pierres ou pi-
liers sur dpux rangées parallèles ; elle ne l'est plus
que par trois, encore le troisième qui supporte seul
la' table à une de ses extrémités , est-il fracturé par
le haut, en sorte que ce monument est menacé d'une
chute prochaine. Cet av^l a trois pieds et demi de
hauteur.
M. Fleuriau à remarqué avant moi que la pierre
levée de la Jarne est presque entièrement composée
de coquilles et de madrépores , et qu'elle diffère
beaucoup de la banche compacte qu'offre le sol sur
lequel elle est placée. On trouve de grands bancs d'un
grain tout semblable le long des falaises d'Angoulin
56 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
et dans le vallon de Salles^ à une assez petite distance ;
elle en aura été extraite probablement.
Cette observation a été faite dans plusieurs lieux
relativement à des monumens du même genre^ et
elle ^mble attester que les Celtes, ainsi que les Ro-
mains, pour les constructions de leurs Hermès, termes
ou bornes, choisissaient , autant que possible , des
pierres étrangères au lieu où ils les établissaient, afia
qu'elles fussent mieux caractérisées et plus faciles à
reconnaître.
Je ne ferai aussi que rappeler ici le dolmen dit
pierre ginse y situé àFonclair, commune de Cosnac,
parce que je l'ai également compris dans la nomen-
clature des monumens celtiques donnée dans mon
ouvrage.
Il existe trois dolmens ouverts, de moyenne gran-
deur > et réunis dans une même enceinte, dans la
commune de la Vallée, sur la commune du Port-
d'Auvaux à Roche fort.
Le dolmen de pierre-folle, près du lieu de Mopt-
guyon , offre une table d'une seule pierre de grès
très-dur, de y mètres 127 (vingt -deux pieds de
longueur) ; au moraen t où j'en faisais Texamen, il était
question de le détruire pour ferrer de ses débris une
grande route.
Un parreil monument, connu sous la dénomination
de pierre levée de Saint* Germain de Marancennes,
se voit prés du village de Brette.
On remarque encore deux dolmeris le long d'un
DES ANTIQUAIRES DB FRANCK. 67
ancien chemin^ près de la métairie de THoumée ,
commune de Saint-Laurent~de-la-Prée^ à une lieue
de Rochefort. Ils ont environ 2",599 (^^^î* pieds)
sur chaque face ; Tun d'eux est fermé. Sa table est
percée d'un grand trou par où, sans doute ^ s'écou-
lait le sang des victimes. Cette circonstance se repro-
duit assez fréquemment dans ces monumens , ainsi
que nous avons eu l'occasion d'en faire ailleurs l'ob*
servation relativement au dolmen de Geaj dont la
table comme celle-ci se trouve percée au milieu (i).
L'opinion populaire veut que les deux, dolmens de
la métairie del'Houmée soient des tombeaux romains
(cardans ces contrées tout ce qui est antique et étonne
l'imagination^ est réputé appartenir à ce peuple), et
SOQ ouvrage, idée du reste assez généralement ac-
créditée dans tous les pajs de la domination ro-
maine.
Le bois de la Sausay , commune de Soubise^ pos-
sède aussi trois dolmens ; le plus considérable con-
sistant en une pierre longue de /i^,S'jZ (quinze
pieds) et large de 1^,624 (cinq pieds), n'est mainte-
nant soutenu que par trois piliers; les «autres sont
brisés et renversés. Le second , mieux conservé, est
supporté par trois piliers de 2", 274 (sept pieds)
de hauteur. Sa table est formée d'une pierre de 2",
924 (neuf pieds ) de chaque côté. On prétend qu'à
h suite se trouve une galerie souterraine , ce que je
(1) De là vient que plusieurs de ces monumens ont repu le
nom Tulgaire de pierre^percéè.
1
58 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
n'ai pu vérifier. Le troisième dolmen n'est plus qu'un
monceau d'énormes pierres.
Les deux premiers de ces monumens étaient fer-
més; ils sont à quarante toises l'un de l'autre; le
troisième en est éloigné de soixante et dix.
Sur le chemin de Dolus ( ce nom est remarquable,
il vient du breton Doly pierre ) , à Saint-Pierre , île
d'Oléron , est un autre dolmen, appelé par les gens
du pays la Galoche (i) et /a cuiller de Garguan-
tua j comme la fameuse pierre levée de Poitiers a le
nom de pierre de Gargantua^ dénomination dont
l'ingénieux curé de Meudon a tiré parti. Ce héros
de Rabelais est une espèce de personnage historique
parmi le peuple et dans nos campagnes ; on lui at-
tribue certains ouvrages singuliers et gigantesques
comme lui, c'est un honneur qu'il partage avec les
Romains.
Dans cette même île d'Oléron on voit encore un
de ces autels druidiques qui a donné son nom au
lieu de pierre-levée sur lequel il est situé. La carte
de Cassini indique enfin un de ces monumens près
à'jirdilières. Il existe encore, et a environ 2°',274-
(sept pieds) de longeur. Il estsupporté par trois pi-
liers en pierres debout qui en forment un dolmen
fermé.
Nous ferons ici la remarque que, dans les temps
#
(i) Ou plutôt galloche. Cette chaussure gauloise, ainsi que
son nom» gallica, l'indique^ est celle de tous nos pâjsan^ qui
la tiennent de leurs ancêtres.
' IXES ANTIQUAIRES DE FRANCE. Sg
antérieurs à notre révolution, il existait dans ce dépar-
tement plusieurs Jiefs sous cette dénomination de
pierre lestée; ce qui indique nécessairement Texis-
tence présente ou passée de dolmen dans les lieux
ainsi désignés. On n'en retrouve plus aujourd'hui de
traces. Ds ont été successivement détruits par l'igno-
rance et la cupidité, d'après l'opinion généralement
accrolitée qu'il y a des trésors enfouissons ces monu-
mens, ordinairement des veaux d'or. C'est à ce der^ '
nier motif qu*on doit l'ébranlement et la mutilation
récente de la pierre de la Javne. Cependant on ne
trouve guère dans ces fouilles que des ossemeus ( i) ,
ceqni explique l'opinion qui a fait de cei$ pierres celti-
que des tombeaux gaulois ou romains. Mais il est pro-
bable que ces débris y ont été amoncelés à des épo-
ques postérieures à leur érection. Ces autels druidi-
ques ont tous le même caractère, les pierres en sont
toujours brutes et non taillées; ceux de la Charente-
Inférieure soifP parfaitement semblable» à ceux qui
ODt été reconnus et décrits sur d'autres points de laî
France.
J'ai donné précédemment; dans le même ouvrage
déjà cité, une nomenclature assez étendue des tumuU
ou tombelles du département de la Charente-Infé-
rieure. Mon savant confrère, M. Fleuriau de Belle-
vue, m'en a indiqué trois nouveaux, à moitié chemin
(i) Quelquefois des haches et autes instrumens tranchant y
soit ea bronze ou en silex, comme à Geay.
• '
6a mémoihes de la société roïalk
de Nouaillé à Courçon y arrondissement de la Ro-*
chelle^ sur une hauteur d'où l'on découvre presque
tout le département de la Vendée ^ au bord de Tan*-
cienne route de Paris , et à la croisière du chemia
de Liversai à Saint-Sauv
Ces trois buttes sont nommées dans le pays ^ buttes
des Moindraux; elles sont composées d'un amas de
pierres et de blocailles y et dirigées à peu prë» de
l'est à l'ouest. La principale a 4""? 3^3, (treize pieds)
de hauteur sur i6'"^24â (cinquante pieds) à sa base ^ et
8i'°,2i8 (deux cent cinquante pieds) de longueur.
Les deux autres , à quelques pas de distance , sont
de moindre hauteur, et ont à peine 3s™,484( une
centaine de pieds) de long. Le flanc de ces buttes
qui est exposé au nord^ est généralement plus à pic
que celui du midi; et elles sont toutes les trois plus
élevées à leur extrémité orientale que vers le cou-
chant.
Le littérateur que nous venons de Ébmmer a émis
l'ingénieusp conjecture que ces tertres sont des sé-
pultures élevées après une bataille où succombèrent
des troupes de trois différentes nations.
Un autre tumulus construit en terre de forme
conique et très -élevé se voit entre Verrine et
Saint-Soule, près de la Rochelle. Je n'en ai pas
non plus parlé dans mes antiquités de la Charente-
Inférieure, et je répare cette omission.
Outre ces tumuli , il existe encore , sur plusieurs
points du département de la Charente-Inférieure, et
k
\ DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 6l
particulièrement dans l'ancien Aunis où M. Fleuriau
les a remarqués, des amas de pierres plus ou moins
considérables , placés sur le sommet des collines et
le long de très-anciens chemins; ils reçoivent dans
le pajs lé nom générique deChirons. L'académicien
de la Rochelle y voit des signes indicateurs des che-
mins que Ton consacrait à Mercure j protecteur des
voyageurs, des routes et du commerce.
Selon notre savant et honorable confrère, M. Hé-
ricartdeThury ; « on trouve, dans plusieurs passages
» périlleux des Alpes du Dauphiné et de la Savoie ,
» des monceaux de pierres disposés en cônes ou en
» prismes triangulaires et dont l'origine remonte aux
» temps les plus reculés; chaque fois que les mon-
» tagnards en approchent , ils ne manquent pas d'y
» poser une pierre. Il est rare de voir un guide ne
» pas remplir ce devoir religieux (i ). »
Plus tard , les Romains remplacèrent ces buttes
ou tertres de mercure, signes indicateurs dès che-
mins , par des pyramides ou obélisques en maçon-
nerie pleine parementée le plus souvent en petites
pierres cubiques ou moellons smillés ; quelquefois
ces monumens étaient de forme ronde comme celui
SEbuon ou Esbéon^ sur la voie romaine de Medio"
lanum Santonum (Saintes ), à Limonum ( Poitiers ),
et d'autres fois de forme carrée, comme la pile de
pire longe {pila longa ) , sur la voie de Mediolànum
(i) Cambry. Honumens celtiques, p. i24.
6â "UEHOIUËS DB U SOGIÉTi BOYALË
à Burdigala (Bordeaux) y monumens dont on a voulu
faire tour à tour des tombeaux y des phares ou f a-
Daux(i).
Ces obélisques placés sur tous les grands chemins
de l'empire , et dont on en retrouve encore tant de
traces dans les Gaule$ et ailleurs^ étaient égsjement
dédiés à Mercure et aux du vialeS; dont quelques-
uns de ces obélisques présentaient même les simu-
lacres Mans des niches pratiquées dans l'épaisseur
de la maçonnerie. J'en ai observé plusieurs ainsi dé*
corés dans le pays des novempopuU d'Aquitaine , et
j'en donnerai la description dans le grand ouvrage
que je prépare sur les antiquités de ces peuples (2).
Il en existe y à ma connaissance, trois dans le dépar-
tement de la Charente-Inférieure,
H y a toujours quelques croyances et quelques
superstitions qui se rattachent aux divers monu-
mens que nous venons de décrire , pierres-levées ,
tumtdiy ckù'onsj ou tertres de Mercure, etc. etc.
Ce sont, aux yeux des habitans de nos campagnes,
des ouvrages des génies, des fées, des sorciers, des
géans.... ; durant la nuit, ils croient voir errer alen-
(1) Ce ne peut être un phare ou fanal, puisque l'un et
Tûutre de ces monumens sont pleins et n'offrent aucune ou*
verture ou issue intérieure , ni d'escalier extérieur par lequel
on put arriver à son sommet pour 7 placer des feux durant la
nuit.
(3) Deux Yol. in-8**, avec un atlas de planches. On espère
que cet ouvrage pourra paraître cette année»
/
htS ANTIQtAlMS DE FRANCE. 63
tour des spectres^ des fantômes ^ qui en défendent
les approches.... c'est à ces appréhensions^ à ces
terreurs populaires qu'est due la conservation d'une
grande partie de ce qui nous reste de ces monu-
mens. Sous ce rapport , ne doit-on pas désirer de
Toir nos grottes, nos pierres celtiques, nos tonihelles,
nos donjons gothiques conserver cet attirail de la
féerie, et tout ce cortège magique dont s'empare
Timagination , et qui lui plaisent même en l'effrajaut?
sujet de ces contes si chers aux bonnes et aux en-
fans , et qui faisaient dire à notre bon et grand La
Fontaine :
Si Peau d'Ane m'était conté,
J'y prendrais un plaisir ettrême..*
n
G4 MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROTALE
ESSAIS HISTORIQUES
Sur les antiquités du département de la Haute -Loire;
par M. Maçon Dbialahdb, correspondant de la Société.
V
Oi rfaistoire générale d'une nation porte avec elle
un si grand intérêt^ conibien l'histoire particulière
d'une contrée doit exciter un intérêt plus vif encore
parmi ses habitans et les attacher davantage au pajs
dont ils sont appelés à connailre l'antique origine ,
le rapide accroissement et les immenses ressources;
mais les localités circonscrites , les événemens de
détail, les faits presque domestiques sont ingrats à
décrire. Cette seule raison a peut-être arrêté bien
des plumes; peut-être a-t-elle concouru à laisser
effacer les traces de grandes vérités , de grandes le-
çons d'expérience et de sagesse.
Ess^ajons de réparer des pertes , en allant fouiller
quelques ruines* en dépouillant d'anciennes archives^
en feuilletant de vieilles chroniques^ en interrogeant
jusqu'aux fabuleuses traditions , puisqu'elles sont les
nourrices de l'histoire^ et tâchons^ comme le statuaire,
de faire sentir le nu sous le voile qui le couvre.
Le département de la Haute-Loire, qui renferme
le Velajf une partie de Y Auvergne et quelques por-
tions du Gévaudan , du Forez et du Vivarais , offre
I
DES ANTtQUAIHÉâ DE FRANCK. 65
^ti alimentaux recherches des curieux. Sa po^iliof):
topographique y sod sol yolcanisé ^ pittoresque- et
' productif ; rautiquité deses villes et de sest monu-
mens^ lui lyiéritent ofie place distingùëe au oiilieu d^s
plus riches portions du territoire fraojçats* Delà plu-
sieurs auteurs ont tracé ses limites , son étendue ;
ont fait connaître sa population, ses productions agri*
coles^ industrielles et commerciales; d'autres ont
écrit des dissertations savantes sur ses volcans éteints
et sur ses variétés minéralogiques ; mais on n'a rien
dit que de vague sur ses antiquités ^ où n*a pas cher-
ché à en déduire les causes de la première civilisa-
tion de cette partie de la Gaule celtique connue sous
le nom Ôl Aquitaine; on a laissé dans l'oubli Iqs re-
ligions y les lois et les usages qui ont influé sur les
mœurs dé ses peuplades ; aussi est-ce vers ce but
que nous allons diriger nos recherches.
Il faut cependant marquer le point de départ jet
ne pas- s'égarer au-delà des temps où les dates man-
quent. Si nous vouKons pénétrer dans léisi .antres
profonds ou dans les grottes abandonnées dès Drui-
des, nous serions bientôt jetés dans le champ des
conjectures. Ces anciens prêtres, ces maîtres de la
science et de' la sagesse , comme les appelaient César
et Qcéron, ne laissaient rien écrire. Il paraît que
celte sagesse si vantée consistait à placer sous leur
empire exclusif tout ce qui tenait à la religion , aux
loiset àrhistoîre>; nous ne pouvons donc remonter
qu'à l'époque où les Romains, vainqueurs des Gaules,
IV. 5
V
I
06 uinoiRES DE u sociiri royale
y en itèrent ém .wX^mfi^ et y fondèreet de gTai)4i^
Siods eoaunetieeroBs ptr itaUpr le pliis exacte-
«nenc possible tê iimei^m «JtepMtishafaitans dû ^ys,
0ÊÏ l'édo^aât^stH^ qoelifMs restes de OMefomene et eç
iwisant dassies auteurs les plus pespecuMes.
£t d'ahprcl nçus découvtens ce pom <jans Tins-
çriplion grecque d'une main s;^mboU(jqe trouvée
dans le Yelaj , inscriptio;i pu se lisent ces mots :
§ofiQo}.oy aeçç ove^ccvymç» Ensuite^ au liv. y àe>es Coro-
meataires; César i^oqime ces p/euples ; P^elaunfi.
StraboQ^ au liv. 4 ^e ^a Géographie : oy£AA<x/o/;."L*în-
terprèté latijçi de Ptolomée , en décrivant les pajs
aquîtani(ju,es , dit : J^elanorum civitaç est Ruessium .
Enfin, les Romains, pendant leup longue domination,
ont fixé ce nom sou$ celui de f^ellas^iy qui dérive et
se compose de tous leç autres, et quinous est transmis
par des inscripUons.
^ppjlés ^ijir Qe;siaHo^t^^ie'es| 4WÇ 4pp VéUm-
ikim$ ptide leiarprwcdjijJ? xâté,l>îatiqpp,/îj^,W<w^
i[^ noiw aUpi» .p^tfj^.d'abfird; ^^m^ f JW réidljw
^aas>lït snite Ii<^feçonfu^o;a,pow^^l)ai3$^iauqn^
io^^vlUude iUq$ Jk^diéocHi^iaatiwis^ ,i) .ef^t Âa4î{^.Ç9-
^ahle de ir^pdeavqvie JUi^s^'wu p^rdif. sçt^ AQ^^IpiSs
.da la ^«itrai^te des Rpiq^iQ^j,qvr'eUe prit s^Iqj:s çel^i.<l^
VMay,^e y et qi|ie, plus tajcd^ ^e2;^çiitiC^l;ui(le^^/q;j^-
JPnufiea, queUe,por,te enco^ aujou;i:d'hi|^; cpn^fpp
tQi^t^e pays a étié,çQnnud;^pi^S(Spus .celpi de Felf^y^
Loiçe.
P^utêtce so^ un aixxm ww., gy^oA k çPAq^ofiç ^
eUe^ fut jugée ^il^^p>t\bJ6 d^ dev^p^ip. }ym pOStç; ](i|i]Â-
taire iffipprfaBt, pfty f^iad* q9çl<j«ç« ét»bU^sw.çxi^4-
Uqq. EUet étail ft&a éloigaé^^ dQ Lj^n ç|Qn| il f^^ait
la capitalfi 4e tome, k Gaule ci^UiquQ, g^se tr^uy^lj
4^9$ PQÇ %a« dwgo^alg, païf^itçwfiîlt ^ WtÇ . ^u
n^d-:ç§t^Rs^ud-ouç^t, c'^§*-à7diTfi 4aft§ Va%^ewQftt
de 1 Uï^e ifesbeUç^ yqi^^ rqmaine,^ qui çq dirigça^içi^t,
(}q byillfi dç ijQ^ pwççUp d^AwçL yer§ l'Espagne
Qjà Ifi^Ç^^oça^ia? ^yaifipt d,ç j k de? coIoiiiefiL
ÇaFap 7-?5 d^ Bqiçiç, Qctayî^ç Çç^aç , alox? ^-^
p^^eiïT ?9^s Iç t^î^Q 4'Aflg|jçte , §^t?n» re^du pjiftÇilà
pçeo^èr^fojis dapslps^^^ajo^s^ #9i j|'ypTOçlîffii8r4ei tais
fiMyqqpji, 4 NarMom^, pse ft|ç.emWée gép«ralç 4^5
qii«il» /^«/^«^ m h Wqr dpTOt «pe pprM«n m9i
«)§«d«wWe ^ç kprQ^iBP^ aquitaqiquç, eUoiH;|;?ij;
fifflâre ç[pA9gam, m la yi^itaql;, fl^iiaa ugç a^ça-
tiftP pfçtiçidièçe iJasitB^tipa ^e fliiesuim ^ etqij'il
jug^ qiécfjsçwe d'y Qr4wuierl4 copstouçtian de plu-
si«^$s s4i6pç? açsç?: spacieux eÇ Qonyfiftii^ilps ppuç le
logement de ses troupes et des coloniççipopijl^j^^çs
qu'il youlait j envoyer ; qu'il' commença à y élever
5*
6S - MKMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
lespreini€rs temples et les premiers monumensdout
nous retrouvons çà et là quelques débris ^ et qu'il
ouvrit plusieurs routes qui devaient en rendre les
a]>Ords plus faciles et le» environs plus agréables.
On peut donc^ avec une espèce de certitude^ fixer
au commencement du huitième siècle de Rome To-
rigine de Ruessium y comme prenant rang parmi les
cités et comme devant bientôt marquer parmi celles
qui 9 au milieu des établissemens nouveaux^ durent
au peuple vainqueur leur utile existence , leur ra*
pide accroissement et une sorte de célébrité.
Mais avançons pas à pas avec l'histoire générale^ et
suivonsAuguste dans son second voyage, en Tan 737.
Noud le verrons, fixant le sort de ses nombreuses co-
lonies, venir consacrer la fondation de Ruessium ,
qu*à cette époque il déclara Ville-libre et capitale
des peuples Véhxuniens ; c'est ce que constate d'une
manière irrévocable la belle inscription que le ha-
sard nous a fait découvrir vers la fin de Tannée 1820.
~Elleest maçonnée à o"*,65o (deux pieds) du sol ,
dans la façade méridionale et à Fangle sud-^est , d'un
édifice occupé aujourd'hui par plusieurs ménages,
et connu autrefois sous le nom de chapelle de Notre-
Dame du Baut-SoUer; édifice qu*on dit avoir été la
première église bâtie, dans ces contrées, par saint
Georges lui-même, l'envoyé de saint Pierre , pour
prêcher l'Evangile dans cette partie des Gaules, et
qui vint y fonder en quelque sorte le siège épis-^
copiil du Vêlai.
î>£5 ANTIQUAIKES D£ FRANCE. 6g
r
' AVGN. ,
CIVITAS VELLAYOR
LIBERA
Auguêtro NoBtrOf
Cipitaa VeUai^orum
Hbera.
€ette inscription sur laquelle nous nous appuyons
appartenait sans doute à quelque grand monument
élevé ; par la reconnaissance des habitaos de Rues--
siunit à la gloire du prince qu'ils regardaient comme
le fondateur de leur cité > d'une cité qu'il avait dé-
cide libre, et à laquelle , par conséqqent, il avait
conféré lesdroits municipaux. Gomme les cités libres
et municipales donnaient le droit de bourgeoisie à
Rome même^ c'est-à-dire. que leurs citoyens pou-
vaient entrer dans les charges et o^agistratures ro-
maine^L , il était naturel que la reconnaissance s'ex-
primât dignement en l'honneur du chef de l'empire ,
en l'honneur d'un souveraiu d'ailleurs , qui venait ,
dit un historien célèbre , <c procurer aux Gaulois le
« seul avantage qui leur manquât , la culture des
« lettres et lei? premiers élémens des sciences. » •^-
Ge fait est avéré ; c'est à cette époque qu'Augu3te
établit dans les Gaules plusieurs écoles d'éloqu^ce
et de littérature > parmi lesquelles on cite celles de
^O MÉMOIRES DE tK SOCIÉTÉ ROYALE
Lyon et d'Âutun. « Il savait^ dit le même auteur^
• que le principal fri)it îàéd lettres est d'adoucir les
ft mœuf s et de rendre les hommes plus susceptibles
« de sounÂssioàleft d'abéisSan te ; stassi vit-on les Gau^
« lois prendre en même temps les mœurs et les
«c connaissances des Roàikitrs; »
On aura bientôt Toccasion de reconnaître Tayan-
ta^e que les Celtes retirèrent d'une telle fusion de
principes , de lois, d'usage^ et dé lumières.
Mais revenons à Rues'sàim, Il serait difficile aujour-
d'hui de déterminer exactement quelle était son en-
c^fë ^^ "Sm étendues iti^iis ^"moitis pévX-àti se ïaire
ttie liée dé Wt emplkccfm^ût. '^te devait 'éïtt â»-
^dèïa^e %a yfflfe âcfÉteUe ^dte 'Sàïni-PàuK^ , vinrs le
liôi^'; de d6nt il éit licite de jtfger , non ^éâeftatient
-^r Bës reieè^ dte foûdafionS et v!è ttiotiU&ien^ / par
dés ibédàiU^â > de& Vâisës, 'Aes anoures et d'atktrës
'dhf èts q*<i\>n i^ti'otivë frêquémtnent en travâittaât à
la ciftttîrè dés tcrtés , tfiaîs encore par là belle posi-
tion q\j(fù y Vëmiai^ue fateàtft face an roidî. Eh effet,
'en ^é plkcaifrt, pair 'eiîemplé, sur lé coteau qui forme
Te foiïdd^h^éttcîds'àppartéilànti M. de Soliïhac, oh
véSt'sè destrier àù-^dèisîsufe dé la Ville iin superl>ëbas-
sîh ^cîi àiiiphîffl^fafet-^-Xâéfi^m/n étàiflà hécéssài-
'ïettfèWt, assîife éft'à'dtfssêe à un mont eh hénlfcj^cle ,
dBrit li^ënfe ndtëi^ëBe semblé avoir ^të ^dis]^osée
pà/la itfâîh &^TfrtnMésfet^ùil'abritaît <ïèsTénts dh
©h ihéhté^^èW*Nift îî est ai^ de recohôaîîfre que îa
VUfe àdiiëUe Wepoùvaît idéitiet qù'tthc *es- è*tré-
itiité^r de fiùtitûûe , la<{trelle^ BtM âùuie, tî'à: été
défMsite qu'tn haine à'the domîkiatioti étrâtig'ëre et
à'nûe i^l^iofi dotit là religion ûOUYeRe arâît iûtérét
à faire disparaître jusqu'aux derniers vestiges , jus-
qu'au moîtidre souYenif .
Là petite ville dé Samt^PaUlien , tdie qu'elle est
aujoUind'htti^ â pr<)fité des débris de Ruessium. Il
n'est presque pas d'édifice qui n'eit offre k ptéuve:
On y remarque partout d^énormes pierres qui ont
eu d'autreSr dîestbàtioiïa^^ des fragmens de setalptures
et d^ colonnes ^ dès mosaïques et de!$ ins^criptions ,
souvent placés au hasard dans les constructions
môdtétties. Nt^us râppûrterons ce que nous aurons
trOttfë de mieui eonscrvé , ce qui pourra intéresser
dava&tli^e sous le rappof^C général ou particulier.
Ce fut sans dtnite lors du second, voyage d'Au-
guste dàS^les Gâttles, dont notis avons déjà parlé,
que Tort vif s^élever de nouveaux monumens , que
les tetôples^è multiplièrent avec la population / et
que là reiigioâ; dealldmains conmxetiça à: irionq)hér
de oèlle des Druides. Les sacrifices des victimes hu-
mainres, ordoufiés p^r le^ lois de ces derniers, firent
piàée twiL sacrifices des animaux, aijx oflfrandes dès
fruits et ides productlctos de la terre j les mœurs »'a-
dôtrcitétit peu à peo , et ia civilisation fit des progrès
rapides. Tout devait j concourir : Tarcbitecture ro-
maiffe, remplie de grandeur et de noblesse, répandit
le goût du beau. Nous donnerons bientôt une idée
et t^ que firent alors ces successeurs des Orecs
dans ks arts, pour immortaliser Tépoquë de leur
^2 , MlÉHOI&fS D£ JLf SQCiàïi &OXAJLE
doaiination. On aime à relire . dans une disseriaUon^
itxtéresswte sur les Volces^ Tbommage que leur. reQ"^
dent encore aujourd'hui nos contemporains: «La
« sculpture j dit ^'auteur^ suivit ou accompagna Far*
« chitecture dans les villes devenues colonies ro-
« maines ; les Gaulois la mirent en œuvre pourçon^
« sacrer à la postéritéles belles actions et les bienfaits
« des Césars ; ce qu^on ^voit par des bas-reliefs et des
« statues^ de manière grecque et latine y de la der-',
< nière perfection et en toutes sortes de grandeurs >
< qui se trouvent dans différentes villes du Lan-
« guedoc. M
En effets lorsque nous aurons à parler Ôl Aniciumy
emplacement actuel de la ville du Puy , chef-lieu da
département de la Haute-Loire ,. nous aurons à dé-
crire des bas^reliefs j des colonnes , des chapiteaux^
desfragmens de sculpture et d'architecture qui cons*
tarent cet amajgame. du style grec et romain , dont
pqirle le, passage que nous venons de citer ; et il est
bon de prendre acte de cet amalgame , parce qq^il
s'est probablement étendu davantage encore^ et qu'il
peut remettre sur. la voie pour interpréter de très-
anciennes insicriptions dans lesquelles se seront mé-
l.angés les caractères gaulois ^ grecs et romains , lors
de la fusion de ces différens peuples. X^e patois lan-
guedocien nous conserve encore la preuve de cette
fusion ; puisqu'il n'est qu'un mélange altéré de mots
latins et d'expressions d'origines diverses.
Rufssiiwij^^n prenant de l'accroissement^ en vojaat
s.e former daps son sein de grands établissemens ,
D^S ANXIQUAIREÇ DE FRANCE. jS
devait^ âelon l!u$age dçs anciens, vair bientôt aussi,
sur les hauts lieux qui Tavoisitiaient., s'élever des
templeis aux divinités qu'on voulait rendre les pro-
tectrices du paysi et c'est ce qui nous conduira, à tra-
vers lUncertitude des temps, vers les monts et les
ruines de Polignac et A*Anis.
: En cberchant où pouvaient être construits quel-
ques-uns des temples , ou leurs dépendances dans
rioftérieur de la ville de Ruessium , il nous semble
qu'on peut s^arrêler sur l'emplacement de l'église
actuelle, sur celui nommé Marcké-Diale , et sur le
tertre élevé qui a conservé le nom de HaulSolier.
Nous aurons à parler de ces diflPérens endroits,
qui conservept quelque chose de leur ancienne des-
tination.
Attachons-nous d'abord à l'église ; c'est dans ses
murs, dans son pourtour , dans une partie de son
architecture , que nous allons trouver nos premiers
élémens. Sa forme est toute particulière : on y re-
marque trois demi-rotondes , dont l'une forme un
sanctuaire, et les dieux autres des chapelles latérales.
Elles sont d'une su^'chitecture plus antique que le corps
de l'édifice, et ferident croire qu'elles sont un reste
d'édifice plus ancien. Les mosaïques qui les déco«-
rent extérieurement, sont d'un dessin assez beau
et assez varié. Les colonnes en sont petites et'maigres,
mais bien taillées et proportionnées à une construc-
tion qui ne devait être qu'accessoire j car , en exanli-
nant de près l'intérieur et Textérieur, on reste pres'
^4 UEMOIBES DE LA SOCIÉTÉ ftOYAIE
qtre conraincu ^till existai! ûtte ^uàtuAkiàù èeuâ-tù^
tontdé^ët qu'un téinple^dé îëtiAè citiciilal^e 4fa carréë>
^élevait âtt cehtre. Gë qni à^pëi^ait la «onjecturé
qb'un téinple a existé èur le mêtàié emplateme&t y
é'ëst q(ie, pôui» peu qu'on remue les tétreft qui Teû-
tourent^ on trouve une quà&tité de belles^ piètres bien
taillées^ dontplusietji^ àônt encore liées eiit^e elles
par le ciment. Récemkheiit; oh en a entrait beâitl-
coup dont oïl a fait tôustrtis^e unpottail, et qu'on
à employées dans des eneadrémens en maôcmnerie*
Nôtis àUdns donner une idée des divers objets qui
se trouvent placés au liàsard dah^ la façade stp^
tentrionàle de l'église. <^Uoique non susceptibles
d'êtfé appliqués à l'hisloire, ttk objets n'emportent
pas moins avec eux un intérêt particulier; el il^
feront juger de ce qu'on pourrait découti^iri «i des
fodilles ràisonnéès et l*aites avec soin étâielit orààtt-
fiées ôti autorisées par là suite.
!<> A. 6",5(>o (20 pieds) de haut eikyitMi ^t
une petite statue sortant île la mtiraâie plus ^ti^ de
xhoitié; elle représente tin bomitee nia , peut-nètre uif
tënfant. H est accroupi et tient ti'ttnô main ises psn^tUil
sexuelles. S pairâiit biefn dessiné et sculpté èsrï^ditàent;
inais il est iin peu inutile. Pour ta biètl JQ^ > â
fatrdfaîl en âpprother au ntbyeta d'une échèBè; et,
mieux encore , il fanerait Tenlever et là déposer
dans un musée où ;^ l^i c'e^ une statue ptiàfîqtt^,
^llè seWit p^lacéè plus convenàMement qwè Sut uii
temple catholique^
MS ANTIQUAIRES DE FRANGE. 'j6
29 Un peu plus hdiSy sur le côté â droite^ est une
inscription très-courte, ou fragment d'inscription.
On n'en peut riendécliiSVerà cette hauteur. Elle nous
a paru mal gravée, et lés lettnes sont fort peu creu-
sées. Peut-être en existe-t-il d'autres du même genre ,
qui, par leur élévation, sont devenues impercep-
tibles au milieu des pierres noircies et dégradées par
le temps. Quant à tout ce qui aurait pu être placé
dans la façade exposée au sud, on ne pourrait plus
en rien reconnaître; les pierres en sont usées et creu-
sées par la violence des vents et des pluies du midi.
3^ Dans un pilier , qui se trouve à peu près vers
le milieu , se voit une. belle pierre tumulaire , dont
il a déjà été parlé dans plusieurs ouvrages, mais
dont on n'a rapporté que quelques lettres assez
inexactement. Au surplus., il n'eu a point été donné
jusqu'à présent d'interprétation , non plus que d'au-
*e«l«é "êës îiisenptiôbs dôh't iiôus àurôhS à Jilarl'ér.
Il est bon d'observer qu'elle est jplacée transver-
'^Iteiiieht, céqûi la reûdplus difficile à lire. Les
Ifettites sJÔnt cfepenfdant encfo're bien entières, mais
ëllei feomménceiit à s'altérer.
76 MEMOIRES DB LA SOCIITÉ ROTALB
IVLIÂE
^
NOOTUR
NAP. RMF
1
RVFIJNVS
MA.RIVS
■
VXORCAS
f - -
TISSIME
1
PO
1 t •
Juliœ Nocitumœ
Requietorum Manibus Faustis
Rufinus Marius
Uxori Castissimè
Posuit.
/
( ou Posuit OiBcio. ]
* ■ c *>
• • • #
Cette inscription est, comme on le voit, un monument
d*amour conjugal.
En voyant cette pierre et quelques autres que
DOus rapporterons, on regrette que Tendroit où se
faisaient les sépultures n'ait pas été remarqué, ou
ne soit pas encore découvert. Nul doute qu'il s'y
trouverait de nombreuses incriptions qui donneraient
des certitudes sur des personnages et sur des dates.
4.^ Dans un autre piUer , non loin de celui qui
contient l'inscription ci-dessus et qui forme un re-
tour en équerre vers la gauche, est une pierre bien
sculptée, offrant le buste d'un empereur, ou de quel-
que grand personnage romain ; on en reconnaît le
>
^
0
^
5î
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 'J'J
costame. Ce buste est en relief, demi-ronde liosse,
dans un médaillon assez profondément creusé d'un
huitième de sphère environ. Cette pierre est à
^ ^^99 ( ^^ pieds ) du sol.
. Pis^RS B2S TiiiUAiTXAS. — Depuis quelques années
on a apporté et placée contre le mur de Téglise, une'
pierre] quadrangulaire en granit ou beau grès blanc :
elle sort de i°,i37 (trois pieds et demi) de terre; s^
largeur est de o",487 (dix'^huit pouces) environ. Elle
a conservé en patois le nom de pejrre dous treis
nrs j c'est-à-dire pierre des Triumvirs; d^autres
l'ont appellée le carcan. Sa cime est terminée par une
espèce de fronton aplati sur l'extrémité , et, dans sa
face principale^ sont sculptées^ trois-tétes en relief/
sur une même ligne horizontale. Les figures sont
fort mutilées et. n9.éçonnaissables; nous en donnons
le dessin (planche IV y n^ i ). Elle a été trouvée vers
la liuûte de l'ancienne banlieue de Saint-*Paulieu.
Il n'jr existe malheureusement aucune inscriptiott ;
mais sa dénomination vulgaire et tradidonnellesoas
ses deux acceptions, sa forme, le sujet qu'elle re-
trace, sa position sur les confins de la cité, tonl
porte à croire qu'elle était originairement la pierre
monumentale du champ des supplices. Les trois
têtes qui s'y trouvent, figurent les Triumvirs capi-
taux C Triumviri capitales)^ qui étaient les magis-
trats chargés ''de veiller à. la garde des prisonniers
et de présider aux exécutions.
À.UTEL. — Au milieu de la place, en face de l'é-
glise, on a jiàieaé avec beaucoup de peine et fixé
depuis plusieurs années une très-belle pievre d'un
seul hloc. Elle estcarFéa^et, àtsès-peu de cbose ptès^
égaie sur. sas quatre faces qui ont i?*^ ($24 (cinq pieds)
de large. Sa hauteur est de 07^97$ (trois pieds);
«Ue est dHm gces blanc fort beau et'très-'duF^ taiSée
avec soiq , évidée dans ^intérieur par quji^re ar-*
ceaux qui lui donnent de 1^ légèreté. Son dessus est
plat et uni.
Quelques pei^nne; avaient penséque cette énoçnie
pierre avait pu ^ervir de tribune aux harangues ,
eu da toipbeau. tl est aisé dé reconnaître que telle
n'a pu être sa destination. La tradition vient encore
ici à notre secoues : nous tenons d'un 6cclésiasti<|pe
trib-âgé ettvès-respectable, que, parmi le peuple ,
cette pierre a conservé le nom de pierre à tuer les
bœufs. C'était j comme on 4e Voit y l'autel des sa-
crifices. Sa forme dont nous donnons le dessin
(planche If^y n9 q), et quelques trous qui sont sur
^'une. des faces et qui contenaient sans doute des an-
neaux, confirment dans cette opinion.
Au surplus, jelle a çervi d^autel au culte catholique
pendant plusieurs siècles, dans l'église m^me dédiée
a Saiift-rPaulien, Fun des premiers éYeques du Vêla j,
quidonaason nomàla ville^^ette église a été détruite;
$on emplacement sert de cimetière ; on n'en a con-
servé que l'autel donjt qqus parlons.
Le EAUTnsoxiEa. rr- Sur le tertre dli ^<mt satier ,
où nous avons découvert l'inscription dédiée à Au*
^$te , \fi bâtiipeqt quî s'y trouve n^a été construit
4{iae d^s restas d'un ancien édifice, un y remarque:
OKS A^U)84IRB8 BB FBANCE. "jg
|t frni^i. U dfi9^w ^'^^p petite lu^arAç, à l*e?t ,
fa»Ue» «S Heu grjîw*, JÇ^ piwPP g?» lef çp!94«Rf
Oo poptMil ii»ppprtçrc;e4 Mwli >M»iapJlp« ^i^f^i^
piocte tasgiB* i»9s?e ^ $:i|ijtréç, «q ^kqU i^ç ^il^iaç
tète , ia«pniHbt)il»^9^ , iiyaut i pi^ji; pfè? Âf^ ofeill^^
aient fait une espèce d'orne;i|i^. .
5* ^er i«i p^ties jw** ,4'wiFép ^^ ç);4 f 9p &
» 4efl?§~WM»4#']ivWÇr jL'^pep^t .ype Je f^ç^l'^jijce
^ ppn t«>i^w^ vçrç }ji. j^aqçjïp. J^ tr^v^^ ©'ep ç<i.t
4.9 Çlj^f .qu^jjd^ 4e piepces bien taillée?, de diflfé-
x«|ïit^ 4weW9«»? ? ^Qo* pjipsieprs fort gr^ndes^ ef
Pftrftipl;^ .p?F 4es !trçn?s.eit çle? ^l;^iUç? , 1^ pm^ye
4'^e |i,9|cie;(ii»e ^esHw^tion, sont indiffiéf en»pj[jept|^l^-
i^e94fu>? tÇut le ;çorps 4? l'édijaçe.
^IPf^ti^ ^ C(eja le «te çt réiévatipn bieft jdispqçép
4^ Mirf^ifff m TÇ^^h peji V^ WAV^nc.v qu'il exi?-
^]i«)^ui|;;^<|nejifQq,uii^en^jp.ei«t-é^^^ «»peti]t tepaple^
f)vi.facel(ifnf , çop^ae^ré au çQlei^. C'est du moins ce
S^np ^^i^cisfx nojqa, .ççmsepyé par cQFruptji^n, peut
.^Çi^e^r à fjçf^Vf Iç haut ^ojmr dériv.^nt , dit-on ^
de alto toli.
MiBCRÉ-DiALE. — On est fondé à établir une con-
>
8o UÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
lecture semblable sur un emplacement appelé id^r-
ché'Diale. On retrouve des débris d'édifices dans les
maisonis qui Tentonrent. La pierre même qui sert de
base à la croix plantée au milieu de cette place y est
très-belle et a servi indubitablement dans une grande
construction. En cherchant avec soin > on en décou-
vrirait probablement beaucoup à rintérieur et à l'ex-
térieur des murs 5 car, en général , elles ont été pla-
cées au hasard ; mais comme il est à croire que plu-
sieurs inscriptions se trouvent couvertes de plâtre ou
de ciknent, les preuves dont nous aurions besoin
aujourd'hui ont disparu.
Cependant il s'en voit une encore dans la façade
méridionale de la maison du sieur Roux ; mais elle
n'est pas entière. La pierre qui la contient est, à peu
près carrée, sur o",866 ( 2 pieds 8 pouces); elle est
d'un granit fort dur, qui a dû être difficile à graver ;
aussi les lettres sont-elles peu creuses et mal formées.
Comme d'ailleurs cette pierre est placée transversa-
lement au niveau du sol, on déchiffre avec peine les
mots qu'elle contient. Ce qui ajoute aux regrets, c-est
qu'elle paraît être historique. Au surplus , débarras-
sée de quelques matériaux, lavée et' nettoyée des
ordures que les gouttières y ont éclaboussées, peut-
être parviendrait-on à mieux! lire et à découvrir son
véritable sens ; jusque-là nous devons nous borner à
exciter la curiosité des amateurs ;' et, ' sans osefr ha-
sarder une interprétation , nous nous contentons de
copier l'inscription dont elle est chargée.
bt$ ilfTlQVAIRiS DÉ FAAIXCS. ' Si
I^TIAM PoST CL.
YMFmEM REHLE
VIMEISHAECFVIT
DlVrnAE CVRAM
RTF
V
Fragment d'inscription.
Maison du sieur Aqux» sur Uarché-Diale^ à Saint^auUcQ^
Ici; le nom de Diale, qu'a cODserré la place, nous
porte à croird que la demeure des flamines ou du
prêtre de Jupiter (^^me/i Dialîs), j était érigé.
GoLONNB HOifuiÉENTAiiX. -^Puisque ùous scHumes
hors des murs de SaiQt-PauUen > continuons-y nos
recbe^ches» A quelques pas , au sud de la ville , en
face du mpujiip Bourbouillou , se voit un fragment
de cplojofte, qui sert de base à une croix en pierre . Le^
tsio^ qui $j lisent forment la fin d'une ioscription/
CAESÀR PRINCEPS
j IVVENT VÏÀS ET
PONTES VETVS
TATE CONLAPSAS (ij
RESTITV FT
Cette inscription ; telle qn^elle est, ne donnerait
aucune date, et on ne saurait auquel des Césars elle
(i) II derrait j airoir conlapios , mais il j a conlapsasi
Vf. . ©
82 HÉUOIRSS DE LA SOCIÉTÉ ROTÀU
pourrait s'appliquer , si deux antiquaires^ MM. Ber-^
gier et Le Bœuf, n'avaient ouvert un avis qui y s'il
n'est pas tout-à-fait- exact > nous a cependant servi à
découvrir la vérité.
Ces deux savans ont pensé que l'inscription com-
mençait par les mots : C. IVLIVS VER US MAXI-
MVS. Ils citent, pour pièce de comparaison, celle
qui se lit dans Gruter, et en tirent la conséquence
qu'elle aurait rapport « au fils de V empereur Maxi-
a min ( 1 ). »
Ces mots existaient sans doute sur l'inscription ,
mais ils n'y étaient pas seuls. Une colonne entière
et toute semblable à celle dont nous rapportons un
fragment a été trouvée à UssoUy non loin de nous ,
sur la limite nord du département. Cette colonne
entière, dont l'inscription bien conservée porte les
mêmes expressionsTque la nôtre , a été érigée dans
le même but , celui de constater une resta(iFatio]b
(i) Voici l'inscription y en admettant le rétablissement de ce
qui y manque :
nip c rvxivs maximimvs p tel avo p k et f e ivl terv»'
^ BfAUMYâ N0BILIS8
CABSAK PRlSCBPa JWrBWT TIA8 Jtf PONTES VaTWSTJTR
CONLAPSAS KESTITjr FT
Imperator Caiua Jutius Maximinus j pius^folix, Augusûis^
PotUifex maximus , etfilius ejus JuUus Verus Maximus no-'
biliêsimus Cœsar, princëps juventutis, çias et pontes vetustcUe
conlapsas reatituerunt.
DES ANTIQITAIBES DE FRANCE. 85
Elle nous conduit à là iriême opinion que MM. Ber-
gierelLeBoeuf; mais, d'après la colonne dlJsson ,
cette opii^ion dojt être étendue davantage , et l'ins-
cription doit avoir rapport au père et au fils , c'est-
à-dire à l'empereur Maximitt et à Julius Férus
Maximiis son fils;
En effe^, pendant le court espace de son règne,
Maximinne fit pas, et ne put faire élever dé monu-
ment à son filsj a n'erit que le temps de Ife déclarer
césar etpfmce de la jeunesse ; c'est en cette qualité
qu'il associa son nom au sien, comme on lé voit sur
l'inscription conservée silr le fragment de la colonne
monumentale , comme on le voit sur celle d^Usson
et sur plusieurs autres.
D'ailleurs , comme Maxiriun était, en l'an 986 de
Rome , à la tête d'une armée dans les Gaules; qii'àm-
bxheox et cruel , U venait d'j faire assassiner pat ses
soldats l'empereur Alexandre Sévère e,t de s'em-
parer de la puissance impériale, fl faUait qù'U se fît
reconnaître par le sénat. Pour y parvenir, il chercha
a se gagner les esprits en faisant opérer des travaux
utUes à ses colonies et à se§ troupes; Aussi ses soins
se dingèrent vers la restauratiSn desroutes, des ponts^
et même des villes. Cest, en effet, ce qui lui valut,
dans ces contrées, le titre de restaurateur de la ville
diJsson en Forez.
Nous n'hésitons donc point à rétablir la partie sn~
périeure de la colonne existante à Bourbouillou , et
qui, sans doute, était autrefois placée aux portes'de
Ruessium ou dans l'intérieur même de la ville j et
6*
nQU5 diroiis (pie, yersl^ fin del afi 9S6 (255" de notre
ère), ]VJaai:iniin fit réparer, dans les eayirons de ilue^-
sium, \çs chemins auxquels abqutissdit la grapde voie
roniaine dont nous allons parler bientôt^ etfit méaie
travailler aux vieux ponts que, deux siècles et demi
auparavant , les premiers empereurs avaieat fait
construire.
Au surplus, on doit Remarquer que la colonne n*esi
" pas miUîafpe , et que , comme celles dont il va être
question , elle^ne porte pas un hommage rendu par
les peuples Yélauniens. Au contraire^ elle atteste,
par le nominatif de la phrase , qu'elle fut érigéie par
l'ordre même de Maximin; ce qui s'accorde parfai-
tement avec la position où il se trouvait , et avec l'o-
pinion que devait inspirer le caractère dur et impé-
rieux d'un guerrier qui venait d'usurper le trône des
Gés^ps, par l'assassinat de son bienfaiteur, qui qe.s'y
soutint un instant que piar la terreur, et en tomba
paassacré à son tour par ses propre^ soldats*
Voie Romaine, dite La Bolè»^e. — Nous arrivons
Hiaintenantà la découverte d'un grand établissement,
celfe d'une belle voie romaine dont nous avons re-
connu la direction , et qui traverse tout le départe-
ment dtf la Haute-Loire. Il est probable que cette
jTOute semplaça les» pecée» provisoires qu'Auguste
avait tracées de Lyon à Ruessium ; c'est du moki»
ce que donne à croire TiDScriplion suivante :
, ^ DES ANTIQUAIRES DE FRANCS. 85
IMI^ CAËS MAVkÉK.
SÈVERO ALÉ'tÀït (ij
DftO ÉÏO TEL Atti
poJ>rr BiAi c6s m
itjrpxiï
tHipètdtoH Cckààti Jffàrcù Aùrelio Severo Atexandro pio ,
felici^ Augusto f PbUt^i inakfmOy CoHsuli fêrtiàm , cwitas
Weilttuoràh / mille pasMs XII.
Cette inscription n'indiqtie pas une simple restau^
ration ; elle cofiserve à la postérité Thommage et
la reconnaisance àe la cité pour Tempëreur Alexan-
dre Sévère , Ywï des princes qui ont mérité la vé-
nération publique^ à Fé^o^ue où tant d'antres ont
souillé les pages de l'histoire f'bmaine.
CHOftELts. — Cette inscription se lit strie Ironçor^
d'tme colonne millia'ire abandonnée et gisante dans,
un tas de bouè^ entre le movlin et le pônir en bofe de
Cbomelis , à gauche du chemin de Saint-PaiAien à
Craponne. ËUe a été trouvée sur la voie romaine ,
appelée \diJSolène , à peu près vis-à^vis le village de
Mondoulion. Malheureusenien^ elle fut sciée pour
servir de base à une ctoix/àMondoulioki môme.Ben-^
versée à quelque époque de la révolutic^ > elle fut
achetée pour un autre wdBgé et déposée où^ eUe est
maintenant.
(i) ted tehres supposée^ sont en italique.
86 lliMOIRES DB LA pOÇîiti ROTALE
Comme Tinscription a été mutilée , que les lettres
ea sont usées et qu'elle e^t très-di£6ieile à déchiffrer,
surtout dans la position où elleest^ il faut y suppléer
par induction. An reste , les prénoms Marco Ju-
relia ^ à la première ligne et la fin du nom Alexan-
dro qui commence la troisième y ne laissent aucun
doute sur Finterprétation qu'on doit y donner. Pour
faciliter cette interprétation ^ nous avons supposé
les lettres qui manquent^ et pour les faire reo^arquer
nous les avons seulement pointillées.
On peut donc rapporter au règne d'A>lexandre
Sévère la solide construction de la Bolène ^ dans la
partie qui se dirigeait de Ruessîufn vers Lyon; et
comme ce prince , en Fan gSS de Rome ( 334* de
notre ère), fit une expédition dans les Gaules pour
arrêter les courses des Germains, c'e^ à cette époque
précise qu'on peut fixer la date de cet établissement ;
et on le j^eut avec d'autant plus de raison qu^A-
lexandre ne fut que peu de temps dans les Gaules ^
puisque, dès le 19 mars de l'année suivante , il y
périt assassiiié , comme nous Favons dit , par les sol*
dats de Maximin.
Saiitt-Paulien. — Une autre colonne ïnilliaire ,
bien conservée, a été transportée, vers l'année 1 jSo,
probablement de la partie au sud deRuessium, dans
l'enclos de M. de Solilhac à Saint-Paulien. Elle s'y
trouve encore , mais sans base et renversée parterre,
de manière que l'inscription en est difficile à lire.
Aussi nous étions-nous trompés d'abord , et ne som-
ines-nqus parvenus qu'après plusieurs voyagesj, et ^
^J
D]ES AlfTll>UAIR£S JOB FRANCS, 87
force <le persévérance et de soins > à nous rectifier
nous-mêmes. Maintenant nous la donnons avec €ei>
titade. On y voit qu'elle était placée jadis à une lieue
de la ville^ puisqu'elle marque 5ooo pas rojaiains. En
même temps elle exprime la reconnaissance de l^t
cité pour le prince qui fit construire et continua la
voie romaine de ce côté, c^est-à-dire'^pour Tempereur
Philippe y et aussi pour son fils alors déclaré césar»
DD NN
IMP M IVL PHILIP
POPIOFELICAVG
ET M tVL PHIUP
PO NOBCLISS
CAES avrr va^
MP m
Dominia Nostris
Imperatori Marco Julio Philippo , pio ^feli^ci , jfugusto , v
et Marco Julio Philippo nobilisaimo CœaariyCipitasF'ellapqrum;^
mille passus ires.
C'est donc au règne de Philippe qu'on doit faire,
remonter la date de l'établissement de la -Bb/è/ie ,
au sud de Ruessiumjel, comme Philippe n'a régné
que cinq atas , on peut fixer l'époque à Tan de
Rome 995 (244* de notre ère). Nous allons acqiiérii:
d'ailleurs une plus forte conviction.
Cette route , que nous avons parcourue sur plu •
rieurs points ; ûous a paru plus belle et plus soignée-
3d HÉHoiABâ Di I.A ioctiri kôtale
â«M cette partie méridioDate; mais^^ pour la bien
voir ians son entier , îl fant sè rendre an vfllage
de Sa^nsac. - , \
SatUsaû. — ^ Là , plf^çé veri lé niiliett de f avenue
du château de TEstrade , son alignement sur Saint-
PiattHeà est parfait ; elle semble s'y dirigelp à vol
d'oiseau. Sa largeur est de 5 ",848 à 6 ",497 ( ï^" à
20 pîetîs), entièrement pavés; les bords en sont bien
dressés , et elle s'élève , par place , d'un mètre plus
ou moins au-dessus dvf Ml, suivant que la disposi-
tion du terrain Fè3%eai< pour conserver le plus
possible ^a ligne feprizontale.
, Les fouilles qnùn f a faites ont donné à connaître
que cette chaussée è5t foi^mée de quatre couches
de pierres , dont les deux premières sont recouvertes
d'une terre grasse ou étxm ciment assez dur. La
première çouch^ est composée de grosses et larges
pierres ; 1^ secpnde,de pierres un peu moins grosses,
d'une nature quartzeuse et poreuse; la troisième ,
(îe pierres plus petites encore ; là quatrième enfin
était formée d'un gravier très-menu, et tel qu'on
remploie aujpurd'hui sur les| meilleures routes; miais
ce gravier a presque disparu faute d'enfretien.
C'est à Sansac qu'était placée là seconde colonne
nïîBiaire , dans fe partSe de la route se dirigeant de
Rùessium vers l'Espagne. Elle porte FiiiscriptioA
i^ûîvatitè :
pBé ANTKraAIRÉS DIE FRANCE. 89
DD NN
IMP MIVL PHILIPPO
HO FEL AVG
Et M I VL PHILIPPO '
J!K)BILISS GAES
CrVIT VELA
MP VI
«
Dominiê No^tris
Imperatori Marop Julio Philippo^ piof/liici, AugU9tOj
et Marco Jutio Philîppo nohiUssîmoCœsari^cii^itasF'ellavorumj
ndUé pàssuB sex.
Cette colonne qui^ comme on le voit^ marque
tfnef distance de 6000 pas romains ^ se trouvait en
effet à IttXïX fiêues de marche militaire , ou un mi-
fianiètrè de I4 capitale des Vélauniens. Elle estmain-»^
tenant déposée dans l'une dés cours du château de
FËstrâd'è^di'essëè et appuyée contre une terrasse : à
ûhé cassure près, vers le bas, elle est entière et4>ien
cotï^ttvèe. iuts lettres sont bien gravées et fort li-
sibles. Elle était restée, long -temps auparavant,
^énveï*i5(ée à Pânglé du cimetière de Sansac, où eïle
a été mutîïéé. On voit encore , au même angte du
cfïùïetâèré , et employées dans le mur de clôture ,,
dedx autres piferres dé même nature, c'est-à-direi
ifuii beau ^rès blanc, fort grande* et bîeîai taillées*
Il en est même une troisième qui sert encore de base
à là croix, en face de l'église. On peut croire que
ces trois pierres, et peut-être d'autres, ont servi
QO BIÉMOIRES m m SOCIÉTÉ ROYALE
comme de soubassement à la colonne milliâire ^ .ou
(de points de repos pour les vojageurs.
Il se troute encore , dit^-oq, deux lieues plus loin^^
au château-fort de Montbonnet, commune de Bains»
une colonne ipilliàire toute semblable. Nous ferona
en sorte de la visiter et d'en rend^rtîompte.
La portion de la chaussée qui se dirige Ters Mon-
bonnet est aussi parfaitement droite , mais sa largeur
a été diminuée par des empiétemens ; et ^ à la vue ,,
l'alignement paraît dérangé,
Nousferons une dernière observation sur la Bolène.
qui a conservé, dan^ le patois du pays, le nom de
la Vio Bolena; c'est cjue les portions bien conservées
et presque neuves qu'op en retrouve d^na le dépar-
tement de la Paute- Loire se remarcpient particor
lièrement à SaintrCeorges-FAgricolç ; à Pont Empé-
rat ( Pons Imperatoris ) ; au Pont de César , près
Chomelis;àSaint-Grenej$,nonloin de Saint-Paulièn:
à Sansac, près du château de l'Estrade, dont elle
traverse l'avenue , et enfin près dq château de Mont-
bQnnet. il paraît que ces portion^ de route sont resr
tées en si bon état, parce que les Romains., fowés.
d^abandonner leurs conquêtes dans les Gaules» et
voulant arrêtçr la marche des armées dont ils crai-
gnaient les poursuites, détruisirent eux-mênaes leur
propre ouvrage et n'en laissèrent que ça et là des^-
sections qui ne purent même servir d^ns la suite
aux communications ordinaires.
Après les réflexions que nous avons émises sur
l'établissement de la grande voie militaire des Ror
DES ANTIQUAIRES DS FRANCE. 91
mains dans la Vellavie , nous allons revenir sur nos
pas et retrouver des dates plus anciennes au milieu
des ruines de Polignac. ^ows j chercherons du moins
quelques lumières à travers les débris qui ont échap-
pé au temps et au vandalisme.
PoLiGNAG. — K ipi-chemin de Saint-Paulien au
Puy, près de la grande route venant de Clermont,
on voit le bourg de Polignac, bâti circulairement à
la hase d'un rocher volcanique qui s'élève du milieu
d'un riche vallon.
Sur la plate-forme de te rocher sont les ruines
imposantes de L'ancien château qui lui donoa son
nom.
On a émis beaucoup d'opinions diverses sur ToriT
gine de ce château ^ soit à cause des prodiges reli-
gieux qui ij sônt*opérés, dit^on^ du temps du par
ganisme^ soit à cause des singularités qu'on y re^
marque y ou des antiquités qui s'y trouvent.
En montant pour arriver sur le plateau du rocher,
nous nous sommes arrêtés près de l'église, qui, très-
anciennement construite à mi-côte, paraît renfermer
dans ses murs des débris bien plus anciens encore.
Eq effet , on y aperçoit çà et là de grandes pierresi
en granit, on grès blanc, bien taillées^ ayant des
trous pratiqués exprès pour faciliter et affermir les
constructions selon l'usage des Romains. On croit
que quelques-unes ont <^ontenu des inscriptions,
pu des restes de sculpture, ce que nous n'avons
pu reconnaître. Le seul objet qui ait attiré notre
attention et dont nous donnons le dessin sous Iç
pS MEMOIRES DE LA SÔCrÉTE ROYALE
n*3, (planche If^ ) est une pierre tumulâire, d^un
grès blanc^ qui se trouve maçonnée dans le mur ex*
térieur du sanctuaire de l'église, à une élévation de
9^,742 à i2™,994 (3o à 4o pieds). Son inscrîptioii ,
qu'on peut lire ainsi ; Deo optimo maaèimo , Jidii
MarviUani manibus , atteste qu'elle avait été placée
autrefois sur la tombe d'un personnage romain.
Ces premières observations ne sont pas sans inlé*
rêt; elles se lient assez naturellement aux découvertes
faites depuis très-long-tçmps par une foule de cu-
rieux*
Une fois parvenus sur le haut du rocber et au
milieu des ruines , nous avons chercbé et trouvé,
presque enfoui dans une tertre en culture , et sous
un amas de piertes, l'objet qui excitait le plus notre
curiosité, et qui a exercé la plume de tant d'écrivains
et l'imagination des savans de pliïsieurs siècles ; c'est
une tête colossale, qu'on dit représenter celle à^ji-
poUoîiy tête qui, par les oracles qu'elle rendait, a
donné de la célébrité au rocher de Polignac.
Parmi plusieurs auteurs, Mon^aucon^ CajUiSy
Scipioniy Gruter, et plus récemmeiit M. Ftiufds
de Saint-Fond ^ dains ses Essaie sur les volcans dii
Velay, ont donné, de cette tête, ttàe description plui
OU moins systéfttatique , et m^me un dessin itléxàét.
Grutèr, eh assurant que cette tête est èélle d^A-'
pollon, veut, quoiqu'eû exprimant des doutes, que
ce soit elle qui ait fait donner au château te noiit
$ jipolliniacum , d'où s'est formé celui de Polignac;
i)ES iNTIQtlAlREâ bË ^RANCt. ^i
et il est à observer que, d'après l'orthographe et la
prononciation du Yelay, le mot Poli§nac devait s'é-
crire originairement Polùihac*
Quoi qu'il en soit de Topinion de Gruter et de tant
d'autres qui se contrarient, il n'en reste pas moios
vrai que cette tête , qui est devenue un monument
célèbre, est susceptible de donner beaucoup à ré-
fléchir. Sa dimension est colossale ; comme elle a
été fort mutilée , on peut supposer qu'elle était de
forme ronde et d'un diamètre de i",2$g (4 pieds);
aujourd'hui elle a, dans ses cassures, i *", 19^ (3 pieds
8 pouces) de Large, sur o°',975 (5 pieds) 4e haut*
Une chose qu'il est facile de vérifier encore, c'çst
qu'elle n'a jamais pu, par derrière, la forme bombée
d\ine tjêtç; qu'au contraire, elle n'a jamais été qu'un
masque énorme qui ii^a point appd;ctenu à une
statue.
M. Faujas assure que Scipioniy dans la gravure
qu'il en a donnée , l'a mal rendue ; il en donne lui-
même un dessin nouveau, dessin qu'il a fait faire,
dit-il , avec le plus grand soin^ et cependant ce dessin
est inexact et ne rend nullement le caractère de tête*
Il annonce que le nez en est mutilé, et il le donne
formé de manière qu'on doit croire qu'il p'a rien de
l'original; il avapce aussi que la bouche en est béante,
et il la dessine telle , tandis qu'on ne distingue , au
milieu d^une barb.e t]pès- volumineuse , qu'Un trou
ovale , qui paraît avoir servi k l'introduction d'un
tul^e ou pprte-yoix; et , s^ cette tête reqdait des ora-
cle, le but de L'ouvjerture s^e;spUque naturellement*
I,
^4 S]^OiR£S DE p SOCIÉTÉ KOTÂLS
Dans cette dernière hypothèse, nous essaierons
tine explication qui rentrera dans l'opinion générale,
et lui donnrera uoe sorte de consistance.
«
Mais avant taut^ nous devons dire que la tête est
largement dessinée, que le travail en est hardi,, que
le ciseau, de l'artiste qui l'a sculptée dans un beau
'' blac de granit en a fait sortir une physionomie im-
posante et majestueuse : nous en donnons une es-
quisse (planche V, n<> i^^
Et , pour arriver sans efforts à une explication
raisonnée , pour Tappûyei» plus que sur des conjec-
tures, nous allons donnersuccessivement une idée
des autres objets curieux que nOus avons rencontrés
sur le rocher de Polignac , et qui se rattachent à l'ôn-
sembledes faits historiques que nous désirons exposer
et que nous espérons faire apprécier.
Ce qui mérite d'abord tin exàtnen particulier ^stune
grande excavation^ vulgairement nommée \e Préci-
pice. Cest une espèce d^énorme puits , parfaitement
rond^ et taillé, avec beaucoup d'art, dans le rocter;
il a i3",644 (4^ pieds) de circonférence à son ou-
verture.En 1779, il avait encore 53*^,600 (164 pieds)
de profondeur^ quoique déjà des portes en fer qu'on
y avait précipitées, à ce qu'il parait, lors de quelques
séditions, s'y étaient embarrassées dans leur cfaute,
et avaient arrêté et amoncelé depuis une grandie
quantité de pierres. Aujourd'hui on estime que sa
profondeur n'est plus que de 26 mètres (80 pieds),
parce qu'on y a jeté, dans ces derniers temps, les
.'/
^ * ■ fc'.,
décombres provenant de la' démolition du château.
Sa forme intérieure est, dil-oii, celle d'un cône ren-
tersé, ce qu'on ne peut plus voîi* : il serait même
impi^udent de chercher à s'en assurer, le parapet en
ayant été renvel'sé, et la pelouse qui l'entoure for-
mant Un bord glissant et dangereux.
La tradition populaire veut que, de cette excava-
tion , il y ait. eu un conduit correspondant à la statué
d^Jpollon, dont la bouche béante rendait des Oracles,
et que les prêtres du dieu arriéraient au fond dit
précipice par la cas^e d^une des maisons du bourg.
Cette ttadition est précieuse à recueillii*; l'idée -qui
s'est conservée ainsi est spécieuse , elle facilitera
notre conclusion.
Sur la même ligne que le précipice , et 1 1 mètres
(trente pieds) plus loin, vers l'occident, se trouve une
autre excavation beaucoup plus petite, puisqu'elle
û'aque l",02 (3 pieds) de diamètre à soii ouverture;
sa profondeur est de 3 '",599 à3™,248(8ài() pieds),
6t porte à nu sur le rocher de Lave. Clle paraît nV
toir jamais contenu d^eau* Sa forme intérieure est à
peu près celle d'une bouteille qui va en diminuant de
bas en haut : là, elle se termine par un beau bloc de
granit de o",65o (deux pieds) dehaut, bien taillé cir-
culairement à l'intérieur et à l'extérieur. Il est orné
de moulures d'une proportion agréable et d'un dessin
régulier. Sa forme donne l'idée d un autel antique^
Nous* en traçons une esquisse (planche f^j'n® 2^.
On sait que celte excavation , ainsi décorée à sal
^rperficie, se trouvait jadis dans l'intérieur d'uni
1^6 HiMÔlEËâ Dit tA SOClixi ÈOYÂit
édifice. Le dessus de la première moulure consiiervé
des restes d'agrafes en fei*^ et dix à douze trous qui ,
sans doute ^ ont contenu d^autres agrafes. Ces ob-
servations sopt essentielles à saisir; et il n'est pas
moins utile au déyeloppement de notre opinion de
faire remarquer que , dans le fond d6 Texcavation,
il existe une issue aboutissant à un bâtiment en ruine>
anciennement voûté.
Nous devons parler encore d'une espèce. de por-
tique resté debout au milieu des ruines. Son ar-
chitecture ne paraît pas être aussi antique que Tédi-
fice auquel il aurait servi d'entrée ; ce qui s'explique
lorsqu'on sait que, dansles pretniers siècles de TEglise,
les évêques du Velay, par leurs prédications , sou-
levèrent des portions considérables du peuple et ren-
versèrent plusieurs monumens de la religion païenae.
C'est, entre autres, le sort qu'éprouva l'Idole de Po-
lignac y comme on le verra dans une citation posté*
rieure. Il est donc à croire qu'après quelques sédi-
tions apaisées, et peut-être long-temps après, les sei-
gn jurs de Polignac relevèrent ce portique , et q,ue
son architecture a dû se ressentir du goût du moyen
âge. Il est essentiel d'observer que ce portique ne
peut ^voir été celui d'une chapelle chrétienne ,
puisque la chapelle du château, récenm;ient démolie,
existait non loin de là.
Mais ce qu'il j a d'intéressant, c'est U position du
portique, l'emplacement de l'édifice auquel il appar-
tenait et la continuation du mur de façade orné d'ime
frise^ dont il reste encore une partie vers la 4^oitC'
DBS /ANTIQUAIRES DB FRANGE. 97
On en tire natur ellement la conséquence que^ puis-
qu'il existait un temple sur le rocher de Polignac , ce
portique en formait Tentrée, et que ce temple , par
l'étendue que ses restes annoncent, renfermait, dans
son enceinte et vers le fond à droite, la plus petite
desdeui excavations qui se trouve exactement dans
cette direction.
Une autre circonstance à noter particulièrement, .
c est que, vers le bas du village, on voyait encore,
au commencement du i8* siècle, sur l'emplacement
actuel de la maison de M. .Vialatte, les débris d'une
espèce d'oratoire , ou saçellum; que, là, probable-^
ment, les pèlerins, dans une première station, dépo-
saient leurs offrandes, et qu'interrogés sur les ques-
tions qu'ils voulaient faire, on y préparait les ré-
pon$es qu'ils allaient entendre ensuite, dans Tin-
tériieur du temple , au haut dû rocher.
Quant à la communication, elle devait avoir lieu
par une issue dont M. Vialatte a lui-même fait mu-
rer l'entrée, parce que les pierres qui se détachaient
des voûtes humides l'avaient encombrée, et en re^v
daient, chaque jour, l'accès plus dangereux. Cette
issue aboutissait à la grande excavation qui , alors ,
par son vastfe entonnoir, répandait l'air et la lu-
mière dans toutes les avenues souterraines, ^etde là
conduisait aux habitations des prêtres et à la petite
excavation surmontée, dans un sanctuaire du temple,
de l'espèce d'autel dont nous avons donné le dessin ,
autel que fermait hermétiquement le manque co-
ir. 7
gS MSHOIRËS DE Là, SOCIÉTÉ. ROYAtE
lossal d'ÂpoUoD , ainsi qu'il appiaraît encore pàt les
trous et les agrafes n fer qu'on y remarque.
Ceci rend toute naturelle l'explication du mode
employé pour faire sortir les oracles par la bouche
toujours ouverte delà divinité.
Mais continuons nos recherches et arrivons à
la découverte qui , seule y nous a conservé une date
certaine et vient à l'appui de la tradition.
Au bas àxi portique ^ un peu vers la gauche , se
trouvent dix à douze belles pierres^ en grès blanc
très-dur : elles sont bien taillées y et des trous prati-
qués^ suivant l'usage des architectes romains ^ pour
lès fixer dans de grands édifices, annoncent leur an-
cienne destination.
Parmi ces pierres, il en est une contenant inscrip-
tion très-importante; elle est bien gravée. Les lettres,
à l'exception d'un seul chiffre, sont bien conservées
et encore lisibles, mais elles commencent à s'alté-
rer beaucoup. Cette pierre a o",895 ( 35 pouces )
de long, sur 0^,487 (18 pouces) et 0^,379 (12
pouces) de hauteur. La moulure qui l'encadre est
bien sculptée. L'inscription qu'elle retrace à bien
été citée par M. Faujas , mais inexactement , sans
interprétation, sans réflexions aucunes, et sans faire
observer que le premier X , qui commençait la der-
nière ligne, avait été mutilé et avait disparu, ce qui
importe surtout pour les dates et les faits historiques.
Sa,S JLJSiTJfiVUWS PE FRANCE. .99
Voici ceUe. ittscription :
TI CLÀVDIVS CAES
ATG GERMANIC
t»OWT MAX TRIB
POTEST V IMP
, . m PP CQS llll
Tlberius ClaudiuSj Gœsarj AugustuSjCermahicuSyPontifex
maximus , trlbunidâ potestate \j imperator XXI , pater
painœ^ eonsulatu IV.
Gqoiqq^ 0a le saiit^ elle atteste la présence^ et en
même temps la piété de l'empereur Clau4e.
£q e£Eet; des- traditions oiiales^ des relations
pleines d'intérêt , et de très-anciens manuscrits s'ac-
cordent à dire que ce prince vint en pompe , de Lyoïî
à Polignac, consultei*roracle d'Apollon; qu'il y laissa
des marques de sa munificence et de sa piété , et
que les prêtres constatèrent cet événement par une
inscription qu'ils firent placer sur les murs extérieurs
du temple.
Ici l'époque est précisée ; elle constate que les
(^ades de Polignac étaient déjà célèbres sous le
quatrième consulat de Claude ^ l'an de Rome 798^
et de ;notoe ère le 47*.
Au surplus ; cette espèce de pèlerinage du prince
qui, avec le iitce d^JEmpeteur et de Pète de ïa patrie^
avait reçu cdui de Grand-Pontife ^ -çon^^ï avoir
pour but d'accréditer la sagesse de l'oracle et la
puissance des prêtres; d'autant plus qu'à cette époque
te religion chrétienne prenait déjà de l'influônce.
7*
100 KBMOIRES DE LA SOCIETE ROYALE
Peut-être aussi , et ce but eût été plus politique et
plus grand , Toulait-il avoir la gloire d'achever Toeuvre
de Tibère, et de se faire ordonner, par la divinité ,
de déployer une fermeté doot on ne le croyait pas
susceptible en portant avec force le dernier coup
à la religion sanguinaire des Druides. C'est en effet
sous son règne que fut enfin proscrit ce culte bar-
bare qui perpétuait Tusage des sacrifices humains.
Cet acte seul mérite à F^empereur Claude une place
dans la mémoire des hommes, et fait oublier quel-
ques-unes des faiblesses et des fautes de son ifègne.
Maintenant appuyons-nous sur (Quelques citations
qui vont nous conduire à une conclusion simple et
historique.
Si nous ouvrons l'Histoire du Languedoc , une
Dissertation savante sur les Volces^ et plusieurs
Chroniques du pays , nous y trouvons la preuve qu'il
existait un temple d^ Apollon, fameux par ses ora-
cles, près des frontières de r Auvergne et sur les con^
fins du F'elay; et c'est bien la position de Polignac.
Si nous consultons une histoire particulière du
Puy, écrite, au xvf siècle, par le jésuite Odo de
Gissey, nous y rencontrons la même preuve dans ce
passage : « Saint Georges, qui fut le premier évéque
« du Velay, n'épargna rien contre le paganisme ,
« baptisant à troupes les gentils , abattant leurs
« temples y et particulièrement il mit par terre le si-
ce mulacre d'Apollon , lequel on adorait sur le haut
ce roc de Polignac. »
])E8 ANnQUAIRSSr DS FRAKCE. 101
n cite ensuite y en parlant du rocher de Saint-
Michel , au Puj, ces.yers^.plus anciens qye ce qu'il
écrit lui-même :
c D'un château imprenable il est aroisioé^
« Où du Lator^ien le peuple enûiéj^iné,
« Sur le trépied fatal cpnsultait les orctclee;
« C'est d'où les Polignacs illustres sont sortis. »
Un autre ouvrage , à peu près du même temps ,
par l'ermite Théodore , nous confirme dans la même
opinion^ et nous fixe snr l'étjmologie du nom de
Polignac. Au liv. I*', chap. V, il dit, en parlant de
saint Georges :
« Infatigable qu'il était à poursuivre ses saintes
« victoires y il allait attaquer la gentilité dans les en-
« droits ou la réputation de quelque idole la rendait
« plus puissante; et le seigneur de PolignaCy obstiné
« à adorer son Apollon y lui ayant fermé son château
«sans le vouloir entendre, on tient que, par la
« vertu de ses prières, il renversa le faux simulacre
« dont on voit encore les restes couchés par terre.»
Et plus loin, liv. III, chap. III, il ajoute :
« Pour faire connaître la grande antiquité de la
« famille de Polignac, il faut savoir qu'à cause de
« Y idole de son château, elle portait le nom d^Apol'
w linaire.
Il cite à l'appui ce passage latin :
« Domus Apollinarium antiquissimay nomenque
« Âpollinare adhuc hodiè retinet et Polignac ab in-
«< digeni$ indigitatur. — Savaron in Sidon. Lib.IY»
lOâ uéitotAts n LA soGliilà hotale
Ce nom d'Apollihaire, antique et primitif, se trouve
conservé par un- auteur célèbre qui Ta toujours porté
lui - même ; c'est le fameux Sidonius ÀpoUmaris ,
évêque de. Glennont au v'' siècle, ,
Nous lisons, daDsTnade sesnombrelixet doctes
écrits, que son gtmd-p€i% fat le premier de la
race des Poîignac qui, VersTân 4oo, embrassa le
christianisme; ce qu'atteste encore Tépitaphe sui-
vante qp'il lui fit :
« J£èsc sed lUasàma digniias probatur,
« Quçdjrotftem cruce,m^nbrafofUe pufgans^
« Primus de ruimero patrum suorUTn,
« Sacris sacrilegis renuntiaffit, »
■ * r *
ËnjSa^ en rassemblant tout ce qui précède^, en
Uant entre «Ues toutes les. par ^ûçs^ nous croyons ppu-
voir établir les faits avec une sorte de certitude , et
dire historiquement ;
Il existait sur le rocher de Bolijgnac un lempje con-
sacré à Apollon. '
La famille des Polig^nac > Fune des pluis anoiciçêpes
de France, en a tiré son nonu
Ce temple d'Apollon était devenu célèbre par les
oracles qui s'y rendaient.
En Tan 4^ de notre ère , Fempereur Qaude , qui
était né âi Ljon , et qui a toujours favorisé ces con-
trées , y vînt lui-même consulter la divinité et accré-
diter sa réputation et sa puissance.
Plusieurs débris, qu'on retrouve encore', révèlent
les irioyens seèrets qu'employaient les prêtres pour
faire parler leur dieu et en Imposer aux peuples.
Pf$ AN7*IQUfIR]E^ p^ l^J^kJiCE. 103
La fi^re colossale d'ÂpollQn^ dont 1^ bouche était
puyerlje, fermait à plat |e dessus d'qn autel qui 3e
trouvait (îan,s le sanctuaire oriental du temple. Cet
autel était évidé dans son intérieur, et formait comme
le tujau extérieur d'une excavation conîcjue , du
fond de laquelle une issue conduisait à quelques
salles où se tenaient des prêtres, et au sacelîum
construit au bas du rocher.
Les communications souterraines étaient facilitées
par une vaste çt profonde excavation , en forme d'en-
tonnoir, qui , percée perpendiculairement de la cime
da roc jusqu'à sa base , répandait l'air, la lumière et
la salubrité dans tous ces antres du mystère et de là
superstition.
C'est dans le sacelîum que les peuples déposaient
leurs vœux et leurs offrandes. Les ministres du dieu
en étaient instruits aussitôtparles issues intérieures;
ies oraoles s^préparadentj et, loT«que4és consultans
avaienft <>btéhù rentrée du temple'et du s^nctiiaire,
ces oracles,arrivant par quelques règles d'acoustique
bien calculées, sortaient par la "bouche d'ÀpoUon , et
pprta^eQt dans les âmes lel^xlans lés aspriis le trouble,
le j^e^tcl èl la persiiAâîon.
{T.ei est, ce BOUS semble, le système le plus simple
auquel, on puisse raisonnablement s'arrêter; mais
qu'd nous soit permis de ne point quitter l'article
de Poligoac, sans exprimer un vœu : c'est qu'on
j|[Har. on ^puisse fouiller; à; fond la grande excavation.
Tout por.te à crQire qii'il s'y trouverait des fragmeus
d'^rçhjt^ottiiie , des stajtueâ, des colonnes , et peut-
104 MÉMOiaES DE LÀ SOCU&TÉ KOYAJLB
être des inscriptions qui donneraient un nouvel in*
térêt à l'histoire de cet antique et célèbre château ,
et lèveraient tous les doutes sur la nature et l'impor-
tance de ses monumens*
Nous terminerons par cette réflexion conso-
lante^ que font naître les pieuses fraudes dont on
retrouve les preuves au milieu des rqines : c'est que
la religion païenne^ en faisant tomber la religion
des Druides . commença à adoucir les mœurs . et
qu'elle servit de transition pour arriver à celle des
chrétiens^ et par suite à la civilisation des peuples.
NOTICE
Sur qudques fêtes et difertissem^ns populaires du départe-
ment des Deui^Sèvres; par M. le baron Dirriir^ membre de
la Société.
JLu. Société royale des antiquaires ^e délasse quel-
quefois de ses études sérieuses en écoutant le récit
Baïf des mœurs de la campagne. Dans le tableau des
divertissemens champêtres et des jeux de l'enfance ,
elle retrouve souvent des traces des lois civiles et des
coutumes religieuses d€s anciens peuples.
' On croit donc ne pas lui déplaire en lui présentant
une notice sur les fêtes populaires conservées dans
une partie du Poitou. EHe y verra quelques détails
DES ANTIQUAIBES DB FIANC]^. lo5
déjà disséminés dans divers mémoires statistiques ;
mais il j en a d^autres qui, jusqu'à présent, sont restes
inédits et qui ne manquent point d'intérêt.
Il faut à ITiomme des délassemens , et ragriculteur
a les siens. Taptôtie citadin parle avec mépris des
plains qu'on goûte aux champs , comme pour se
persuader que lui seul sait sentir et jouir ; tantôt il
les loue à outrance , comme pour se dispenser de
plaindre les durs travaux qui les précèdent et qui les
suivent. Les plaisirs du villageois sont comme ses
mets; ils sont plus simples et plus rares que les nôtres,
mais il y apporte plus d'appétit. Nous nous moquons
de son ignorance ; mais il a l'esprit de son état , et
cet esprit-là n'est pas toujours le nôtre. D'ailleurs ,
il sait aussi prendre sa revanche et rire à nos dépens,
témoin cette chanson en patois vendéen , publiée
dans les mémoires de l'Académie celtique , tome 3,
page 370.
Les hàbitans du département des Deux -Sèvres
sont essentiellement agricoles f surtout dans la Gâ-
tine , toutes leurs idées se portent vers la terre qu*ils
cultiveiît, et vers le Dieu qui la rend féconde. Ce
que leurs usages ont de particulier doit donc se rap-
porter à Fâgricukure et à la' religion.
Quelle joie éclate à la récolte des foins! Le travail
deK fauches est pénible , mais c'est à faner qu'on se
dédommage. On chante, on folâtre , le vin' est pro-,
digue ; et ceux qtii n'ont point cette récolte à faire
vont, cotnme en partie de plaisir, offrir leurs ser-
vices à leurs voisins , sans autre intérêt que de se
io6 MEmui^ pf i^ $ociiji npyfix
réunir, de causer franchemeut. derire de J)On cœtfr,
et de trouver le soir un repas frugal assaisgnné par
la gaieté.
Les plaisirs de la moisson ne sont pas moins vifs.
Chaque matin avant Tauror^^ le son du cornet ou
du limaçon de mer se fait entendre ; le moissonneur
se lève, saisit safauciUe.et son portoir^ la bande
joyeuse se forme, et Ton part pour le champ que le
maître a désigné dès la veille. On a réglé d'avance à
qui appartient l'honneur du premier sillon , et datls
quel ordre les autres doivent suivre. Le cœur est ra-
rement étranger à cette distribution ; chaque garçon
se place auprès de sa maîtresse ; il l'aide , et Içç doux
propos font oublier le poids du travail et du spjeil.
Apporte-t-on la soupe, tous approehept, on s'asseoit
à l'entour, on rit, on plaisante ; mais celui qui s'é-
carte de la décence est puni aussitôt. Il reçoit m^ le
derrière un nombre de coups proportionné à la gr^t-
vité de sa fautej un sabot est l'instrument du suppjice.
Après le repas on accorde une dççai - hwj^e au som-
meil , et l'on se remet ensuite à l'ouvragç daj(is le
même ordre qu'auppiravant. La nuit venue, les noyç^j^s-
sonpeur^ se rassemblent par troupi^s ; une fille chanje
à plein gosier , tous Jui répondent si^r le mem^ t^aç ,
etl'onrentre ainsi au village.
La moisson est finie , c'est un jpur ^ trîp|r\plie.
Pendant que les hommes tr^^vaislleAt encore fi r^^LS-
sembler les gerbes et àpharger la cUar^'çtjte,;le& filles
préparent /« ^erhe de /^«./^/?/zi7/e./ Trois loç^uç^.b/a--
gupltes soutiennent plusieurs cerceaux garçuis ^e
085 Alin<^UAIBS8 M FiUNGX. lé^
nilùfis et d'épis dont la paille est réunie ave<^réx^
trémitë des baguettes len un seul faisceau. Celui qui,
pciidant toute la moisson ', a tenu le premier sillon ^
a le droit de porter cette gerbe dTionneur. Nouveau
Triptplème, il monte sur le devant du char. La troupe
le suit. Les cris de hu ! iou ! et les sons rauques du
cordet annoncentia fête de Cérès. On arrive à la mé-
tairie, un festin j attend les moissonneurs, le v4n
coule à grands flots ; au premier silence de Tâppétit
succèdentbientètles transports d'unegaieté bruyante^,
et des danses terminent cette heureuse journée.
Le battage des grains se fait aussitôt après la mois-
son ; c'est le plus fatigant des travaux rustiques ;
cependant les batteurs trouvent moyen de Tégayer
en infligeant des peiues à ceux qui enfreignent les
réglemens de la police de IWre. La correction ordi-
naire consiste à renverser le délinquant sur un hallin,
drap de grosse toile rousse , que quatre hommes ro-
bustes tiennent par les coins. On lui fait faire ainsi
plusieurs fois le tour de Taire , et mille éclats de rire
accompagnent cette promenade. Le battage, comme
la moisson, se termine par une fête connue sous le
nom de bourlot. Ce qui la caractérise particulière-
ment , ce sont les plaisanteries que font les battetirs
en enlevant la dernière gerbe; ils y attachent une
grosse corde, et feignent de tirer de toutes leurs
forces sans pouvoirrébranler; mais bientôt le maître
apporte du vin , et la gerbe> d'abord si pesante , est
enlevée sapsTi^sist^^nc^e. ;.
€e.n^xi jde bourkA Àonfié atix fâlesTfuiitenmnent
1 08 &(£tfOIRES DE lA SOdiri ROYALE
les principales récoltes ^ la moisson, et là veadaDige ^
aurait-il quelque rapport au bouluton djes Grecs^ si-
gnifiant le moment où l'on oie les bœufs <j[e dessous
le joug, le repos, le soir? *
Pendant Fhiver les solennités religieuses occupent le
cultivateur^ et sont pour lui une nouvelle occasion de
divertissemens. Par exemple, le jour de la Toussaint,
la jeunesse se rassemble dans les champs, allume
de grands feux de fougère^ d'épines > de feuilles ou
de chaume I et y fait cuire des châtaignes. Gela s'ap-
pelle^wra 7e brasilUt. On danse autour du feu , on
s'arrache les châtaignes, on se pousse , on crie^ on
fait grand tumulte , et chacun rentre chez soi plus
content que s'il sortait de l'opér^.
La veille de Noël , après souper, on se réunit chez
les métayers les plus aisés. Le maître dé la maison
se fait apporter une souche énorme ^ et entouré de
tous les assistans recueillis dans le respect et le .si-
lence ) il répand sur cette bûche d^ l'eau et du sel.£Ille
est ensuite mise au feu pour brûler pendant les trois
fêtes ; mais on aura bien soin d'en conserver un tison
pour le rallumer toutes les fois qu'il tonne ; le village
sera ainsi préservé de la foudre. Cette cérémonie
achevée, chacun prend place autour du foyer; ou
chante des noëls poitevins aussi burlesques mab bien
moins gracieux que les noëls bourguignons; et, après
la messe de minuit, on revient faire un copieux ré-
veillon (i).
(i) Les Uarseillais prétendent que ce sont eox qui;^ les pre-
miers^ ont pratiquéla céréoionie de la bûche de Noël. Je respecte
DBS ANHQU AIRES DB FRAKCE. lOg
Le jofir de la Parification, le laboureur ne manque
jamais de faire des crêpes^ a(în> dit-il, qUe ses fro-
mcBs ne soient point cariés.
Le dimanche des rameaux, il plante dans chacun
de ses champs une branche de buis bénit. Le jeudi-
saint est cmplojé en exercices de piété, et à chasser
le lièvre dé pâques. Le vendredi, après Toffice, on
s'occupe exclusivement du verger; on greffe, on
sème différens légumes ; oh ne manque pas surtout
de semer de la giroflée, dans la croyance qu'elle sera
double. Le samedi se passe à faire des pâtés de ha-
chis de viande et d'œufs durs ; on en fait dans tous
les ménages; il j en a un pour le maître et sa femme,
soutent un pour chaque enfant et chaque domes-
tique.
cette opinion, mais je vais rappeler comment la même céré-
monie s'exécute enCorse. « La veille de Noël, on met une grosse
( bûcke sur le feu, et Ton prépare un bon souper. Au moment
« de se mettre à table ^ le père de famille fait mettre tous ses
< enfans à genoux autour de la cheminée, tepant, ainsi que
« lui, à la main une feuille de laurier; le père tient de plus ^n
« terre rempli de y in. Lorsque chacun a pris place, il récite
« quelques prières; il ordonne ensuite à ses enfans de jeter
9 leur feuille de laurier dans le feu, par rang d'âge, en com-
< mençant par le plus jeune; la mère les imite, et^ après elle,
« le père y jette à la fois sa feuille et son vin. Dans quelques
« autres parties de l'île, cette coutume est un peu différente,
« Sur la table, où le souper est ser?i, on place un grand verre
« de vin ; le père de famille prend une petite portion de chaque
* mets et la jette dans ce verre; et, après avoir récité des
« prières > il répand ces libations sur la bûche de Noël. »
1
La veiUe de la Saint-Jean est une . grande £âte
pour les campagnes, ^rës le coucher du soieiL»
chacun porte son fagot sur la place; oa en forme une
pyramide, et le curé vient processionnellement y
mettre le feu. Cette flamme pétillante fait tressaillir
tous les cœurs , la joie brille sur tous les visages.
Déjà les jeunes gens de Tun et de Tautre sexe se tien-
nentparla main, et s'ébranlent pour daoser autour
du feu nouveau. Mais les chefs de famille ont là; et ,
avant de céder la place à cette jeunesse impatiente,
il faut que chacun passe par la flamme salutaire le
gros bouquet de bouillon blanc et de branches de
noyer qui, le lendemain avant l'aurore^ doit être
placé au-dessus de la porte de la principale étable.
Enfin la cérémonie est achevée, les jeunes gens restent
maîtres de l'arène, le silence est rompu, les groupes
s'élancent, les cris de joie retentissent, on danse,
on chante; et cependant les vieillards se chaufleut,
et mettent de la h^âis^ dans leurs sabots > comme
préservatif çantxe utie foule de maux«
Uû feu de jodc est d'étiquette en Poitou dans tautes
kfs réjouissances publiques. On tourne trois fois au-
tour avant de l'allumer , comme les anciens Grecs
tournaient trois fois autour de leurs bûchers funé-
• • •
raires et expiatoires •
Les foires sont la grande partie de plaisir et la
graine affaire du campagnard. Il y agiote sur le bé-
tail; il y règle ses intérêts avec le marchand delaine,
avec le marchand de vin,, avec sop propre taire;
il y loue des domestiques* Up chaojip.de .fov'ie est
DES ANTIQpÂIftEâ DÉ ÎPRANCE. 1 1 1
pour loi &è qti^^Bl la bourse dans tiilé ville de dOiri-
lûerce. Le JJluà souvenfl il y va par curiosité ^ sachant
qu'il trouvera fcôhlpagnie au cabaret , et que des
danses termineront la journée- Lés colporteurs v
étalent leut^s rubans dè^ et de soie^ leurs bagues de
plomba leurs croix d'argent, leurs petits bijoux de
similor. Les chaudronniers dressent contre les arbres
leurs trophées de poêlons et de marnai les. On respire
le parfum de ces bonnes ybu^ce^ célébrées par Ra-
belais, et des anguillettes salées que les gourmands
font frire par tronçons. On mange sur l'herbe au
bruit des chevaux , des mules , des bœufs , des mou-
tons, des pourceaux qui hennissent, qui braient, qui
mugissent, qui bêlent, qui grognent, et des conduc-
teurs qui, le bâton levé, crient plus haut que tous
ces animaux ensemble pour réprimer leur pétulance.
Une foire poitevine ne ressemble pas mal à un bi-
vouac de Tartares.
Pendant Fêlé , il y a beaucoup de ballades ; elles
accompagnent dans chaique village là fête patronale.
Les hommes y jouent à la boule; c'est le jeu le plus
en vogue, maïs il n'est pas le seul. On connaît aussi
le tir de l'ôie au bâton ; qu bien c'est un oiseau
qu-on suspend à une corde entre deux arbres éle--
vés , et que les joueurs doivent tirer à l'arc , les
yeux bandés. La jeunesse ne s'amuse guère à tout
cela; elle danse , l'objet d'une ballade ede danser.
Les danses sont très-gaies , et animées de gestes et
de cris : hal de Saintonge, gavotte^ menuet^ branle
de Poitou. Ce dernier fut jadis fort à la mode ; on
112 MÉMOIRES pE lA SOGlilA EOYA U
en donnait le spectacle à Louis XI pour dissiper ses
terreurs. La i^èze ou musette est Tinstrument du
pays ; quelquefois on se donne le luxe d'un violon ,
souvent aussi tout Torchestre consiste en une vieille
femuie chantant un air monotone et sans paroles.
Dans quelques villages de Gatine^ les jeunes gens
sont fort habiles à danser sur les maiûs ,- les pieds
en Fair ; ils soutiennent cet exercice pendant trois
quarts d^heure, sans rompre la mesure. Dans la même
contrée, on aime aussi les jeux de course, et tous les
âges j prennent part. On forme ordinairement trois
quadrilles; l'un est composé desgarçonsi le second
des papas ; on relègue au dernier les hommes ma*»-
riés qui n'ont point d'enfans, et que par dérision on
appelle /72u/e;^. Rarementceux-ciremportentleprix.
Après ces jeux, il se trouve toujours quelqu'un qui
divertit l'assemblée par des tours de souplesse y ou
par une harangue burlesque dans le genre de Mi-
chel Morin. Une gatlnelle, qui ne danse pas, tâche
au moins de jouer à Vembertounage avec son pat*-
souniery c'est-à-dire avec le valet qui sert avec elle
dans la même métairie. Ils s'asseoient tous deux par
terre, l'un devant l'autre; et, s'appujant pieds contre
pieds, se tenant par les mains, ils se balancent par
un mouvement de tangage. C'est ce qui a fait aussi
donner à ce jeu le nom de vogue la galère. Le nom
patois diembertounage signifie jeu d'amourette. Jadis
on appelait A^r/o^rhomme qui entre tenait une cour-
tisane ; et l'italien dit encore imbertonnavsi pour
inamovani , s'«raouracher. Le^ filles qu'on voit jouer
DBS ANTrQUiÛTlËS DE FRANCE. 11$
à ce jeu ne trouvent pas Cacilement à se marier, et
les confesseurs ont soin de le défendre. ■-
C'est dans les ballades que se forment les tendres
engagemens. Une jeune fille serait bien honteuse si
elle ny paraissait avec uh jeune homme qui lui tire
les doigts, car c'est ainsf qu'on file le parfait amour.
Dans l'intervalle des danses, on voit le galant debout
devant sa maîtresse , le coude lourdement appuyé sur
son épaule, et la main glissée, en tout bien et tout hon-
neur,, dans l'épais corset que souvent aucun fichu jde
recouvre ; de l'autre main, il lui tient un doigt qu'il
serre fortement; ils se regardent en silence, et res-
tent immobiles durant des heures entières dans cette
muette contemplation.
Les villageois ont leurs veillées , réunions plus
joyeuses cyie les cercles brillans de nos cités. En
Gâtine, ces veillées se tiennent souvent dans des car-
rières, dans des cavernes où l'on n'entre que par une
ouverture fort étroite. Le lieu le plus obscur est,
choisi de préférence. C'est là que, chaque soirj à la
pâle lùeurd'une lampe, les mères et les filles se ras-
semblent pour caquetem et pour filer, les garçons
pourvoir leurs maîtresses. La bergère laisse tomber
son fuseau, l'amant s'empresse de le ramasser; voilà
une déclaration dans les formes , et quelques pru-
neaux qu'elle lui donne attestent qu'elle n'est point
iosensihle. Cependant on raconte des histoires épou-
vantables-de revenans, de loups-garous, de sorciers
auxquels les habitsms de cette dontréè ont encore*
bcauo«a[^defoi. Uiflî^tnaladie est'uti sort qu'on learâ
IV. 8
] 1 4 ifÉuoinEs i^E LA ^ciiii royale
]eté, et ib s'adressent au devin. Celui-ci^ pour gué-
rir la fièvre , prononce des paroles , attache au cou
du malade un sachet d'herbes cueillies en nombre
impair avant le lever du soleil, avec défense de rou-
vrir/ car un seul regard sufiirait pour faire perdre
à ces herbes toute leur vertu. S'agit-il d'une entorse,
le tùucheur est appelé ; il s'arme d'une hache et
frappe un grand coup contre terre entre les jambes
du patient, lia tué le chat ^ et le malade est guéri;
car c'était un chat invisible qui s'attachait des griffes
et des dents au pied de ce pauvre honune; et occa-
sionnait ses cruelles douleurs.
Les fêtes de l'été ont développé les iorclinations ;
l'automne est la saison des mariages. Le fiancé i ac-
compagné d'un de ses parens et d'un parent de sa
prétendue, va faire les invitations^ en réglant scru-
puleusement l'ordre de ses visiter sur les^'différens
degrés de parentés Dans chaque maison , il attache
au lit du mdtre uii bouquet de laurier orné de ru-
bans, et il répète partout le même compliment dont le
protocole est aussi immuable que celui delà chslncel-
lerie romaine. Ces tournéej^ ne se font pas sans boire.
Le jour de rhjmen est annoncé dès l'iurore par
des coups de pistolet. Les jeunefs filles font la toi-
lette de la mariée; elles rabattent les longues barhes
de sa coiffe , elUs lui arrangent uti chaperon de clin-
quant, et chacune a soin d'y mettre une. épingle :
épingle mystérieuse im'elles reprendront à la toi-
lette du soir el qui .Leup iera trouver dea maris.
Paré% d'un beau ficbv d^ Roi|e^jL>a pièce ( d'ast<^
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. Il5
mac.) cbaoïarnée de rubans et de galons^ une pe^
lotte et une bourse pendaol à sa ceinture^ Tépoifoe
vient s'assicoir au milieu de sa famille et des nom-
breux conviés. Elle marque son moûde^ c'est-^à-^dire
qu'elle distribue le8 livrées, et en échangé cKacufi
lui donne une pièce de monnaie et tm baiséir» On
déjeûne et Ton se rend à Tautet ; au moment du dé^
part, let pleurs sont d'étiquette indispensable. Elle
est conduite par son père ou son plus proche pai^ent;
et^ aussitôt après la bénédiction nuptiale, elïepa^^
sous la garde du plus proche parent de Tépoux ; il
répond d'elle, et doit raccompagner sans cesse jus-
qu'au soir. La cérémonie faite, les jeunes filles |ûon-
trent avec orgueil l'énorme bouquet qu'elles ont pt*é^
paré pour la mariée (i); elles rattachent à son côtéèn
chantant une complainte où i^ont retracées toutes les
peines de son nouvel état : i>ous n'irez plus au bal ,
madame la mariée j s^ous garderez la maison ^ tandis
que nous irons. Ge bouquet, qu'en certains endroits
ou appelle épine , est un« vraie cotne d^abondance.
Il est composé d'une glande brandie de laurier en^
rubannée, chargée de| fleurs et des fruits de la iai-
son. On retourne en même pompe chez la ma*
rîée; on porte devant elle une ^enouitle garnie de
Un , présent de sa tendre mèr^et symbole des Ira*
vaux domestiques. Des coups, de pistolet accompa-
(t) Dans lesTilIages protestaàs, la fille qui n'a pas su garder
sa virginité ne porté, lé jour de ces noces, ni cKaperon, ni
bouquet, ni ceinture; eHe a une coiffe de kiûe. .
81 •
1 1 6 MEMOIRES DE LA SOCIETE ROYALE
gnent les cris /om / lou! on croit entendre les ber-
gers d'Arq^die chantant leur lo paian. Le festin est
servi; soixante canards ou poulets rôtis au four ex-
citent l'appétit des convives. Tous les honneurs sont
pour la mariée ; son gros bouquet est attaché à la
muraille, au-dessus de sa tête : le marié reste debout,
occupé à servir pendant tout le repas. On chante ,
on boit , on danse ; l'épouse dok danser avec tous
les hommes et en être embrassée. Pans quelques
cantons, l'usage est de Ibi prendre un soulier qu'on
renaplace par un sabot , pour montrer que la bonne
ménagère est boiteusie et ne sort pas de chez elle ^ l'é-
poux i^chete ce soulier moyennant un écu. Ailleurs,
on ne prend lé soulier de la mariée que lorsque le pa-
rent qui la garde a eu l'imprudence de la quitter un
instant; les jeunes gens s'emparent du soulier et vont
le ferrer , ce qui donne lieu à beaucoup de risées ,
souvent à des, querelles. La nuit venue, de nouvelles
chansons et des tiotemens de verres annoncent à la
mariée l'heure de la retraite ; déjà un des garçons
de la noce lui a pris furlivevient la jarretière pour
être coupée et distribuée le lendemain. Cet usage
figurait déjà, il y a deux mille aàs, dans les noces grec-
ques et romaines; la jeune vierge, en allant au temple,
jivait soin de r^ver avec une riche agrafe le côté
gauche de sa tunique , pour laisser voir une jarre-
tière ornée de perles et de pierres précieuses* Elle
la déposait sur l'autel dé Junon Pronuba , et elle
distribuait, au nom de la déesse , aux jeunes gens
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. II7
de la noce de petits bouts de ruban de la même cou-
leur que cette jarretière.
La timide épouse a quitté la danse* pour se retirer
dans une maison étrangère. Ses compagnes la sui-
vent, la déshabillent, et bientôt elles font place à
répoux. Souvent celui-ci dérobe à toute la noce la
connaissance du lieu où il a fait préparer la couche
nuptiale; ce sera quelque endroit écarté, une grange,
un colombier. Il y entraîne son épouse, il joue pour
un moment le rôle de ravisseur. CVst ainsi que, dans
Tanci^ine Sparte où l'auteur d'Anacharsis nous
montre tant d'usages analogues aux mœurs draidi-
ques, l'époux enlevait l'épouse delà maison pater-
nelle, pour figurer que les liens qui l'attachaient à
sa famille étaient rompus. L'enlèvement des Sabines
ne fut peut-être pas autre chose. Deux ou trois heures
après > on cherche la retraite cachée où l'hymen cé-
lèbre ses mystères. Quelque jeune fille est toujours
dans la confidence et montre le chemin. Gn a pré-
paré une soupe à l'oigaon. Le vase qui la contient
est porté par deux honim^s vigoureux sur un bran-
card couvert d'une nappe blanche, et tout le cor-
tège se ren4 à la porte de la chanibre nuptiale dont
il faut demander l'entrée par lïne chanson. La soupe
est posée svtv le lit des mariés ; ils mangent, on mange
avec eux; on leur essuie fréquemment la bouche
avec une serviette , et aux àssistans avec des plumes
de coq saupoudrées de poivre. Les époux ainsi res-
taurés, on leur souhaite un bon reste de nuit, et l'on
va, «ur nouveaux frais , danser, chanter et boire à
1 i8 MÉtiOIRL^ DE LA SOCIBIE ROYAtI
lew* hooi^eur. Le leodemaia fnatio^ après imcopieax
déjeûner , vient le traînebalais. C'est une promenade
poiir laquelle les gens de la noce se travestissent
et s^'affubJient de tous les déguisemens ridicules qu'ils
peuvent ioi^agiaer. L'un s'empare d'une brocbë à la-
quelle tiennent un pain et un morceau de rôt; un autre
poTte un baril j celui-ci uae quenouille et des fu-
seau^s:^ Dana le temps que les citadin^ enveloppaient
eacore leurs cb^veux dans un rubao de queuç ou
dans un sac de tafletas noir , les campagnards les
siag;eaien.t ca s'atlachant au dos une longue gueue
de paille ou un battoir à lessive. Le baril se remplit
dans chaque maison que Ton visite i on fait boire
Içs passans^et on leur passe une plume sur la bouche^
cQmme pour leur dire:.vous n^ tâterez pas du reste.
Le joyeux cortège est ouvert par les époux marchant
gravement et ayant devant eux un violon ou une
musette; il est fermé par d^ux homme& dont Fu&>
armé d'upibuet^ chas$e la noce devant lui> et l'autre
avec ua balai, nettoie les rues et fait disparaître les
vestige^ de cette petite orgie.
Le^ petites villes ont conservé une bii^nne partie
de. ces mœurs simples et de cette gaité champêtre.
Quejquesrunes ont eu aussi des divertissemens par-
ticuliers qui leur étaient propres. Telles, étaient les
bacheleries de.Ghatillon et de Gbanipdeniep qui sont
tombées en désuétude par le malheur des temps;
telle est la bachelerie de Mellei qui subsiste encore.
On va décrire ces fêtes de la jeunesse.
Il faut se rappeler qu'on donnait autrefois le titre
DfiS ANTIQUAIRES DE FRANC£. 1 IQ
de bachelier à tm faune homnie à marier. Cette ac-
ception s^est maintenue dans les contrées qti'arro$e
la Cbarente^Inférieiure; on dit le bachelier d'une
demoiselle pour désigner le Jeune faonsme qui ïcrî
fait la cour. ï)einéine, hacheletté signifiait jaîdiâUïie
jeune fille, et à Metz on dît encore une bacelle.
La fête de Châtiltoh commençait le dernier Ven-
dredi du mois d'avril à midi. Les jeunes gens dte la
ville et ceux de la petite paroisse de Saint-Jouîn qui
en est comme le faufeourg, composant deux froupes
de bacheliers, vêtus élégamment, Tépée au côté;
la cocarde au chapeau , et suivis de musiciens » rétt'
daient visite à toutes les mariées de l'ànûéé, offraient
à chacune un bouqueÉ de fleurs d'oi^ange, et les fai-
saient danser. Le samedi au soir, les bacheliers eties
ïiouveltes meeviéeÈ fessaient le mouton. Sùrtin <ôù^
neaW debout et serVâht de table, on servait dit pain
et du vin pour lé repas d'un' ftioutôn. Quand l'ani-
mal avait bu et ni^ngé, ce qùll ne faisait pas tôu-
toars dé bonne grâce, là derhière mariée, anôiée
d'une baguette / lui faisait faire trois fois Te tour du
tonneau ; ensuite chaque bachelier le prenait sur
son doë et le faîisait tourner trois fois antoui^ de sa
têïè. Là jourûëQse terminait; encôi*e par des' danses.
Le dîùianche, pendant la riiessé , les bacîieliers se
plaçaient à la porté dés deiix églises paroissiales,
strpêlaient la première paysanne qui en sortait, et
dansaient avec elle ia danse dé la bergère. Hs pre-
naient ensuite de'3 vêtemens entièreriaeiit blancs, et
montaient' sur des chfevaux ornés de rubans. Le$
1 20 HinOIIlBS DE I.i. SOUSTS ROYALE
deux premiers et les deux derniers mariés de YdiUixéei
en habits de noces, portant chacun un drapeau, et
une épée nue avec une orange à la pointe, montaient
aussi à cheval et accompagnaient les hacheUers.
Après plusieurs promenades dans la ville , le cortège
se rendait dans une prairie destinée à la course. Là
oa dansait de nouveau r puis on remontait à cheval;
cha^i^un vidait un verre de vin et le jetait en Tair ;
partant aussitôt à bride abattue, on galopait dans la
campagne, ensuite on rentrait en ville et Von se
réunissait devant le château. Les deux premiers ar-
rivés dç^s Badbeliers de Gbâtillon et de ceux de Saint-
Jouin étaient proclanxés rois de la fêle, et couron-
nés parla main qui leur était la plus chère. Les
jeunes filles ne manquaient pas de se trouver à ; cette
cérémonie,et c'étaient toujours elles qui donnaientles
COuronnes.LOn dansait toute la soirée, et le re$te du
mois se passait en visites e t endanses chez les nouveaux
mariés^ Enfin, le 5o avril, pendant lanuit,lesbache-
liers plantaient le mai et ornaient les portes de. toutes
les maisons, de rameaux de verdure et de guirlandes
de^fleurs.
Cette fête galante, qui rappelle un pep les anciens
taujçnois, a subsisté jusqu'en 178g. Les détails ense-
l*aien.t,absolument ignorés aujourd'hui si M. Joufneau
des Loges, l'un des zélés correspondans de la Société
des Antiquaires, n'eût pris soin db les consigner^dans
les affiches du Poitou y^ journal qu'il rédigeait avant
la grande catastrophe dont la ville de Ghâtillon fut
une si déplorable victime. Depuis la pacification on a
DES ANTIQUAIKES PB FRANGE. 121
essayé de renouveler cette féte^ «n supprimant la
cérémonie du /wow/onye^^e dont rallégorie n'est plus
comprise^ mais on danse mal sur les cendres ; cet
essai n'a pas eu de suite.
N'est-ce pas une sorte de bachelerie que cette
fête arménienne décrite par M. C/ri/erf dans le se-
cond volume des mémoires de la Société Royale ?
Jadis, au commencement du printemps y on faisait ,
dit-il, un feu sacré en allumant un bûcher sur la
place publique. Une lampe allumée a ce feu était
conservée dans chaque temple pendant tàute Vannée.
Cette cérémonie se fait maintenant à la Chandeleur
avec une pompe religieuse, et les jeunes gçhs mariés
dans le courant de Vannée ont le droit d^ allumer ce
hUcker.
La bachelerie de Champdenier éiait moins ga-
lante que» celle de Ghàtillon. EUe. avait lieu le jeudi-
gras et durait jusqu'à la fin du carnaval. Xous les
mariés de Tannée , lestement habillés, sans armes ni
bâtons, se réunissaient dan&un pré qu'on nomme tn-
CQve pré de V éteuf. Chacun déposait d'abord, comme
en jeu, une pièce de vaisselle d'étain. On traçait un'
cercle au milieu du pré avec Tétepdard de la bache-
lerie. Le premier marié de l'aqnée s'avançait, tenant
à la main un éteuf ou pelotle de velours cramoisi
garnie de clous dorés et dç rubans de diverses cou-
leurs. Il jetait cette pelotle dans le cercle, et tous
se mettaie4:it à courir pour la ramasser. Celui qui
pouvait l'atteindre et l'apporter sur la place du mar-
ché, était proclamé roi de la bachelerie s'il était du
I 2 2 MEMOIRES DE LA S^ClÉli ROYALE
nombre des nouveaux mariés ; et s'il était des anciens,
il gagnait la vaisselle. On pron^nait le Vainqueur en
triomphe ) et plusieurs maisons du bourg lui payaient
certaines redevances en vin ou en confitures.
On va s'étendre un peu plus sur la bachelerie de
Melle^ parce qu'elle a survécu aux orages politiqties.
Elle est même le résultat d'une fondation.
On ignore quand et par qui eUe fut instituée. Les
titres de la fondation n'étaient pas mieux eonnns' il
y a trois cents ans qu'aujond'hui , mais elle fut tou-
jours exactement servie. On sait seulement par tra-
dition que le fondateur^ auquel on ne connaît d'autre
nom que celui de Bachelier, avait de grands biens ,
qu'il en légua une partit^ au prieuré de Saint-Pierre
de Melle , ordre de Saint-Benoît^ et entre autres un
pré appelé le pré Bachelier^ dont le produit devait
servir à doter la bachelerie. Le tombeau de ce fon-
dateur se voyait naguère à l'extrémité du cimetière,
derrière le chœur de l'église Saint-Pierre, à côté du
chemin <;onduisant à ce pré. Tous les ans, ce tom-
beau était reblanchi la veille de la pentecôte. Le
pré a»» été vendu comme bien national, mais avec ré-
serve expresse des droits de la ville, suivant l'antique
usager Les droits de la ville sont de jouir de cette
propriété aussitôt queTherbe est fauchée et enlevée,
jusqu'au mardi de Pâques de Tannée suivante. Ceux
de la bachelerie commencent alors. Sont bacheliers
tous les jeunes gens nés à Melle, et non mariés. Ils
se rendent à Thôtel-de-ville le mardi de Pâques ,
avant midi, avec leur chef ou capitaine de l'année
\
\
DES iiNTIQUAIRËS DE FRANCE. 1^3
précédente. Les ma^strats se réuaissenf à cette
jeunesse y et Foo va en cortège sur le pré de la foD-
dation pour élire et proclamer le nouveau capitaine
bachelier, qui devra présider aux fêtes de la badie-
lerie le jour de la Pentecote.L'élection se fait ainsi :
Le capitaine de l'anu^e précédente tient en main
uûe itrancbe de sanle ; les jeuoea gens forment un
grand cercle ^ dont il fait deux fois le tour» en com^
mençant par la droite du maire; il présente à chacun
la branche de saule j» disant Y^z voulez-vous? Au troi-
sième tour^ il la donne à celui qui déclare Taccepter.
Ce cérémonial est consigné dans une ordonnance
imprimée, rendue, sur le réquisitoire du procureur
do roi , au siège de Melle, le 27 avril 1771 ^Celui qui
a reçu la branche, la plante aussitôt sur le pré 9 en
signe de prise de possession , et il est proclama ca-
pitaine bachelier pour Tannée. Il défend Ventrée du
pré, et j interdit le pacage jusqu'à la* qaizaiae
avant la Pentecôte. Si, après les trois tours, personne
D'accéptait la brancke de $aule , le bachelier qui
loffre serait tenu de garder encore pour une année
ce signe du commandement ; mais il ne pourrait lé
conserver plus long-lemps, et la troisième année le
produit du pacage dans le pré Bachelier serait a:d-
ministre par le maire, au profit de la ville, à charge
par celle-ci de servir à Téglise Saint-Pierre Toblation
prescrite par le fondateur. Si- le bachelier qqi doit
présenter la branche venait à mourir ou à se marier,
la présentation se ferait par Fun de ses prédécesseurs
non marié, la bachelerie et le mariage étant incom*
124 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
patibles. Quinze jours avant la Pentecôle,le bachelier
ouvre le pré} tous leshabitans de Melle ont alors le
droit d j envoyer paître leurs chevaux et gros bétail,
en lui payant vingt sols par tête. Le pacage est in-
terdit aux moutons et aux pourceaux, et il cesse en-
tièrementla veille delà Pentécôte.Aussitôt après cette
fête, commençait autrefois la jouissance du prieur de
Saint-Pierre ; les produits du pré lui appartenaient
jusqu^à la fenaison ; il n'y pouvait récolter qu'une
herbe par an, et, dès que cette herbe était enlevée,
le droit de la ville recommençait. Rien n'est changé
à cet égard; l'acquéreur du pré i^eprésente Fancien
prieur.
Le jour de la Pentecôte, le capitaine bachelier,
suivi de ses musiciens qui , la veille , ont donné des
sérénades auxdames,$e rend,à sept heures du matin,
au* lieu qu'il a désigné pour le repas de la fête. Il
marque d'un ruban tous les bacheliers qui se pré-
sentent; et il leur fait servir à déjeuner à ses frais.
Tous se réunissent ensuite à l'hôtel-de-ville pour
aller de là à l^église Saint-Pierre. Les tambours les
précèdent, les magistrats ferment la marche ; quatre
jeunes bacheliers portent le pain à bénir. On entre
à Saint-Pierre après avoir salué le tombeau du fon-
dateur; les bacheliers sont reçus par le clergé qui
chante un F'eni Creator : il y a grand'messè et
sermon. Le capitaine bachelier doit à l'église une
livre de cierges pour l'autel , un écu pour le sonneur,
et le pain bénit, qu'il offre lui-même aux magistrats
et fait ensuite distribuer au peuple. Après l'office,
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 125.
le cortège salue de nouveau la tombe du fondateur,
Oq dîne, soit en pique - nique, soit aux. frais du
capitaine, s'il peut faire cette dépense qui n'est pas
pour lui d'obligation ; on va ensuite à vêpres et au.
salut. Les cérémonies religieuses étant terminées,
on danse d'abord dans le pré Bachelier y puis dans
une salle où les daipes sont réunies en grande parure.
Le capitaine bachelier offre un bouquet à une de-
moiselle de son choix , qui est proclamée reine de
la bachelerie. Le lendemain , bal général également
d'obligation pour le capitaine bachelier; l'invitation
est faite tant en son nom qu'en celui de la ba-
chelière. Toutes les dépenses de cette journée sont
à la charge du bachelier ; et là finissent les de-
voirs qu'il a coatractés en acceptant la branche de
saule.
Le 4 avril 1809 ^^^^* ^^ mardi de Pâques, jour dé-
signé pour la réélection de ce chef de la jeunesse.
Le capitaine bachelier de l'année précédente ,
M. Alexandre Ajmé,neyov\dLVii point quitter l'exer-.
cice de sa charge sans rendre un hommage éclatant
à la mémoire du fondateur de la bachelerie , avait
choisi ce jour-là pour la translation de ses cendres
dans l'église de Saint-Pierre.Lecortége,coniposéd'un
clergé nombreux, des magistrats , de la jeunesse de
Melle , et d'une foule de curieux accourus de toutes
les villes voisines, se transporta au tombeau. On leva
la grosse pierre qui le couvrait : ce sépulcre parut
n'être pas le lieu primitif de l'inhumation, mais plutôt
Teffet d'une première translation déjà opérée depuis
1^6 UÉMOlItES ra LA SOCIÉTB KOTALE
long-temps; les restes d'ossemens ne s y trouvaient
point dans Tordre naturel. C'était un cercueil de
pierre long de a^^SS, plein de sable. Les os, qu'on
voyait bien avoir été remués, étaient comme mas-
tiqués dans ce $able ; par-dessus il y avait des mor-
ceaux de tuiles et d'ardoises. On trouva parmi ces
débris une médaille de cuivre, sans millésime, re-
présentant d'un côté un guerrier à cheval , une lance
à la main, le cheval couvert d'une housse avec écus-
son aux trois fleurs de lis; pour légende, prœlio
terribilis. Au revers, Técusson des rois de France, et
au bas ce signe composé de deux C croisés OC :
parla victovia clen^ens. On croit que celte médaille
est du temps de la première translation, et bien pos-
térieure à la mort du fondateur de la bachelerie.
Aucune date n'était inscrite ni dans le cercueil ni sur
1^ pierre tumulaire. Après les cérémonies religieuses,
les ossemens furent recueillis par le prêtre officiant
et placés dans une urne couverte d!un drap blanc,
dont quatre jeunes bacheliers tenaient les coins. Un
nouveau tombeau de marbre blanc , élégamment
sculpté, était préparé dans Téglise de Saint-Pierre.
Ce fut là qu'avec rautorisatiori dç l'évêque, le prêtre
officiant déposa les restes du fondateur, avec une
lame de plomb sur laquelle était transcrit le procès*
verbal de cette cérémonie. Deux tables de marbré
noir décorent ce tombeau : sur Tune on lit une ins-
cription française rappelant la date de cette trans-
lation et le nom du bachelier qui en fit la dépense et
les honneurs ; sur l'autre sont ces vers latins attribués
M8 ANTIQUAIRES DE FRANCS. Ï2J
à M. Lemaire, et où Ton reconnaît aisément son
beau talent :
Qaem tejgU albeiiti tumnlo lapis iste sepultupn
l¥on omnis periit , quamris post funera Mellœ
lt(to âobolem colebs neo nomen liquerit ullum ,
YiYÎt io fiBternum solemni munere notus.
Yere novo qooties^ Teterum de more parentum^
Innupti juyenes legata ad prata Tocati , .
Ter salice oblatâ, rë^em sacrare parabunt.
Et quotîes ad festa ,' choris saltantibus , ibit
iUquales ducens virgo r^gina puellas ^
Nos memori ad tumulum Teniemus voce canentes :
Salve 5 ô lœtiti® dator^ ô pater aime jocorum !
Salve iterum I Dum vioa riri cboreasque jurentus ,
Dum patriam cives, dum prolem mater amabit^
Semper erupt celebrata pia^ tua muuera Uelte.
Niort^ chef-lieu du département, n*a aucune fête
de ce genre , aucun divertissement qui lui soit propre;
mais il serait curieux de rechercher Torigine de deux
vieux proverbes qui s'appliquent à cette ville, et que
Leroux rapporte dans son dictionnaire. Pnendre le
chemin de Niort signifie, dit cet auteur, nier, ne
point dire la vérité, mentir> cacher, celer, se dé-
fendre de quelque chose. Il prétend aussi qu'on dit
d'une fille laide , quelle est la reine de Niort, mal-
heureuse en iecjwfe. Quelque fait particulier, quelque
anecdote bien ancienne aura sûrement donné lieu
à ces dictons malins, dont on ne pourrait plus au-
jourd'hui faire l'application j car les Niortaises Sont
généralement fort jolies; et si quelque chose distingue
le caractère poitevin , c'est la franchise.
1
28 MiMOlRES DE LA SOCltTl BOYAtS
NOTICE SUR SAINT- SAENS ,
Par M. BosQuiE», receyear de renregistremeDt. *
^aiht-Sabws, bourgde Normandie,au pays de Caux,
dans la vallée d'Arqués, à six lieues de Rouen , sept
de Dieppe et à trois lieues de Neufcliâtel, doit son
origine à Sidonius (Saëns), moine de Jumiège^ qui
vint s'y établir vers Tan 670.
n y fut envoyé par Saint-Philibert et Saint-Ouen,
qui obtinrent de Théodoric F', surnommé Thierry lU,
l'établissement d'un monastère en ce lieu inhabité
jusqu'alors; et^ comme premier abbé, il lui donna
son nom qu'il a transmis depuis a toute la paroisse.
Nous ne dirons rien des successeurs de Saint-Saëns
dans le viii siècle, ni de la destruclion totale ou
partielle de ce monastère^ qui, vers l'an 860, dut être
ravagé par Hastings, gouverneur de Bier ou côte de
fer.
Nous préférons passer à l'an ip4o, où Saint-Saëns,
érigé en paroisse, avait pour seigneur, Richard , vi-
comte de Rouen.
Richard eut pour successeur Lambert, qui, en
1 066, accompagna Guillaume4e-Batard à la conquête
de l'Angleterre. Après Lambert, vint, en 1106, Hélie
de Saint-Sanës, comte de la Flèche et d.u, Maine : il
épousa une des filles naturelles de Robert II , duc.de
Normandie, fils de Guillaume I, et petit-fils de Ro-
DES jLNTIQCàniSS DE FRANGE. 129
bertle Diable : il reçut en dot de sa femme, Arques,
Bures et une province adjacente.
Hélie était un personnage important, ainsi qu'on
va le voir; mais auparavant il est bon de se rap-
peler :
i^ Que Guillaum<e-le-Conquérant eut trois en-
fans.
Le premier, nommé Robert dit Courte-heuse où
Courte-botte, fut duc de Normandie ;
Le second, nommé Guillaume Leroux, fut roi
d'Angleterre ;
Le troisième, qui fut Henri 1*% n'eut en partage que
de l'argent et les biens de sa mère.
2^ Qu'en 1100, Guillaume Leroux fut tué à la
chasse par Gautier , son favori.
5* Qu'en i io6 , Robert fut fait prisonnier par son
frère Henri à la bataille dé TinchebrJ^y , et envoyé
en Angleterre où on lui creva les yeux ; il y mourut
en prison, et ne laissa, pour lui succéder, que Guil-
laume Cliton, encore enfant.
4® Que Henri ne manqua pas de profiter de ces
deux événemens pour se faire couronner roi d'An-
gleterre et duc de Normandie , malg;^ e le droit que
son neveu avait à ce duché.
Cette usurpation mit bientôt Henri en guerre
avec le roi de^France, qui employa toutes ses forces
pour faire rendre au jeune Guillaume le duché de
son père.
Henri, qui connaissait tous les droits de son neveu
IV. 9
\ •
l30 UÉMOIHES DE LA SOCIÉTÉ HOYALB
et qui craignait ses partisans^ chercha de son côté
les moyens de s'en emparer partout où il pourrait
le trouver.
U apprit qu'il était caché dans le château de Saint-
SaënS; nommé depuis le CatelUer.
Pour l'y surprendre , il envoya le comdte de Va-
renne avec une escorte qui arriva un dimanche ma-
lin quand on sortait de la messe ; un des domestiques
d'Hélie en fut averti , et on n'eut que le temps de
faire évader le jeune homme dans la forét^ d'oà on
le fit passer chez Foulque, comte d'Anjou^ pour le
mettre à l'abri des poursuites de son oncle.
Hélie, comme on le voit, devait être un puissant
seigneur, et son château de Saint-Saëns un château
fort : ses possessions, ses titres et le dépôt qui lui
avait été confié en sont la preuve.
Hélie eut pour successeur Mathieu qui, en ii5o,
fit de grands dons aux moines qui occupaient le mo-
nastère de leur premier fondateur : ces donations
furent confirmées en i i 53 par Hugues, archevêque
de Rouen. * < ,
Ici et pour quelque temps se perdent les noms et
la trace des seigneurs de Saint-Saëns, qui ont été
probablement victiméis, comme tant d'autres , de la
fureur des croisades, ou qui ont péri dans les guerres
de seigneur à seigneur si fréquentes alors.
Il ne nous reste donc plus qn'à parler de leur châ-
teau, de ses retranchemens , et des armes dont on se
servait pour la défense bu pourFattaque.
Ce château, dans son origine, contenait neuf à dix
DES ANTIQUAIKES M FEANGK. l5l
•
acres de terrain; il était placé sur le point le plus
éminent du bourg pour mieux le dominer^ et du côté
de la forêt il était protégé par deux camps qui con*
serrent encore leur premier nom, Fun nommé le
Camp-TioUyelVaLUivele Camp-Auger.
Il était environné de trois fossés successifs de
cbacun dix mètres de largeur sur autant de pro-
fondeur y qui formaient trois retranchemens : leur
surface extérieure était hérissée de glandes ^ amas
de petits galets formant un corps tellement dur
que rien ne peut le dissoudre ) , et c'est cependant
à côté de ces glandes qu'on trouve aujourd'hui un
grand nombre de petites broches de fer de 0^,217
à o",244'd© longueur sur 0°,007 Carrées d'épais-
seur, terminées par de petits dards, les uns droits
et les autres fourchus i que le temps et la rouille
ont respectés^ mais que le feu a bientôt dissous pour
ne plus laisser voir que la broche; c'était sans doute ce
qu'on lançait à l'aide des arbalètes dont on se servait
dans ces temps reculés; comme s'en servit elle-même
u.Defille naturelle de Henri, femme d'Eustache, qui, en
1 1 19, en blessa son père au siège de Breteuil. Quoi-
que l'époque de la destruction de ce château nous
soit inconnue, tout porte à croire qu'elle a du avoir
lieu vers la fin du xii* ou le commencement du xiii
siècle, pnisqu'eni4oo, de vieux chênes en couvraient
déjà la surface.
Il nous reste maintenant à découvrir la forme et
l'étendue de ce château, dont les murs avaient dix-
huH et vingt pieds d'épaisseur. Sa face vers Saint-
9*
c
l32 MitfOiaSS DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
SaëDs était flanquée de plusieurs ayaot-corps^ et il y a
lieu de croire que son intérieur contient quelques
souterrains ( au moins c'est ce que Ton remarque
dans presque tous les anciens châteaux) qui ser-
vaient àefuit^e aux assiégés.
Si les nouvelles fouilles que nous projetons nous
procuraient quelques découvertes qui nous parus*
sent dignes d'être transmises à la Société Royale des
Antiquaires de France, nous nousismpresserions de
répondre à la demande qu'elle a bien voulu aous
faire par sa lettre du 7 novembre dernier.
On a dû exploiter autrefois dans la forêt de Saînt-
Saëns, dite forêt d'Eavy, des mines de cuivre et de
fer ; on y voit encore des excavations considérables ;
il a existé^ non loin d'ici , un moulin à cuivre (1) et
une fonderie de fer (2). C'est dansjes fosses énormes
de la même forêt qu'on a dû les tirer ; mais^ soit que
ses mines aient été épuisées , soit que les différentes
fouilles qui y ont été faites pendant la révolution
n'aient pas été assez complètes , on n'y a rien ou
presque rien trouvé.
Cependant M. Boulenger, ingénieur à Rouen,
maintenant ingénieur en chef à Mont-de-Marsan ,
département des Landes, après avoir retrouvé l'an-
cienne route de Rouen à Dieppe, nommée le che-
min des Romains et vulgairement le chemin des Fées,
a lui-même trouvé quelques morceaux démines dans
(1) A Bellencombre.
(:0. A Saînt-Saëns.
DES ANTIQUAIRES DE FEANCE. i33
le bois de la ci-devant abbaye de Saint-Saëns> qui a
fait partie de la même forêt d'Eavy.
Enfin ce qui confirme nos conjectures, c'est qu'il
j avait autrefois à Saint-Saëns un assez grand nombre
depetites forges qui avaient droit^en i322,de prendre
livrée dans la forêt movennant une rétribution an-
nuelle ; les forges à coutelier payaient beaucoup
moins; une rue entière portait^ dès i4oo, comme au-
jourd'hui^ le nom de rue des Forg'es; et^ à cinq à six
pieds au-dessous de sa surface, on trouve encore
d'anciens petits fourneaux.
OBSERVATIONS
Sur plusieurs lettres inédites de François et Henri > ducs de
Gasie; par Itt. BBEAiAT^-SAinis-Paix, membre Résident.
VJLAUiXE DB LoARAmE^ comte de Guise, après avoir
disputé inutilement la souveraineté de la Lorraine à
Antoine, son frère aîné,' qu'il prétendait n^être pas
légitime, vint s'établir en France, où il possédait
d'ailleurs plusieurs terres, au commencement d«*
xvf siècle, avec Jean son autre frère.Voy. Varillm ,
àan$ Bajrle , au mot Guise {Claude de ), note A.
Celui-ci devint cardinal et obtint plusieurs arche-
vêchés et évêchés, et un grand nombre d'autres bé--
néfiçes.
l34 MEMOIHES DE hk SOCIETE ROTAIE
Claude parvint aussi à des emplois considérables,*
et Ton érigea en sa faveur, en i527, le comté de
Guise en duché-pairie , chose qu'on ne faisait ordi-
nairementi disent les historiens, qu'en faveur des
princes du sang. — Voy. Falincourt , Vie de Fran-
çois de Lorraine^ duc de Guise , 1681, pcig* 2 ; jin~
selmcy Genéalog. de la maison de France , tom. '3,
pag. 478.
François P% principal auteur de la fortune de cette
maison, conçut ensuite de la méfiance pour elle. On
assure, 1^ qu'en mourant il recommanda à son fils
Henri II de prendre garde à l'ambition des Guises ,
et de ne pas leur accorder de l'autorité. — ( Voj.
Bajlcy ibid.y note B, Mémoires de Condé^ édition de
. Lengletj T. I , pag. 5oo ) ; a® qu'il ne souffrait pas
qu'on leur donnât et qu'ils prissent en France le titre
de prince, qui alors était censé n'appartenir qu'aux
membres de la famille royale. On yit même Pierre
Tiizet, preihier président du parlement de Paris, dé-
fendre à un avocat d'un des Guises de leur donner
cette qualité en plaidant, et la faire effacer des re«
g^stres. — Voy. La Place ^ Commentaire de V état
de la religion sous Henri II ^ François II et Char^
les IX, iô66y fol. 65 3 Bajrle, ihid.^note C ; et ci^^piis
nptre appendice, § I", n^ 8.
Henri II aurait pu profiter de la leçon de Fran-
çois P^En 1 547, époque de son avènement au trône,
Claude et Jean de Lorraine étaient fort âgés j à leur
mort , qui survint au bout de deux ou trois années,
en 1 55o, il lui eût, par exemple, été facile de trans-
.***'-
DES ANTIQU AIRES DE FltAN«£. i35
porter à d'autres familles ceux de leurs bénéfices
ou emplois qui n'avaient pas été assurés à la leur.
Mais Jean avait su procurer à sa maison un appui
tout puissant^ en négociant, même avant le nouveau
règne, le mariagb d'un de ses neveux, le marquis de
Mayenne , depuis duc d'Âumale, troisième fils de
Claude, avec une des filles que Diane de Poitiers ,
maîtresse du roi, avait eue de sonmari Louis deBrézé*
Maulevrier (Voy. ci-après même § I", n® 8) ; et un
autre neveu de Jean, Charles, si connu dans l'his-
toire sous le simple nom de cardinal de Lorraine ,
sut aussi, après la mort de Jean, acquérir les bonnes
grâces de la favorite parades complaisances peu
dignes d'un homme de son rang et de sa profes-
sion (i). Subjugué par Diane, Henri accabla en quel*
que sorte de dignités et de puissance les enfans de
Qaude de Lorraine-
Ces enfans étaient en grand nombre (Voy. ^n-
selme^ supra, tom. 3, p. 485). Il suffît, potlr l'objet de
notre mémoire d'en indiquer trois; i et 2. Les mômes
d)icd'Âumale et cardinal de Lorraine,dont le dernier
possédait et cumulait tout à la fois, contre toutes les
règles canoniques , sept ou huit archevêchés ou évé-
chés et plusieurs abbayes considérables. — (Voy. Mo-
rén, mot Charles de Lorraine), dont en un mot l'o-
pulence était égale à celle de quelques souverains ;
(i) Garolus... in aretiorem Pictaviensis familiarîtatem....
turpibus obsequiis cum se insinuaTisset.' — - De tbouj ïih, 26^
ad ann. i55o^ édiL 1620^ T. I^ p. 182.
• I
l56 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ EOTUK
3. François y leur frère ainé^ duc de Guise, pair ;
grand-chambellan et grand-veneur de France , gou-
verneur de Dauphiné et de Champagne j et dans la
suite lieutenant-général de tout le royaume. ,
Quoique le .pouvoir des Guises parût parvenu à
son plus haut période sous Henri II, il était au moins
balancé jusqu'à un certain point par le crédit du fa-
meux connétable Anne de Montmorencj, favori par-
ticulier de ce prince, et dont le fils aîné épousa ( en
1557) la fille naturelle et reconnue de Henri y et lé
second fils (en i558) une petite fille de Diane de
Poitiers et de Louis de Brézé. — ( Voy. Anselme ,
tom. I, p. i56j tom. 3, p^ 6(>4)« Cette espèce d'équi-
libre fut bientôt rompu.
En iSSg, la mort funeste de Henri plaça ^ur le
trône Marie Stuart, nièce des Guises et épouse de
François n^ prince valétudinaire y faible^ sans aucun
caractère y qui transmit sur-le-champ aux oncles de
Marie à peu près toute son autorité, comme ODle vit
presque aussitôt^ puisqu'ils forcèrent le fils du conné*
table y gendre de Henri II, à céder au duc de Guise
la charge importante de grand-maître de la maison
du roi. — ( Voy. La Place y suprciy fol. 4i ; Moreriy
motMontmorenci{ François^,
Les Guises formèrent-ils, dès* lors , comme on le
leur reproche, le projet de frayer, à leur famille une
voie au trône de France?... Au premier aperçu, cela
parait peu probable, puisque le roi avait trois frères,
e^qu'il^existaitJune branche nombreuse de princes
du sang, celle de Bourbon.
i
MS ▲HTlQCilUS DE F&AIICI. l5j
Toutefois f diverses circonstances purent leur faire
naître cette idée; i et 2 . L'aîné ( depuis Charles IX )
des trois frères du roi n'avait que huit ou neuf ans ,
et un propos indiscret attribué au connétable de Mont-
morency avait du jeter quelques doutes sur leur légi*
timité i 3. Le chef de la branche de Bourbon était
Antoine ^ roi de Navarre , prince sans talens ef ^ans
caractère^ et dont les Guises surent en effet dans la
suite faire un des plus fermes soutiens de leur cause.
Les calvinistes^ il est vrai , pouvaient présenter un
appui aux Bourbons et se rallier sous les étendards
du frère puîné d'Antoine, Louis prince ^de Gondé ,
homme très«yaleureux et dont la fougue imprudente
était tempérée et guidée par les avis du sage amiral
de Coligny. *^
Mais^ pendant que les deux frères Guise avaient
dirigé toutes les affaires du royaume, il leur avait ^
été facile de reconnaître combien le parti protes-
tant était inférieur en noinbre et en crédit au parti
catholique. ... En le privant d'ailleurs de son chef le
plus redoutable , il était permis d'espérer qu'on le
soumettrait sans beaucoup d'efforts, et l'on sait que,
sans la mort inopinée de François II ( 5 décembre
i56o), Condé, quoique second prince du sang de
France, aurait porté sa tète sur ud échafaud.— Voy.
La Place y suprà,fbL 116 et suw. ; Garnier^ tom. 28,
p* 544 6t suiv. V
Les lettres autographes etinédites du duc de Guise^
que nous soumettons à la société (Voyez-en le texte
ou l'extrait, ci-après à V Appendice, $• 1")? tendent à
l38 MÉMOIRES DE LA SOClilé ROYALE
donner quelque poids à ces considératioDS, ^que nous
ne présentons au reste que comme des conjectures.
Une première chose frappe à l'aspect de ceslettres^
c'est leur signature. Toutes les trois portent pour
souscription le simple nom de baptême du duc, c'est-
à-dire Francots. — Voy. d. Appendice ^^V^^ n** i,
a et 7. .
Cependant il est d'usage, depuis bien des siècles,
que les scjuls souverains et les membres de leurs fa-
milles emploient une semblable signature; encore
cela ne s'applique«t-il point aux parens éloignés,
puisque, dans leur ^ignature^ ils ont soin de joindre
le nom de leur branchera leur nom de baptême ,
comme on le voit au siècle /les Guises,dans celles des
princes de la branche de Bourbon, qui^ à l'excep-
tion d'Antoine, que sa qualité de roi de Navarre dis-
pensait de ce soin, signent Louis de Bourbon, Fran-
çois de Bourbon, etc.. Si les Guises faisaient partie
delà famille régnante en Lorraine, ils s'étaient cons-
titué les sujets du roi de France, en se faisant natu-
ralisa Français (en i5o6... Voy. Anselme ^ supra y
tom. 3, p. 485), et en acceptant de lui des emplois-
Ils avaient donc dû dès*lors abandonner le mode
de souscription propre à des souverains, ou à des
princes de familles souveraines.
C'est en effet ce qu'on voit dans beaucoup d®
lettres autographes des Guises recueillies dans les
manuscrits de Gagnièreset de Béthune.Ils n'y signeja*
pas , il est vrai, de leur nom de dignité , mais ils
ajoutent toujours à leur prénom leur nom de fanii"^*
MS A»nQt AIBES DE FRANCS. 1 Sg
Ainsi le duc d'Âumaie signe €laude de Lorraine ; le
marquis d'Ëlbeuf^ René de Lorraine; le duc de
Majenne^ Charles de Lorraine; son frère^ le fameux
balafré , Henri de Lorraine ; le comte de Vauder-
mont, Niàolas de Lorraine, etc. — Voj. mss. Ga^
gnières, vol. 5^8, fol: 5i, 35, 55 à 6i, 8y à 95,
i5i, 157, 169, etc.
Mais ce qu il y a de plus singulier, c'est que le
même François de Guise , dans les lettres autogra-
phes conservées également par les manuscrits de
Bétfaune , signe aussi, ou Françoys de Lorraine tout
au long comme dans les lettres (1) des i5 octobre
i56oet 12 novembre i56i (dJmss., \^ol. 86y^, fol. 60,
et voL SGy^yfol. 12 ) ; ou bien Françojrs de Lor"'^
par abréviation du mot Lorraine , comme dans celles
des 25 et 26 février, 19 et 28 mars et 6 septembre
1559, 8 septembre, 7, 10 et 24 octobre, et 12, i3 et
28 novembre i56o, et dernier janvier i562. ( Ibid.,
w/. 8674 > foL 3, 6, 11, 1 5, 34 36, 52, 59, ji, 79,
81 ; w/. S6y 6, fol. 2).
Ces lettres sont adressées au connétable de Mont-
morency (pour la plupart), ou aux maréchaux de
Montmorency et d'Auville ses fils, ou à Jacques^
seigneur d'Hùmières.
Les trois lettres, signées siimplevaent François , le
(1) Alêtme signature dans une lettre de i559, ®^ quatre de>
iSGâ^adres&é^s au parlement de Paria, aux princes palatins et
de Wirtemberg, et au connétable de Mautcnorency, et publiées
dans les Mémoires de Condé, T. 1, p. 3ig; T. ill, p. 528,
53o et 566 ; T. IV, p. 224.
/
I
l40 MÉMOIRES DE LÀ SOCliti EOYiXE
sont^ Tuae aux consuls > et les deux autres au parle-
ment de Grenoble.
Le duc espérait -il que ces deux autorités^ étant
fixées dans une province éloignée de la capitale ,
connaîtraient bien moins Tétiquette que les Mont-
morency et d'Humières, seigneurs attachés à la cour,
et ne réclameraient point contre sa manière étrange
de signer ?... Gela n^est pas probable^ puisqu'il j avait
beaucoup de gentilshommes dans le parlement de
Grenoble.
Espérait-il seulement d'accoutumer les provinces
à le voir agir en souyerain, même dans des corres*
pondanceis officielles?... On serait en quelque sorte
autorisé à le penser^ surtout si Ton se rappelle que
les Guises avaient souffert que divers écrivains ita-
liens leur donnassent le nom de ducs d'Anjou qui
n'appartient qu'à la maison de France. ( Voy. Valin-
court y supra, p. 12; Mémoires de Condé, tom. 1,
p. §25 e^SSi), et que^ sous le règne même de Fran-
çois 11^ on leur reprocha^ dans divers pamphlets , de
prétendre être les descendans en droite ligne de
Charlemagne^ et de regarder Hugues Gapet conune
l'usurpateur d'un trône appartenant à leurfamiUe»
— Voy. LaPlacCySupràyfol. 42 ; Mémoires de Condé^
tom. 1, p.^'ji(i).
(1) Us renouvellèrent ces prétentions sous Henri III, dans
une généalogie qu'ils publièrent en Lorraine, et oà ils se fai-
saient descendre 4e Charles, duc de la Basse-lorraine^ oncle
paternel du dernier r<^ Garloyingien. Réimprimée à Paris en
i58o, et, ce qu'il y a de singulier, açecprmUgc du roi, elle
DES ANTIQUAIRES IMS FRANGE. l4l
Mais, nous devons l'avouer^ nous avons trop peu
de pièces du genre dès trois lettres précédentes pour
présenter cette idée autremeutque comme une con-
jecture abandonnée à Finvestigation des sa vans.
DU MASSACaRE DE VÀSSY:
Les deûsL Ic^ttres de François de Guise au parle-
ment de Grenoble ; surtout la seconde, peuvent four-
nir quelques documens sur les causes du massacre
de Vassy, qui fut le signal des guerres civiles-reli-
gieuses dont la France . fut désolée pendant trente
ans. .
D'après la permission accordée aux huguenots par
L'édit de janvier i562^ de tenir des prêches, excepté
dans les villes. (Yoy. Gamievy œjcix, ^20. ) On ea
avait ouvert un dans une grange, à Yassj , bourg
éloigné de cinq lieues, de Joinville en Champagne ,
où résidait Antoinette de Bourbon- Vendôme , mère
du duc de Guise.
Selon les écrivains catholiques, tels que Garnier
(Hist. deyelly , xxXy 1 «4)^ Antoinette sollicita
son fils, qui se rendait à Paris avec sa compagnie dé
fut réfutée la même année dans une dissertation manuscriie
adressée au ïoî,et qu'on trouve aux mss. de BétIiune,vol. 8785,
f. 98 à io3^ — Yoj. aussi Farillas dans Bqylâ, mot Guise
{Henri) f note C, et notre Histoire de Cujas {Paris y 1821),
note igS,— Mêmes prétentions dans un autre ouvrage, publié
en 1559, sous 1® ^i\xe à! Origine généalogique, tXa.yoj. Feyrety
Bibl. hiMtor. , n* 18,874.
1^2 IfSHOHIES DE U SOGl£li ROTAIE
gendarmes» d'empêcher ce conventicule. Le duc le
loi promit si cela se pouvaitsans contreyenir àl'édit
Il passe à Vassy le i" mars i562, met pied à terre
pour entendre la messe» et, sans sortir de l^église ,
envoie La Brosse , fils de son lieutenant , et deux
pages inviter le ministre à lui venir parler. On ferme
brusquement la porte aux envoyés. Us j heurtent
avec rudesse ; quelques hommes sojrtent et les char-
gent de coups. Le duc et La Brosse père accourent et
sont blessés à coups de pierre.Les hommes d'armes,
furieux â cet aspect» forcent la grange^ et massacrent
ou blessent beaucoup de monde. On varie sur le
nombre -, mais Yalincourt^ écrivain d'autant moins
suspect que sa Vie du duc de Guise est moins une
histoire qu'un panégyrique , compte près de soixante
personnes tuées et plus de deux cents blessées.
D'après ce récit» les protestans furent les agres-
seurs. On pense bien que leurs auteurs présentent
l'affaire sous un tout autre aspect ( Yoy. Mémoires
de Condéy tom. 'ô^p. m à lAg; ; et Bayle va jusqu'à
soutenir que le massacre fut prémédité. — Voy. li/.,
mot Guise ( François) y note D.
Nous examinAmes ce point d'histoire il y a quel--
ques années. Voici le résultat de nos recherches et
réflexions tel que nous le trouvons consigné dans une
note manuscrite sur le passage de Garnier déjà cité.
<c Après avoir lu avec attention^ soit ce que dirent
dans le temps Théodore de Bèze et le duc de Guise
( dans Garnier y ih.,p. 7, 4g et 3i8 ), soit ce que rap-
portent le président de Thon {lilf. îlg, an. 1S62; lié.
DES ANliQUAIRES M FlRANCE. l43
S^tfA. i563, édit, de 1620, tom.2yp. 77, 786^ 3S4),
et d'antres auteurs, et pesé les circonstances , le ca-
ractère, les intérêts, etc. de Guise, de ses serviteurs et
des protestans, je crois que Guise ne médita point
le massacre ; mais je suis persuadé, 1 ^ qu'il ne fit *"
rien pour le prévenir, et qu'il n'agit que lorsque
f affaire étaîttrès» avancée ; de so*rte que l'on peut en
conclure qu'il n'était pas fâché que les protestans de
ce pays reçussent une correction qui pût éloigner
leur prêche , mais sans avoir Tintention de faire une '
boucherie ; 2^ que les gens dé Guise furent les agres-
seurs , cela est même de toute évidence. »
« Le récit de Garnier est d'une grande mauvaise
fois.'»
On^voit que nous n'avions pas adopté l'opinion de
Bajle sur la préméditation du massacre. Cet habile
dialecticien la fonde sur divers aveux échappés di-
rectement ou indirectement aux historiens les plus
favorables aux Guises , tels que Varillas. Selon ce
dernier, les chefs des catholiques avaient bien le
dessein d'attaquer les calvinistes ; mais, quoique à ce
dessein se trouvât joint le désir d'obliger sa mère, le
duc de Guise comptait empêcher le prêche à Vassy
sans violer l'édit, parce qu'il espérait que sa seule
présence suffirait pour dissiper l'assemblée des cal-
vinistes.
Bajle observe, entre autres, à ce sujet, que comme
le duc ne pouvait supposer que sa seule présence dé-
tournerait des sectaires, fort zélés, d'une pratique
long-temps défendue et tout récemment autorisée
i44 uitfoiMs BB ik Bocxkrk kotàu
par un édit» il fallait bien qu'il fût déterminé à user
de violence eavers eux. Il cherche ensuite à établir
que le duc voulait faire abolir cet édit / afin d'insi-
nuer qu'un homme qui travaillait à détruire une loi
ne devait pas être très*disposé à s'y conformer avec
scrupule.
Si Bajle avait eu connaissance de nos4ettres^ elles
lui auraient fourni de bien ibrts ai^umens en faveur
de son système.
La prenûère^en effet> prouve combien le duc était
animé contre les protestans (J^oje^'la ci-^près , à
V Appendice , § T', n^ a ).
Il l'écrivit le a5 juillet i56i y au moment où Ton
venait à peine de dresser l'édit connu sous le nom
de juillet; qui défendait aux calvioistes toute assem-
blée publique ou privée pour leurs prêches^ proscri-
vait leurs ministres^ déférait aux évéques la connais-
sance du crime d'hérésie était en un mot un
vécitable édit de persécution (i). Gonune si le duc
craignît que ces mesures violentes n'éprouvassent le
plus léger retard ou le plus faible adoucissement
dans leur exécution^ il prend lui-même des mesures,
quoiqu'un ^tef soin ne fût point de sa compétence,
pour faire envoyer, en son absence, et par un de ses
affidés, l'édit au parlement de Grenoble, etlaisseune
(i) Il fut délibéré 4ans des assemblées tenues aa parlement
dés le 19 juin, et qui se prolongèrent pendant pingt jours, —
Voy. Oarnierj zxix,28i. — Si Ton ajoute à cela le temps
qu'exigea la rédaction (V. id,^ 282), on yiii qu'il ne put guère
être prêt avant le 20 juillet.
DSS ANTIQUAIRES DE FHANGE. l45
dépêche où il presse cette cour d'en hâter la publi-
cation et d'employer la force pour surmonter toute
résistance*.... en un mot, pour faire en sorte ,que
dans peu de jours > dit-il , il ny ait personne qui ne
vive selon l'église romaine . • '•
Il parait qu'il d#nnait en même temps, et dans le
même but > des ordres sépères à Lamolhe«Gondrin >
sonl eutenant > au gouvernement de Dauphiné; car,
dès le 3o juillet, Lamothe-Gondrin écrivit au parle-
ment pour .savoir s'il avait reçu Tédit ( Voy* ci-après
l'Appendice, $ T'^n? 5), et enfin lui envoya» dès le i5
aoùty'son secrétaire pour lui porter cet édit {f^oy.
ûf. n^6 ), en le chargeant d'instructions verbales sans
doute rigoureuses, puisque cet envoi était iqutile,
le parlemient ayant déjà reçu l'édit directement du
ministère, comme le prouvent deux lettres ; l'une du
roi, Tautrejde Catherine de Medicis, des ag et 3i
juillet {J^oy. id. n^* 5 et 4 ).
On sent quel parti Bayle^'eût tiré de cette extrême
activité du duc de Guise ou de ses afddés , à faire
publier un édit de proscription^ surtout lorsqu'il
l'aurait rapprochée , soit de la rigueur qu'ils appor-
tèrent dans son ezécution,pi!iisqueLaniothe«G6ndrin
fit pendre un ministre et plusieurs habitans de Ydr
lence(/^o;^. La Place, sup., p.xSx', Çhorier,hist. de
Dauph. , ij , 555 ) , soit de la eondui^e du duc relati-
vement à l'édit de tolérance du mois de janvier sui-
vant, qui, Qtmme on Ta vu , permettait les prêches
hors d^s tilles ; conduite sur laquelle la seconde
IV. iQ
1 46 ftXHOIRES DB LÀ SOCIÉTÉ ROYALE
lettre de ce {>rinee , comparée à (|uelqués faits f
fournit matière à bien des réflexions.
Elle fut écrite au même parlement > du château
d'Esclaron en Champagne^ le 5 mars i5&2^ ou le sur-
lendemain du massacre de Vassy. (Voyez-la ci^après
à l* jéjfpendice y% I", DPjy avec les remarques à la suite é
Si; comme le duc l'assure et Comme le répètent
Varillas et autres , ce massacre fût survenu contre
son intention; s'il ne fût point allé à Vassy ayee des
projets de violence, el enfin s'il eût voulu, au con-
traire, qu'on^jBxécutât l'édit de janvier , le cœur navré
d*kvoir vu massacrer par ses soldats soixante person-
nes et blesser plus de deux cents, dans sa première
démarche auprès du parlement, surtout rentrant alors
en France après un voyage en Alsace (i^oy/ mêmes
re;/ir7r^2^e^),il aurait manifesté ses regrets ou au moins
son désir d'employer des mesures qui ne pussent pas
donner lieu à de si funestes catastrophes, et enfin son
désir aussi qu'on fît observer Tédit de janvier*. .
Bien loin delà, sans dire un seul mot de cette ca-
tastrophe, il s'y plaint des insolences des protestass;
il invite le parlement à f ai^e punir et châtier ceux
qui seront coupable^ de rébellion; ajoutant qu'il a
donné ordre ^t moyen à la Mothe-Goifdrin de lui
prêter main- forte > à ce Gondrin qui avait récemment
fait pendre plusieurs calvinistes.
Enfin le duc, àqui^a qualité de grând-oâicier de
la maison du roiimposaitplus strictement qu'à beau-
coup d'autres l'obligation de désirer l'exécution des
DES ANTIQUAÏHS DE FRANG3È. ' 1^7
Drdres de son souverain et d'y veiller dans ses gou-
vernemens , réprimande le parlement de Grenoble
d'avoir publié Tédit de janvier sans attendre le parti
que prendrait â cet égard -le parlement de Parié ,
qui devait, dit-il, lui servir de modèle, et qui, en effet,
avait jusque-là refusé opiniâtrement d'enregistrer
redit, et iib Teoregistra ensuite , le 4 ou 5 mars ,
(w/. Garnier xxix, 443 à 477) que par provision!..
Un homme , on le répète , qui n'aurait pas prémédité
le massacre de Vas»y> ou même qui en aurait eu
quelque regret, se serait-il conduit de la sorte ?.•.
Telles sont, sans doute, quelques-unes des bbser-
yations que les lettres soumises à la société eussent
fourni à Bayle...
Quoiqu'elles soient très^ fartes en faveur de son
système > nous aurions bien delà peine à nous per-
suader qu'un guerrier illustre et qui donna de nom-
breux exeiiifiles d'humanité et de générosité, tel que
le duc dé Guise, eût médité de safig fftrfd l'attaque
et lé massacre dé pauvres paysans Sans irrites et Sans
moyens efficaces de défense, parmi lesquels se trou-
vaient beaucoup,de vieillards, de femmes et d'enfans.
Mais nous ne pouvons dissimuler non plus qu'elles
donnent beaucoup de poids aux conclusions que
nous avions di^jâ ïitét^ de îi6s pirèthîèrès -rèbher-
êtes; saVoir, que le duc ne fit rieft pour préve-
nir une catastrophe et qu*iï lut au làpins coupable
d'unes exW'èfne rtégiigence, pem-êt« fl*rême d'une
négligence volontaire ; car on sent bien que s'il s*é-
tait seulement conformé à ce que lui prescrivaient
10*
l48 MiAOIRES DK LA SOCIÉTÉ ROYALE
les règles les plus simples de la discipline militaire ;
s'il eût, par exemple, défendu à ses soldats de s'ap-
procher, sans un ordre formel, de la grange où se te-
nait le prêche, toute cette scène horrible de carnage
se fut réduite à quelques'injures ou à quelques rixes
sans aucune effusion de sang.
APPENDICE»
§ I**. — Piiùeà, ou extraits de pii0$» relatives aux ùb-
servaticns priêédentes, et mises ê9us les jeUx de la
SodéU des Antiquaires, suivies de quelques remarques»
1. ExtraH d^lne lettre du dac de Guise aux consuls de Gre^
noble ^ du 8 feyrier i555 ( i556, nouyeau style ).
1 1 leur donne ayis que les états de D^uphinè sont convoqués
pour être tenus à Grenoble le i5 mars suivant. Elle est écrite
par un s^rétaire et datée de Pont-le-Yoj, le 8 février i555.
Au bas il y a de la maiki du duc,
Totre bon amy
a. Lettre du duc de Guise au parlement de Grenoble, du a5
juLllet i56i (i).
« Messieurs, pour ne retarder la publication de Tédit fait
(i) Les Lettres mioiérot s à 7 appartiennent à H. GhampoUion-FJ^ac,
associé corrtf pondant de rinstitnt , qni a bien Toola nons penn^tre d'en
faire usage»
DES ANTIQUAIRES DE FRAIHGÏT. l^^
sur la conclusion dernièrement prise en l'assemblée des princes^
sieurs du conseil priyé de Sa Majesté , et de ceux de sa cour
de parlement de Paris pour obyier aux séditions qu*on peut
voir préparées s*il n'j est remédié, j'^ayisé, étant contndnt
d'aller accompagner la reine d'Ecosse 5 douairière de France >
jusqu'à son embarquement qui se doit faire^ Calais , laisser
cette dépêche à un de mes gens, afin que, si t^ que Ie<tit édit
sera publié en ladite cour de parlement à Paris, il ne faille le
TOUS enyoyer pour laire le semblable de yotre côté, et pour ce,
messieura, que c'est cho$e qui s'est faite en. si grande et si
hoDorable assemblée et avec si mûre délibération, je yous
prie ne faillir, incontinent ladite publication faite en yotre-
dite cour de parlement^ d'enyojer les copies dudit ëdit par tous
les bailliages et sénéchaussées pour le faire entend)re par tous
les lieux et endroits de leurs jurisdictions ; etoùil adviendrait
qu'il y eût aucuns qui se youlsissent de taq^ «'oublier qae d'y
coDtreyenir et se préparassent d'y résister , j'écris, outre la
force que lesdîts baillis et sénéchaux peuvent avoir, vous en
faire bailler telle et si suffisante que yous et eux soyez obéla ; à
quoi , puisque c'est] pour la conservation de l'autorité du roi ,
j'ai telle fiance en yous que je tiens pour si gens de bien,, que
Dieu vous fera la grfice de contenir toutes chcfses en si Iv^nne
paix et union, qu'il n'y aura personne dans peu de jours qui
ne vive Catholiquement et selon l'église romaine, ainsi quf'/
a été fait par le passé. Priant Dieu, messieurs, vous donnée
ce que plus désirez. » De Poissy, ce a5 jour de juillet i56i»
( Plus bas de sa main ) Votre bien bon amy
FRiNÇOTS.
Adreêse aitreuêra!'^ Messieurs, tenant la cour de parlement
de mon gouvernement de Dauphiné <> «
Hemarque» Dans la copie ci-dessus comme dans les suir
vantes, on n'a fait que substituer l'orthographe et la ponctuation
uiodernes aux anciennes.
l5o MÉMOIRES OB LA SOCIÉTÉ ROYALE
5. Extrait d'une lettre du roi ( Charles IX ) au parlemeat
de Grenoble, datée de Sqint^Germain-en-I^i^ye^ le 20 juillet
i56i.
Il lui*eitV0le yidlt &il pour appuiser les trouble» (c'est Tédit
de }alUfet) y ftToe ordre de le faire enrefi9ti>er^ publier et eb-
v^rrei, La lettre e»t signée Charles^ et coBtre^sigoée par uq
aterâtaire d-^tat.
• • • .
é. JE^^traii d'une lettre de Catherine de Médicia an môme
parkHaent, datée du même lieu» le Si Juillet i56i.
C'est une aqnonce de l'envoi annoncé au n** 3... Elle enjoint
de ^enir I4 main à ce que l'édit soit observé étroitement^ car
le npial presse... Elle est ^îgnée Catherine^ et cgntre-signée.
5. Extrait d'une lettre du même parlement à Hector de la
lifothe-Gondrîny lieutenant du duc de Guise, au gouvernement
de Çauphiné^ datée de Grenoble» le 2 août i56i.
Otkj répond à une lettre du 3o juillet où Lamothe-Gondrin
demandait si Ion avait reçu redit précédent » qu'on n'en a
aucune nouvelle; ce qui n'était pas étonnant » puisque Tédit
noyant été envoyé que le 3i juillet {paye» n® 4 ) ne pouvait
entote être parvenu à Grenoble;
\ . •
6. Lettre de Lamothe-Goadrin au même p^rlemept» datée de
Vaknce^le i3 août i56i.
II lui envoie par Fc^ure, son secrétaire, 1° l'édît déRbéré en
rassep^Uéei de Paris sur les différends de la religion ( même
édit de juillet ) ; 2** une lettre qu'il a reçue du roi à cette occa-
sioU'. !|l demande que le parlement s'accorde avep lui sur les
mesures d'exécution et ajoute : << Me, remettant du surplus sui:
ledit Faure, lequel je vous prie , messieurs , vouloir croire
comme vous feriez moi-même,...» ( Elle €st signée de sa
ms^in ).
/
DES ANTIQUAia£S DE FRANGE. J.5i
\
7, Lettre du duc de Guise ei^ même parlement 1 dalée d'£s«
daïQQ (à quelques lieues de Vassy) fe 3 mai» iMa ( ffq>^& ol«
après les remarquer )•
« Messîem's , le$ plaintes que j'ai eofitinuellement ^es in^
solences et rebettîons dont usent; ceux qui font profeSsion'de
suivre Fégifdé quMb disent réformée, me fait tous en écrire
ee petit mot pour tous prier autant affectuensemént<[ue je puis^
é*j Toulchr avoir soigneusement Fœil de votre c^étet de faire
punir et châtier ceux que vous trouverez autetirs'et coupables
desdîtes rebellions, au grand mépris et contemneuient de l'au-
torité du roi et de sa justice, outre Toffense que Dieu première-
axent en reçoit, chose qui ne se doî^ permettre. Je ne veux, ou*
blier aussi de vous dire qu'ayant été fait comme j'ai entendu
un dernier édit, que vous vous iussîez bien passade le rotce-
voir et faire publier par delà^ que vous n'eusaieii vu pre.mîërc-
mentoon^me la cour de parlement de Paris en. aurait usé, qui
est rexepople et le mln>ir de tonlçs les autres ; dont je vous ai
bien voulu avertir pour ^aucQup de bonaes considérations
qu'on peut avoir là-dessus, ce me seinblc,
Messieurs , ^e prie sur oè . notre seigneur de vous tenir
louJQursi en sa tfôs-sainte et digne garde. Ecrit à £s<dî^on rce
3 mars. 4^ r -
P, S. Je sais , messieurs , que vous me pouvez allé- ' '
guer que la force n'est point en vos mains pour vous faire
obéir; Mais vous avez M. De la Mothe-Gondrin qui y
saura pourvoir selon le pouvt)ir qu'il en a et le moyen
que je lui en ai donné.
( Ensuite ici de la main du duc ) Voire bien bon amy
* FBA.NÇOYS.
Remarques, On voit que l'année manque à la date, ^ais il
s'agit évidemment de 1662^ nouveau style. En premierïicu,îlcst
question, dans la lettre, de l'édit dernièrement fait ou édit de
janvier. En dcusi^me lieu, on à note au dos répondu le 25
l52 MEMOIRES DB LA SOCIETE KOYAIE
mars i56:»; et comme à Grenoble Tannée commençait à Noef^-
cela ne peut se rapportera une année postérieure, chose d'atl*
leurs impossible, puisque le duc îal tué ^a ft^rier. i563; en
troisième lieu, dansf la minute.de Ja réponse du parlement .qui
est jointe à la lettre, on accuse ladrécepiictn de i^eUe^ci, comme
étant du 3 du présent, ce qui exclut aussi une année anlérjeHre;
enfin on s'y lélicite de son retour en France, et Ton sait qu'a-
près un Toyage en Alsace pour négocier la neutralité des princes
luthériens allemands, le duc rentra en France yers la fin de fë-
Trier i562 ^Yoyei GarnUr, t. 29^ à lafin).
8. Nous dÎ8on8,ci-deyant p. i34, qu'on assure que François I**
ne souffrait pas qu'on donnât aux Guises et qu'ils prissent en
France la qualité de princes, etc.
Nous citons à cette occasion le président Laplace et Bayle ,
qui l'a cité lui-même. Laplace ( f. 6'^ et 65 ) rapporte un dis-
cours adressé de TÎre voix, en i56o, par Régnier de la Planche
à Catherine de Médîcis, où il expose que, quand le duc d'Au-
male se maria, François P' ne youlut pas permettre que sa
femme fût habillée en princesse le jour de ses noces ; disant
«qu'il aoTOulait communiquer les honneurs qui n'appartiennent
qu!aux princes du sang, à ceux de Lorraine, et que s'ils youlaient
fiiire des (les) princes, qu'ils les allassent faire hors du royaume
à leurs dépens. »
Cette assertion, répétée par Bayle, nous a jeté dans un grand
embarras dont nous n'avons pu nous tirer qu'après de longues
et ennuyeuses recherches. Presque tous les biographes et généa-
logistes , tels qu'Anselme ( IlisL généalogique de la maison
de France 9 Uj, 491), Moreri [mox Lorraine- Aumale y n'4f«),
D. Calmet, [^Hiat. de Lorraine ^ 1728^ J^'*^ ^ P* GLxxni f
cLxxriii) , l'auteur de la yie de Coligny ( 1686,/?. io3) , etc.
fixent positiyement le mariage du duc d'Aumale ayec Louise
de Brézé, fille de Diane de Poitiers^ au premier août 1 54/ : or ,
François !•' était mort dès le 3i mars précédent ; il n'ayait
donc pu rien régler sur le mariage du duc d'Aumale.
bCS ANTIQUAIMS DE frange/ i55
Il y il appareaoe que cette objeétioD fut faite à Bayle^ dont le
dictionnaire ne parut qu'après ia pretnière édition d'itne partie
de l'outrage d'Anselme. Il fit consulter le célèbre généalogiste
d'Hocier^ et celoi-ci répondit que le duc d'Aumale ayaitdûse
marier en i546, puisque OQUlaume de Poitiers > onde de
Louise de Brézéyla nomme dans son testament du 12 mars 1 546,
comme déjà épouse de ce prince.
Mais comme plusieurs éditions d'Anselme (1728)9 de Moreri
(1725 ) et de D. Calmet (i7!)S); de beaucoup postérieures à
Bajle , ont continué , aux passages indiqués ci-dessus/ à fixer
au premier août 1647 le mariage du duc d'Aumale, nous ayons
dû examiner ayec soin ce point de critique; d'autant que , d'une
part , ce sont des auteurs du plus grand poids en semblable ma-
tière, et que, de l'autre, le premier d'entre eux, Anselme , ou
ses continuateurs indiquent précisément, et cela sans rien cban-
ger à la même. date du premier aoûta547, le testàmentide
Guillaunae de Poitiers sur lequel se fondait le généalogiste
d'Hozief pour reporter le maria^ à l'an i546.^
Selon Anselme, en effet {e, u ,/?. 1207), Guillaume de Poitiers
fit deux testamens ; le premier rapporté par Ducbesne {Preui^ea
de l^hist. des comtes de Valentinoie) j le la mars i546; le
deuxième, le lA août i547, dont il y a une copie à la bibliothèque
du Roi, recueil de Gagnières, n*" 1718.
Nous ayons d'abord yérifié le passage cité de Ducbesne , et
nous ayons été assez heureux pour trouyer l'exemplaire qui a
appartenu successiyement à Pierre d'^ozie^ et à Louis et
Charles ses fib, et qui est surchargé de leurs remarques manus-
crites (il y en a, entre autres, à l'article du même Guillaume de
Poitiers). Le testament y est rapporté en extrait. Après y ayoir
institué la fameuse Diane, sa sœur, il y fait une première subs-
titution en fayeur « des enfaps que Dieu pourra donner ci-après
0 à Louise de Brézé sa fille, femme de illustre prince , monsei-
« gneur Claude de Lorraine, marquis de Mayenne. » •
Bden de plus formel que ce passage , car Claude de Lorraine
fut appelé marquis de Mayenne, jusqu'à la mort de son père,
1 o4 MEMOIRES DE LA âOClÉTÉ ROYALE
en liSo, époque où il deyint duc d'Aumale en remplacement
de son frère aioé François^ qui laî*même devint duc de
Gttise* Mais il restait à esauûoer si Dudbesne imppcMrtaît exac-
tement ta date elle-même et si cette date elle-même n'était pas
fatttiTe.Or,nous avons trouTédaaft une copie du testament dite
dans le temps même et placée à la bibliothèque du lOi parmi
les papiers de la maison de Poitiers {oabmei cUb généalogies)^
\ ^ que Duchesne a rapporté très-exaotement le passage ci^deasus;
tk"* qu'il n'y a pas d'erreur dans ]a date, puisqu'on ajoute aux mot&
19 mats iâ46 (c'est-à-dire 1647, nouveau style), ceux-ci ,
règruuUtrèS'ohréâienprwce François , et François I*' ne mou-
rut que le 5 1 du même mois de mars 1547.
A l^garddu deuxième testament de Guillaume de Poitiers,
qu'Anselme ( D, p. S07 ) dit être du i4 août 1Ô47 , et dont
une copie ancienne est aussi parmi les mêmes papiers, on n'y
trouve rien qui détruise l'indication positive du mariage con-
tenu dans le testament de i5A6.
Mais ce n'est pas le seul document irrécusable qui établit
que le mariage du marquis de Mayenne, depuis duc d'Au-
male^ est antérieur à la mort de François V\ D. Calmet rap-
porte \m extrait des cérémonies faites aux obsèques du duc de
Lorraine, François ^ les i5 et 16 d'août i5A6, d'après l'ouvrage
de Duboulai, héraut d'armes de Lprraine et témoin oculaire.
On y cite les princes et princesses de la maison de Guise qui
y assistèrent, et notamment Claude, marquis de Mayenne, et,
à deux reprises, la marquise de Mayemie.,qm se plaça dans les
tribttnes des églises de Saint-Georges et des Cordeliers.
Il est donc bien certain que leur mariage est antéri.^ar ou
i5 août 1&46. N'est«il pas un peu étrange queD. Calmet ait
oublié cette circonstance dans sa préface du premier volume
où, comme on l'a vu, il fixe le mariage au premier août 1Ô47 ,
ou bien peut-être la variation des dignités des Guises P car, on
Ta dit , François fut d'abord duc d'Aumale , et Claude, seule-
ment après lui, l'aura-t-elic induit en erreur, comme beau-
coup d'autres biographes ?
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE, i 55
^ H, Lettres de Henri, duc de Guise , fils de Françoisy
et surnommé le Balafré» suivies de quelques remarques.
N, B, Nous avons trouvé les troî^ lettres suivantes en faisant
les recherchés dont Textraît est ci-devant. Elles nous ont paru si
curieuses par Tesprit et fénergie que le duc de Guise y montre,
quoiqa'à peine âgé de six ou sept ans (1)9 que nous les avons
copiées et communiquées à la Société royale des Antiquaires
à la[^suite des observations relatives aux lettres de François, duc
de Guise, père, et la Société a arrêté qu'elles seraient po^
bliées en même temps que celles-ci. Nous nous bornerons à
y joindre des remarques pour I^&cIaircissement de quelques
passages ( ceux qui sont eii italiques).
Au reste, ces lettres sont adressées par Henri à François
son père, qui était passé en Italie à la fin de i556 et eii fut
rappelé vers le mois d'août 155/ après la funeste joùri\èe dé
Saint'Quentin ; elles sont en original dans les manuscrits de
Gagûière, B'. R. , vol. 348, f. i5i, i53et iS/i
l' rentière lettre du Balafré.
Mqnsbigkeur^
Je me recommande très-humblement ù votre bonne" grâce.
Je suis |)îen aise d'avoir entendu que vous vous portez bien et que
ayez passé les Monts en bonne santé,de quoy j'en remercie Dieu
qui lui a pieu vous bailler si bonne fortune que d'être passé
en bonne santé et en bonne prospérité. S'il vous plaist entendre
de nos nouvelles, de ce que nous avons faist depuis votre par*
temcnt de la cour; nous avons fait bonne chière et tant couru
de lièvres que les paiges laissaient les croustês pour manger le
fi) Il étiiit né'lc 3r d^cembxt i55o (Voy. HifoTeri ^ mot I^rraine^
QuifCt n** xzj ), et ks iettre«^ sont de Janvier» avril et oqtobre 155;.
l56 MétfOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
dedans et tous asseure qu'ils n'ayafent point mal aux dents.
Monsieur des Fossés m'a donné des leyrettes qu'il n'y en a
piûnt de meilleures à la cour. Je les avons fait courir à la
Muette avec madame de Castre^ etluy ayons pendu le collier,
mais elleoiarait plus fort que ses leyriers; et ce jour-là nous
nous trouvâmes à la mort du cerf, où le roi me donna le pied
du cerf pour mon droit qui portait quatorze. Mais j'en ayions
peu detfantflVLS décent et yingt.Mais depuis ce temps- là j'ayons
été en grand danger, car le jour des Innocens nous a fait belle
j^nr, car madame Isabeau était yenue pour nous donner les
mn^censj mais j'étions déjà leyé, et le duc de Bat^ière qui est
Tenu aussi pour nous les donner a esté bien estrillé ; et si je les
ayons donnés à monsieur de Lorraine dedans son lit. Je ferons
bon guet à l^adyenir de peur des coups. Je suis devenu un peu
bon et ne s'en fault guières que nous ne soyons d'accord. Le petit
père me vient toujours quereller , mais je le bourre bien. Le
roi noua a promis des hacquenées à moy et à mon cousin > mais
' le ne les tenons pas encore.
MonseigneujÇ après vous avoir averty de la bonne santé de
monseigneur le cardinal mon oncle^ je vous présenteray mes
Irès-faumbles services vous suppliant très-humblement que si
vous Toyez monsisîgneur mon grand-père et madame ma
grand'mère à Ferrare, que je leur présente mes très-humbles
recommandations à leur bonne grâce. -De Saint-Germain ce
jour des Innocens.
Votre très-humble et très obéissant fils,
Le raiNce de joinviude.
Seconde lettre.
BltaiSEI^VXVB,
J'ay à cette heure encore un beau petit frère que madame
ma mère m'a fait à Nanteuil incontinent que je fus parti pour
DES ANTIQOAIRES DE FRANCE. 167
aller à Reims ayec monsieur mon oncle. On m^a dit que c'est
bien le plus beau et le plus gras du monde. J'ai ouy de beaux
sermons que faionsieur mon oncle a faits à Reimsy mais fe
Toas promets que je ne les saurais raconter tout du long, car
ils étaient si très-longs qu'il ne m'en souvient pas d^la moitié.
II m'a fait porter son aumusse devant luy et m^a demandé si
je ne voulais pas être chanoine à Reims; mais je lui répondis
que j'aimerais mieux être auprès de voUs pour rompre une
lance ou uneépée sur quelque brave espagnol ou bourguignon 9
pour éprouver si j'^ bon bras^ car j'aime mieux escrimer 'on
rompre lance que d'être toujours enfermé dans une abbaye «veO
le froc. Monseigneur, j'ay vu ma sœureX ma cousine d'Aumate
aussi qui sont bien saiges et bien jolies. Elles m'ont prié fous
présenter leurs très-humbles recommandatigps à votre bonne
grâce et à tous messieurs mes oncles aussi. Madame ma grand'-**
mère a fait ses pâques à Reims avec monsieur mon oncle^
etpuys elle est venue trouver madame ma mère à Nanteuil^ la*
quelle se porte fort bien, dieu mercy. Ily a un be$u jeu de paille*
maille à Nanteuil que madame y a fait foire. J'ayme bien mon
frhre Charles et m,on frère Louisj car ils sont les plus jolis du
moade. Mais je ne spais quand j'aurai veu mon petUfrère, le*
quel j'aimerai mieux. Je serai leur gouverneur et leur appren-
drai leur cour. L'on m'a dit que le Roy de Nauarre setB. par-
rain de mon petit frère, je ne sçais encore quel nom il lui don-
nera, faon, cousin a été malade à Nanteuil^ mais il se porte fost
bien maintenant et est de retour à la cour.
Monseigneur, le chanoine est venu à Nanteuil venir ma-
dame ma mère. Il a deux bonnes levrettes qui sont à vous s'il
vous plaist les recevoir. Je les vous garderai jusques à votre
retour. On avait dit à madame ma grand'mère que j'étais
opiniâtre, mais Des Fossés fait bien veoir du contraire; car si
jç l'étais] il ne m^épargnerait pas le bois de britlon. JH^dame ma
tante d'Ulbœuf est à Nanteuil qui se porte fort bien et m'a
prié vous faire ses très-humbles recommandations à votre bpnne
grâce et à tous messieurs mes oncles. Brusquet a été ce matîn^
i58 MÉSIOIMS DE lA 30CIÉTB ROYALE
à notre lever^ je tous promets^ plus plaisant que jamais^ et Stic
qui lui a bieti fait la guerre ; et si ne se fût bien contenu, il luy
eût décousu ses chausses.
Monseigneur^ la faim nous presse d'aller dîner; qui nae gar-
dera de faire une lettre si longue. Je toUs |)rdmëts que j'ayons
bon appétit.
Monseigneur, je supplie le créateur tous donner en par-
faite santé très-longue et très-heureuse TÎe, prompt retour par
ûeçÙL j comme madame ma mère le désire et moi aussi. Mon
cousin et moy nous recommandons trës-humblement à yotre
bonne grâce et à tous messieurs no$ onchs. De Tillers-Goterets
ce 37 d'ùtril.
Voire très-humble et très-obéissant fils,
L« PAIKCB M JOIKTIUJB.
s
v; Troisième lettre»
Monseigneur^
* ydA entendu que tous êtes en chemin pour tous en reyenir^
de quoi je suis mervelHetisement aise et madame ma mèir^qoi
'Yoas désire bien ea ce lîéu. Vous la trouTerez st poMant très-
bien^ Dieu mercy, et aassi, ïùt» petits frères et mié étteur qui
sont tenus ici attendre Totre bienrenue. J'espère vous donner
|e plaisir de trois bonnes levrettes et un léyrier qui ne se lais-
sent rien échapper deyant. Nous avons pendu lé tfAlttt àu Aoy
q«l l'a perdn contre noiis et s'il tous i^arira à yoire ân^lvèé nous
lé yous pendrons et crois que tous ne le gaigne^^iez pas. Gepen*-
dant }e prie le Créateur qu'il yous doifti m<mse)gneur en très-
'bonne saUté Irès-bngne et tfè9 bonne yie^ et moî la grûoe de
tous yoir bientôt en la bonne prospérité qtte je désire. De St-
Germaiii'4^ 2 d'octobre 1557. •
Totre très-humblè et très-obéissant fils,
Henry dé Lorraine*
DES ANTIQUAIRES DE FRAlTCE. 1 5q
REMARQUES SUR CES LETTRES.
1. Page i55. — Les pages laissaient les croustes..,. Nous
n'ayons point trouvé l'explication de ce terme dans Dufouillous
(édition de id85 in-4*') ^ autres anciens auteurs qui ont traité
de la vénerie; mai|s en faisant attention aux expressions suivantes
pour manger le dedans , il est à présumer qu'il s'agit de la tête,
des pieds , en un mot des parties les moins déliœtes, et qu'à
raison de Tabondance de la chasse, on arait permis cette fois
aux pages de manger les filets, cftc.
2. Page i56. — M. Des Fossés,.. Il paraît qu'il s'agît de
80D instituteur en ténerîe (Il faut se rappeler que son père
était grand veneur... F'oyes cî-devant, /?. i36).
3. Page i5t. — Je^ huons... he^ littérateurs jfjie cette époque
avaient abandonné cette association étrange du singulier et du
pluriel : mais nous l'avons trouvée dans les lettres de plu-
sieurs prÎBces et seigneurs, et même dans une lettre écrire en
1575 par Charles IX, dont on connaît le goût pour la littéra-
ture (Voyez manuscrits de Béthune^ ifol. 8676, folio 6S).
4. Pagei56. — Madame de Castre... Diane ^ fille naturelle
de Henri II, veave d'Horace Farnèse^ duc de Castro., elle fat
remariée le 3 mai 1667, quatre mois après la lettre, à François,
duc de Btentmorenpy, fils du connétable.
6. Page i56^ — Lui avons pendu le collier..^ Nous n'avons
rien trouvé sur ce point dans les auteurs indiqués au n"" 1..II
paraît, en combinant cette lettre et la 3* ( F", cî-devant ,
pag. i58), que c'était un jeu de chasse qui consistait à attacher
un coRier à l'un des chasseurs , et que eehit-ci le gagnait s'il ne
se laissait pas atteindre à la course de»chevatix , et le perdait
dans le^s contraire.
%
l60 MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
6, Page i56. — Le pied du cerf pour mon droit qmporiaii
quatorze.... Il entend ici par son droite le cerf qu'il poursuîyait
directement^ car c'est le terme par lequel on les désigne pour
les distinguer des cerfs qui donntnt le change , croisent y s'é-.
cartent^ etc. — Foir Dufouilloux ^ supràjfoL 53....
7. Page i56. ^- Qui portait quatorze.... Ceci désigne un
cerf de six ans, qui àoit porter la, \k ou 16 cornettes ou, ra-
mures à son bois. — V. Dufouilloux^ /• 199 ▼*"•
8k Page i56. — «r^n avions vu devant.... Ce sont les cerfs
qu'on a fait partir , mais .qu'on ne poursuit point.— V. DufouHr-
louXy ib.f.2^y 5i 9 33^ etc.
g. Page 1 56.— Madame Isaheau.... Elisabeth ou Isabelle
de France, fille de fleuri II, née le iZ ayril i545, mariée le 22
juin 1 55g à Philippe II, roi d'Espagne. (Bouchet, annal.
d'Aquitaine, dit qu'elle fut baptisée sous le nom à^ Isaheau).
10. Page i56. — Donner les Innocens....^ C'était ancienne-
ment donner lé fouet par plaisanterie , le matin du troisième
jour après la fête de Noël, qu'on nomme le jour des Innocent
( 28 décembre )• »
« Cette coutume d'infliger une punition sans motif ayait été
introduite en mémoire du massacre des enfans du territoire
de Bethléem, ordonné parflérode. 9 — Dictionnaire des pro-
verbes français, 1821,/). 236.
11. Page 1 56. — Le duc de Bavière..,.. Comme presque
.tous les princes des branches nombreuses de la maison de Ba-
vière prenaient le titre de ducs de Bavière^ il est difficile de
savoir précisément quel est celui qu'on désigne ici. Nous
présumons qu'il s'agit de Guillaume Y , de la branche de Mu-
nich, né en i548 et marié en 1S68 à Re^ée, fille de François,
duc de Lorraine, et sœur de Charles Il^dont on va parler.
12. Page i56. — A monsieur de Lonvùne... C'est sans.doute
Charles II, duc de Lorraine, né en i543, frère de Renée
{^poyez n. 10), et cousin issu de germain du Balafré.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. ' l6l
i5. Page xb6*^~ Le petit père.,. Probablement son préeep-*
teur.
i4. Page iSè.-^Le cardinal mon oncle Le eardinal
Charles, dont on a parlé ci-devant pag. i35.
i5. Page i56. — Mon grand-^pére et ma grande mère , à
Fermre^.,. Hercule d'Est, duc de Ferrare, et Renée de
France, son épouse, fille de Louis XII... Leur fille, Anne d'Est,
arait épousé, le 4 décembre 1649, François de Guise.
16. Page 156. — \CeJour des Innocens..,. Il y a une erreur ..
dans cette date. D'une part, la tournure de la lettre montre
qu'elle a dû être écrite après le jour des Innooens, ou apirë« le
38décembre i556; et, de l'autre, François n'étant parti pour son
Expédition d'Italie qu'à la fin de ce mois {Poy. Garniery xxi/i/\
3oo),on ne pouvait avoir encore des nouvelles de son passage
des Monts... Peut-être est-ce le jour de Saint-Vincent , ou 22
janyier iSij ( nouveau style ) , que le Balafré aura voulu
mettre.
17. Page i56.— *i^ prince de Joi/ii^ilie.... Henri, II avait
érigé en principauté la terre de Joinville, dès 1552 , en &veur
de Fiinçois de Guise. Son fils aîné en porta le titre -peitdant la
Tiède François. Cette lettre et la suivante sont les seules où ,
seas doutei faute d'expérience, le Balafré signa d'im nom de
dignité, contre l'usage de sa maison.
18. Page iS'j.^^A Reim^.*. Le cardinal de Lorraine (fl^y.
ci-devant p.. i35 ) était archevêque de Reims.
ig. Page 167. — * Ma eoàuré.. Gatiberine-Mariè de Lorraine-
Guise, née le 18 juillet i65i , mariée en 1670 à'Louls dé Bour-
bon, duc de Montpensier, et si connue par sa haine furieuse
contre Henri lïï, au tempsde la ligue.
20. Page \5y.'-^ Ma cousine d*jéum^le:{','y'éàtlïeT\ne de
Lorraine^Aumale, fille de Claude ( Foy, ci-de?ant page i35 },
IV. IX
I
l62 MéMOlUfi DB LA SOCIÉTt ROYALe
née le S octobre iô^^ nariée ea 1Ô69 à Nicolas de iiOlrratâe^
duc de Iklcrcœur^ son oncle^ à la mode de Bretagne.
ai. Ptigexbj.^^Mon frkre Charles., .> Le fameoz duc de
Mayenne 9 né le 26 mars iS(4.
asp. Puge xS^j . ^^ Mon frire Louis... Le non moins fameux
cardinal de Guise^ massacré à Blois en 1588, né le 6 juillet
25. Pcige iSj.-^Mon petit frère. é. Cet enfiint mourut en
bas fige. ' ^
a4. PàgeiS'f. — Le roïde Naparre... Antoine dcBourbon,
pér« de Henri IV.
25. Page 1-57. -^Moneouùn,.* Ce ddit êltë Henri de Lor-
raîne-Aumale, comte de Saiot-VaUier^aé ea iM^^ nm^ea
36. Page lèj.'-^Le b&hide BriObn... C'était sans doute une
péuitence que le Teneur infligeait à ses éléyes.
•ajr. Page tij.-^Ma tante d^Elbcèuf.... Louise dé Kîeux,
Mariée lé ^fetriéi" l5Sd âRedé de Lorraine, marquis û^tà^à^ny^
frère de Trkiài^oîi^ dé Giihé.
28» Page i5fi.'*-'Bmàq^Aeei.. VsmcQnbo^fkwiikYtBtnçoÏBÏ''.
Ibid. Page i58. -'-Stic.... C'était apparemment un autre
bouÏÏbn.deoouri
2g. PageiSS. — ^Tessieur^ tio^ ondes... Le (dut) de Guise
avait enotnénésaTeD lui eo; Italie ^sieurs de stà frères, entre
autfffis le dioe d'Aumale. -^ Fhy* GamUti 4^^*i J^etâd^*.
3o< Page iSS. — Pour vous en revenir... {"saupois arriva à
6aint-Germain-en-Laye vers le milieu d'octobre. -— Voyes
iHtf TAou ad^ann. x^j^Vb.v^ .
«
, . . • 1,1'' JLia«rf4MtftA«ÉMM
/
0E& ANTÎQLAIU8 M FRANGE. l65
. [ - =" - ^ ' fa— .»->—; -,L-^
MÉMOIRE
SUf ie câœp roiUflin de Fains; prëâ dé Bar-le-DuC; par
M. J. F. G«Eél>eR> corredpomkiit de la Société.
Lbs bistatîetis de la Lôfraine n'ont fUrëéquç riéa dit
d'un Bûei^n camp dont oh aperdoitlès vestiges à trois
quarts de feeué de flar-le-Duc, sur là rive gauche de
l'Ouate • Ce sioiiutnent mérite néaWtûOins de fixer
TattentioB des antiqtiaires j eh ce qu'il peut concou-
rir à répandre qnelquë lumière sur Thistoire des Ro-
mains et leiir^ dpétatioiis milttâii^es dans la Gaule
Belgique.
Peu de pays ont éprouvé autant de révolutions
que cétix qui forttiaient ànciennémeiat les provinces
de Lortàitie et du Bstti:*ois. La plupart de leurs villes
Obiétè détruites OU sdilt devenues de simples b<iur-
gddes ; d'autres ont changé de nomë eh passant sous
de tiotiveaux maîtres; Les Homaihs leur éh imposè-
rent iôrsqu^ils s'y établirent ,. et les cônqùérans qui
yinrenrt après eux suivirent cet exemple : de là, la
difficulté de reconnaître aujourd'hui la position de
certains lieux désignés dans les anciennes cartes sous
des noms barbares ou latins.
Danville, en sa Notice de la Gaule ^ noys. fait re-
marquer que c'est *sur les voies qui servaient à la
communication des villes que se trouvent presque
toujours les Fine» mentionnés dans les itinéraires ,
11*
l64 HillOlRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
et il ea donne pour exemple une position que celui
d'Antonin marque entre Âugusta Suessionum ( Sois-
sons ) et Durocortorum (Reims). Il cite un autre
Fines sur la route de P^irodunum ( Verdun ) à Dwo-
durum ( Metz ), et pense qu'ici Fines désigne les an-
ciennes limites du Verdunois et du pays qu'avaient
occupé les Mediomatrici. Enfin , on trouve dans les
tables de Peutinger ad Fines entre Nasium ( Nais) et
Tullum (Toul) sur le chemin de Reims à Metz ^ et
on lit à la suite de Nasium le nombre XTV qui ex-
prime la distance de cette ancienne ville à la posi-
tion de Pines.%n e£Fet; i4 M. pas romains, d'après les
supputations d'Ammien-Marcellin, formaient près
de 10 lieues gauloises (7 de nos lieues ), distance
très-exacte de Nais à Foug ( Fagus )•
il est vrai que Dan ville incline à donner kFinesXdi
position qu'occupe aujourd'huile village de jPam^ dans
le Barrois ; mais ce sentiment ne saurait se concilier
ni avec les supputations de la table de Peutinger, ni
avec l'ordre dans lequel les lieux y sont dénommés,
malgré Fautorité de quelques auteurs , tels que le
P. Benoit Picard , qui n'a pas craint d'intervertir cet
ordre, en plaçant ad Fines entre Caturices et Na-
sium, tandis que ce lieu est marqué sur la table entre
Nasium et Tullum (1)/
(i) Itinéraire â^Anlonin. Table de Peutinger,
Caturigis. ... M. P. IX. Caturices. ..... IX.
Nasium M. P. IX. Nasio . XIV.
Tullum M. P. XYI.Fines V. !
TuUio. .•...• J X* . !
Des antiquaires de i^rance. i65
Pout'DOus; qaelqqe séduisante que nous paraisse
Une opinion qui abrégerait nos recherches , et prê-
terait à nos conjecfui^es le témoignage de plusieurs
écrivains recommandables , nous n'hésiterons point
à la rçjeter, parce que nous sommes convaincus que
le village de Foug , entre Void et Toul, près de la
route militaire , est le i^ne^deTitinéraire.Des ruines
qui se trouvent en cet endroit nous confirment ea-
core dans ce sentiment , quoique Durival ( Mémoires
sur la Lorraine ) pense qu'elles appartenaient à des
ouvrages du 1 1 ou i a** siècle. Nous les avons exa-
minées avec beaucoup d'attention, et nous avons re-
connu qu'elles reposent sur d'autres ruines qui of-
frent des traces de la construction romaine. Ajoutons
que Foug est sur la lisière du Pagus Tullensisy con-
fiuant au Pagus Bedensis; ce qui nous semble jus-
tifier son ancienne dénomination, ad Fines.
Si nos conjectures ne nous> ont pas^ égarés , nous
aurons trouvé le point d'où doiveût partir nos re-^
cherches; car de ce que Tltinérake d'^ntonin ne
mentionne aucun établissement des Romains à la
position , de i^a//2^, près de Bar-le -Duc , nous devons
conclure que les ouvrages > dont les ruines se voient
dans les environs, ont été construits postérieurement
au règne de l'empereur Antonin( an i6i de J. C, ).
Extrait de If histoire de Thul ,
-.^ 7 n D •' ^ -^^ fines» . » . M. P. V.
par le P. Picard. •' • _ ,«-
^ Nasîo M. P. IX.
Caturices. ... M, P. IX. Tullio .... . M. P. XVI
l66 MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
Jules-Cé^ar entra dans les Gaules 55 ans afant
J. Gv et epemployaneuf à les soumettre. Se^^cces*
seurs s'y maintinrent jusqu'à Glpvis qui les ep chassa
entièrement, après avoir vaincu Siagrius dans les
plaines de Soissons.
La durée de roccupatiofi ^es Roxnains a donc été
de 54i ans; mais le silence qu'a gardé Ji;'autear de
V Itinéraire sur la station militaire de Fains ea B^r-
rois nous autorise à retrancher de ce( esp4PÇ les
âi6 années écoulées dçpuis Tinvasion de Jules-César
jusqu'au temps de l'empereur auquel on attribue gé-
néralement cet Itinéraire. Ainsi no^ recherches doi-
vent se renfermer dans Tin tervalle de 3» 5 an? çoui-
pris entre la fin du règne d'Antonin et la d^éifaite de
Siagrius.
Mais le champ est vaste encore; et, pour ne rien
hasarder sur un sujet qui inérite d'être approfondi ,
nous croyons nécessaire de rappeler d'abord les prin-
cipes de castraïQétation suivis chez le peuple auquel
on doit les monumens qui nous occupent, nous réser-
vant de faire sortir nos preuves de l'anal/se des ou-
vrages que nous décrirons, et de déterminer ensuite
l'époque de Leur construction par le secours de l'his-
toire et des médailles trouvées sur les lieux.
Les Rondins, ditPolybe, suivi peut toujours l'ex-
cellente maxime de se retrancher dans leurs camps,
eussent-ils dû n'y passer qu'une seule nuit. De là cette
locution si ordinaire dans les auteurs latins priniis
castris , secundis castris, etc., pour exprimer l'ordre
des jours de leurs marches.
t>U ANXIQUAia£6 M VRADiCB^ 167
Les eamps de passage s'appelaient subita tempo-
ranea , tumultuaria castra ; on désignait jsous le n<»n
de stativa ca$tra ceux où Ton devait passer quelque
temps.
Dè3 qu'on avait trouvé ane position coaunode^ où
rarmée^ à labri de toute surprise, pût se procurer
facilement du bois , du fourrage et de Teau > on tra-
çait Teaceinte du camp, et Tou élevait des retran*-
cbemens^ dont la solidité était subordonnée au ténsips
que Ton devais demeurer en cet endroit.
Le retrancben)jent((^iz//um) des camps de passage
n'avait guère que 5 pieds de baut. Il était formé d'un
mur de ga^^on derrière lequel se jetaient les terres
qu'on tirait du fossé , dont la profondeur ordinaire
était de 6 à 7 pieds, sur 8 à 9 d'ouverture. Des pieux
de 4 pieds et demi de haut {sudes) que les soldats
avaient coutume de porter dans leurs marcbes, cou-
ronnaient le rempart , au mojen des rameaux flexi-
bles qui les unissaient y d'un rang de palissades à
l'abri duquel les légionnaires défendaient Tapprocbe
des ouvrages.
Les camps destinés aux quartiers d'été etd'biver
{œstiva et hiberna castra ) exigeaient plus de temps
et offraient plus de solidité. Le fossé avait quelque-
fois jusqu'à âo pieds de largeur et une profondeur
proportionnée à cette ouverture. Le retranchement
était non seulement surmonté de palissades^ mais
encore défendu par des tours en bois à plusieurs
étages^ placées à 100 pieds de distance les unes des
autres sur toutes les circonférences , et d'où les sol-
l68 M£MOIKES DE ta SOCIETE ROÎALË
dats lançaient des traits sur les assiégeaas. Souvent
ces tours étaient unies par des galeries qui multi'^
pliaient les mojens de défense y et d'oùToti observait
les mouvemens de rennëmi.
L'enceinte des camps se réglait sur le nombre des
troupes et la quantité àes bagages et des machines
de guerre.Une armée consulaire, composée, au temps
dePoljbe, de 18,600 hommes, y compris les alliés,
devait occuper un espace de 1 12,896 toises en carré,
suivant la description qu'on trouve en cet auteur ; ce
qui donné, en admettant une figure quadrangulaire,
336 toises pour chacune des quatre faces.
Les tentes distribuées sur le même plan laissaient,
entre leur^ dernières lignes et les retranchemens , un
videdelSoà 200 pieds qui facilitait la circulation
des troupes 'et les mettait à l'abri du trait et des ma-
tières enflammées que l'ennemi aurait pu lancer pen-
dant la nuit«
Les camps consulaires avaient quatre portes, sui-
vant ce que nous apprend Tite-Live , qui a suppléé
au silence que garde Polybe à ce sujet : X^prétorienne
( praetoria ) qui regardait ordinairement l'orient , Tar-
toée ennemie, ou la route qu'on devait suivre si l'oû
était en marche ; la qaestorienne ou dècumané ( de-
cumana), qui lui était opposée; et, sur les deux
faces latérales , la droite principale (priricipalis dex-
tera ), et la gaiiche principale (principalis sinistra).
On sait que les Romains durent plus d'une fois le
succès de leurs armes à la précaution qu'ils avaient
de se retrancher en tout temps , et à la perfection
bfe^ ANtlQUAÎRES DE FRANCE. l6g
et à la solidité de leurs ouvrages. Leurs camps étaient
de véritables forteresses d*où ils observaient l'enneftii
pour Fattaquel: dès que roccasion leur semblait fa-
vorable, et qui leur offrait au besoin un refuge
qu'il était bien difficile de forcer. «En quelque lieu
« qu'ils portent la» guerre, dit Flav. Josephe {His-
^ toire des juifs ) , ils ne sauraient être surpris ,
«f parce qu'avant que de pouvoir être attaqués ,
« ils fortiâent leur camp, non pas confusément ni
« légèrement , mais d'une forme quadrangulaire ; et
« si la terre y est inégale , ils l'aplanissent , car ils
« mènent toujours avec eux un grand nombre de
« forgerons et autres artisans pour ne manquer de
« rien de ce qui est hécessaire à la fortification. »
Il semblerait, diaprés ce passage de Josephe, et
ce que nous apprend Poïybe de la figure des camps
romains, qu'ils fussent tous quadrangulaires. Cepen-
dant nous trouvons chez nous plusieurs de ces ouvrages
d'une forme différente, tels que les camps de César
àPéquigny sur la Somme, à Saint -Leu sur l'Oise';
ceux de l'Etoile sur la Somme, et de Vissan dans le
Boulonnais. Les deux premiers étaient triangulaires,
et les deux autres ovales. Le camp consulaire de iVû-
sium (dont la description paraîtra dans l'ouvrage de
M. Denis) forme un parallélogramme irrégulier. Il
est donc plus paisonnabïe de croire qu'alors comme
de nos jours ', la forme des camps était réglée par la
disposition du terrain, qui ne se prêtait pas toujours
à celle qui paraît avoir été préférée dans ces temps
reculés.
1 70 MSICOIUâ DE LA SOGI]StÉ ROYALE '
Les anciens comme les modernes avaient soin de
se couvrir d'uûe rivière y d'un mariais, ou d'uu ravin
lai^e et profond ; et^ s'ils étaient dominés par une
montagBe^ ils ne manquaient pas d'y établir un petit
camp (castellum), où ils jetaient une ou deuxco-
horte3 9 et qui conwiuniquait , quand le terrain le
permettait^ au camp principal.
On en trouvera un exemple dans l'ouvrage que
M. Denis va publier sxxvNasium^ et les vestig^e^ d'eu-
vrages que nous allons explorer sur le mont de Fains
nous en offrent un autre.
Cette montagne est couronnée par Un plateau for-
mant un parallélogramme irrégulier de 2^0 mètres
de long sur 85 mèttres de large à l'extrémité supé-
rieure , et no mètreâ à l'extrémité inférieure.
C'était sur ce plateau que le castellum était assis.
Le ravin^ au fond duquel coule TOrnàin^se prolOQgç
sans interruption depuis l'angle gauche de la tête du
camp {Yoj.pl. VI ^ G) {1), jusqu'à l'angle opposé
sur une pente moyenne de i5o mètres; de sQrte que la
position est entièrement escarpée ^ excepté du ^pté
dg sud j qui communique à une plaine où nous espé^
(1) La planche YI présente le plan gèométral du oainp
[paBtellu7n\ de Faios et dés enTÎrcnS; levé au mois d'avril 1818.
Légende du, plan, A , terré- pleio du camp. B, tète du camp.
C, fossés. D, escarpement à Pouest. B^ escarpement atmord.
F; escarpement à l'est. Q, perte prétorienne. H, 4sbeinin de la
ririère. I y porte principale de droite* J» plateau am nîreau. du
camp. K, YÎllage de Fains. L^ hôpital militaire. M> moulin.
N y différens lieux où l'on a trouvé des tombeaux.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCB. 17I
roos retrauyer plus tari) l^s traces du camp principal.
 200 mètres au-delà de TOrnain, pass^^ sur une Jî^e
presque parallèle au cours de la rîvièrt) > raucieone
voie romaine qui cooduisait de Reimf à Metz , par
Nasium, TuUum ^tScarpana.
Les fortifications de la facç de l'ouest ( D ) sQt^t
les seules qui se soient conservées, lie reqtp^t sub-
siste dans son entier dcpuis^Tas^lgl^ droit jusqu'à
la porte pratiquée à l'angle gauche. Il s'élève de
% mètres 9^4 (9 pieds) au-dessus du terre-pkiin
du campf etdç^àp^tir du fond du fossé (3)^
ce qui donne à ce fos^ié une profondeur de i mètre ^
624(5 pieds ) sur 3 mètres 900 ^ 4 inètres,3po ^envi-
ron 12 à i3 pieds) d'ouverture.
L escarpement 4es trois autres f^ces {pL VI j D, E,
F) n'avait pas permis d'y creuser des fossés; on s'étiiît
borné ^ y élever ua rempart qui > étant perpendicu-
laire au r^'vin , s'y est écroulé par la suites des . teinp$^
mais dont il reste encore assez de vestiges pour q^i'on .
puisse, par leur s^ours, distinguer l'enceinte du
camp^ quand pn ne serait paa guidé p^^r la forme du
terrain,
X^ long de la face droite ( D ) ik%'^^ un chemin
( H ) où l'on recfmnait l'ouvrage des Romains. Il
e^t coiostruit sur d^ terres visiblement rapportées ,
et tourne autour de la montagne y en se dirigeant
vers la xivic^ où il allait vraisemblablement
aboutir. Il est par couséque^l aisé d^ concevoir
l'usage ;iuquel il était destiné. La porte qui s'ouvrait
172 MÉMOIRES DE LA SOGlÉTiS ROYALE
de ce côté était celle que lies Romains nommaient
principale de droite.
Cet indice^ joint aux autres conjectures que nous
avons tirées de la disposition du terrain y ne nous per-
met p^s de méconnaître^ dans Touverture pratiquée
au retranchement conservé ( G ) , la porte préto^
rienne. C'était de là que partait le chemin qui com*
muniquait du camp d'observation au camp principal.
Les traces en ont à la vérité presque entiëreaient
disparu en cet endroit ^ parce que la bonne qualité
du terrain l'a fait rendre depuis long- temps à la cul-
ture, mais on les retrouve à 80 mètres de là sur
les parties du sol où il n'a été possible d'entre-
prendre aucune espèce de labour.
Le castellum de Fains y d'après son étendue , ne
pouvait cpntenir qu'une cohorte.
Nous espérons pouvoir déterminer plus tard , à
l'aide de ces données, la position du camp principal.
Si le succès couronne nos efforts, nous nous empres-
ser(Ki9 d'en faire hommage à la Société.
Rapprochons maintenant les portions de chemin
qui se sont conservées aux endroits que nous venons
d'indiquer, des principes de ce genre de construc-
tion chez le peuple auquel on attribue cet ouvrage.
Les Romains, comme on le sait, divisaient leurs
chemins en trois classes :
i® Les routes militaires {viœ militares) propre-
ment dites, par où les armées faisaient leurs marches,
et près desquelles on avait établi des camps de dis-
DES ANTIQUAIRES DE FRAfiCE. 173
tance en di$tairce. Telles étaient dans la Gaule Bel-
gique celles qui vont ,
1^ DeSainte-Menéhould à Verdun, et de Verdun
a Metz :
2® De Metz à Dieùze et à Sarrebourg ;
3*^ De Meury à Metz, passant par Toul;
4** De Reims à Nais , Toul, Scarpone et Melz.
a® Les chemins de traverse qui coupaient les routes
principales, et facilitaient le passage des troupes
dun lieu à un autre.
3° Les chemins privés ( vice privatce ) par lesquels
les habitations communiquaient entre elles.
On peut juger, par Fétat dans lequel se sont main-
tenus les chemins romains qui nous restent, de Té-
tonnante solidité de ces ouvrages. Leur largeur res-
pective fait reconnaître, sans le secours des anciens
itinéraires, l'usage auquel ils étaient destinés. Du
reste, leur construction était à peu près uniforme.
On commençait p^r jeter das^ las fondations un
lit de ciment composé de chaux mêlée de sable y sur
lequel on établissait une maçonnerie en pierres plates,
deo" 271a o" 325 (dixà douze pouces) d'épais. Cette
maçonnerie .était recouverte d'une couche de pierres
rondes mêlées avec des morceaux de briques, d'un
nouveau lit de ciment blanchâtre, enfin d'une couche
de cailloux, de o'",i3i à iÇ5 (cinq à six pouces)
d'épaisseur. TQutes ces matières se sont confon-
dues sur les parties encore. . iieconnaissables du
chemin ( H ) qui conduisait du camp à la rivière,
parce que les terres rapportéesqui' les supportaient
174 UEMOItlËS DE LA SOGUBTÉI ROYALE
se sont en part^ écroulées dans le ratin ; mais on
les tetrouTC dans leur ordre respectif an* endroits
conservés de la voie de comn^miicafionf des denx
camps. Seulement le ciment qui unissait les deux
couches supérieures a disparu^ soit qull ait été
dissous par l'action de Teau secondée par le frotte-
ment continuel des cailloux^ soit qu'on le con-
fonde avec le sol qui est de la même couleur.
fia relevant Terreur commise par des historiens
accrédités sur la position de Vad Fines des tables^
nous nous sommes imposé la tâche de faire quel-
ques recherches sur Fépoqile de la fondation de
Fains.
Ce village, situé, comme on Ta vu, à trois quarts de
lieue de Bar-4e-Duc, est Tun des plus ancietis de la
province. Il en est parlé dans une charte d*Othon P'
de Tan 693 , ainsi que dans l'acte dé confirmation
donné en 1072 par Pibon , quarantième évéqtié de
Tout, en faveur de Tabbaye de Saint-Evré. Nous
en reculerons Forigine jusqu'au temps des ouvrages
dont nous nous occupons avec d'autant plus de fonde-
ment que les camps romains, comme on lé sait ,
attiraient ude foule de marcbasd^ qui,'ne pouvant
pénétrer dan^ Feiiceinte des ouvrages , se fixaient
dans le voisinage , et j bâtissaient des baraques et
des maisons. De ces établissèmens accidentels se
sont formées par la Suite des temps des bourgades, et
même des villes dont quelques-^ unes subsistent en-
core anjourd%ifi , prindpaleinen t ^tir les bords des
fleuves et; près des anciennes rôtîtes militaires.
bES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 1^5
La situation de Fains à l'extrétpité du Barfois
(Pagus Sarensis) du côté du Pertois (Pagus Par-
tensis) îuslifiesft déoominaûon , leç Romakis étante
ainsi que nous Tavons dit> dans Tusage de désigner,
sotis le nom Ai^FineSy tous les lieux qui se trouvaient
dans une pareille position. Ce nom de Fines a passé
(laâs Aoire ^langue avec oiïe légère âdtération^ car,
quoiqu'on prononce Fins , on écrit communément
Fain$ ou Freins.
. Après nous être aidés des secours de Vétymologie,
nous allons essayer do déterminer, par des faits his*
toriques et le témoignage dek monumens numisma-
tiques, Fépoque où les Romains occupèrent la po-
sition Faùi% et j construisirent les ouvrages que nous
avons décrits.
Nous sommes en possession de divers objets trouvés
daûs Feuceinte du castelluni de Fains. Us nous ont
été remis par le propriétaire du sol et consistent en :
\^ Plusieurs médailles à Teffiigie de Septime-Sé-
vère^ de sa mère, de sa femme et de ses fils;
a^ Un plomb de maçon ou de charpentier (/^er-
pendiculum) y
3<> Des fragmens de patères , d'amphores et d'au-
tres vases de toutes les couleurs^. Un de ces tes-
sons f en terre rouge , porte l'empreinte d'un lion
d une assez belle exécution ;
4® Une lame de couteau ;
5® Des jetons en ivoire j
6^ Des moi^s débride, des clous à tète globuleuse,
d'une forte dimension,desvirofes d'outils, etc.
176 MEHOIKES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
7® Des débris de javelots ;
&^ Beaucoup d'ossemens d'hommes et d^animaux.
On découvre souvent dans les environs des squelettes
entiers renfermés dans des coi&es de pierre.
M. de Maillet; en ses mémoires alphabétiques sur
le Barrois , parle d'une pierre trouvée de son temps
dans les environs de Fains avec cette inscription :
CHIFFSE
SAGRAE
GASSIVS
IvrONIME.
Nous avons examiné ce reste de monument , qui
a été employé à la construction d'une maison dé la
rue de Veel dans le village de Fains. La pierre a
0",8i2 ( deux pieds et demi) de long, sur o"*,487
(dix-huit pouces) de large. Les caractères, de o'',o54
( deux pouces ) de long , sont altérés en quelques
endroits, mais encore très-lisibles.L'estimable rédac-
teur du Narrateur de la Meuse , qui a bien voulu
nous associer quelquefois à ses savantes recherches ^
pense*que cette inscription signifie :
».
CoHORTi Hastat^, Impkrantibus Filiis duobus
SEvERI ,
SACRuM AEdificavit
GASSIVS
MONIMEntum.
DES ANTIQUAIKES DE FRANCS. ] 77
Nous partageons d'autant plus volontiers^ cette
opinion (pue les médailles découvertes sur les lieux
semblent placer la construction du castellum sous
les règnes de Sévère et de ses fils.
Consultons l'histoire ^ et elle nous offrira des évé-
nemens qui viendront appuyer cette conjecture.
En Tannée ig3^ Albin passa en Angleterre ^ et fut
proclamé empereur par les armées des Gaules en
même temps que Sévère recevait ce titre de celles
d'Illjrie, et Niger de celles de Syrie.
L'année suivante^ Albin revint dans les Gaules et
y fut joint par Sévère, qui, après une guerre de trois
aos, l'obligea 'à se donner la moirt pour éviter de
tomber entre les mains de son vainqueur.
Demeuré seul maître de l'empire. Sévère se ren-
dît à Rome, d'où il revint en Tan 208, pour aller
faire la conquête de l'Angleterre. Sa femme et ses
deux fils l'accompagnèrent dans cette expédition ;
et,comme ils durent passer par Nasium et par Foins,
il est vraisemblable que ce fut à cette occasion qu'il
fut élabli des camps sur cette ligne, soit pour pro«-
léger la route de Sévère et de sa famille, soit pour
maintenir son autorité dans les Gaules, où les amis
d'Albin cherchaient à exciter des soulèvemens,
Nous voici arrivés à l'an 2 1 a ^clans l'espace de trois
cent vingt-cinq ans que nous avions à parcpurir, de^-
puis la fin du règne d'Antonin-le-Pieux jusqu'à Tex-
pulsion des Romains sous Glovis en ^&6. Les deux
cent soixante«-quinze années qui suivent, depuis
IV, U
178 MÉMOIRES DE LÀ SOCIÉTÉ ROYALE
211 jusqu'à cette dernière époque > ne nous offrent
aucun événement qui ait pu donner lieu à des cons-
tructions militaires dans les Gaules. Dion nous ap-
prend (liv. 55 ) qu'en Tan a 18, les Romains n'avaient
que trois légions pour garder les frontières d'Alle-
magne et le passage du Rhin. Ce ne fut qu'en 556 ,
sous le règne de Julien ^ que la guêtre recommença
dans ce pays. Ce prince, en se rendant éeDurocorto-
rum ÇSit]xas^)kD€cempagi{jyituze)y tomba dans une
embuscade des Allemands , et eut beaucoup de
peine à sauver son arrière -garde, qui resta engagée
dans les bois. Dix ans après , Jovin, que Valeutinien
avait envoyé d^nis les Gaules, surprit à son tour les
Allemands près de la forteresse de Scarponay et les
battit en plusieurs rencontres. Enfin , en 4^0, Attila ,
qui occupait cette même forteresse, dirigea sur la
route de Reims des détachemens qui détruisirent
Tullum et plusieurs autres places.
On pourrait donc supposer avec quelque vraisem-
blance que les ouvrages de Fains furent construits
dans le cours de ces guerres ou de celles quisùivir ent;
mais ce qui nous fait rejeter cette opinion, c'est que
dans le grand nombre de médailles qu'on a recueil-
lies, soit dans le terre-plein du Castellum, soit* dans
les environs, il ne s'en trouve aucune qui soit posté-
rieure aux règnes de Sévère et de ses fik.
DES ANXÏQUÀIRliS M FaÀNCE. 179
■«M.
MEMOIRE
Sut les Monumens du moyea âg^^ du f ajd Chartralo ; par
M. de fiuBiusnfiif, correspoftdaot de la Société Aoyale d«s
Aatiquaires de France.
PREMIÈRE PARTIE.
•
J'ai déjà entretenu la Société Royale des Antiquaires
de France , des anciens moniimens existans dans le
département d'Eure-et-Loir, qui répond aujourd*hui
à Tancien pays Gfiartrain ; je lui ai communiqué des
descriptions et des dessins exacts des monumens cel-
tiques que Ton y rencontre, et sur lesquels jusqu^à
ce jotir on n'avait que des notions infidèles (i). Mais
dans la tournée que je Ss en i'8i4, dans cette partie
de la France, les antiquités druidiques ne furent
pas exclusivement Fobjet de mes recherches; nombre
de monumens du moyen âge s'oflPrirent à mes regards,
et méritèrent de ma part une observation d'autant plus
approfondie , qu*ils se rattachent à des points impor-
tans de notre histoire, et rappellent de grands noms,
d'illustres souvenirs.
(1) Ces descriptions et ces figures ont été publiées dans le
second volume des Mémoires de la Société Royale, pag,, i54
et sttif ,
12*
l80 MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
Ce sont les résultats de mes observatioDs que je
mets aujourd'hui sous les yeux de mes collègues. Je
vais décrire les monumens que j'ai vus, que j'ai des-
sinés sur les lieux.
Ville et château de Dreux. — Le premier endroit
où je m'arrêtai après avoir qiiitté Paris, fut Dreux,
ville ancienne, située sur la rivière d'Eure, et dont le
nom rappelle celui d'une auguste famille , rameau
de la maison de France , et le souvenir d'une bataille
sanglante, livrée, en i56â, entre les catholiques et
les protestans.
Je ne m'arrêterai pas à discuter sur l'étymologie
du nom de cette ville, que l'on fait venir de celui de
Druides , parce qu'on prétend , je ne sais sur quels
fondemens , . que les Druides des Gaules avaient
dans ce lieu leur principal établissement. Tout parait
/ prouver, au contraire, que c'était à Chartres, ou tout
auprès, qu'avaient lieu leurs rassemblemens solen-
nels, à en juger par les monumens nombreux qu'on j
voit encore et dont on ne rencontre aucun dans les
environs de Dreux.
Le premier objet qui attira mon attention dans
cette ville, est son antique château, dont les ruines
s'élèvent encore sur la coUine qui la domine du côté
du nord.
 mesure que la puissance des grands vassaux et
des seigneurs de grands fiefs acquérait de la consis-
tance, Farchitectuse militaire de leurs châteaux pre-
nait un développement plus vaste et déployait cette
majesté imposante et chevaleresque que nous admi-
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. l8l
rons encore dans les forteresses qui nous sont restées
de ces temps : monunaens intéressant d'une époque
remarquable , où Théroïsme exerçait contre la bar-
barie une lutte victorieuse qui préparait à la France
des jours de splendeur et de gloire.
Le sol français était naguère encore couvert de
ces demeurés antiques des preux, nobles asiles de
l'honneur et de la ^loyauté, où la galanterie tempé-
rait râpreté des mœurs guerrières de nos aïeux , où
le seigneur déployait envers l'étranger, quel qu'il
fût, sa magnificence hospitalière, où se réunissait en
temps de guerre l'élite d'une chevalerie valeureuse,
et où se rassemblait pendant la paix une cour aimable
et brillante. A l'époque désastreuse d'une révolution
sans exemple et dont les plaies profondes ont tant de
'peine à se cicatriser, ces châteaux, regardés comme
des monumens de tyrannie, furent anathématisés ,
les sicaires infâmes d'un gouvernement monstrueux
ordonnèrent d'en anéantir jusqu'à la trace : ils furent
trop obéis, et Tobscur artisan s'empressa d'abattre
les tours majestueuses du château de ses anciens
maîtres j son vil marteau fit tomber des murailles que
souvent n'avaient pu ébranler les mains glorieuses
des héros de la patrie, que n'avaient même pu
détruire celles du temps, plus puissantes encore.
Plusieurs cependant échappèrent à ce désastreux
vandalisme, et furent oubliés, mais ils n'en dispa-
raîtront pas moins bientôt du sol de cette France
dont ils furent si long-temps la défense et l'orgueil.
l82 MÉMOIRES DE LfL SOCIÉTÉ ttOYALE
Arrdché^ à leurs anciens propriétaires^ cbaqire jonf
Tacquéreiif avide les détruit potir en tendre les ma-
tériaiKit. Qu'importe à son âme flétrie que ce château
qn'il démolit rappelle le nom d'une famiUe dont la
patrie s'honore, ou qu'il se rattache au sbuTenir de
quelque événement glorieux de notre histoire ? Ce
n'est ni de la gloire ni de ^honneur qu'il vent, c'est
de l'or* — Eh bien ! soit ; qu'on lui en jette , que le
gouvernement le satisfasse, mais qu'il saifve au moins
un débris de la demeure des Du Guesclin, des
Ba^^ard , afïn que nous puissions montrer à nos ne-
veux une pierre qui nous rappelle encore la présence
et les vertus de ces grands hommes ( i) !
Tant de causes destructives ont concouru à l'anéan-
tissement de nos anciens châteaux, que ceux qui
subsistent encore sont dans l'état le plus délabré.
Le château de Dreux est un des plus considérables et
des plus importans par sa position , son étendue et
riliustration de ses anciens possesseurs. 11 est com-
( t ) On achève de démolir en ce moment le château de Bajard^
en Danphiné; celui de Fougères^ près Rennes; de Clisson, au
pays de Keti, tiC. etc.; èëltti de Du Guesclîn^ entre Broon et
Montauban est abattu depuis long- temps. Je renouyelle iei le
Toeu «sprimé bien des fois dans Tenceinte de la Société Royale
des Antîquaîrc& de France, qu'elle fasse une adresse à Son £xc.
le ministre de Tintérieur, pour le prier de prendre des mesures
qui puissent arrêter le cours de ces destructions déplorables.
C'est à la Société quMl appartient de faire une telle démarche,
j'ose dire même que ce lui est^n devoir.
I
DES ANXWVAIRESD5. FRANCE. l83
pose de pluaieurs corps d'ouvrages généralement
construits en cailloutages^ comme presque tous les
châteaux de la Beauce et du Perche , où la pierre de
taille est rare*
La priocipale enceinte est un rempart de figure
oblonguë , flanqué de ^ouzb tours et appuyé de plu-
sieurs contre-forts ; ces tours sont rondes, à Texcep-
tioQ de deux du côté de Touest, qui sont carrées.
Ces remparts et ces tours sont maintenant ruinés
jusqu'à la moitié de leur hauteur , de sorte que leur
couronnement n'existe plus. Tout indique que le
château de Dreu^ fut bâti u la fin du dixième siècle ,
ou au plus tard dans le commencement du onzième.
Il est facile de voir que les barbatanes et les meur-
trières, pratiquées dans plusieurs tours pour j' pla-
cer de Tartillerie^ ont été faites long-temps après
leur édification première.
Le portail bâti au côté méridional de l'enceinte
est singulier en ce qu'il n'est accompagné d'aucune
défense, chose extraordinaire; c'est un édifice carré
avec une porte cintrée dont la voûte est assez éle-
vée et présente l'ouverture destinée au passage de
Vassommoir. En dehors de cette première voûte
est un avant-corps flanqué de deux contre - forts ,
et ajant une arcade de forme ogive, qui se lie
avec la voûte dont nous venons de parler. Cet
avant-corps a été bâti postérieurement au reste de
l'ouvrage; son arca'de a aussi une ouverture pour
laisser tomber un assommoir, grosse poutre f étirée
1
l84 M£JlOlft£S Dfi LA SOCIÉTÉ ROYALE
avec laquelle on écrasaîtlesassaillaoslorsqu'ilsayaient
forcé le pont-leyis et lia herse des anciennes forte-
resses.
Extérieurement > à la première enceinte^ est un
ravelin dont la muraille est fort épaisse ; il part
de [Fangle du portail^ et, décrivant à peu près un
den;ii- polygone^ va se terminer à Tune des deux
petites tours qui défendent la porte de communica-
tion de la première avec la seconde enceinte dont
nous parlerons tout-à-l'heure.
Du côté du nord se voient les restes d'une tour
énorme (i), abattue actuellement^ mais qui était
jadis entièrement revêtue en pierres de taille. Cette
tour était, dit-on , le donjon : elle était si élevée que
des vieillards qui Font vue dans sou entier m'ont as-
suré qu'elle s'apercevait de Chartres qui en est éloi-
gné de six grandes lieues.
La chapelle était dans la première clour ; il
n'en reste plus maintenant que le massif dç la base
du clocher et l'arcade du portail, dont le nouvel ac-
quéreur du château a trouvé le travail si précieux
qu'il n'a pas voulu la détruire et l'a laissé subsister
pour servir d'entrée à un jardin qu'il a planté dans la
cour du château. Cette arcade^ est soutenue par deux
pilastres et deux colonnes engagées; elle est en eifet
décorée avec assez de délicatesse ; on y voit , avec
plusieurs rangs de moulures en zigzag, qui carac-
(i) Sur lesquels od a établi un télégraphe.
DBS ANTIQUAIRES DE FRAUCE. l85
térisent Tarcliitecture du temps^ et qui régnent dans
tout le pourtour de Farchivolte^ des ornemens en
feuillage d'assez bon goût; les chapiteaux des co-
lonnes en sont pareillement enrichis.
Une porte pratiquée à Fest , conduit de la pre-
mière enceinte dans une seconde plus étendue^ mais
plus délabrée^ et à peu près de même forme ] cette
porte est flanquée de deux petites tours rondes
revêtues en pierres de taille-
La seconde enceinte, presque entièrement ruinée
dq côté du nord, ne présente que deux tours; Tune
au midi , l'autre à l'est , niais cette dernière paraît
avoir été très-importante et destinée à la défense
principale de toute celte partie du dhâteau. Outre
que soiv diamètre est double de celui des autres, elle
est environnée d'un fossé particulier, lequeLest lui-
ixiénie entouré extérieurement d'un mur circulaire
très-épais; le tout est au sommet d'un monticule fac-
tice , ce qui me ferait cwire que c'est là le véritable
donjon du château ou réduit dans lequel la garnisoq,
se retirait à la dernière extrémité, et non pas la tour
sur laquelle on a élevé un télégraphe , et de laquelle
nous avons parlé ci- dessus.
Ce château était un des principaux boulevards
des domaines propres de la couronne de France ,
du côté c^e la Normandie; il les défendait contre
les incursions des Ânglo-Normands , et fut assiégé à
différentes époques.
/
l86 MÉMOinE^ DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
Dreux avait autrerois le litre de coxnté y et a tou-
jours appartenu à des seigneurs de distinction.
Louis-le-Gros , roi de France^ le donna en apanage
à son fils Robert ; il passa ensuite dans la maison
de Thouars , et fgt cédé au roi Charles V, en 1 376.
Charles YI, en i38i , Je donna à Marguerite de
Bourbon 9 femme d'Arnaud Amanjeu, sire d'Albret,
grand chambellan de France. Sa postérité posséda
ce comté jusque sous le règne de Henri II, où , par
arrêt du parlement, du 4 mars 1 55 1, il fut de nou-
veau, réuni à la couronne. Il fut ensuite donné suc-
cessivement à Catherine de Médicis, puis à François
de Valois , et passa enfin dans la maison de Nemours.
Après son château, Dreux n'offre plus, grand'cjhose
de remarquable ; ses rues , comme celles de toutes
nos anciennes villes, sont étroites et tortueuses j on
y voit plusieurs nâaisons fort vieilles, bâties en co-
lombage et dans le style gothique.
L'église principale , dédiée à Saint-Pierre , offre
deux genres d^architecture appartenant à des époques
différentes ; toutes les parties basses sont évidemment
du treizième siècle, les colonnes en sont écrasées et
courtes, surmontées de chapiteaux grossiers et très-
simples; les voûtes et arcades sont en ogive , mais le
clocber et les autres parties hautes de l'édifice ont été
refaits dans le seizième siè<ile. Cette église ne ren-
ferme aucun monument remarquable.
L'hôtel de ville , qui est un bâtiment carré fort
élevé, date aussi du seizième siècle, et présente un
DES ANTIQUÂIKES DE FRANCE. 187
jûélaxige de mauvais goût du style gothique et de
larchitecture grecque adoptée à l'époque de la re-
naissance des arts.
Il n'existe presque plus rien des anciennes fortifi-
cations de la ville , je n'en ai vu qu'une tour hexa--
gone et un bout de rempart qui s'étend le long de la
rivière d'Eure.
En quittant Dreux , je me rendis à Chartres, chef-
lieu du département d'Eure-et-Loir , capitale du
ci-devant pajs Chartrain et des vastes domaines des
anciens comtes de Chartres , de Blois et de Cham-
pagne, ville dé la plus h^ule ancienneté qui était
Toppidum des Carnutes ; le nom de carnutes {car-
nutum ) d'où dérive celui de Chartres, vientlui-même
du mot celtique karn , qui signifie pierre sacrée y et
auquel les historiens romains ont adapté leur termi-
naison latine. Il n'est pas surprenant de voir porter
ce nom de karn à un lieu <](ui était le chef-lieu des
druides des Gaules, et où se voient encore de vastes
débris de leurs monumens. En Irlande, en Ecosse
et dans les îles Schetland, les cercles de pierre ou
enceintes druidiques portent encore en langue du
pays ce même nom de ^«r/^.
Avant la révolution , il n'existait peut-être pas en
France de ville qui renfermât dans son enceinte plus
de mdnumens curieux de notre histoire ; la destruc-
tion de la plupart des églises en a fait disparaître
une grande partie ; mais il eii reste encore un assez
grand nombre pour occuper pendant plusieurs mois
nn archéologue studieux et assidu. Je regrette que le
l88 MEilOlREs» DE LA SOCIÉTÉ nOYÂlE
temps no m'ait pas permis de les décrire tous; mab
d'autres parties du département méritant aussi mon
attention ^ et le temps que je devais rester en chaque
endroit étant en quelque sorte limité d'avance , il a
fallu me borner aux objets principaux , à ceux sur-
tout qui, jusqu'ici; sont demeurés les moins connus.
Fortifications de' Chartres. — Nous parlerons d'a-
bord de l'enceinte des fortifications de la ville bâtie
dansle douzième siècle^ et qui subsistait encore dans
son entier.
L'art de fortifier les villes et les places avait pris à
cette époque une extension remarquable. Cet art'
prit naissance en France vers la fin du huitième siè-
cle (i); les premières forteresses ne furent alors que
des tours isolées^ élevées sûr un tertre factice ; on y
ajouta ensuite une cour enceinte d'une haute mu-
raille ; peu après on défendit l'extrémité de cette
cour opposée à la tour, par une seconde tour. L'art
se perfectionnant en raison de la multiplicité des
guerres occasionnées par l'abus du système féodal^
pn augmenta €t on renforça l'enceinte de la cour ;
on en fit un remjpart flanqué de nouvelles tours sur-
montées elles-mêmes de tourelles , et on construisit
dans l'intérieur divers bâtimeps de servitude. La
grosse tour primitive fut toujours co;:)servée sous le
nom de Donjon /kl fut, par sa force et sa hauteur, le
(i) II m'est bien déôiontrè qu'avant cette époque il D'y avait
^n France ni ville ni châteaujc fortifiés de noiurailles et de
tours.
DES ANTIQUAIRES B£ FRANCS. * 189
lieu de refuge ou dernière ressource^ des assiégés.
On ne connaissait guère encore au douzième siècle
Tart des ouvrages avancés , en . sorte que les assié-
geans parvenaient de suite au corps de la place. Nous
avons été à même de faire cette remarque dans plu-
sieurs villes anciennes^ et ici dans celle de G];iartres«
Gepehdant elle passait p^ur forte, même long-temps
après rinvention de l'artillerie pyrobalistique, puis-
que Henri lY l'assiégea en iSgi sans pouvoir la
prendre. Ses fortifications consistent en une enceinte
de muraille fort élevée, appuyée sur un terre-plein
de plusieurs toises de largeur, et flan/juée de grosses
tours rondes ; le tout bâti en blocaille , à l'exception
des ouvrages des portes qui sont en pierre de taille*
Ces portes sont au nombre de sept ; savoir : la porte
Drouais^' ainsi nommée parce qu'elle donne du côté
de Dreux , celle de Saint- Jean, Châtelet, desËpars,
Saint-Michel, Morard et Guillaume. Cette dernière
a quelque chose d'imposant par son apparence gu/er-
rière ; elle est flanquée de deux grosses tours unies
par une courtine et couronnée d'une galerie saillante
à créneaux et mâchicoulis. Cette porte est voûtée en
ogive;ou rmnarque encore s^us la voûte la coulisse de
la herse et l'ouverture qui donnait passage à Tassom-
moir ; on voit aussi celles par où passaient les flèches
du pont-levis ; à côté est une autre petite porte ou
guichet pour les rondes de nuit.
La porte Guillaume tire son nom de celui d'un
évéque de Chartres, sous l'épiscopat duquel elle fut
bâtie.
igo ^ MÉMOIRES p& LA SOCIÉTÉ KOYALE
Cathédrale de 6Vi/zr^7:e^. —-Passons maintenant à
l'examen de ce que la TiUe renfei^me de plus remar-
quable y sa cathédrale , le plus vaste^ le plus magni-
fique y le plus imposant des monumen» gothiques de
la France.
On peut dire réellement que cette cathédrale est
le chef-d'œuvre des monumens d'architecture de ce
genre ; j*en ai observé un nombre considérable^ mais
je n'en ai vu aucun qui réunisse, comme celui-ci, à
l'étendue du plan , à ta grandeur des proportions ,
l'étonnante hardiesse^ de construction et Tadmirable
délicatesse des détails d'ornemens qui y sont répan-
dus avec profusion. Cet édifice, qui, par une espèce
de miracle, n'a que peu souffert des dévastations ré-
volutionnaires , est une mine presque inépuisable
pour un antiquaire; enrichie de statues,' de bas-reliefs
exécutés à des époques différentes, c'est un véritable
musée de sculpture française de tous les âges où
l'on peut embrasser d'un seul coup d'œil les progrès
successifs de l'art, et la chronologie des costumes.
Tous les annalistes, Xpns les historiens du pays
Chartrain s'accordent à dire que la cathédrale de
Chartres a été fondée 6n 1020 par Tévêque Fulbert,
et qu'on n'a été que vingt-huit ans pour l'achever
telle que nous la voyons aujourd'huL Cette dernière
assertion nous parait évidemment erronée ; d'abord
il parait fort extraordinaire qu'un aUssî immense bâ-
timent n'ait coûté que vingt-huit années de travail ,
tandis que la cathédrale de Paris, beaucoup m'oins
spacieuse et moindre dans toutes ses proportions , a
DES ANTIQi: AIRES DB FRANCE. i^i
été près de cent aus à ériger; mais une preuve bien
plus palpable que Tédification de celle de Chartres a
doré plus de vingt-huit ans, c'est qu'elle est presque
en «Htier bâtie selon le stjle gothique-arabe qui ne
fut adopté en France qu'au retour de la première croi-
sade, c'est-ià-dire après l'an 1099; le style gothique
IcHâbard usité antérieurement , et par conséquent
sous répiscopat de Fulbert, ne s'y remarque que
dans un seul endroit , la partie intérieure du portail
qui -est éfFectivementla plus ancienne; là seulement
on voit quelques cintres pleins , des voussoirs petits
et nombreux , les moulures dentelées , etc. , qui ca-
ractérisent le gothique lombard. Je citerai pour
exemple de ce style le portail de la chapelle du
château de Dreux- Partout ailleurs ce sont des
ogives j des découpures arabesques, des voûtes à
airête, des colonnes fuselées , tous les attributs enfin
qui sont propres au genre d'architecture que nos
Croisés ont rapporté d'Orient et qu'cm adopta univer-
sellement en Europe, comme un monument de leurs
expéditions.
3e conclus de là que, si la cathédrale de Chartres
a été effectivemefit fondée en 1020 sous l'épiscopat
de-'Fulbert, ses trava(ux ont été conduits très-lente-
ooent, et que tout ce qui s'en est trouvé achevé à la
fin du onzième siècle ne consistait guère que dans
révise souterraine et une partie du portail; tout lé
reste a bien certainement été édifié après Tan 1 loo.
Avant l'an 10209 il e;s:istait sur le même emplace*-
ment une église plus ancienne et dont la fondation
ig2 1IÉH0IRB8 D£ LA SOCIÉTÉ ROYALE
remontait au sixième siècle ; elle fut ravagée au neu-
vième par les Normands ; mais, lorsque Tevêque Ful-
bert fit rebâtir la cathédrale actuelle , il fit adroite-
ment entrer dans sa construction plusieurs débris de
Tancienne^entre autres des statues échappées aux dé-
vastations de ces barbares, et qui représentaient des
personnages illustres de notre monarchie. Cette in-
telligente précaution nous a conservé de précieux
monumens 4'une époque reculée et dont il ne nous
reste qne peu de choses bien authentiques en ce
genre. On voit encore des exemples d'un semblable
fait dans la réédification d'autres églises où Ton re-
marque des parties beaucoup plus anciennes que le
reste de l'édifice •
Ces statues du sixième siècle sont donc ce que la
cathédrale de Chartres nous présente déplus ancienr
elles sont placées dans les arcades du grand portail
et adossées à des colonnes ; elles offrent au prenaier
coup d'œil tous les caractères qui distinguent parti-
culi^rementles statues de la première race, qui nous
ont été conservées dans d'autres monumens, ou dont
il nous reste des figures exactes, c'est-à-dire qu'elles
sont démesurément alongées, que leur visage est
aplati, leurs bras très-courts > les draperies de leurs
vétemens chai*gés d*une multitude de plis* brisés sans
art et sans intention ; enfin,leur tête est environnée du
Umbeou cercle lumineux dont on ornait jadis celledes
images des saints, des rois et des héros. On j retrouve
en tout le même stjle de sculpture que dans les sta-
tues qui décoraient le portail de Saiat-Germain-des-
DES anuquàihes de FKANCE. ' igS
Prés à Paris, celui de Notre-Dame de Gorbeil ^ de
Saiat-Ayoul de Provins, etc., bâtis par les eiifans
deClovis. On reconnaît en outre que la pierre dont
sont faites ces statues n^est pajs de même nature que
celles dont sont faites les autres, disséminées daqs les
côtés et les deux péristyles de l'édifice, et exécutées
au doui^ième siècle , qu'elles sont bien plus usées
par la vétusté^- et plus mutilées.
Elles ont été déjà en partie figurées par Montlau-
coQ, dans ses Monumens de la monarchie française ;
mais ces figures sont sii mauvaises, si éloignées de la
vérité , qu'elles n^en peuvent même donner la plus
légère idée, M. Willemain en a aussi fait graver
quelques-unes dans son bel ouvrage sur les monu-^
meDS français inédits; ses figures sont aussi exactes
que celles deMontfaucon le sont peu, c'est«*à-dire
qu'elles ne laissent rien à désirer sous ce rapport
non plus que sous celui de l'exécution de la gravure.
Tandis que nous étions sur les lieux, nous eussions
bien voulu pouvoir les dessiner toutes ; mais le temps
ne nous l'ayant pas permis , il a fallu nous borner
aux plus remarquables; nous allons en donner la
description , suivant les dessins que nous en avons
faits d'après nature avec tout le soin possible. Nous
observerons avant tout qu*il est bien difficile d'expli-
quer les statues en question , rien ne désignant po-
sitivement quels personnages elles représentent : on
ne peut les soupçonner que sur des indices souvent
fort vagues, mais quelquefois pourtant assez positifs
IV. x3
] 94 M£M0XR£5 DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
pour qu'on en puisse tirer des inductions presque
certaines.
Nous mettons en première ligiîe celle que nous
croyons être Clovis I. Elle représente en effet un
prince dont la coiironne,comme celle des empereurs
d'orient dont ce roi avait adopté le costume, est un
simple bandeau orné de pierreries , sans fleurons ,
rayons, fleurs de lis, ni trèfles. Il porte la barbe, et
ses cheveux longs flottent sur les épaules ; sa robe
et son manteau, élégamment drapés, sont ornés d'une
riche broderie. Quoique l'effet de ce costume soit
ici grossièrement rendu par les artistes du temps ,
on peut juger par aperçu de sa magnificence, de sa
pompe, et se former une idée du haut degré où le
luxe était dès-lors parvenu chez les Francs prodi-
gieusement enrichis au sixième siècle par les dé-
pouilles desYisigotbs, desRomains et des Lombards.
Le sceptre qu'il tient dans sa main gauche est
très-mutilé, maison reconnaît encore aisément l'aigle
qui le surmontait et qui se voyait également sur le
sceptre du Clovis de Saint-Gern;iaîn-des-Prés.
Par-dessous son ntanteau, il porte une tunique
( super tunica ) relevée par une ceinture et ornée de
broderies, et sous la tunique une longue robe tom-
bant jusqu'aux pieds •
Sa chaussure est remarquable en ce qu'elle est
pointue , fort découverte et absolument de la forme
des souliers de fenime de notre temps.
D£& ANTIQUAIRES DE FRANCE. igS
Voici sur quels iodices nous pensons que cette
^atue représente Glovis I ; d'abord la forme de sa
oouroane semblable , coiïime nous venons de le dire,
à celle des empereurs d'orient, et Ton sait queUem^
pereur Anastase décerna à Glovis les signes de la di-
gnité impériale.
En second lieu , le sceptre orné d'un aîgle que
Ion ne voit dans les statues mérovingiennes qu'à
celles de Clovis ; enfin, à la forme àfi sa chaussure qui,
pareillement , semble leur être particulière ( à une
seule exception près dont nous allons parler tout à
l'heure ), Montfaucon observe que toutes les statues
connues de Clovis la portent de cette manière. Nous
avons constaté ce fait d'après lequel ce célèbre an-
tiquaire pense que cette espèce de souliers était un
signe particulier de la dignité consulaire; il appuie
cette opinion sur ce qu'on en voit de semblables aux
pieds du consul représenté dans un calendrier peint
et écrit sous Tempereur Constance , fils du grand
Constantin,et duquel il donne la figure, planche XXX
du supplément de son Antiquité expliquée.
A côté de Clovis on voit une statue de femme
représentant une reine , que nous cro/ons être
Clotilde son épouse ; elle a la tête ceinte d'une
couronne qui n'est qu'un simple diadème , et porte
d'ailleurs un costume particulier aux femmes de la
première race ; c'est une espèce de corset ou corps
de jupe d'une forme analogue à celle des anciennes
cuirasses ropiaines 9 et faite d'une étoffe gaufrée à
réseaux, qui était tissue d'or et d'argent. Ce cor-
\
10
196 MÉMOIRES DE LA SOaÉxi ROYALE
set a les manches longues et étroites; une ceinture
tressée entoure la taille et a de longs pendant ; la
robe est longue j^ et^ par-dessus le tout, est un man-
teau agrafé sur Tépaule droite. Les cheveux sont
séparés sur le front, et forment deux grandes tresses
qui tombent à droite et à gauche.
Le costume de cette statue est absolument sem-
blable à celui de la Clotilde qui se voyait à Sain t-Ger-
main-des-Prés/ à l'exception que les longs cheveux
4e celle-ci, au lieu d'être tressés , étaient noués de
distance en distance avec des rubans, comme cela se
voit aussi dans la statue de la même princesse qui
décorait le portail de l'église de Corbeil, et qui est
aujourd'hui placée à l'entrée du caveau sépulcral de
Saint-Dénis (1).
La conformité qui existe entre notre statue de
Chartres Qt celles de la reine Clotilde que nous ve-
nons de citer, la place qu'on lui fait occuper immé-
diatement à cQté de Glovis , nous portent à croire
qu'elle représente la même princesse. Aureste,/elle
a beaucoup souffert des mutilations du vandalisme ;
une partie du visage et les mains sont brisées. Sans
doute elle portait un sceptre en , la qualité d'époose
d'un roi de Paris.
(1) Cette précîeusç statue a été préservée de la destruction
par notre sayant confrère Lenoir qui l'a consenrée long-temps
dans le musée qu'il ayait fondé ;, établissement qui lui donne
tant de droits à la reconnaissance des amis des arts et de la
France monarchiqne.
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 197
Une troisième statue çst celle d'un prince dont
la couronne, assez simple, est ornée de pierreries ;
il a la barbe et les cheveux longs , est vêtu d'une tu-
nique courte , par-dessous laquelle est une longue
robe; un manteau est sur ses épautes, tousses vête-
meas sont ornés d'une riche broderie. Dans sa main
droite, quia été brisée, il tenait un sceptre dont on
voit encore une partie; de la gauche il soutient un
livre, ou, comme le croit Montfaucon, un étui ren-
fermant une charte; ce qui, selon lui > est un indice
que les statues qui en portent représentent des fon-
dateurs ou des bienfaiteurs des églises Quelles se
voient. Cette supposition est assez naturelle; il est
certain que les images des princes ou princesses dont
les largesses avaient contribué à l'édification de
ces monumens pieux , devaient y être co;isacrées.
Si je considère que, de toutes les statues d'homme
qui décorent le portail de la cathédrale de Chartres,
celle de Clovis et celle-ci sont les seules qui portent
le sceptre, je serai porté à croire qu'elle représente
Childebert; cette opinion est appujée sur une obser-
vation très-judicieuse de Montfaucon qui a remar-
qué , diaprés l'examen d'un grand nombre de monu-
mens mérovingiens, que sous la première race il n*y
avait que les rois de Paris, c'est-à-dire ceux de la
France propre , qui eussent le droit de porter le
sceptre comme signe de leur suprématie sur les
autres princes français. Or, Childebert fut , comme
l'on sait, celui des quatre fils de Clovis auquel le
royaume de Paris échut en partage après la mort de
I
j
igS HEMOIBES DE lA SOGUÊTÉ ROTAtE
son père. De toutes les statues de rois du portail de
Saint-Germain-des-Prés , il n*y ayait pareillement
que celles de Glovis et de Childebert qui portassent
le sceptre.
Si Ton admet que cette statue soit effectivement
Childebert , celle qui suit , et qui est placée à
côté , représente indubitablement la reine Ultro-
gothe son épouse. Son vêtement a presque la même
forme que^celui du roi; elle a sur la tête une cou-
ronne fleuronnée d'où pend un voile rejeté en ar-
rière ; elle tient d'une main un sceptre fort long,
de l'autre un cartouche déroulé indiquant probable-
ment une charte de donation.
La richesse du costume de la cinquième statue
nous annonce pareillement en elle une princesse du
plus haut rang; sa tête est ornée d'une couronne
d*où pend un voile court rejeté en arrière , et une
guimpe qui couvre tout le col et une partie du sein»
Ses cheveux sont partagés en deux fort longues
tresses terminées chacune par une grosse perle ; sa
robe est serrée par une ceinture nouée en avant et
ayant de longs pendans, comme celle que nous avons
vue à la statue de Ciotilde; cette robe a des manches
fort larges ornées de broderies, ainsi que le manteau
qui la recouvre. I
Cette princesse lient dans ses mains un livre ou
une charte de donation dans son étui, mais n'a point
de sceptre.
Elle nous fournit ici l'occasion de faire une réfu--
tation importante :
DES ANTIQUAIRES DIS FRANCK. IQQ
Ea 18 13, M. Ledru, avocat du Mans, membre
de la société des arts de cette ville, et corresjlondant
de la ci-devant académie celtique , publia une notice
sur les statues mérovingiennes de V église cathédrale
du Mans ; il en apporta lui-même, en 18 1^, un
exemplaire dont il fit hommage à la Société Royale
des Antiquaires de France. J'étais alors à Paris, et j'a-
vais rhonnêur de siéger à la société qui crut devoir
me désignes pour lui faire un rapport sur le petit
ouvrage de M. Ledru , qu'elle me chargeait d'exa-
miner; j'acceptai cette tâche d'autant plus volontiers,
qu'ayant naguère fait un voyage au Mans, je con-
naissais parfaitement les monumens dont il s^agissait.
J'eus l'honneur d'exposer dans mon rapport à la
Société un fait que je lui remets aujourd'hui sous les
yeux; c'est que le portail latéral de l'église de Saint-
Julien- du-Mans où se voient les statues dont parle
M. Ledru, et qu'il a cru. mérovingiennes, a été érigé
dans le douzième siècle, que ce portail et tous ses
accessoires ont été copiés sur l'arcade centrale du
portail de la cathédrale de Chartres avec la plus scru-
puleuse exactitude et l'attention la plus minutieuse.
Ces «statues sont donc en tout pareilles à celles que
nous décrivons ici , mais elles sont bien moins an-
ciennes, et il est facile de s'en apercevoir à la pre-
mière inspection ; elles sont moins efiilées , mieux
proportionnées, moins plates ; les draperies de leurs
costumes ont plus de moelleux et de naturel, on n y
Reconnaît plus du tout le oiseau des sculpteurs du
sixième siècle dont celles de Chartres montrent si
300 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ BOYALE
bien rempreinte : néanmoins M. Ledru les a cru de
ce temps; et s'il en avait vu les originaux à Chartres,
il ne Jût pas tombé dans celte erreur. Il à essayé
de les expliquer , et c'est ce qui nous a donné occa-
sion de parler ici de son ouvrage, parce qu'il a pré--
tendu que la copie qu'on voit, au Mans, de notre
statue est la reine Gothèce, fename de Clodomir,
XQi d'Orléans et fils de Clovis L Gomme il ne fonde
cette opinipn sur aucun raisonnement solide > nous
ne Tadopterons.j^as ici , sans toutefois la rejeter non
plus absolument ; mais jusqu'à ce que nous ajons ac-
quis^des renseignemens plus positifs, nous laisserons
celte statue au rang des indéterminées. M. Willer
main l'a parfaitement bien figurée dans ses Monu-
ment français inédits ^
Au nombre des statues qui ont fixé mon atten-
tion est celle d'Un très-jeupe homme, car il n'a
pas de barbe, c'est le seul de tous les princes qui se
voient à ce portail qui soit dans ce cas; sa tête, tou--
jours accompagnée du limbe, est ceinte d'un dia-
dème sans fleurons. Il est vêtu d'une longue robe
serrée autour dn corps par une large ceinture qui
offre beaucoup de plis; il a par-dessus un manteau
agrafé sur l'épaule gauchiç , et est chaussé de cette
espèce de souliers très-découverts que jusqu'ici les
Antiquaires n'ont rem arqués qu'aux statues de Clovis.
Cette clfaussure, la couronne des empereurs grecs
que cette, statue perle sur sa tête , nous portent à
croire qu'elle représente un fils ou au moins un petitf
fils de Clovis destiné à porter un jour comme lui 1^
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE; 201
attributs de la dignité impériale^ dans le dernier cas^
ce serait peut-être Théodebert/fils deThierry , jeune
prince d'une haute espérance, et qui, par sa valeur
guerrière, marcha sur les traces de son aïeul ?
Le personnage que représente la statue qui suit
est encore plus difficile à expliquer que le précé-
dent; la draperie de son costume est remacquable
par son genre qui se rapproche beaucoup de celui
des statues de la belle antiquité., et qui , traitée par
un artiste habile , serait d'un très - beau caractère.
Cette statue tient en main un parchemin roulé , et ,
au lieu de couronne, a sur la tête une espèce de
calotte cannelée ou à côte de melon.
Montfaucon a* déjà remarqué cette coiffure dans
d'autres monumens de là première race, mais dont
il n'a pas. donné l'explication bien positive.
Où la voit sur la tête d'une statue représentée /?te/i-
che X, fig. 2 de ses Monumens de la monarchie
frunçaîse. Celle statue, qu'il ne tiomme pas, existait,
dit-il, dans la partie la plus ancienne du cloître
de Saint- Denis; mais il était aisé de voir qu'elle y
avait été rapportée et qu'elle avait été antérieure-
ment placée dans un autre endroit; elle était effec-
tivement d'une antiquité plus reculée que la partie
de l'édifice où l'a vue notre célèbre antiquaire.
Une autre de ces statues est celle d'un prince ;
nous ne pouvons non plus hasarder d'expliquer po-
sitivement cette statue, ni même d'une manière
conjecturale ; rien de particulier ne caractérise le
prince, il tient un livre dans ses mains.
^02 MEÎIOIRES DE LA SOCIETE ROYALE
Enfin nous avons remarqué la statue d^une prin-
cesse dont le costume présente quelque singularité ;
elle porte un corset gaufré comme celui de Clplilde
dont nous avons parlé, mais ce corset est ouvert par-
devant dans sa partie supérieure, de sorte qu'il laisse
par là apercevoir un vêtement de dessous. Sa robe
a de très-larges manches; elle a une ceinture à longs
peudaus : sa tête est ceinte d'une couronne assez
simple ; elle a un voile , un manteau^ et le sceptre
qu'elle tient dans sa main gauche nous annonce en
elle réponse d'un roi de Paris, et probablement Tune
des femmes de Clotaire I.
Telles sont }es plus remarquables des statues du
portaildela cathédrale de Chartres. Ce même por-
tail offre en outre une u!iultitude de détails intéres-
sans ; on y voit, comme dans toutes les anciennes égli-
ses, un zodiaque complet, et, dans le sommet d'une
des ogives derla grande arcade, un bouclier revêtu
d'ornemens assez curieux ; il est du genre de ceux
que portait la cavalerie aux onzième et douzième
siècles, c'est-à-dire très-grand, de forme triangulaire
un peu arrondie à sa partie supérieure. Ces boucliers
ou écus ne s'embrassaient pas, c'est-à-dire ne se pas-
saient pas au bras gauche dont le cavalier avait
besoin pour manier la bride de son cheval ; ils se
portaient, dans le combat, suspendus au col par une
large courroie et recouvraient tout le côté gauche
du corps de l'homme ; dans le repos ou dans les
marches, on le pendait à l'arçon de la selle.
Toutes les statues et bas-reliefs qui décorent les deux
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 20iJ
péristyles du nord et du sud de la cathédrale dont
nous parlons, sont bien visiblement du même temps
que les parties de Tédifice où ils sont placés, c'est-
à-dire du douzième siècle. Les statues sont en grand
nombre et représentent des saints ou des apôtres ;
une seule, au péristyle septentrional, est une femme,
etparaîtmême être une fenlme de distinction. Unique
de ce sexe au milieu de toutes les autres, elle dut
naturellement attirer mon attention et me faire faire
quelques conjectures sur le personnage qu'elle pou-
vait représenter. Je présumai que ce pouvait être
Ledgarde, femme du fameux Thibaut II, dit le Tri-
cheur, comte de Chartres,et l'une desfemmescélèbres
de son siècle; ce qui me porte à le croire, c'est que,
de toutes les princesses qui, après la première race
de nos rois, ont fait des legs pieux à l'église de Char-
tres, la comtesse Ledgarde est celle qijd a répandu
avec le plus de profusion ses donations et ses bien-
faits. Il est donc assez naturel de penser que sa sta-
tue ait été placée au lieu où on la voit; mais elle n'a
toutefois été faite que près d'un siècle et demi après
la mort de l'original , et n'est qu'un tardif hommage
rendu à sa mémoire.
Cette statue porte en effet le costume caractéris-
tique des femmes du douzième siècle; elle a la tête
enveloppée d'une guimpe surmontée d'un bandeau
plissé qui en fait le tour ; ce bandeau, qui se faisait
d'un linge très-fin et bien empesé, afin de lui donner
de la roideur, a un peu l'apparence d'un couroane
radiale ; on ne le remarque dans aucun monument
!204 MÉMOIRE^ D£ LA SOCIETE ROYALE
antérieur au douzième siècle, et on ne le retrouve plus
après le règne de Saint-Louis. H parait donc n'avoir
été en usage que de iioo à 1270 ou 1280 au plus
tard. Sa robe est longue, très-ample et serrée au-
tour de la taille par une ceinture ; un long manteau,
signe de la noblesse de sa naissance, est attachée à
ses épaules, et elle a des ga^ts aux mains.
Ledgiarde, comtesse de Chartres, était fille d^Her-
bert, comte de Vermandois, et nièce de Hugues Ca-
pot, roi de France ; elle avait épousé en premières
noces, Guillaume Longue Epée, duc de Normandie ;
après la mort de ce prince, elle se remaria en 911
à Thibaut-le-Tricheur. Elle en ept un fils qui Suc-
céda à son père sous le nom de Eudes I, mais dont
elle fut long-temps tutrice. EUle fut renommée par
sa piété et la force de son caractère, elle fit un grand
nombre de donations et de fondations pieuses dans
ses états , particulièrement à la cathédrale et à l'ab-
baye de Saint-Père de Chartres. Elle mourut le i4
novembre 981. La statue que nous venons de décrire
et que nous présumons la représenter ne lui a donc
été érigée que long-temps après.
Ledgarde, conformément à ses derniers vœiax, fut
inhumée sous le chapitre de Téglise de Saint-Père de
Chartres," elle défendit de lui élever aucun monu-
ment fastueux , et une simple pierre plate couvrait
sa sépulture ; seulement long-temps après , on y fit
graver ses armoiries qui sont de gueules diapré d'ar-
gent à la face de sable.
'%
MS ANTIQUAIRES DE FRANCE. 2o5
Son tombeau fut ouvert en 1712 ; on y trouva son
squelette parfaitement conservé, elle devait être de
la pbs haute stature^ puisque ce squelette avait six
pieds deux pouces de longueur. A Tun de ses doigts
était un anneau d*or très-fort, et très-épais , orné
d une émerâude, sur laquelle efeit gravé un lion te-
nant une feuille de trèfle dans Tune de ses pattes.
Autour dû chaton on lisait ces mots PAX XPI.
Le péristyle méridional est aussi décoré dé beau-
coup de statues quij comme celles du côté opposé,
représentent toutes des] saints et des prélats, à l'ex-
ception de deux, qui sont deux chevaliers dans leur
costume militaire ; elles nous ont paru les pluis inté-
ressantes dans cette partie de l'édifice, et nous les
avons décrites le plus exactement possible.
La première de ces statues, dont la proportion est
un peu plus forte que nature,nous paraît représenter
Hélie de la Flèche , comte du Maine , mort en 1 109,
en revenant de la Croisade où ses exploits Tavaiebt
rendu célèbre; ce. qui nous le fait présumer, est
là grande croi^; ^ancrée que l'on remarque sur le
boucher qu'il dent > et qui est absolument semblable
àt^eUeque Ton voyait sur le bouclier de la statue
tumulaire du même guerrier dans l'élise delà Cou-
ture du Mans , ou il était inhumé.
La statue de Chartres est d'ailleurs armée de
même , c'est-à-dire d'un haubert avec tous ses ac-
<^^sobes; mais elle est sans casque, et a soncha-
206 MÉMOIKES DE LA SOCIETE ROYALE
peron rabattu ; ea outre y elle a uue longue cotte
d'armes par-dessus son armure ; de la main gauche ,
elle s'appuie sur son écu ; elle tient de la droite
sa bannière roulée autour d'une pique ; son épée est
suspendue à un baudrier»
Héiie fut un desi^ principaux seigneurs dont les
largesses contribuèrent à l'édification de la cathé*
drale de Chartres; il paraît donc tout simple que sa
statue y soit placée.
Sur l'espèce de cippc, ou plutôt cul-de-lampe ,
qui soutient cette statue , est sculpté un bas-relief
alléo'orique fort singulier; il représente une espèce
de diable ou démon cornu , assis sur un piédestal
élevé; un chevalier, armé de son haubert, est à ge-
noux à sa droite, et semble l'implorer, tandis qu'à sa
gauche, un autre personnage, ayant la couronne en
tête et l'épée nue à la niain ( mais sans armure ) ,
semble le menacer. Nous n^avons pu découvrir à
quoi ce sujet bizarre pouvait faire allusion dans
l'histoire du comte du Maine»
La seconde statue de chevalier, qui se voit au
même péristyle, est absolument dans le même éqiii^
page ; sa tête est nue et sa barbe longue ; le cha-
peron du haubert est rabattu ; les gantelets de
maille retroussés laissent apercevoir une partie de
la manche du gambeson , vêtement de taffetasbourré
et piqué qui, couime on le sait , se portait alors sous
l'armure de fer.
Rien n'indique d'une manière positive quel pei^
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 207
sonoage cette statué , représente ; cependant on
pourrait peut-être y reconnaître Etienne, comte de
Chartres et de Blois, celui de tous les guerriers de
son temps, dont la munificence aie plus contribué
à élever et enrichir Téglise de Chartres.
Il tient une pique dans sa main droite ; sa gauche
estappujée sur un bouclier orné d^une grande croix
aa centre de laquelle est une espèce de rosace. Par-
dessus son haubert, il a une longue cotte d'armes, et
sonépée est suspendue à son côté par un baudrier.
Le cul-de-lampe qui supporte cette statue est.
aussi orné d'un bas-relief, mais qui n'est ici sans
cloute qu'un simple jeu de l'imagination de ^artiste;
il représente l'exécution d'un homme condamné, à
la roue , et peut par conséquent constater l'ancien-
neté de ce genre de supplice*
On voit entre les arcades de ce même péristyle
un grand nombre de petits bas-reliefs représentant
différeus sujets ^ deux nous ont paru devoir être
, mentionnés particulièrement ; le premier repré-
sente un guerrier à genoux , il est revêtu de^ son
haubert et de sa cotte d'armes , a l'épée ceinte et
la couronne en tête; un prélat, debout devant
lui, s'appuie d'une main sur sa crosse, et , de son
autre rtiain qui a été brisée , paraît lui présenter
quelque chose ; ce bas-relief ne porte aucune ins-
cription explicative, mais tout nous porte à croire
qu'il représente Etienne , comte de Chartres , rece-
vant la croix des mains de l'évêque Yves ; ce qui
semble confirmer cette opinion , c^est que le se-
208 M£MOIBES DE LA SOCIÉli ROYALE
cond bas -relief, placé au-dessous de celui-là ^ nous
montre le même guerrier recevant des mains d'un
moine le bourdon et la panetière, marques de son
pèlerinage.
En convenant avec nous que le guerrier représenté
dans ce bas-relief est un croisé se préparant à
partir , on pourrait nous objecter que ce croisé peut
être tout autre que le comte de Chartres; mais la
couronne qu'il porte sur sa tête , repousse cette ob-
jection ; elle indique un prince souverain , et ici ce
•ne peut être un autre que celui que nous désignons.
Etienne était un des plus renommés parmi les
chefs de la première croisade; cependant, rebuté
des revers sans nombre que les croisés avaient
éprouvés, il quitta Tarmée pendant le siège d'An-
tioehe, et revint en France , où le rappelait d'ailleurs
son amour excessif pour sa femme Adèle > seconde
fille de Guillaume-le-Conquérant ; étant ensuite re-
tourné en Palestine, Etienne fut tué en 1102 , à la
bataille deRamâ.
Les monumens de sculpture et d'architecture
ne sont pas les seuls dignes de remarque dans la
cathédrale de Chartres; ceux de la peinture sur
verre méritent aussi Tattention de Tantiquaire, et ses
nombreux vitraux bien conservés sont extrêmement
curieux, ils représentent généralement des sujets
tirés de TEcriture Sainte ou des personnages illus-
tres des douzième et treizième siècles. On j voit
le maréchal Clément du Mez , Pierre de Dreux, duc
de Bretagne , Amaury de Montfort, Guillaume de
DES ANTIQUAIRES D£ F^IANCS. 3^
la Fertc, le roi Loub IX, etc. elc. Tous ces persoa*
nages ^ la plupart à eheval^ sont représentés dajps
leur costume militaire. Nous en avons remarqué
\in qui donne une idée juste de l'armure du trei*-
zième siècle ; c'est Pierre de Dreux , duc de Breta-
gne , Tun des guerriers les plus célèbres de celte
époque. Son armure consiste en un haubert complet
ou cotte de mailles à manches . avec des chausses
de mailles ; par- dessus^ il .porte sa cotte d'armes ,
vêteaient d'étoffe assez semblable à une dalmatique
sans manche et serrée à la ceinture par le baudrier
qui soutenait Fépée. Cette cotte d'armes ne tombé
qu'aux genoux dans la figure dont nous parlons;
mais aux onzième et douzième siècles, elle était
beaucoup plus longue et descendait jusqu'à la che-
ville du pied.
Le casque de Pierre de Dreux est de la forme
commune à tous ceux du temps de saint I^uis ,
c'est-à-dire qu'il est aplati et comme tronqué au
sommet , ce qui lui donne à peu près la forme d'un
tambour. Cette sorte de casque ou heaume a par
devant une visière grillée qui se levait et s'abaissait
à volonté; on le mettait par -dessus la coiffe de
maille ou chaperon , qui tenait à la partie supérieure
du haubert.
Les éperons que porte ici le prince de Bretagne
sont de simples pointes de fer sans molettes, ainsi
que nous les voyons généralement représentés dans
leô monumens des onzième et douzième siècles ; ce
IV. i4
200 MÉMOinES DE LA SOCIETE EOTALE
n'est qo'à la fiû du treizième que l'oo commença à
ajouter la molette aux éperons des cavaliers» .
Le bouclier de Pierre de Dreux est blasonne de
ses armoiries , c'est-à-dire échiqueté éCoret dazur^
armes dé la maison de Dreux ^ au franc quartier
àCherminei qui est de Bretagne*
SECONDE PARTIE.
«
Si la nature de l'ouvrage dans lequel je publie ce
travail ne m'eût forcé de me renfermer dans les li-
mites d'un simple mémoire , j'aurais pu m'étendre
davantage sur les antiquités de la ville de Chartres,
et principalement sur sa cathédrale, dont les détails
suffiraient 9 comme je l'ai dit ci-dessus, pour occu-
per pendant plusieurs mois la plume et le crayon
d'un antiquaire assidu. Mais, obligé de me restreindre
et de me borner seulement à décrire les objets les
plus temarquables , je quitte l'antique métropole des
Carnutes, et je transporte avec moi mes lecteurs au
village moins antique de Morancez dont j'ai déjà eu
occasion de les entretenir en parlant des monumens
druidiques qui l'environnent (i).
Église de Morancez. — Ce village , à une petite
lieue de Chartres , renferme un édifice d'une haute
(i) Voyez dans le tome II des Mémoires de la Société
Ro]rale des Antiquaires de France le Uémoire sur les antiquités
druidiques du pays Ghartraiu.
0E5 ÀKTIQqAI&ES DE FRANCE» 2^1
ancienneté, son église, dont nous allons décrire la
façade.
Le plan de cet édifice e^t un carré lon^; il n y a
ni bas-côtés ni chapelles latérales ; la façade en
pierre de taille est appuyée de quatre contre-forts,
entre lesquels se voient deux petites fenêtres cin-
trées, et une espèce d'avancée tenant lieu de porche,
sous laquelle est le ]portail.
Ce por4ail> absolument dans le style d architec-
tare appelé ^^^vcomeniiongothùfue'-lombard, con-
siste en trois arceaux concentriques et à plein-cintre
omés chacun d'une ntoulure, et de cet ornement en
zigzag si commun dans lesédi&>es antérieurs ait
douzième siècle; ces arceaux sont supportés par
des colonnes engagées, dont les chapiteaux sont
décorés d'ornemens fort simples ; Tun de ces chapi-
teaux, le premier à gauche du portail, diffère de
tous les autres; on ny voit autre chose que la
figure très - grossièrement exécutée dun animal
quadrupède dont il serait difficile de déterminer
lespèce; on le prendrait pour un bœuf s'il avait
eu des cornes, mais tel qu'il est il a plutôt l'ap-
parence d'un hippopotame. Au surplus, il est fort
douteux que l'artiste barbare qui l'a sculpté ait eu
l'intention d'imiter un animal connu , et peut-être
celui-ci n'est -il dû qu'à un pur caprice d'imagina-r
tien.
On peut remarquer de l'anklogie entre le portail
de Téglise de Morancez et celui de la chapelle du
i4*
2. 12 MÉHOIMS DE LA SOCIETE ROTAU
château de Dreux décrit précédemmeut; mais il a
moins d'ornemens et n^estpas, à beaucoupprès^ aussi
léger ; je le crois donc plus ancien^ et je pense (pie
celte église date au moins du dixième siècle^ tandis
que je ne fais remonter qu'au onzième la construc-
tion de la chapelle du château de Dreux.
Les monumens de ces temps-là. sont devenus telle-
ment rares en France par suite du vandalisme révo-
lutionnaire ( vandalisme qui continue toujours à
exercer ses fureurs sous d'autres formes > mais mal-
heureusement avec les mêmes résultats); ils sont ,
dis-je^ devenus si rares^ qu'on ne saurait trop s^«m-
presser d'en recueillir des dessins et de les publier
avant qu'ils n'aient entièrement disparu de notre
sol; c'est ce qui nous a porté à ne négliger aucune
occasion de les faire connaître.
A la vérité, s'ils sont sur le point d'être anéantis to-
talement en France, l'Angleterre eii renferme un
grand nombre que Ton s'y garde bien de détruire, et
qui peuvent être regardés dans le fait comme appar-
tenant à l'archéologie et à l'histoire de France, puis-
qu'ils ont été érigés par les Normands , compagnons
et successeurs de Guillaume-le-Conquérant. Tels
sont, par exemple, les châteaux de Colchester, de
Tremâten, de Douvres, d^Hédingham, la Tour dé
Londres , etc. , tous construits selon ce style appelé
gothique-lombard , quoiqu'il ne soit pas plus parti-
îier à la Lombardie qu'à toutes les autres parties de
TEurope,* dans lesquelles il était d'un usagé presque
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 2'>5
universel ,depviis lachiUe.de Tempire romain jus-
qu'au retour de la première croisade. .
C'est ici le cas de faire une remarque importante
pour ceux qui se livrent à Télude des antiquités
dumojen âge : les antiquaires anglais ont un tout
autre système que le nôtre relativement aux dif-
féren& genres d'architecture des édifices de ce4;te
époque > et ce système est évidemment erroné; ils
altrihuent aux Saxons le genre que nous appelons
/o/7iA«rt/( dénomination vicieuse d'ailleurs , et qu'il
faudrait supprimer ), et ils donnent le nom d'archi-
tecture normande à celle que nous appelons ordinai-
rement gothique, et que l'on doit à plus juste titre
i^omvutv arabe on orientale y puisque c'est dans l'O-
rient que nos croisés en ont élc chercher les modèles
dont les formes ogives font le caractère le plus
saillant.
C'est une grande erreurd'attrihuer aux Saxons les
nionumens du stjle lombard; d'abord, parce que>
comme nous venons de le dire, ce style était général
en Europe avant Je douzième siècle , et n'était nulle-
nient particulier aux Saxons ; ensuite parce que les
Saxons n'ont réellement laissé en Angleterre aucun
monument d'architecture remarquable; que, désa-
veu des meilleurs antiquaires anglais, leurs édifices
étaient construits en bois, et qu'ils n'avaient ni châ-
teaux forts ni citadelles en pierre, et encore moins
d'églises. Ce fut Guillaume-le-Conquérant qui kâtit
en Albion les premi^îrs' temples et les premières for-
teresses-en pierre.
254 MEMOIRES l>£ LA SodlÉTÉ ROITALE .
m
Quant au tiU^ d'architecture uormande donné à
celle qui nous vient d'Orient et qui fut aussi géné-
rale dans toute l'Europe depuis le douzième jusqu'au
seizième siècle, il est aussi impropre que Taulre, n'é*
tant pas du au 'génie des ^Normands qui ne l'adop-
tèrent eux-mêmes dans leurs édifices que près «d'un
siècle après l'expédition de Guillaume, et après avoir
couvert l'Angleterre de monumens construits dans
ce g^nre^que lesÀnglais appellent au jourd'huitS'aaro/}.
Nous avons fait ici ces observations, parce qu'il
serait à propos de s'entendre sur ce sujet et d'adop-
ter, dans Tétude de la science des antiquités comme
dans celle des sciences exactes, une technologie gé-
nérale , unanime , établie sur des observations judi*
cieuses et des faits bien constatés, et. non pas ba$ée
sur des préventions chimériques.
Église du Moustoir. — En quittant Morancez, je
me dirigeai sur Gellàinvilie, village dont j^ai parlé
dans mon mémoire sur les monumens druidiques
des environs de Chartres, et près duquel se voit un
cromjech. Je fus ensuite à AUonne, sur la route d'Or-
léans, puisâu Moustoir, où il j a une fort vieille église
dont le clocher est une grosse tour carrée sans
flèche, comme le sont tons ceux des églises antérieu-
res au temps des croisades. L'idée de surmonter les
clochers de flèches pointues et élevées est due à
riniitation qu'on a* voulu faire, dçs minarets des
mosquées , dont nos croisés avaient admiré dans le
Levant la hardiesse et l'élégance.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 2ôS
Château de Tkoury. — En continuant de me di-
riger au sud, j'arrivai à Thourj, assez gros bourg
sur la roule de Paris à Orléans, entre Montlhéry et
Etampes ; là, je vis les ruines d'un antique château
qui joua un rôle important dans les guerres féodales
du règne de Louis-le-Gros , sur le* théâtre desquelles
je me trouvais alors , car le territoire de Thoury est
contigu à la commune du Puiset^ lieu célèbre dans
DOS annales guerrières»
L'enceinte principale du château de Thoury n'existe
plus, on en distingue néanmoins le plan par le con-
tour des fossés qui l'environnaient; elle était circu-
laire, et ne parait pas avoir été garnie d'ouvrages
avancés.
Du milieu de cette enceinte s'élève le denjon :
c'est une tour carrée ayant à l'un de ses angles
une tourelle dans laquelle est l'escalier qui con-
duit aux différens étages. La partie supérieure de
ce donjon est ruinée; ainsi on n'en voit plus le
couronnement. Le premier étage est éclairé sut le
devant par deux fenêtres cintrées placées l'une à
côté de l'autre.
Le château de Thoûry fut démantelé en même
temps que celui du Puiset par ordre de TabbéSugieri
mais commeil était beaucoup moins fort et beaucoup
moins redoutable , Suger se contenta d'en faire raser
les remparts^ le donjon fut épargné, et subsista ainsi
jusqu'à nos jours.
Jans^iUe. — De Thoury je me rendis à JanvîUe.
Celle petite ville, d'après nos anciennes chroniques,
236 llÉMOlftSS DE LA SOCIÉTÉ ROYALK
étdit uue place très-forte, et je désirais la visiter d'au-
tant plus, que. Fon m'avait assuré que ses anciennes
fortifications existaient encore. Je fus surpris, en y
arrivant, de voir qu'elles ne consistaient qu'en une
simple muraille d'enceinte qui n'était flanquée que
d'une seule tour dont il ne restait plus que la base ;
à la vérité, à en juger par son diamètre, elle devait
être énorme ; mais , toute forte qu'elle put être, dlle
ne pouvait iléfendrequ'un côté de la ville , et le reste
m'a paru bien faible ; même malgré le fossé à fond
de cuve qui ennronne l'enceinte.
Je parcourus les communes de Poinville et de Sen-
tilljr-la-Moustier sans y trouver rien ^e remarquable,
mais une découverte intéressante m'attendait au vil-
lage de Mervilliers; c'est un bas-relief très-curieux
placé au-dessus de la porte latérale de son église dent
l'architecture est un gothique d'un fort bon style»
Avant de décrire ce bas -relief^ nous ferons
observer que probablement il provient d'un autre
lieu, et qu'il avait, dans le principe, fait partie
d'un autre édifice beaucoup plus ancien ; en effet,
il est sculpté sur une pierre taillée en demi-cercle
et destinée à être placée dans l'archivolte d'une
porte à cintre plein , au lieu qu'il est actuellement
enca^é dans une ogive où Ton voit qu'il a été rap-
porté et ajusté tant bien que mal. Les figures qu'il
représente sont d'environ un pied de proportion et
d'une exécution grossière.
Au milieu , on voit un prince assis sur une espèce
de trône^ et vêtu d'une tunique et d'un manteau ; il
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 257
tient un sceptre à la niaîn gauche , mais n'a pas de
couronne sur la tête, ce qui semblerait indiquer que
ce n'est pas un roi ni même un grand vassal delà cou-
ronne de France , mais seulement quelque seigneur
suzerain 9 quoique, d'une autre part, le sceptre qu'il
tient soit pourtant une attribution propre à l'autorité
royale- Aussi ce personnage est le plus difficile à ex-
pliquer dans Le bas-relief en question.
De sa main droite, qui est étendue, il parait rece-
voir quelque chose que lui présente un chevalier à
genoux , armé de pied en cap d'un haubert avec ses
chausses de mailles , et dont la tête est recouverte
d'ua casque hémisphérique sans visière , nasal , ni
gorgerin.
Derrière ce chevalier, on aperçoit son cheval que
sou écujer tient d'une main , tandis que de l'autre il
porte répée dé son maître , laquelle est couverte de
son fourreau. Le cheval n'est pas en proportion avec
les autres figures du bas-relief; il est beaucoup plus
petit.
A la gauche du baS-relief est un ecclésiastique re-
vêtu de ses habits sacerdotaux , ilparait bénir le pré-
sent qa'oflFre le chevalier , et on voit près de lui un
autel sur lequel est un bénitier.
Derrière l'autel est une figure plus petite que les
autres et qui représente un homme assis dans une
espèce de fauteuil, écrivant quelque chose sur un
parchemin qui , se déroulant en* forme de cartouche,
va entourer tout le pourtour supérieur du bas-relief
et est chargé d'une longue^scription en caractères
233 MÉMOIRES 1)£ LA SO^IÉXK ROYALE
majuscules gothiques é videuiment du onzième siècle.
Elle est^ au premier abords assez difficile à déchiffrer,
parce que les mots n'en sont pas séparés. Voici néan-
moins comme j'ai cru qu'il fallait la lire :
Guillermus similiter cuncessit Renbaudus miles mi-
chis tulit edheres gâtas psentes haberet.
«
Au-dessuii de la tête du prince est représenté Dieu
le père tenant une main élevée^ et tenant de Fautre
un livre ouvert. Sur sa poitrine est figurée une espèce
de roue rayonnée, peut-être est-ce une image du so-
leil ; deux figures d'anges^ sortapt d'un nuage, Ten-
censent à droite et à gauche.
Contre la tête du même prince on lit le nom N. For-
gitJtë: au bas du bas-relief et sous les pieds de Téciiyer,
onlit Herbertus. Au-dessous du chevalier et de l'ec-
clésiastique étaientpareiilement écrits d'autres noms,
mais ils sont maintenant si mutilés qu'il m'a été im-
possible de les lire.
L'inscription du cartouche t[ui contourne le bas -
relief , en mauvais latin , ne m*a pas semblé aisée à
expliquer d'une manière satisfaisante > d'autant plus
qu'elle ne mentianne pas le pefôonnage principal de
l'action; ce Forgius qui , je l'avoue, est embarras-
sant, car ce nom ne se rencontre nuUe part dans
notre histoire ni dans les ânhales du pays Chartrain.
Il paraît cependant que ce monument représente
unhommage et une donation dont prend acte l'homme
assis derrière l'autel et dans l'attitude de quelqu'un
*
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 2ÔQ
qui écrit. On né peut juger de Tobjet de la donatioû
présenté par le chevalier à genoux ; il semble que ce
soitune espèce d'urne ou de vase couvert. Le seigneur
le reçoit de sa main et en fait don à l'église dont le
ministre est placé près de lui. Vûici, je crois, comme
on pourrait traduire l'inscription^ en appliquai tou-
tefois lenom de Guillermos ou Guillelmus à ce sei-
gneur qui nous est inconnu, malgré le mot Forgius
écrit sur sa tète :
Guillaume accorda pareillep:)ent à Beimbaud les
dons et les présens que lui avait apportés l'héritier
du chevalier Michel.
Quoiqu'aucune date ne se voie sur ce bas^relief ,
la forme des caractères de l'inscription et celle de
l'armure et des costumes des personnages qui y sont
représentés ne.peuvent laisser douter qu'il n'appar-
tienne aux roonumens du onzième siècle.
Château duPuiseU — Un des principaux points
de reconnaissance qi|i^ je m'étais proposé dans ma
tournée en Beauce était le fameux château du Pui-
5et, si renommé jadis par la puissance et la valeur
de ses seigneurs héréditaires et par les guerres si
longues dont il a été l'objet ; il a fi^lu, pour le ré-
duire , toutes les forces du roi de France ( Louis-le-
Gros) et trois années de combats et de cafnage. Je
pensais que c'était rendre à notre histoire un service
essentiel, que de faire connaître d'une manière pré-
cise ce qui nous reste encore de vestiges d'une for-
a40 MÉMOIRES 0£ LA S0C1£T£ ROYALE
' teresse qui a joué un rôle important dans nos annales
chevaleresques.
^j J'arrivai au Puiset.le 6 septembre 1.8 14> c'est un
village de peu d'apparence $ mais son châteaui fondé
, vers le milieu du dixième siècle , fut long^temps. re-
gardé comme inexpugnable; il dopdinait toute la
contrée^ et, du haut de ses tours menaçantes >le sei-
gneur faisait trembler et plier sous son joug les habi-
tans des campagnes environnantes.
Vainement les seigneurs de Janville , de Thoury
• et de Montlbérj , dont les domaines touchaient à son
territoire ^ s'efforçaient de restreindre sa puissance ;
vainement ils tentèrent à plusieurs reprises d'atté-
nuer Finfluence de ce voisin redout^le ^ leurs ten-
tatives demeurèrent sans succès. Lorsque leurs forces
réunies étaient trop supérieures pour que le seigneur
duFuiset pût tenir la campagne ^ il se retirait dans
"^ son château inaccessible; ses adversaires avaient
beau Fy assiéger ; ils se consumaient en vains efffortS;
et bientôt le manque de munitions^ et surtout d'eau,
dans un pays d'une extrême sécheresse , Içs forçait
a lever le siège après avoir souffert des pertes consi-
dérables. . •
Il parait que c'est à la pénurie de l'eau , extrême-
ment rare dans tous les environs où il n'y a dans un
espace de plusieurs lieues carrées ni source, niétangs,
ni rivières; il parait, dis-je, que c'est à cette pénurie
que le château du Puiset doit son plus grand avantage
de défense. En effet, privés de cet objet de première
nécessité, etnepouratit se le procurer qu'avec des
V.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 2^1
peines et un temps considérables^ les troupes assié-
geantes ne pouvaient demeurer long-tenips devant
la place y tandis que la garnison ne manquant de rien
pouvait se fournir pendant un fort long siège; elle se
procuraittoute Feau qui lui était nécessaire au naoyeu
d'un puits tl'une profondeur immense ^ pratiqué au
rez-de-chaussée du donjon. C'est, dit^on, à ce puits,
regardé dans le pays comme une merveille > que le
lieu doit son nom de Pniset. ^
Ainsi^ pendant long-temps^ les seigneurs du Pui-
sety dominateurs tout-puissans dans les riches plaines
qui séparent la ville de Chartres de celle d^tampes,
s'y attribuaient toute espèce de suprématie, levaient
à volonté des contributions et des subsides, rançon-
naient les marchands , les voyageurs, et bravaient
impunément l'autorité du roi même. •
Louis-le-Gros qui passa presque toute sa vie à
guerroyer contre tous ces seigneurs turbulens et in-
disciplinaires dont les états touchaient presqqe àsa
capitale, après s'être rendu maître du châWau de
Montjhéry, assiégea celui du Puisel. Ce ne fut qu'a-
près une guerre de trois années , après des travaux
infinis et des dangers sans nombre, qu'il, parvint à
s'en rendre maib'e et à faire prisonnier Hugues qui
en était seigneur, et l'un des plus vaillans guerriers
de sOn temps. Il l'envoya sous bonne escorte à Châ-
teau-Landon, où il le fit enfermer. Sur .ces entrer
faites , le comte de Corbeil fut tué, Hugues-du-Pui-
set était son héritier ; mais, pour obtenir sa liberté, il
proposa au roi de lui faire la cession de ses droits au
a\2 HEHOIRES DB LA SOCIÉXE ROYALE
comté de Gorbeil s'il conseataità briser ses fers. Le
monarque accepta cette propo$itioD* A^p^ine Hugpes
fut-il libre , que , ne respirant que vengeance , il re-
conomença ses courses dévastatrices sur les terres
du domaine de la couronne. Louis fut derechef as^
siiéger lePuiset et pressa le siège avec vigueur, résolu
pour cette fois de ne faire aucune grâce à Hugues.Le
comte de Blois accourut au secours de la place, mais
fut défait par Tarmée royale qui ensuite s'en rendit
maître. Hugues trouva le moyen de s'échapper et
de se soustraire ainsi au ressentiment de son sou-
verain. Il rassembla quelques troupes, à la tête des-
quelles il eut encore, en rase campagne, quelques
combats de peu d'importance contre celles de Louis-
leHrros; cependant, dans l'une de ces actions, il tua de
sa main le grand^sénéchal de France, Anselme de
Garlandes, favori du monarque* A la fin, harcelé et
battu de toutes parts^ par Tarmée royale , il crut ne
pouvoir mieux faire, pour éviter le sup|klice qui le
men^LÇttit , que de quitter sa patrie et de passer en
Palestine. Sa valeur l'y rendit utile auxcroisési; elle
fut récompensée par le don que lui fit le roi de Je*
rusalebi du comté àe Jaffa ; il est faux qn^il fut mort
avant d'arriver en terre sainte, comme le prétend
Velly. Il avait un fils qui, comme lui, portait le nom
de Hugues, et qui, comme lui> fut comte de Ja£Pa.
Sous le règne de Louis-le-Jeune , son sage mi-^
nistre, l'abbé Suger, craignant que des circonstances
imprévues ne fissent retomber la forteresse du Poiset
entre les mains de quelque grand vassal qui en eûl
/D£S ANTIQUAIRES DE FRANCE. 2^3
fait , dans Toccasion, un boulevard de rebeUion ;
Suger> dis-je, la fit entièrement démaBrteler, en sorte
quïlnen reste aujourd'hui que des vestiges.
Ces restes consistent en un pan de la muraille ex-
térieure et la partie extérieure du donjon élevé sur
une butte artificielle, adjacent au portail^ où se voit
aujourd'hui un corps-de-logîs bâti dans le seizième
siècle , et qui était le bailliage et le^char trier de la
seigneurie du Puiset.
Le donjon est une tqur hexagone d'un diamètre
considérable , il est bâti en pierres de taille , mais
d un petit volume. S'il en faut croire la tradition du
pays, sa hauteur était si excessive qu'on le voyait,
d'une part, deMontlhéry, et, de l'autre, de Chartres,
qui en est à neuf lieues. Maintenant, la partie la
plus élevée de ses ruines n'a que trente-six pieds
d'élévation ; au rez-de-chaussée sont les restes d'une
salle voûtée , dans laquelle est le puits dont nous
avons fait mention ci-dessus.
Les autres parties du château furent, dès le temps
même de Louis4e-Jeune , rasées jusqu'au niveau du
sol; mais les terres qui, avec le temps, se sont
amoncelées sur les fondations, les font parfaitement
distinguer, et permettent de suivre l'ancien contour
de^ fortifications. On voittjue leur enceinte fort éten-
due renfermait trois cours; la première était de forme
roude et dominée par le donjon qui défendait l'entrée
du château ; la seconde, beaucoup plus vaste, était en-
2^4 MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
vironnée d'un large rempart dbni le contour enfermait
un pentagone irrégulier et même interrompu d'un
côté; dans un endroit où se voient les restes d'une se^
conde tour et où probablement était jadis une po-
terne ou fausse porte.
Ënfin^ à l'extrémité opposée au portail^ on voit les
restes de l'enceinte qui entourait la troisième cour,
au milieu de laquelle était une tour qui ^ à en juger
par le diamètre de sa base> devait presque égaler les
dimensions du donjon. Cette tour était pareillemeot
bâtie sur une motte ou hutte artificielle en terre.
Il paraît donc que trois tours seulement faisaient
la principale défense de la forteresse du Puiset ; mais
leur force , leur hauteur prodigieuse , leur structure
gigantesque les rendaient suffisantes pour faire de ce
château une place inexpugnable^ pour le temps sur-
tout y si l'on considère qu'il est situé dans un pays de
plaines qu'il dominait de toutes parts»
- Église du Puiset. — Outre les débris de son châ-
teau^ le village du Puiset possède encore son église,
dont l'ancienneté doit attirer l'attention de l'obser-
vateur. Elle a été érigée dans le dixième siècle; son
portail présente tous les caractères de Tarchitecture
de cette époque j c'est un double cintre.dont le su-
périeur est surmonté de moulures ornées de zigzags
dans le genre de ceux que nous avonsobservés à Mo-
rancez et au château de Dreux.
La nef de celte église est supportée par de lourds
piliers dont les chapiteaux écrasés sont ornés de
DES ANTIQUAIRC5.de FRANCE. . 225
laides feuilles analc^es à despàlmes mal exécutées;
on voit sur Tun d'eux des entrelacs dé ceps de vigne
et de grappes de rai^n.
Tels sont les monumens les plus remarquables
du moyen âge que j'ai eu rôccasion d'observer
dans le court espace d'une quinzaine de jours
employés à parcourir une partie de l'ancien pays
Ghartrain. Un plus longséjour dans ce paysm'aurait
mis à portée d'en recc»inaitre un bien plus grand
nombre , car cette partie de la France est fertile en
monumens historiques, dont on ne saurait trop con-
server du moins la mémoire. Puisse mon faible essai
exciter l'émulatioii des nombreux correspondans
que la Société Rdyale possède dans le départe-
ment d'Eure-et*-Loir y domiciliés sur les lieux , pou-
Tant consacrer à leur recherche tout le temps et
les moyens qui m'ont manqué ! ils pourront lui offrir
des travaux plus importans et bien plus complets
qae le mémoire que je soumets aujourd'fiui à l'exa-
men et aux lumières de mes savans confrères.
IV.
i5
!226 iMÉMOIRES DE LA ^Clilt ItOYALE
■* ■ >
REGÏÎERCHES
I
I
Sur Tétymologie et Temploi des locutions et des mots qui se
sont inlrodaîts on consenrés dans le départemeat de TOroe^
et qui n*appartiéDiieiit pas à la Iang;6e française de nos jours;
par M. Lottii Du Bou , correspondant de la Société.
AlkDlTtOHS AUX LBTTRES A-^G ^ iNSÉftàBS BAItS US MCtfOIiXS DE
l'académie celtique ^ t. T9 p. 39 a 5o bt 1 73 4 iSo.
./jLBJTER: raccrocher, recruter, embaucher.
Abîmer : gâter , salir , ravager.
Jtcay (d^) ou d'acaa'd : à verses; il plmit d'aca ou
d'acard.
Accoufler ou accouver ( s* ) : s'accroupir. Allusion
à l'attitude de la poule qui couve.
Achocre : entêté, hargneux.
Acoué : attaché à la queue. Ces chevaux sont
acoués, sont attachés à la queue' l'un de l'autre;
du vieux mot coucy queue.
Adreuger y adroger : vêtir grotesquement ; ri-
diculement.
Afribondiy afribouri , afribourdi : engourdi de
froid.
H^t i)NÏIQli A»BS BS FRANC». 2 2^
yi^tic ; fréquaiilatîoû.
JjffkMjusr ($') de quelquuâ : fréquenteT (piel-
qu'un. Le verbe el son substantif s'einploient tou-
jours en mauvaise part
Jgogonner, voyez Gog9n : adouoir , ama<touer.
Âguiannou > aguilan : étretioes , mot à mt^t : au
gui Van lieqf. .Cette expression a survécu aux vieux
usages de nos pères , lorsqu'ils suivaient le dm-
disoie.
Àgônir, agoniser : assaillir^ agoniser quelqu'un
ie sottises j assaillir quelqu'un d'injures.
j4/eu : enjeu.
Atlucher : nourrir.
Alœus^é : actif, qui s'emploie vivement à Vœu-
tre, à l'ouvrage.
Alourdir i ennuyer.
Albus^^r : affamer.
Alovir^s*) : s'assoupir, être sur le point de s*en*
dormir.
Amomide : fou de. De Momus, dieu delà folie.
Anchias : enfant de mauvaise mine , qui vient
mal. '
Andain : l'intervalle entre deux pas; dti verbe
iliJÎHien andare , marcher, aller^
Arbre (bois d') : bois de chauffage, pommier
ou poirier, arbres par excellence des pays à cidre.
Arçonner un sabot : mettre dessus, pouv le con-
tenir et l'etiipéefaeir de se fendre, un cercle de fer
ou delailion, placé en are.
Arrolle : arroche.
i5*
L
228 MÉMOIMS D£ LA SOCliXE ROYALE
An^ossir \ rendre rosse : arrossir un cheval , c'est
le noettre hors d'élat.de servir > en faire.nne rosse.
Au : avec.
Aubensj auhoons : aubier; les premières couches
blanches , albœ , d'un açbre.
Aideras : volailles^ et par extension toute sorte d'a-
nimaux que l'on élève , tels que lapins y dindons etc. ,
du mot latin cwes , oiseaux.
Bâcler : fermer; débacler : ouvrir, en parlant des
clôtures.
Baïne : mauvaise taverne.
Baller : flotter, être près de tomber; de l'italien
ballarCy danser.
BêchiUf bêchine : nigaud- On appelle, dans l'Orne
et dans le Calvados, baissins y gens du pays de bas,
. gens du bas pays , les manœuvres qui viennent de la
basse Normandie pour travailler dans la haute.
Baissin n'a nul rapport aiYec bessin , le territoire de
Bajeux, comme quelques personnes l'ont cru , son
origine est la même que celle de Baissière : liqueur
du bas y du fond d'un tonneau.
Bedain : petit veau, sans doutç des mots bis eï
der^s y à deux dânts.
Bedou : rouge-gorge, oiseau.
Bejuel ou bejuety adverbe : en sens inverse, être
couché, béjuely se dit de deux personnes qui sont
couchées dans le même lit en sens opposé l'un de
l'autre.
DES ANTIQUAIUS DE FRANCE. 929
Bestial : bétail , singulier de bestiaux.
Béte : ivre.
Bêtev (se) : s*enivrer , du mot italien bere^ be-
i^ere, boire.
Beucléi lait beuclé ou bêclé : lait caillé. ,
Bicttcoirty biscacoin y bicoin: en zigzags de côté
et d'autre.
Biguenette : bigotte ^^ acariâtre et hargneuse.
Bihoraget subst. masculin : plantation en désor-
dre ^ lieu mal cultivé , fouiUis.
Binel : guignon^ jouer de binel.
Bioche : petite bie, petite cruche.
Bionner : besogner > travailler,
t Birou :, roitelet , oiseau.
Biscantine ou piscantine : piquette ^ maiJ^vaise
boisson. •
Bisque : poiré faitav^c des poires non{>as pressur
rées^ mais jetées simplement dans un tonneau» Par
extension mauvaise boisson y piquette.
Blèche : mou^ moQe, en parlant des poires et
des nèfles.
Bloque y s. m. : pièce de deux sous..
Boire y s. f. : abreuvoir.
Bondrée : femme grosse et courte coinme une
bonde* . .
Bois-doux : réglisse.
Bouchas : bondon y bouchon.
Bmchilhn : poirier 0(1 pommier sauvage , venant
des bois y des bocages*
Boudou/lé : boursoufflé d'orgueil blessé.
^
23o MÉMOIRES DE LA fOCIEli ROYALE
Bousine : musette, parce qu'elle était faite d'abord
de peau de bœuf.
Bout en bout : entièrement. JoinviUç dit : « iUeur
» fit chanter au nom de Dieu ce beligne (bymne) :
j) .i^eni, Creator spïritus ! deboiit en bout. »
Brament : bravement.
Branée ou brenée : son délajé avec de l'eau, et
mélangç quelquefo^ avec des herbes , des feuillages
etc., pour la nourriture des animaux, du mot d/'en
où bran, son.
BringCy s. f. : petite verge.
Bringée : fustigation avec de petites verges.
Broubiquet : chèvrefeuille. C'est le même fond d'i-
dée, et, à proprement parler, les mêmes expressions,
puisque brou signifie feuille, et biquet chevreau.
Broe, broue : écume.
Brouée y bérouée : brouillard.'
jBrouer , brouir : roussir , demi-bruler.
Cabagétis : dépôt, monceau de vieux^ meubles
ou de vieilles hardes.
Caban , cabin : mauvais cabinet. •
Cabine : petite armoire.
Cair pour clair, liquide.
CairaiUer : ne boire que lebouiiloû de la soupe,
que le c/a/'r du potage»
Cmfuetoire, s. f. : la luette, onomatopée qui a la
même origine que le mot caquet. ^
Carne : cbairogne , du latin caroy carni^.
Chawîr : avoir Fair sournois; chauvir de l'œil ,
regarder en desspu$ d'uç^ inanière ironique. Chau-
vir de Toreille y en parlant d'un animal : agiler To-
reille avec envie d^ mal faire.
Chenolle : nuque, etpq.r extension le. col. Dans
le dictionnaire de la langue romane , chenolle è^t
défini la trachée-artère.
Chipotter : discuter minutieusement le prix d'une
chose.
Chon : grande cuiller de bois.
Ckôrer : se trouver dans une position qui àniioDce
un maj prochain. Le temps chôre : le temps me-
nace de pluie. Il se dit awsi des hommes etdes ani-
mau^.^ Chorer sîgnijGie aussi sommeiller péniblement
en se plaignants
m
Clacusse : piquette^ mauvaise boisson. "
Ciboire : petite seringue en sureau avec laquette
les enfans font jaillir de Teau. Onomatopée.
Cloquer : glousser, en parlant du cri de la poule.
Onomatopée.
Closêtie : petite fenne close de haies Ou de fossés.
Cocane : narine.
Cochelin : gâteau long, et par extension, présent,
cadeau. C'est aussi le nom du fruit de Féglantîer.
Cœurailler : avoir des nausées, avoir mal au cœur.
Cœurée , guérée : curée , proie.
Chutrin : mauvais lit.
Corser : lutter corps à corps.
J
â3â MÉMOIRES BS LA SOCIÉTÉ ROYALE
Cmsu : riche ; du mot co^^e^ parce que les plantes
a gousses qui promettent une riche récolte ontbeau-
^ coup de cosses*
Cottir j faire cottir : jaillir, faire jaillir.
Couinneter : crier éomme un lapin ou uo lièvre
qui a peur. C'est plutôt une onomatopée qu'un dé-
rivé du latin cuniculus ou de l'ancien français coniL
Coulandage : gaspillage d'une maison par défaut
d'économie.
Coulandier y coulandière : qui contribue à la mau-
vaise administration et à la ruine d'une maison.
Crétine : crue d'eau , du latin crescere , cretus.
Crettéy adj. : propre, bien mis,l)ien nettoyé.
Criochè : écfaasse , béquilles; sans doute à cause
de leur cri, du bruit qu'elles font lorsqu'on s'en sert
«n marchant. ,
. Criquet : grillon. De l'anglais cricket. Onomato-
pée.
Dallée : flaque, du vieux mot dalle, dallée : fossé.
. ^ Débréger ( se ) se débarrasser , se tirer d'affaires.
Déferner , v. n. : déchoir.
Dégréler(se) : se divertir, s'égayer.
Démenter (se ) : se mêler de.
Dépatouiller (se) : se débarrasser, se tirçr d'uo
mauvais pas.
Dépétronner un arbre : arracher les rejetons qui
sont au pied.
Détrat : sentier battu, du Idilin tràcfus .'
L
DES ANTIQCAIRES DE FEINCE. 253
Diffamer : gâter, salir.
Donrder : frapper quelqu'un Irès-forletnent, très-
lourdement.
Echaller : pour écaller, qui se dit, sur d'autres
points du département de l'Orne , écorcér , écosser,
tirer de la gousse.
Êchaubouiller (s') : s'exténuer de chaleur et de
fatigue.
Echauguetter: surveiller exactement/ es pionner,
du vieux mot echaugueUCy point élevé où l'on éta-
blissait une sentinelle ; du latin exciibiœ.
Echaumitœr ; effaroucber à force de coups.
Eclocu : le dernier éclos d'une nichée d'oiseaux ,
de poulet S; etc.
, Effoûillej s. f. : bestiaux produits ou engraissés
dans une année par une ferme «Vendre son effouille;
l'efibuille n'a rien valu cette année.
Egohiner : blesser beaucoup , égorger. Au figuré
maltraiter par des propos graves et injurieux. Du
mot égoïne , petite scie.
EUnder : glisser sur la glace.
Elosser ; ébranler^ on dit ailleurs locher y dans
le même sens.
£mbeiK>n : embarras.
Embront : essor.
Embrancher : prendre son essor.
Emmiauler : tromper, leurrer; corruption du
verbe emmieller, ou peut-être ce mot vient du verbe
2^4 MÉMOIRXS DX LA SOClÉ'ns ROYALE
miauler^ appeler par miaulement, comme font les
chais.
Endemené : désordonné , évaporé : Brantontie se
sert de ce qualificatif pour désigner des «femmes
très-libres i femmes galantes jT . IL
Entors : tortù.
Entre-tripier (s*) : se battre à outrance. C'est
peut-être la corruption du mot étriper^ mot fami-
lier et même bas.
Ereis , adv. : du latin rursus, de nouveau , traire
les vaches ercis; l'heure d!ercis ( à laicptelle on les
trait).
Erigot ; corruption du mot ergot*
Eriisser : effeuiller une branche avec la paume
de la main.
Esergoter : arracher les ergots, ésergoler un
bœuf, lui faire perdre ses ergots.
Esseniller : éparpiller.
Etouhhy s. f. : chaume laissé debout et dans le-
quel il se trouve des herbes réservées aux mou-
tons.
Etriver : faire étriver, faire endiabler, agacer
vivement quelqu'un ; du vieux mot estrif^ débat;/
dispute. Martin Franc , auteur di| Champion des
dames, a fait un traité en prose et en ver/j, intitulé:
Leslrif ou le Débat de fortune et de vertu.
DCS ANTIQUAIRES DE FRANCE. 255
Fel : faible.
Ferlande : mauvaise pièce de monnaie.
Fermaigne : meuble propte à l'enfermer quel-
ques effets.
Vermine : même signification, et par extension
un mobilier quelconque.
Ferouesses : les jambes , terme de mépris.
Fersir : transir, tremblotter.
Pautible : coupable, répréhensible , qui a fait
une faute,
Flanner : flatter quelqu'un par intérêt.
Flarmeur : flagorneur, vil adulateur.
Flaquin : maigre, sans doute pour flanquin,
efflanqué.
Frambir .'fureter, chercher avec une attention
rtiinutiéuse.
^amboyer : curet , nétoyer, en parlant des en-
fans, des bestiaux.
Frette : long bâton , du latin frétas , appuyé.
Frimouse : figHKy mine.
Fr«,ymè/ avide de.
Gahfoiider : tripoter une chose . ne la pas mé-
nager.
Game : écume à la gueule d'un animal.
Gdn : gain.
Gavignalle : ivresse gaie, du vieux moi gestion,
la goi^ j ivresse de celui qui s'est passé de bon vin
par la gorge.
236 MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
Gégigne : ventre, du mot gésier.
GéoUe : arroche.
Gobine : repas de gourmand, du verbe gober.
Godailler : boire sans raison. Sans doute, de Go-
det; peut-être, comme le pense M. Bastide , de l'a-
cadémie de Berlin^ ce mot viendrait de goodale,
bonne bière. Il arrive souvent qu'en passant d'un
idiome dans un autre , les mots changent d'accep-
tion et prennent un sens défavorable; c'est ainsi
que nous n'admettons plus qu'en mauvaise partie mot
hère, un pauvre Aer^, qui vient pourtant du latin Ae-
rus, maître, et de l'allemand herr; il en est de même
du mot rosse qui est dérivé du ro9s allemand.
Gogon : doux^ mignon « Vojez Âgogonner.
Gorre : truie.
Gorret ou gorrin : jeune cochon, du grec xMf^y
d'où les latins ont tiré gorreius. On disait autrefois
une gorrière pour une truie. Court de Gébelin dérive
ce mot du célticfae gawri , crier.
Gourgousser : murmurer, en parlant de l'eau qui
bout ou d'une personne qui grommelé. De Gurges,
sorte d'onomatopée.
Grog ou groc : aspérités que présente la boue dur-
cie par la gelée et qui rendent le ehemin raboteux.
C'est une onomatopée.
Grolley s. f. ; vieille savate. On retrouve ce mot en
Savoie. *
Gué (prononcé g u-^) ; ruiné. Ce qualificatif a
la même origine que gueux. Probablement du latin
DES ATCTIQUAIRËS DE FAÂISCE. 237
çaeuus > à vide ^ dépourvu y en substituant le G au Y ;
comme gué de vadum y guêpe de vespa, etc.
Guéné : crotté.
Guener : crolter.
Guermenier. (se) : se mêler de. J^oyez se démen-
Guiler ; crier d'une manière aiguë.
Gxwicherft
Guinchûtter : lancer des œillades amoureuses. Il
se prend en mauvaise part. . .
RAPPORT
Sur une inscription de Vienne; sur les pontifes établis dans les
villes des Gaules^ et sur le sens du mot Stips; fait à la So-
ciété par M. >Du£Ài7tB^ membre résident.
J^ESSIEURS y
On VOUS a demandé Texplication de l'inscription
suivante :
'ANNO
C. CALPURNII PISONÎ
M. VETTII BOLANI
COS.
PONTIF. STIPE.
Celte inscription ne^t pas inédite; on la trouve
imprimée dans plusieurs recueils , mais avec quel-
u5S lUblOIRIS DE LA SOCIÉTÉ HOTAIE
ques différences dans sa dernière ligne. Ici on Ut :
Pontif. stipe ; dans le recueil de Gruter ; Ponlifex
stipe ; dans un ouvrage moderne , intitulé Histoùe
du baron des Adrets y où se trouve recucilU un
grand nombi^. d'inscriptioûs , trouvées dans les villes
de Grenoble et de Vienne ; cette dernière ligne est
ainsi écrite : Ponttf. ex stipe (i).
Ces différences font désirer la connaissance de la
véritable leçon de cette inscription y mais elles im-
portent peu à son explication.
Ses premières lignes, indiquent d'une manière
très-précise l'époque où fut fondé l'édifice sur le-
quel elle était gravée. Voici comment elle doivent
être traduites :
« En Tannée du consulat de Caïus Calpurnius
« Pison çt de Marcus Vettius Bolanus. »
Ce consulat est placé sous le règne de Trajan,et
en Tannée ii i. ,
La dernière ligne de cette inscription , ces mots ,
Pontif. stipe , se rattachent à des connaissances his-
toriques d'un plus haut intérêt ; je dois m'y arrêter.
Le mot pontif signifie-t-il un faiseur de pont?
Y avait-iTdes pontifes à Vienne ? y en avait-il dans
les chefs-lieux d« nations^ dans les métropoles de
province ? Trouvé-t-on dans les inscriptions des
exemples où le mot «fcpa soit employé ? Ces
questions vont être l'objet de mes recherches.
D'abord le mot pontif ne peut signifier ici un
(i) Histoire du baron des- Adrets. Notes, p. 34.
0£S ANTIQUAIRES DK FRANC2. 239
faiseur de ponts ; . ce mot a py avoir dans son ori-
gine cette signification , cooime il llndique lui-
même, et comme l'attestent plusieurs écrivains de
l'antiquité , et nolammei^ Zozime/sOit pairce que les
grands^-prêtres des Romains étaient > dans des temps
très-reculés , constructeurs de ponts , ou parce
qu'ils se bornaient aies consacrer; mais, sous le
règne de Trâjan, ce mot Pontifex signifiait seule-
ment le premier des prêtres.
Dans les douzième et treizième siècles , il existait
une association de religieux-maçons, qui prenaient
le titre Aé frères pontifes^ et dont là principale occu-
pation était la construction des ponts; mais l'époque
où ponti^x a signifié, chei; les Romains, faiseur de
pont, et celle où cette association utile a fleuri , sont
trop loin de Fépoque de l'inscription qui nous oc-
cupe r il n'est ici question, que d^n prêtre qui exer-
çait la suprématie sur les autres prêtres.
Y avait-il. à Vienne , colonie romaine , et dans les
autres villes de la Gaule , chefs-lieu de nation , ou
métropoles de province , un prêtre suprême qualifié
de pontife P
J'ai soigneusement examiné toutes les inscriptions
découvertes dans la ville de Vienne et dans le ter-
ritoire viennois ; fai vu qu'il y existait des fia-
mines ^ des flamminiques, prêtres et prêtresses, des
sextum vir ^ ou sé\?ir augustaux ; mais le titre de
pontife ne se trouve qtîc dans l'inscription dont je
m'occupe.^
Avant de rechercher si , dans les autres villes co~
240 MEMOIRES DE LA SOCII^Ti ROYALE
lonies de la. Gaule y il existait un prêtre quaUfié de
pontife, je dois dire que les institutions civiles et re-
ligieuses des villes colonies offraient en miniature
Fioiage des institutions de Rome. Âulu Gelle, dans
ses Nuits aUiques ^ dit <c que^ dans leur organisation,
» elles prenaient cette métropole pour modèle >
» qu'elles avaient leur sénat , leurs thermes et leur
'» capitole. » H cite pour exemple la petite colonie
de Tibur qui , comme la capitale du monde , s'inti-
tulait , . dans ses actes publics y senatus populusque
Tihurs. Gicéron parle aussi de la colonie de Gapoue,
qui y quoique nouvellement érigée , avait des .ma-
gistrats qui se qualifiaient de préteurs , se faisaient y
dans les solennités, précéder par des licteurs, et,
lors des sacrifices, prenaientla qualification de ^ère^
eonscràs*
Les colonies romaines ^ dans la Gaule , devaient
avoir des magistratures semblables à celles de la
ville de Rome, et des magistrats civils et religieux
quaMés comme ceux de cette métropole de Tem-
pire. Pli|Qe met au rang des colonies romaines la
ville de Vienne, qui , en cette qualité, pouvait pos-
séder un prêtre supérieur , honoré du titre de
pontife.
Pour établir solidement ce point de la question ,
je vais rechercher si les autres colonies de la^aule
avaient des pontifes.
Dans une inscription découverte à.Fréjus, co-
lonie , on voit que Quintus Sotonius , honoré
de plusieurs fonctions civiles et militaires , Test
•^e^
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 2^1
aussi de celle de pontife flamine de la province
narbonnaise.
Sohnio... pontifiijlamini provinciœ narbonnensis.
Dans la colonie de Riez^ colonia Reiorum apoU
linaria , on a découvert une inscription portant
que Màrcus Leverius Fàbulator était flamine de
Rome et d'Auguste , quartumvir et pontife de la
colonie des Réiens.
Une autre inscription ^dont Tépoque est de Tan 2^5^
qualifie Marins de pontife perpétuel de la càé de
Valence^ vUle de la Viennoise et ancienne colonie
romaine (i). Ce pontife présida à la cérémonie re-
ligieuse appelée Taurobohy célébrée potfr la santé
de l'empereur Philippe et de sa mère.
Ce même Marius est qualifié, dans une autre ins- '
criplion de procurateur de la province Ijonnaise et '
de la province aquitanique^ et porte ^ comme dans la
précédente inscription , le titre àe pontife perpétuel:
cette inscription est conservée à Ljon dans le musée
de cette ville (2).
Dans la même ville , et dans le même musée^ est
une autre inscription destinée à signaler à la pos-
térité l'élévation de Sextus Ligurius à la dignité
de pontife perpétuel. Ce prêtre, lors de la cérémo-
nie de son inauguration , distribua , suivant Tusage,
(1) Les inscriptions que je viens de citer sont tirées du
Becueil des historiens de France, T. I, p. 1:29 et suivantes.
(a) Description du Musée de Lyon , par M. Artaud, p. 49,
n' 49.
IV. 16
5>42 MEMOIRES DE LA SOCIÉTé ROYALE
des gi dtifications qux Récurions de la ville , à Tordre
équestre , aux sevirs augustaux^ aux marcfaaffids de
vin y aux corporations légales^ et donna des jeux du
cirque (i).
Ainsi il existait des pontifes dans les villes colo-
nies , peut-être même dans chaque cité; ou au moins
dans chaque métropole des provinces de la Gaule ;
et l'on ne doit pas s'étonner si^ sous le règne de
Trajan y le principal prêtre delà colonie de Vienne
prenait la qualification àe pontife , et si le pontife
de Vienne y lors de son inauguration ^ a signalé cet
événement en gi^atifiant les habitans de cette ville;
par la construction d'un pont ou autre édifice d u-
lilité publique. On a vu par l'exemple de Sextus
Ligurius, et Ton sait par d'autres témoignages, que
ces prêtres suprêmes , en entrant en fonction, pro-
diguaient l'or et donnaient au public des fêtes ma-
gnifiques.
La fonction de pontife égalait celle des premiers
magistrats des provinces j et quelquefois les sur-
passait en autorité. Ces prêtres étaient opulens y
parce que ceux qui les nommaient s'attendaient
aux effets de leur reconnaissance , et parce qu'ils
croyaient que le pouvoir, appuyé sur la richesse,
en devenait plus respectable.
M. de Burigni, dans un des mémoires de l'aca-
<lémie des inscriptions , admet l'existence des pon-
, (i) Desériptibn do BIuBée de Lyon, par M; Artaud, p. 54,
n»36.
DSS ANtlQUAlRES DE FRANGE. 2/|5
tifes dans les provinces de l'empire. « Dans les villes,
» dit-il ; il y avait des grands prêtres , supérieurs
» aux autres prêtres; il y en avait aussi ^ans chaque
provioc^ ( 1 )• Ce savant fonde son opinion sur Tau-
toi^ de Lactance j de mortibzis persecutorum ; il
aurait pu l'appuyer aussi sur l'histoire ecclésiastique
d'Ëusèbe>qui répète dans deux endroits ce que Lac-
taace avait dit ujae seule fois ( 2 ). Ces deux écrivains
s'accordent à dire que Tempereur Maximin , pour
contrarier les progrès xlu christianisoie^ institua, dans
chaque cité ^ de nouveaux grands-prêtres, elles au-
tori$a de tse vêtir de clamydes ou étoles blanches ;
ce qui ferait supposer que ces grands-prêtres n'exis-
taient pas avant lui; mais n'ayant accordé cette su-
prématie s^acerdotale qu'aux prêtres de FEgypte et
de Syrie où ce prince commandait, ces citations sont
étrangères aux prêtres de la Gaule et ne peuvent ni
servir ni araire à la preuve que j'ai établie.
En effet, les inscriptions quie j'ai produites sont pour
cette preuve d*un bien plusgrand poids que le témoi-
gnage de quelques historiens passionnés. Il reste donc
prouvé, par ces inscriptions, qu'il existait des pon-
tife dans las villes colonies, et même dans les métro-
poles des provinces de la Gaules. On pourrait peut-
être établir qu'il s'en trouvait dans chaque cité, et qu'à
(1) Mémoires de l'académie des inseriptions , T. XXXI ,
p. 120.
(3) De mortibus persecutorum misceilanea Baluzii ,
T. Il, p. Sa. Eusehii histpria Ecclesiast, lii. VIII, cap. XIV^
et lib. 13^, cap. IV.
16*
«244 MÉMOIRES DE Lk SOCIÉTÉ ROTAI£
ces divers pontifes ont succédé les évêques, qui,
dès le 4* siècle , prirent la qualification de pontifes ;
mais cette preuve m'éloignerait trop de mon sujet.
Ce point de la question étant résolu^ je vais passer
à la signification du mot stipe qui termine Tinscrip-
tion.
Le mol stips y dans les dictionnaires, est interprété
par petite monnaie que Ton recueillait ou que Ton
distribuait. Dans les inscriptions , où ce mot se ren-
contre assez fréquejnment,. il a une acception 'sem-
blable $ c^est avec le produit des collectes volon-
taires ou forcées , faites une seule fois ou pendant
quelques années, que Ton parvient à réunir des fonds
nécessaires aux frais d'une construction quelconque.
Le recueil de Gruter m'offre huit inscriptions où
figure le mot stipe. 3e le trouve aussi employé parmi
les inscriptions qu a produites M. Durand dans sa
Description,du mijLsée de Ljron y je le trouve encore
ailleurs et toujours dans le même sens. C'est tou-
jours des deniers recueillis pour subvenir aux dépen-
ses d'upe construction > et les Augustes eux-mêmes
ne dédaignaient pas cette petite ressource , pour
fournir aux dépenses de la construction de grands
édifices^
Une inscription fruste , dans le recueil de Gruter,
porte ex stipe quam po..; une autre inscriptioil con-
tient la même formule et la contient plus entière :
ex stipe quam populus romanus... contulit; une troi-
sième enfin off*re cette formule sans lacunes ; on y
lit qu'un César- Auguste, qualifié de très-grand pon-
DES ANTXQLAIKES DE FRANCE. 245
tife, fit construire un édifice avec les deniers que le
peuple romain lui porta : ex stipe quant populus ro^
manus ei contulit.
Quand un empereur faisait élever un édifice à ses
frais, il n'oubliait pas de le déclarer par cette for-
mule usitée dans les inscriptions : fisci sui sumpiu.
En Portugal, les villes municipes employèrent une
pareille contribution pour fournir aux frais de la
construction d'un pont; voici ce que porte une ins-
cription dn même recueil: municipia provinciœ Lusi-
taniœ stipe conlata quœ opus pontis perfecerunt.
Ces levées de deniers étaient ordinairement tem-
poraires ; mais les publicainsy les exactèurs ou allée-
teurs, c'est-à-dire les collecteurs et receveurs de l'é-
poque romaine, perfectionnèrent cette partie de leur
industrie ; le stips devint une contribution an-
nuelle et obligatoire ; elle ressembla à ces impôts
forcés, qu'on nommait oc^ro/^ et dons gratuits. Le
recueil de Gruter nous en oEFre quelques exemples.
Une inscription , découverte en Helvétie, et une
autre à Saint-Pierre de Lyon, portent; la première,
stipe annuay et la seconde stipe ann.
Ces citations suffisent; la valeur du mot stipe ^ a'est
plus incertaine; et ce mot, joint à celui de pontife
forme ce sens ; avec les deniers ^ ou plutôt avec le
P^'oduit de la collecte faite par le pontife.
La version de Gruter, Pontifçx stipe est évidem-
ment erronée, car on doit interpréter le sigle pon-
^^f ^^v pontifiais o\x pontificali. .
La version manuscrite qui vous a été adressée ne
2^6 MÉMOIRES DE LÀ SOCIETE ROYALE
me parait pas correcte, je lui préfère la suivante que
je trouve parmi les iascriptions contenues dans l'his-
toire du baron des Adrets : pontif. ex stipe ; et j'y
suis autorisé; parce que ^ dans plusieurs alitres ins-
criptions , on lit ex stipe.
L'inscription tout entière doit être ainsi traduite :
en l'an des consuls Caius Calpurnius Pison et Mm-
çus Vettius Bolanus ( cette construction a été faite )
avec les deniers du pontife ^ ou au moyen de la col-
lecte faite parle^pontife.
MEMOIRE
■ Sur les AuUrceSj par M. Louis A. M. de fitossEt» cbrres-
pondant de la Société.
XL a existé, entre là Seine et la Loire, des Celtes
Gaulois nommés auMp^cm Aulei^ci y les Aulerces. Le
géographe ttolémée, qui écrivait sous l'empereur
Adrien, donne à trois nations gauloises le nom d'Ju-
lerces; ce sont les Eburovices ou Eburaici , les Ce-
nomans , en grec jcgj/ofAetyoî , en latin Cenomani , et
les Diaulitœ^ Diabolitœ ou Diahlintes.
Une vaste forêt séparait les Ehurovices des Cteno-
mans : la majeure partie de cette forêt est nommée,
daifsles écrits du moyen âge, Saltus Perticus ; et ,
lorsqu'elle a été défrichée, le pays a été appelé le
Perche^ GouëtyXt Perche, le Comté ^Alençon. Une
/
DES AINTIQU AIRES DE FRANCE. 2^7
autre forél , entre la Loire et le Loir, servait de li-
mites aux Turonos , Turones ou Tourangeaux ,
aux Andes ou Angevins et aux Aulerces Cénomans.
Les Carnutes ou Chàrtrains bornaient à Test ces der-
niers ; et de ce côté on pourrait assigner pour poiiit
de démarcation le Saltus Perticus et la rivière de
Braje^ jusqu'à son enibôucbure dans le Loir. Les Au-
lerces Céuoni^ns et les Diablintes confinaient vers
le nord aux Saii , aux Viducassesy et à l'ouest aux
Rhedones et aux Aivii: ceux-ci touchaient; aux An-
des ou Andegayi.
il serait difficile d^assign er avec précision les bornes
de chacun de ces états. Quelques auteurs pensent
que les Diablintes s'étendaient jusqu'à l'Océan , et
que^ sous ce nom de Diablintes^ ou sous celui de Diau-
litse ^ ils ont habité la contrée on se trouvent Dol;
Saint-Maid, Saint-Brieuc, etc. C'est Topinion de du
Pinety ancien.traducteur de Pline le niturali^te ; c'est
celle de .Lobineau et de Morice y histoneas de la
Bretagne.
Ptolémée nomme MedioLanum la ville principale
des Ëburovices ou habilans d'Évreux. Néodunqm
fut celle des Diablintes. On assigna au$^ CénomsLps
pour capitale Suindinum. ' • .
.En :écriyant ces différens mots^ nous nous confor-
mons plutôt àl'usage.qu'à l'orthographe de tel ou tel
manuscrit* Les Grecs et les Romains ont €léfigui:é
Iqs iioms des peuplades celtes ; et la Société des An-
tiquaire de France , ijui se propose de [rechercher
la véritable étymologie de ces^homs, est invitée à
^4^ MÉMOIRES DE LA SOCIBTÉ ROYALE
s*occuper de celle du mol Aulerci. Tous nos efforts
pour trouver la racine du mot aJkifKtù) ont été inuti-
les. Nous ignorons à quelle époque et par qui les villes
Suindinum^ Néodunum et Médiolanumont été fon-
dées. Nous ignorons si^ du temps de Ptolémée, elles
occupaient le même terrain que le Mans, Jublains et
Évreux. Nous ne pouvons dire si les Aulerces ont tou-
jours été fixés entre la Seine et la Loire, si les Génomans
ont envoyé des colonies dans les îles britanniques et
de Germanie, mais nous nouscrojons fondés à soute-
nir que c'est par erreur de copistes que, dans quel-
ques manuscrits des livres de César, le mot Eburones
au lieu à'Eburwices^ est joint à celui diÂulercL
Nous rencontrons, dans plusieurs parties du terri-
toire occupé par les Aulerces 9 de ces Merks ou Tu-
muli, de ces pierres-lerées ou méenrhirion qui ap-
partiennent à l'ancienne religion des Celtes : on y
reconnaît des traces dii culte rendu aux arbres, aux
fontaines. Des médailles ayant pourl^ende, les unes
▲uLtRco, d'autres diaoulos, celles-ci conomos, celles-
là iBAiJix,.et représentant tantôt un sanglier, tantôt
un cheval ou un char tiré par des bœufs, sont les
monumens les plus certains qui nous restent du
peuple Aulerce.
Tite-Iive, qui écrivait sous Auguste, nous dit que,
dans l'armée de Bellbvëse, il y avait un<^orps tle la
nation aulerce. Il ne nousapprend pas quelle part ce
corps eut à l'expédition. Nous voyons seulement par
son récit que les Gaulois fondèrent en Italie une ville
qu'ils nommèrent Mediolanum (Milan ) , et nous
1
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 249
sommes assurés que les ÂuIerces-EburOvices ont eu
une citéqui, du temps de Ptoiémée, s'appelait à peu
près ainsi. En concluerons-nous que les Ejburovices
eurent le faible honneur^de donner le nom de leur
capitale à la ville édifiée ou agrandie par les compa-
gnons de Bellovèse. Les Celtes gaulois avaient-ils des
yilles du temps de Tarijuin Tancien^ sous le règne
duquel Tite-Live fait passer Bellovèse. en Italie ^ en
rapportant sur ce passage des circonstances singu-
lières et plus dignes d'un rhéteur que d'un historien.
Le même Tite-Live nous apprend qu'une colonie
de Cénomans, sous la conduite d'Elitovège ou d'Eli-
tovich (Elitovio duce ); se fixa dans les campagnes
où sont à présent Bresse et Véronne( d'autres disent
Crémone ).
Plusieurs écrivains, tels que Pline l'ancien, Slrabon,
Ftolémée, attestent que le nom des Cénomans s'est
conservé long-temps en Italie.
Gaton l'ancien , cité par Pline , a cru que les Cé-
nomans qui passèrent les Alpe^s avaient séjourné quel-
que temps aux environs de Marseille. Celte opinion,
à laquelle on s'arrête peu , n'est pas cependant inad-
missible. Serait-il donc invraisemblable que, dans
cette multitude marchant sous les ordres de Bello-
vèse, il fût resté une division en-deçà des monts ?
Cest peut-être à une semblable circonstance qu'on
doit attribuer l'établissement auprès de Matisco (Mâ-
cott ) d'une colonie 4'Aulerces dits Branovicçs. Ils
étaient au nombre des cliens des Eduéens.
Pplybe et Tite-Live nous apprennent quel fut le
s5o MÉMOIRES DT. LA SOCIETE ROYALE
sort de la colonie des Aulerces cénomans en Italier
lyalliésdesRomains devenus, dans les derniers temps
de la république , membres de cette grande puis-
sance, ils ne jouirent pas même, sous Auguste, d'un
SOI* bien désirable : on en peut juger par les plaintes
si touchantes de Virgile dans sa première Eglogue.
A répoque de la décadence de Tempire romain ,
tous les peuples qui- en avaient fait partie changèrent
de nom insensiblement , et les limites des provinces
ne furent plus reconnues. Le nom des Aulerces et
celui des Cénomans n'existèrent point en Italie depuis
le mojen âge.
César, dans ses Commentaires , nous parle encore
des Atderces, babitans des Gaules, mais ce nom ne
se rencontre plus dans les écrits depuis Ftolémée.
1 " II. '
MEMOIRE
Sur les Cénomans, par M» Louis de Mcsset , con*es-
poodaot ^e la Société.
§ P'. De tous les auteurs de Tanliquité, Césaresl
le premier qui nous parle des 'Cénomans. Il joint
à leur nom cellii à'Aiderce qu il donne ^ux Brano-
vices , ou BiHunwiiy et aux EburoVices ou Eburohes,
On ne lit qU'une seule fois dans les commentaires
le mot cenomanis. C'est au livre 7 de bello gàlUco.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 25 i
Dum hase ad Alesîam geruntur, GâlH , conciiio princîpium
îndicto 9 non omnes qui arma ferre possent, ut censuit Yercîn-
getorix 9 eoDTocaDdos statutint , sed certum numerutii coîq^e
ciritati imperandum. . . . Imperant^duis aique eorum clieu-
tibus* • . . Aulercls Braaoyicibus millia X^XY. . . . Nitiobri*
gibus quîna millia; Aulercls Cenomanis totîdem. • . . Aulercis
Ëburonibus (yel ) Ëburoyicibus trîna.
Ce que César dit ailleurs des Aulerces en général
ne convient'pas toujours aux Branoviens , cliens dés
Ëduens , mais peut s'appliquer aux Eburovices
comme aux Cénomans, et à ceux-ci comme aux
Diablintes leurs voisins. Tout porte à croire que ces
trois petiples formaient une confédération à rexeioiple
des Armoriques.
Si^ en consultant nos autetii^^ nous suivons un ordre
chronologique , il faut passer de César à Tite - Live
pour retrouver le nom des Cénomans.
Tite^Iive nous apprend que , Tan de Rome 564 9
un corps considérable de ces Gaulois franchit les
Alpes, sous la conduite d'Elitovich , et s'établit dans
la contrée qu'avaient habitée les Libuii.
• f
Alia subiade manos Geoom^aorum , ElitOTio duce^vestigia
priorum sequuta^ etc.
Il nous les montre à l'entrée d'Annibal restés seuls de
tous les GauloisV dans Talliance des Romains.
Duodeviginu millia Romani erant^ sociûm nominisque latiai
viginti; auxilia praeterea Cenomanorum : ea sola in fide man-
serat Gallica gens.
2^2 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
Il nous dit qu'ensuite ces Géoomans attaquèrent
Plaisance sous la conduite d'Âmilcar ; qu'ils se ré-
concilièrent avec les Romains » et que, dix ans après,
ils furent privés dé leurs armes par un prêteur,
mais qu'elles leur furent rendues par une décision
du sénat.
In GaUia M. Furius prœtor insôntibus Genomanis in pace
speojem belli quœrens, ademerat arma. Id Genomani con-
questi RopdSB apud senatum, rejectique ad eonsulem
arma reddita Genomanis.
Strabon , contemporain de Tite-Live , parle aussi
des colonies du peuple cénoman. Strabon est le pre-
mier auteur grec che^ lequel nous trouvions le
mot KevofjLccvo) ; et il faut observer que, dans la des-
cription de la Gaule , il ne fait aucune mention ni
des Aulerces, ni des Cénomans qui habitaient sur
les bords du Loir, de THuisne et do la Sarthe. H
se contante de dire que les natifs entre la Loire
et la Seine sont les unes à la frontière .des Séqua-
nois, les autres à celles des Àrvemiens. Il syoute
que ces derniers sont, ainsi que les Çarnutes, les plus
illustres entre ceux de la Lionoise.
Un tel passage, dans un auteur aussi exact, aussi
judicieux que Strabon, nous montre que les Gaules
étaient alors assez mal connues.
Pline le Naturaliste, mort en l'an 79 de Tère
chrétienne, parle des Cénomans au livre 4 j cha-
pitre 18. Nous citons ses propres termes :
Aulerci qui cognominati Eburoyices et qui Genomani.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 255
Le même auteur fait aussi mention des colonies de
cette Bation en Italie^ et il ajoute^ lib. III :
Auctor est Gato ^ Genomanos juxtà Massilîam habitasse in
Volscis. .
Le géographe Ptolémée, qui a vécu sous l'empe-
reur Adrien, désigne sous le nom, générique d'An-
lerces les Eburovices ( Evreux ) les Diablintes ( Ju-
blains) et les Cénomans (le Mans). H donne le
nom de la principale ville des Cénomans , et l'ap-
pelle cvLvhvovy Vindinum. Lib. II, Cap. 8. Tabi. 5
Europae.
La table, dite de Peutinger^ porte le mot suindi-
nunty ou même subdinum f au lieu de celui de uin-
dmum.
Oo lit dans la notice des provinces de l'empire,
cwitas Cenomanorum. Enfin , nous trouvons dans
l'état des dignités ée Vem^ive, purs occidentalis, ce
passage remarquable :
Prsefectus lœtorum gentilium Suevorum, Genomanos; Lug-
dunensîs tertiœ.
La table de Peutinger et le livre de Ptolémée sont les
seuls monumens qui désignent d'une manière cer-
taine, par les noms de suindinum, subdinum ou vin-
dinum y la ville des Cénomans. (irégoire de Tours, le
plus ancien des écrivains qui en aient parlé depuis
Théodose-leGrand, la nomme toujours wri^ Cenoma-
nica , ou cwitas Cenomanis y civitas Cenomanorum.
Ce n'est que vers lé treizième siècle de notre ère.
254 MÉMOIRBS DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
que ces différentes expressions se traduisent en lan-
gue vulgaire par le Afans, la ville du Mans , et qu'on
trouve aussi le Maine ou le pajs du Maine .
On a déposé au muséum à Paris une médaille
trouvée à Alonnes-lès-Mans , en 1788. Sur cette
médaille, quelques personnes ont lu Conomos; d'au-
tres lisent Cenpmos et la croient propre à la cité
des Cénomans. On assure qu'il a existé une inscrip-
tion qui présentait le mot senomani. Ces restes de
l'antiquité ajouteraient peu de choses aux connais-
sances que nous procurent les textes des divers au-
teurs que nous venons de rapprocher.
Les Cénomans étaient séparés des Eburovices
par une vaste forêt, nommée dans les actes du moyen-
âge Salins Perticus, Ils confinaient vers l'ouest à
la cité des DiabHutes et à celle des Àrvii ; du coté
de l'est aux Gamutes , et vers le sud aux Turones.
Les Cénomans furent compris par 1^ Romains
dans la métropole de Tours ou Cesarodunum, et ils
eurent, soit avant /soit depuis la conquête desGauleS;
des rapports assez intimes avec les cités armoriques;
ils firent cause commune, torsqu'elles se çévollè-
rent contre les oflSciers de l'empereur Honorins.
L'historien Zozime parle , au livre Vi , de cette ré-
volte , dont nous ne nous arrêterons point à faire
conjiaitre les suites/
Les Cénomans avaient pour la majeure partie
embraçsé la religion chrétienne , lorsque Renomer,
avec un corps de Francs, occupait leur cité et se di-
sait roi. L'historien Mezerai conjecture qu'il pou-
DES ÂNX1QUAIU£S ]>£ FKAljiCJ:. 255
vail éire ^Is de Mérovée. Quoi qu'il en soit , Glovis
était plus puissant que ce Benemer > et trop jaloux
de Fautorité souveraine pour consentir à la partager
avec personne. U fit. périr ce Renomer avec Rag^
nachaire son frère , et s'empara des trésors de ces
princes ; qu'il immolait à sa politique.
FueruDt autem Ragnacharîus et Rîcbarîus supràdictî reges^
propînqùi Inijus^ quorutn frater Regoomerfs nomine^ apud
Cenoinanis cÎTitatem ex jassu Ghlodoyechi interfeetas est :
quibùs mortuift^ omae regnuin et thesauros Ghlodovechus
accepit^ interfectîsque et aliîs multis regibus Tel parentibus
suis prîmis, de quibus zêlum babebat , ne ei regaum auferrent,
regnum suum per totas Gallîas dilatavit.
Grego, TurS'Hist, F. Lib, a.
L6 meurtre de Renomer excita quelques rumeurs
qui furent bientôt iippaisées. Depuis cette époque,
les Génomans ou Manceaux paraissent avoir été
le plus ordinaireoient dans* le partage du roi qui
était le maitre de Paris. Sous la fin de la seconde
race ils étaient soumis au duc de France qui leur
nommait un comte , ou avait du moins une grande
iufiueace sur la nonûnation de cet officier. Depuis
Hngues^jê^et , ce comte de la Cénomanie devint
souverain , sous la suzeraineté des rois de France,
iAiais.il trouva dans les comtes d'Anjou et les ducs
de Normandie des voisins trop redoutables. Le Maine
était avec la Normandie et l'Anjou, etc. , dans la
u^in du roi d'Anglelerre, Jean-sans-Terre /lorsque
Philippe Âxiguste réunit toutes ces provinces à sa
couronne.
^66 HÉHOIRBS DE LA SOCIÉTÉ ROTAtS
g II« Monumens anciens. — La cité du Mans est
bâtie sur une colline que baigne d'un côté la riyiëre
de Sarthe^ et qui de Tautre côté est bornée par
une petite vallée ouverte du nord-«st . à Fouest. La
rivière de l'Huisne courant à peu près dans la même
direction , et au moins à unejieue desmurs de la cité,
va se réunir à la Sarthe, au lieu uommé Bouche
VHuisne , et tout à l'extrémité de la colline sur la-
quelle nous avons dit que la cité est bâtie. La ville
entière se compose du quartier ou faubourg Saint-
Jéan et du Pré, situé sur la rive gauche de laSarthé,
du faubourg de la Couture , place des halles , et de
l'Eperon et du quartier des arènes, etc. Les halles sont
placées sur une éminence , entre la cité et l'abbaye
de la Couture; les arènes sont sur une autre )émi-
nence au nord-nord-est de la place des halles> et à
l'est de la cité.
Il parait que la colline sur laquelle cette cité a été
bâtie avait été consacrée au culte druidique, et
nous en conclurons que les Cénomans, qui venaient
pour adorer Esus ou l'Eternel, n'y faisaient pas leur
demeure avant la conquête. Les Romains s'emparè-
rent de ce poste entre deux rivières assez considéra-
bles; les éminences dont nous avons parlé leur rappe-
laient une faible image des montagnes de Rome. Os
firent une citadelle de l'enceinte consacrée au culte
du peuple vaincu ; ils construisirent un cirque, des
arènes à l'opposite de la citadelle. Les* Gaulois ha-
bitèrent au pied de la montagne principale. Lorsque
les Cénomans eurent reçu la foi chrétienne, on
pUçaries objets du nouveau culte dlans le lieu même
ou l0S ai^oiens les avaient adorés > et on fixa Ja sé-^
polttjve ' des chrétens sur là rive gauche de la Sar-
the (qoaartiér Siîa^*Jeao). En bâtissaorC Téglise pnu-
cipale dans la cité , on n'en fit p as disparaître les mo-
Dumens druidiques que les fitmiains y avaient laissé
subsister. Il existait > il y a environ tr^te ans> deux
vastes tables de pierre^ près de la porte de laça**-
thédrale^ en face de k grande rue. Ces deux tables
étaient nMàmées pien^es au hîL On remarque en-
core , dans un angle de la cathédrale; en y entrant '
par la grande porté , une - pieire en forme de cône
aplati : elle a 1 4 pieds de hauteur , sur 4 de largeur.
Dans plusieurs églises des campagnes ^ il se trouve
de même , à Tencoignure , vers la porte d'entrée ,
d'énormes pierres plates et non taillées. Elles sont
enclavées dans le mur et en forment la première ^as^
sise. Il m'a semblé que quelques-unes de ces pieti^s
avaéent été des autels anciens.
Hn'j apasde doute que lespierresqti'on voit i^'sur
le ebetnia de Conneré à Dolon^ 2® dans la commune
de C»ans; 3^ près de Vouvray > sur l'Huisne , 4** à*
l'entrée de Torcé^ 5® dans la lande des Moirons^
6® dans celle de Saint^Mars^ li'aient été élevées par
les Celtes et n'aient servi à leur culte; Ce culte, sui-
vant la remarqua du savant bénédictin Jacques Mar-
^ tin ( Religion des Gaulois^ 2 vol. in-4^ ), a beaucoup
d^leonformité avec celui que lés Phéniciens et les
Carthaginois rendaient à la divinité. ^*
IV. 17
\ -
•
J'iodiquerai encore , comme' monum^s de J'aUt
cienne religioo des Celtes^ les tumiUi qtii se trouvent
efi plusieurs endroitsdu Maine. Il eo existe deux dans
rarrpodissemeotde Saiat-Galais y l'ua aïKX sources de
l'Anille^ l'autre entre Ruillé et Yaqcé, aulieiuiomiaé
la Vallée qwc Termawf^ Oo a defNoia peu^ cremé
à la base de oes deux tumulij la t^rre s'est tr^?^
assez compacte pour y pratiquer une espèce dc^ ça*
veau. Ëa faisant cette fouille^ oa u'a trouvé aucup
vestige d'aptiquité. J'ai remarqué d'auti^s éwiaeQgi9^>
ou buttes , formées à mains d'bomme& daas des enn
ceintes ou l'on sait qu'il a été établi ,des postes, mi -
litaires, comme àla Ghartre et i.Nogeiit-sur-le Loir,
à Poncé y à Rossaj , à Mootjoiet C'est sur C4^s buttes
qu'étiaient élevées les tours principales > le danjfOgi.
Il est faciLe de le reconnaître^ lorsque le donj^n était
empierre» comme à Poncé ; mai;» quelquefois i| éfu^i
en charpente ; et^ quand il a été déta^mt^ il n'en fst
resté aucun vestige ; c'est ce qui peut faire cpnfoiMJbe.
ces sortes de baltes avec les véritable;» Ui^iUin On
s^pdUle merci: ou mère de choie l, le Heii élevé sur
lequel est. ou la demeure du se^neur> ou le gibet de
sa justice.
M- Maulmj; membre de la Société d^s ajvte et
sciences au MaQS> a donné sur les mainrhirion ou
pierres élevées , memi-gvir ou hommes .piliers qii.'ai>
rencontre dans le Maine. > un méwm^ qïiie Tan de
ses collègues^ 9f. Renouard^ a fait impiimev dips
l'Annifeire de la Sarthe pour l'an xi»
DJSS AKÏIQDUtlRlïS D^ FRANCE. 25q
Ob Joit ftu même M. Renooard des observations
SQF le culte des arbres et fontaines dans les dépar-
temans de la Sartlte et de la Mayenne.
J5. Mœurs et usages. — L'usage dé célébrer avec
pompe la fête de Noël, de poser, vers la fin du jour,
dans le foyer, le tréfaux oub'uche de Noël, de chan-
ter pendant plusieurs soirées avant cette fête No.,.
No! celui de faire des quêtes pour les églises ]pen-
dant les premiers jours de Tannée; tous ces usages
tiennent aux habitudes anciennes des Celtes. Les
quêtes doïit nous parlons se nomment les quêtes d^jéu
gui tan neuf.
Œaque bourg ou village a eu et quelques- uns
conservent encore leurs fêtesou jours de réjouissances
particulières. Ici, avant le carême, on tire Toiseau;
là, dans la semaine de Pâques, onfaîtsàuter âuxnou-
veâux Mariés un ruisseau ; on jette, avec certaines
cérémonies, des bouquets de primevère ; on brise des
lances, ou Ton s*exerce à là course. La danse de la
biche ou bidoche est cotmùe dans tout le Maine ainsi
que dans- lés provinces voisines. Au Mans, pendant
les jours du carnaval, le rendez- vous des masques
hors de la ville , dans un bois de sapin , parait être
un usage fort ancien, ainsi que la procession des
lanciers qui se faisait dans la semaine sainte.
Au premier jour de mai, on élève dès arbres, ou
an moins on pose des branchés à la porte des mai-
sons.
Dans ce même mois, on s'exerce à tirer; avec des
»7*
2G0 MÉMOIRES DE LA SOCIETE ROYALE
armes à feo , à la cible. La cible ou bot a retepu le
nom de pavois.
Le {liremier dimanche de carême^ on fait à la fin
du j OUF; BYtc des douelles , sur des eusses ou poinçons
vides , une espèce de charivai'i qui, entendu de loin >
ressemble au bruit d'une meute qui chasse* On se pro-
pose d'éloigner ainsi les 171 u/o^^ des champs ^ ou plu-
tôt on annonce l'ouverture des travaux de la cam-
pagne^ comme au temps des semailles on en annonce
la fin f en faisant demander à la fermière^ par le la-
boureur , qu'elle coppe le cou au çpq, et qu'elle fasse
de cet és^eille-matin un ragoût, parce, que les labou-
rages sont terminés.
Autrefois ; au commencement du carême^ ou par-
courait la campagne y portant, au bout de lox^ues
perches , de petites bottes de paille auxquelles on
mettait le feu. La police a défendu ces réjouissances
connues sous le nom de fête des brandons ; elle a
défendu également les feux de la Saint-Jean d'été.
Pçndantla moisson des grains de mars où de prin^
temps, les moissonneurs chantent en chœur des chan-
sons , dont le refrain est au bois , joli bois , oh ! je
m'en ms. On se plaint dans ces chansons de là cha-
leur du jour ^ et on invite la ménagère à donner des
rafraichissemens à ses ouvriers.
Le christianisme n'a point fait perdre au peuple la
crainte des sorciers et sorcières qui tourmentait nos
Gaulois. Partout des spectres blancs, des loups^a-
roux, des revenans. Les anciens habitans connaissent
tous les carrefours où se fait le sabbat. On raconte
DES ANtlQUÂl&£$ DE FRANCE. 26r
aux îetiDes gens^ pendant les longues soirées <ïbiver,
de merveilleases aventures de magiciens «t de soiS-
ciers ; il se trouve même des gens qui se donnent
comme ayant le don de prédii^e Favenir , de décou-
vrir les choses cachées^ de détruire l'effet des charmes
et des sortilèges. Jamais ces charlatans n'ont été si
hardis,ni en si grand nombre^ que petidan t que Texer-
cice de toute religion était comme interdit et que la
décade avait remplacé le dimanche^ /
§• 4. Traditions. — On a dit ei répété , sur la foi
de quelques vieiUçs chroniques , que Sàmothès y roi
des Gaules^ eut>un fils nommé Sarvon ou Sarlèron ,
etuque cefils fut le fondateur d'énè ville sur la Sarre
ou Sarthe. Un passage de Bérose sert de texte atout
ce qui en a été débité.
RegoaTÎt apud GelUs î^rrotij etc.
Où a prétendu que la ville de Sarron fut détruite ,
par les druides et les Sarrhonides , et rebâtie par un
autre roi des Gaules^ nommé Lemanus, qui luidoûQ^
son nom. On cite encore un passage d^un auteur anr ,
cien pour autoriser cette tradition. On a lu dans Ma-
nethon :
RégoaTÎt apud Celtas Lemanus.
Un chanoine de Bergame a été plus loin> et a in*
venté un personnage qu'il appelle Cidnus , et il eu
fait sortir les Cidnomans; puis les Génomaiis^ établis
en Italie.
\
262 MÉMOIRES DE LA SOCIETE ROYAIC
D'autres supposent uoe alliance enl^ljss Lemanois
et les S emnoiSi et de cette fiance sortent les Se^
nomni > ou Génomans.
. On a fait remonter au temps des premiers disciples
de^ apôtres la mission de saint Julien dans le Maine,
et on a supposé que ce saint fut eontempcnrain d'un
DefensoVf roi du Mans. BaiUet a débtiit. cette fable
que Bondonnet accusait rfaistorien (1) dés évéques
du Mans de n'avoir pas respectée comme uhe tradi-
tion ancienne.
La f atbédi:ale > dédiée d'abord à là Vierge , et
maintenant àsaint Julien ^ l'a été pendant long-temps
aux martyrs saintGervais et saint IVotais, protecteurs
de Milan. En dédiant à ces saints une égJUse dans la
Celtique ^ on se rappelait que les Aulerc^s y et en par-
ticulier les Génomans, avaient fait de grands établis-
semens au-delà des Alpes. Un évéque du Mans, con-
temporain de Glovis et de Childebert, écrit à Farche-
vêque 4^ Milan pour le remercier de loi avoir en vojé
d§s reliques des saints martyrs^ et lui dit :
' Ddiitum etblvisti. Si enîm longîus qusesîeTeris^ tu nobis
DMfKM GeDomaQos martyros reddere debuisti.
§.6. Langue des anciens habitans du i^fa^/^e.— Nos
recherches à cet égard sontencorç peuJip^nbreuses ;
nous nous bornerons à indiquer quelques mots, tels
que : aguilaneuf $ anuit ; buée ; butle ; borde ; barre,
ou siège d^une justice; cour, id. ; courlil, oùche^
(1) Le Corvaisier.
1>W ANTlQi AIR£S DE FKANAS. 263
OU jai^fû , cochelin^ carquelin (sorte de gâteau^; ba*^
ratte ; baratté ) trinc , (Hi pelit4aît ; bique polir chetré;
éeelter (couper le bout de l'aile) ; duit^ ou fps$e ;
ebintre; piaterné; ^ât^ ; gareette ; faquelin ; hardelle ;
troëS) ou trogne ; Tantier; habergement.
RECHERCHES
Sur le pays des Unelli et sur les yilles qui y ont existé sous
la dotbination romaine ; par M. de Gbbtiiab f correspondant
de la Société. * •
ni LA, dernière réuDion de la' Société ; lorsque je
vous donnai lecture d'une notice sur le camp ro-
main deMontcastre , je prétendis que le caiiip de
Sabinus , lieutenant de César dans le pàjs destFnélK,
ne pouvait se retrouver ailleurs que dans leCoteiitin,
parce qu'il était reconnu que les Z/zie/// aVaient ha-
bité cette partie de notre département.
En faisant des recherches pour prouver cette as-
sertion , j'ai eu occasion de remarquer un accord
extraordinaire sur ce point eiitre nos plus savans
critiques en géographie ancienne.
Mais cette unifoi'aiité ^ si concluante sur le paya
qu'occupaient les. £^/2e///>disparaît entièrement qutfcid *
il s'agit de fixer la position des villes qui existaient
chez eux sous l'empire romain. Lltinéraire d*Aiito-
26/| MKUOmES DE LA SOCIÉTÉ ROY AtE
nio en iàdique deux'; Alauna ou Alaumum et
Cosediœ. La lable théodosienne , connuèsous le nom
db Peutinger^ en ajoute deux autres, Coriallfmi et
Cronciaconnum, qui est évidemment le Cronciatonûhi
de Ptolomée; J'ai voulu voir quelle situation leabons
géographes donnaient a ces villes. J'ai trouvé pres-
que autant de sentimensque d'auteurs différens, sur-
tout dans le siècle qui vient de s'écouler. Je me pro-
'pose aujourd'hui de donner à la Société un précis
de ces différentes opinions ^ après quoi j'essaierai
d'en faire l'examen. Je crois qu'il sera nécessaire de
faire précéder cette recherche par un aperçu des
raisons qui ont fixé la position desUnelli dans le Go-
tentin.
Àla fin du seizième siècle, Ortelius^ dans une carte
de la Gaule destinée à figurer à la tête des Com-
mentaires de César , mit les Unelli entre le Maine et
laTouraine. Lesfanieux graveurs Blaeu copièrent la
carte d'Ortelius , mênîe dans l'édition de leur grand
Atlas, faite en 16^0. La simple lecture des livres II
et VII des Commentaires de César prouve l'erreur de
ces géographes jusqu'à là dernière évidence (1).
\
(1) Voici lés passages de César qui prouvent que les Unelli
habitaient le bord de la mer. Miserai ad Yenetos , Uaellos et
qu8B sunt marîtimiB civitates Oceanumque attingunt. De Bell
Gall., Lir. II.' xxxiy. Unirersis cÎYÎtatîbus quae Oceanum attin-
gunt quœque eorùm consuetudine Armorie» appdlIaQtar^ q«»
suDt'jtt numéro Unelli, id, Liv. VII 9 7^.
Hardouip et Adrien-de^Valois, quoique contraires à SaasoQi
DES ANTIQUAIRBS OS TRÂNCB. 265
An coiumencementdu siècle suivant, Nièolas Sausoa
« entreprit de défricher dans la Gaule le champ de
« la géographie presque inculte avant lui. » Il plaça
les Uoelli dans le Gotentin. Son :opinion, faiblement
combattue par Adrien de Valois et le père Hardouin,
fut adoptée même par le père Labbe, maigre ses dé-
mêlés avec Sanson. Nicolas*, Guillaume^ et Adrien
SaDson , héritiers de la fortune, des travaux, des con-
naissances et d une partie du génie de leur père, sui-
virent et défendirent son sentiment ainsi que Pierre
Moollart son petit-fil^. Le père Briet et Cluver se
rangèrent du même parti. Gellarius, dans son ex-
cellente notice, et Nolin, en 1 7 14> s'y joignirent aussi.
Don Bouquet donna , en 1739, dans sa Collection,
une carte de Gaulé rédigée par Gilles Robert, sur les
observations de Tabbé Le Bœuf; elle est entièrement
conforme aux précédentes,pour ce qui regarde le pays
des Unelli. Robert de Vaugondy, en 1765, suivit Topi-
nionde son père. L'abbé Bélley, en i756,dans un "mé-
moire où il combat le sentiment des Sanson relative-
ment à quelques positions , est d*accord avec eux sur
celle des Unelli , ainsi que d'Anville , dans une
carte de la Gaule insérée, en 1/45, dans le douzième
ont jagë qu'il fallait chercher les Unelli aa bdrd de la mer;
ils lès ont reportés jusqu'à rextrémité de la Bretagne , vers
Qaimper, patrie du P. Hardouin. Leur sentiment n'a pas été,
suivi, mais il a pu élever assez de doute sur celui des Sauson
daus le 1 7® siècle , pour que l'éditeur des commentaires de
César, ad usum Delphini , ait dit, en parlant des Unelli,
i^nopantur.
^66 MÉMOIRES DE LÀ SOCIÉT]^ ROYALE
Volome de THistoire iromaine continuée par Creyier;
et dans sa notice publiée en 1760. La découverte des
ruines d'une ville romaine à Àlleaume avait paru à
ces savans concluante en faveur de Topinion de Ni-
colas Sanson qui avait déterminé ce point important
sans le même secours. J'ose prétendre que, si lé camp
de Montcastre est le seul que Sabinus ait pu occuper,
sa découverte doit être encore plus décisive ; car lès
savans qui s'accordent à regarderie Gotentin comme
le pays des Unêlli^ diffèrent exttaordinairement les
lins avec les autres quand il s'agit seulement de sa-
voir si Foucault, en 1696, a découvert les ruines
èiAlauna ou celles de CrociatoHum .
En effet, quelles raisons pouvaient faire incliner à
croire Tun plutôt que l'autre, si on ne convenait pas
que Sanson avait eu raison de placer les Unelli dans le
Gotentin? Ne pouvait-on pas même rejeter les deux
opinions, si on. n'admettait pas celle de Sanson ? Sans
doute les ruines d' Alleaume annoncent l'emplace-
ment d'une ville, et d'une ville romaine . Mais quelles
dimensions devait avoir ou ^launa ou O*ociat0'
»
num ?. aucune qu'on puisse poser en principe , pen-
dant que l'espace requis pour un camp romain est
d^ rigueur en proportion du nombre des troupes qui
y ontcampé ^ pendatit qu'il est à pcfu près impossible
de rencontrer ailleurs un secoild oamp à la diâlaticë
indiquée par César pour celui dés Gaulois.
Maïs, diï^ar-t-on , les distances malrquées dam la
table théodosienne et dans l'Itinéraire d'Antoniti peu-
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. àdj
venl déterminer là positipii respective de ces deux
villes} cW Ce que je vais essayer d'examioér.
Panni les auteurs qui ont entrepris d'indiquer l^s
lieux où existaient les villes et les station^ romaines
dans le Gotentin , je vois quatre Opinions enîte les-
quelles les sa vans se sont partagés. Nicolas Sanson
place Alaunà à AUeaùme ^ Coriailum à Cherbourg ^
Cosediœ et Constantia à Goutances, et Crociatonum
àCarentan. Sa carte de 1627 avec le traité qui y est
joint, celle de i€4i , ses notesi à la tétè de la traduc-
tion de Gés^r par d'Ablan court en font foi, et d*ail-
leurs personne n'en doute.
Son opinion , malgré les difficultés que présente
la distance enire Carentan et Âlleaume^ qui ne ré-
pond pas à celle que marique la Table de Peutinger
entre Crociatonum et Jilauna, fut adoptée àpeb près
généralement par les meilleurs géographes auxquels
il faut joindre Foucault , qui fit faire les fouilles
d'Alleaume en 1696 ^le savant jésuite qui les dirigea
(le père Dunod), et don Bernard de Montfaucon qui
a donné le dessin du théâtre à^Alaana , dans le troi-
sième volume de rAntiquité expliquée.
En 1739, lorsque don Bouquet fit exécuter la carte
dont nous avons parlé , carte conforme à celle de
Sanson, au moins pour ce qui concerne notre pays,
il s'appuya encore de Tautorité de Tabbé Le Bœuf.
Cepchi<lant, en 1747? Le Boeuf avait changé d'io-
dée relativement à Cwciatonurriy qu'il reporta de
Carentan à Cons^ains, près de Saint -Lô. '
D'Anville , deux ans plus tôt, avait donné Texem-
UGS MEMOIRES DE LA SOCIETE ROYALE
pie de ne pas croire comme Sanson ; il avait marqaé
dans sa carte pour Thistoire romaine^ Crociatonum
àÂlleaume. Il est évident que ces deux savans ne s'é-
taient pas concertés. .
En 1756; au mois de juillet, dans un mémoire lu
à rAcadémie des Inscriptions, Tabbé fielley com-
battit Topinion des Sanson et celle de Le Bœuf;
il prétendit prouver, par les distances itinéraires, que
Crociatonum avait existé à Àlleaume, et o^Alauna ,
qu'il supposait avoir été un port de mer, avait été aux
Moitiçrs d'Alonne^ proche Garteret. Il laissa encore
aux Sanson la position de Cosediœ, à Goutances, et
celle de Coriallum à Cherbourg. .
Quatre ans plus tard , le célèbre d'Anvilleipit au
jour sà Notice de la Gaule; Crociatonum , suivant
lui, devait rester à Alleaume, et Alauna auxMoiliers
d'Alonne : il enleva en outre Coriallum k Gberbeurgy
à Goutances Cosediœ^ et Legedia à A vrancbes , pour
reléguer la position de ces trois^ villes dans, des , vil-
lages qui, tous ensemble, n'ont présenté aucune an-
tiquité romaine . Coriallum fut placé par lui à Gouij
à la pointe delà Hague , (M9^e^i^ à Montgardpn > .
Legedia à Lingreville. Constantia^ qu'on avait tou-
jours cru, être un nom plus nouveau de Cosediœ^ fut,
selon lui , une ville toute différente et qui en étgiit
fortélçignée..
La juste célébrité de ; d* An ville entraîna presque
tous les suffrages. Cependant. Belley crut devoir
persister dans son sentiment ; il Tappuja par un mé-
moire, très-détaillé et rempli d'érudition. CesaYant,
DES ANTIQUAIRES DE FRANCK. ^^69
pour procéder avec plus dé clarté , cotnmence par
donner uo détail des meilleures éditions ou des ma*
nuscrits de la Table théodosienne et de ritioéraire.
Il pose en principe que « les voies romaines passaient
« par les cilles capitales des peuples , et qu'elles se
« comptaient en partant des villes qui dominaient stir
tun territoire. » Il ajoute un autre principe fondé
sur ses propres recherches y sur les observations de
Melot; un des plus savans académiciens du dernier
siècle^etsur celles de d'Anville ; c'est que les lettres
M. P., dans la Gaule celtique, signifient des lieues
gauloises de 1 1 34 toises chacune. « Le nombre de ces
« lieues ^ ajoute-t il , n*est jamais entièrement de ri-
« gueur, c'est-à-dire, qu'on ne compte jamais q'uelcs
« lieues complètes , de sorte que Texcédant fait soa-
« vent près d'une lieue plus qu'on ne marque réelle-
« ment. » Ces principes n'ont point été contestés.
Le lieu où commencé la route est représenté (dit-
il) comme une place maritime; il en conclut que
c'est Âlonne qui a conservé son nom sans altération.
Il est près du port de Bameville{ i), lieu d'enabarque-
ment , suivant lui , pour Jersey et pour Guernesey,
Telle est l'opinion de l'abbé Bell ey relativement à
Alauna : nous verrons bientôt comment il la prouve.
Il place Cosediœ à Coutances, et en cela il
s'accorde avec tous les géographes, excepté d'An-
(i) Àe crois que c'est pftr érreurquè BeHey cite le port
deBaroeville; on ny eonoait pas'dieport de ce nom^ Port^bail^
dont unie partie aa mcrtns dut Qom est romaiDc, a toulofirs été
le vrai port pour passer à Jersey et à Guemesey.
2^0 IIEHOIHES DE tX SOCIEli ROTAtE
ville 4oDt Topioion conVteàre ne lui semble pds âsse^
prouvée. U s'accorde avec le inême ( contre le sen-'
timent le plus généralement reçu ) pour soutenir qud
' ce furent les ruines de Crociaêonum et non celles
à'Alaumii que Foucauk décOHvrit à .âdleauaie
en 1696.
Tçl est le précis des principales opinions sur la po^^
sition de$ vilies roiniaines dans le Gotentin qui se
trouvant indiquées par l'Itinéraire d'Antonin et la
Table d^Peutinger. La partie lapins difficile de ma
tâcbo^me reste à rempUr , c'est d'examiner et de dis**
cuter ces mêmes opinions* Une seule peut être juste,
car la vérité est une ; on bien il peut se faire qu'elles
soient toutes plus ou moins défectueuses , il n'jr a
point de milieu.
I^icolas Sanson^ en plaçant Cosediœ à Goutances,
et en supposant que Constantia est un nom posté-
rieur de la même ville, a pour lui tous les suffrages,
hormis celui de d'AnvilIe.La position de cette ville
me paraitsolideKieiit établie par l'abbé Belle j, quoi-
qu'il n^ soit'pas d'accord avec Sanson sur celle d'^-
iQima ; la raison de cette conformité vient de ce que
la distance est à peu près la même des Moitiers d'A-
lonne, oude Yalognes à Goutaïîces (1). Les distances
de l'Itinéraire d' Antonin'^ d'après toutes les éditions
etj^s quatre manuscrits que cite l'abbeBellej^cadreot
(1) J»a diataoce parait uop^u^pltfs longue éerVatogaesâ Çoo-
taDçea ; n^ais si l'on xA^esir^ <|He eiHI^<i!Oil€e eK eattrêmeaeDt
droite, 1^ diJTéreiice di8pai'^l;ra d'abdcd. -J'engage à vérifier
cette assertion sur la carte de Mariette ou suc celte de Gassint.
D£S ANTIQUAIRES DX FRANCE. âyi
av^c çf^Uc3 àes pasitiotis marquées par ce^ deux 9t\kr
teucs fais'accordetitsipeu d'ailleurs. Tous lesescei^-
plaires iaar<|ueDtTiogjt li§ues gauloises qbi ^ à raison
de n34toi3esàl4lieue, font st2,6^o toises. Quoso
çxamitte avec te compas et qu'on juge. Si l'on trouve
m peu pki$ qu'il pe £aut entre AUeaume et Cou*-
taoeesi Texcédant ne s'élève pa3i aurdelà des bornes
p^ées dans le second principe de J'akbé Belley. Le
preibier peim^ipe établi par ce savant milite également
eo£aif0)if dasenliment qu'il coad>at. Les distances ,
dit-il, se comptaient en paitant des villes qui domi^
noient sur un territoire. Qr j comme un chemin ro~
iD2tin,.de l^aveu'dc Belle j, se .trouve partir d'Air
ledvmieet cpuduit à Goutapces (i), comme on n'e^
(i)Ce qui confirme , dit Belleydans son dernier Mémoire ,
la direction de Gosedice à ConaUum ( je crois qu'on deTrait
lire Oioeîatooàjm )> ce sont led restes de ^ancienne « yoie
« rm^ine qui seteocostrentàvu Ueu nommé CheminPerrey^
« entre Saint-Patrice et Gonfrerille , à cinq lieues communes
« aa iwNBd dp CmUVQiS^* » Gie^ cbMrii]^ doutMavîMteindiqiMit
la trace il, j a plus de. cent ans , se trouve enoûre %t èxù» k
laade 4.e Saûpd-Pfttrice de Ckid^ ^ et à Pefîerji> le long de la
vi€[iik^ routp d'AUeaume à Coutaaces, vis^à-rTis d'uft« ferme
nonuu^ la ipTiicAoTui^rfei. Ce chemin^ qui est le plus droit de
tou3 1^8 aiii^ieyas çtu^VMQS du dt&parteo^nt, retient^ à beaucoup
d'auljp^^odrpits, le noip de chemin Ferré ^ oom qui^ suiyani
B€^gii^j( Aiat. ,^8 chemins dis l'esapire ) , indique généralif*'
ment u^e TQie romaine. Uai« ^i Bellej pem ciboire qiae oe
cheipif Q9|i^f0ie 5Vft opinii^ relativ^iuejlt à ladSreetioQ de
Cose|%^ ^irapîmiMH4Qi.> {e laiase à {«(^r jsî ^ d'i^s lea dèfeub
que- )'ai donnés^ il ne confirme pas bien davantage celle de
272 MÉMOlllES DX lA $OClKté IlOYALE
retrouve des traces que depuis AUeaume > comme il
a la longueur déterminée par Fltinéraire ab Ahama
CasediaSf n en résulte-t-il pas, même d'après les prin-
cipes de ra|>bé Belle j, qaAlauna était à Alleaume^et
que c'était la principale initie du territoire à Tépoq^e
de la rédaction de lltinéraîre ? Les antiquités cf^
leaume et de Goutances viendraient encore appujer
ce raisonnement. L'assertion qu'il doit se trouver une
route romaine entre les Moitiers d'AJionne et Goa-
tances est dénuée de fondemetot. L'abbé Bellej et
d'Ànville ont sûrement été trompés.
La distance des Moitiers d'Àlonne à Mon^ardi|B;
où d'Anville veut placer Coêediœ, ne cadre pas
avec celle que marque l'Itinéraire entre les deux
villes dont je viens de parler. Pour soutenir son as-
sertion , d'Anville est réduit à altérer le texte de
toutes ;lés éditions ,et à mettre 9 lieues gauloises an
lieu de 20 qui sont marquées dans tous les exem-
SantoD , et si ce n'est pas bien plus probablement ce que Tlti-
néralre d'Anloiriti a Dommé t^^r ah AîaufM Co^edias.
Quoîqu^on ne discoDvieDDe pas , dit d'AnrlOe, que, par
le>«défaut d'attention ou rignorance des- copistes ^ et par Fin-
juré du temps, les itinéraire» ne sotft pas parvenns jusqu^à
nous aussi corrects qu'on le désirait , toutefois je n'bésite pas
à dire que c'est trop légèrement qii'on leè taxe sootefnt de
défeetnosité, et presque toujours piar tinte de eonm^lreles
lieux qiii y sont indiqués , et même pour youloir, mal à propos
et sans fondement, les transporter à des* endroits étrai%erf et
tout autres qoje les TérittUes.' Éeiaireissemens ntr Irancmne
Oauiêj pag. 9. .
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 273
l^aires. Nous avons yxt <fae les positions indiquée»
par Sanson n'cHit pas besoin de pareilles ressources ;
il me semble en résulter que son sentiment est le seul,
jusqu'ici qui puisse soutenir Tépreuve a une discus-^
siooé Vojoos si son emplacement d'Alauna ne sera
point dérangé par la direction de la route qui , sui*
vant la table de Peutinger , allait de Coriallum à
Condate( Turonum ) Tours , et passait pav jàlauna^
Pe cette dernière ville à Cbr/a//eim^ la table mar-*
que 7 lieiie$ gauloises. Cette distance ne peut con*
venir au système de Tabbé Belle j, qui place Alauna
aux Moitiers d'Alonne ^ et Coriallum à Gberboucg.,
En effet ^ au lieu de. 7 lieues gauloises il 7 en a envi«-
pon i3 de Cherbourg aux Moitiers ; Belley ne se
tire d'embarras qu'en donnant deux jambes de plu&
au Y dont il fait un x^ et en ajoutant : « Il faut somment
« que les nombres cèdent *aux ^rconstances locales^
« quand les positions sont bailleurs fixées et déter-
< minées : » doctrine qui mènerait loin si on en fai-
sait souvent l'application sans de meilleures raisons.
Voyons 7 d'un autre côté ^ comment d'Ânville
s'y prend pour étayer la supposition qa^jilauna est
au:ic Moitiers d'Alonne et Coriallum à Goury • Laqarte
de Mariette marque plus dq 2 1,000 toises à vol d*oir
seau entre ces deux {>laces , ce qui donnerait plus
de xviii lieues gauloises, au lieu de vii^sauscoixipter.
que le terrain entre ces deux places est montu^ux ,
et qu'on n'y voyage pas en ligne droite. D'Anville
semble n'avoir pas aperçu cet écueil , et n'avoir fixé
son attention que sur la conformité de distance j.
IV. i3
L
dj4 HÉiœiEES DS LA SOCIBTi AOYÀtE
soivftiil la table^ entre Carùdlum et O&sedia, et céïe
qui se relrouye de M(Hitgardon à Gonry. Je n'ai pas
besoin de discuter cette prétendue co&fonnité ^ qui
serait susceptible de grandes dificoltés; mais, même
en la passant pour un moment , il faut encore que
les partisans du sjstème de d'Anville répondent à
eette question : pourquoi > si Coriallum était à Ooufj
et jâlauna aux Mcntiers d'iUonne, j a-t^S xx lieues
gauloises au lieu de yii ? Nous ayons tu que d'An-
Tille a retranché plus de la moitié des xx lieues qui
étaient marquées entre Âlauna et Gosediae. FatH
dra^t-il donc ici que, par compensation^ on en ajoute
XIII aux Tii que marque la table? En serait-on quitte
pour dire^ ayec Tabbé Belley, « qu^ilfaut soutint faire
« céder les nombres ^ etc. ?» Le mot souvent finirait
par être bien appliqué. Je n'ai pas besoin d'ajouter
qu'il est surprenant que le nom asse^ commun de
Oour)r> Gouril ou Qouré^ ait paru à d'AuTiMe
aToir une analogie assez frappante ayec Corialr
bifn, pour lui faire chercher un bon port de mer à
l'ex^mité d'un cap où la mer e$t affreuse.
Il reste à sayoir maintenant comment l'opinion ie
Nicolas Sanson a pu présenter à d'Anyille et à
Belley des embarras qui les aient forcés à chercher
de tels expédiens pour s'en tirer. Il a placé Cariai"
lufk à Cherbourg ; la table marque> entre ce lieu et
Alaumay tii lieues gaq^oises qui font 7»938 toises. La
carte de Mariette en marque enyiron gioo entre M-
leaume et Cherbourg^ ce qui donne un excédent d'en-
nron une lîeue gauloise , excédant qui ne passe
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 2j5
pft^Ie» toftres fixées par le principe de Tàbbé Belle j,
que fài dté plvts ààut; akisi tout favorise encore
en ce point Nicolas Sansôti. Les médailles et
les sàtïqnités romaines tronrëes si souvent à Gher^
bourg*; le tombeau âécouirert à la montagne dû
Roule^ en 174^, et dont l'origine romaine fnt prOu*
vée par plus- de deux cents médarUe&, le savant nié-
moire de M. de Foncemagne sur cette ville (1)^ tout
si^âle uii établissement romain dans les environs dé
Cherbourg.; le morceau de voie romaine découvert
à là pierre Butée (2), et dont la direction est celle de
Cherbourg à Valognes , ajoute encore à Têvidencé.
(1) Le MéuMPe de M. de Foncemagne sûr Cherbourg
eommence à la page i3i da seUiè^e volume des Mémoires
de l'Académie ies ioscriptions. Il est accompagna d'une gra-
▼ure du tombeau ef de l'usne qu on troura à la montagne dit
Koulè^ en 1741. Il fait voir Tanalogie entre Corlouallum, nom
que portsrit probablement^ dit - il , Cherbourg au Ytll* siècle ,
ainsi ^'oit peut l'iliférer d'un passage d|é k chrôDique éé
Fentcodli.
Nota. Ce passage se troute dans le brériaire deCputances^
a« A d'atrll; c'est une leçon de Salnt^George^ D'AnrîUe,
à Tartiote ÇoiiaUum de sa notice ^ prétend que Chêmaburé ,
^cien nom de Cherbourg, ne présente aucune analogie aireo
le mot CoriaUum]: si Popinion de M. de Foncegodagne est
fondée, cette petite difficulté s'éTanouît.
{2) C'est à une maisop nommée la Gam/inerie j dans la
paroisse de Tollerast , sur la grande route de Che]i>ourg
i Valognes , à un quart de lieue environ de la pierre Buttée,
que se sont trouvés le9 restes d^une chaussée ; ils sont connu,
^« plusieurs membres de la Soeiété amldémiquede Gherbbtrrg
18*
I
L
-S
276 Mi^MOIRES DE i.A SOClixE ROTALE
Jusqu'ici nous avfins vu que ropinioa de SaosOD
est la seule qui puisse réclamer une grande proba-
bilité. J'avoue que la position de Crociatonum à Ga^
rentan présente de Tembarras ; car il faut convenir
que la distance d'Âlleaume à Garentan n'est pas celle
que marque la table e^Xxe Ahiuna et CrçcùUonum.
Elle s'y rapporterait en .employant le moyen mis eo
usage par Fabbé Belley et d'ÀnviUe pour se mettre
d'accord avec cette table. Jamais peut-étre n'y eut-
il de plus fortes raisons pow faire céder les nombres ;
mais je ne prendrai pas cette liberté. Je présume que
Sanson a encore raison. Les environs ^e Garentan;
et surtout le terrain situé entre les ponts d'Ouve et le
mont Sain t-Cosme^ ont oflPert beaucoup de décou-
vertes romaines à différentes époques. J'ai examiné
beaucoup de médailles trouvées sur plusieurs points
de cet endroit depuis vingt ans. C'est, en outre, la
tradition constante de ce lieu^ qu*il y avait autrefois
une ville , et qu'elle a été détruite par le feu , ce qui
s'accorde assez avec l'histoire de celle qui a existé à
AUeaume* Les tombeaux ou cercueils déterrés au
mont Saint-Gosme en faisant la grande route actuelle
deValognes à Garentan^ la grande quantité de fon-
dations découvertes auprès des ponts d'Ouve et dont
la maçonnerie était épaisse et très-solide, viendraient
encore à l'appui de cette conjecture. Cette position
serait à portée de Garentan , comme les anciennes
villes qui sont généralement à une certaine distance
de celles qui leur ont succédé. £n admettant la leçon
d'un ancien manuscrit de Plolémée qui dit : Croncia^
1
ÛEâ ANÎIQCAIUES DE ÏRA^C£. 277
tl^non, Limen, Oueftclorcm, le port pourrait avoir été
aussi bien à portée die cette- position que dans celle
de Garentan où Ton n'a retrouvé que des monnaies
françaises du 1 6* siècle , enfouies probablesient du-
rant le siège de iSjA; au surplus, je ne donne tout
ceci que comme une conjecture.
L'opinion de d*Anville et de Tabbé Belley, relative-
ment à la position* de Crociatonuniy a été examinée; il
ne reste plus que celledeTabbéLe Bœuf qui, croyant
que Couvains lui présentait un lieu plus favorable
pour se rattacher à d'autres stations romaines dans
le Bessin , a donné dans le défaut contraire en alon^
géant la distance entre Crocintonum et Alauna. Son
opinion, réfutée pour la partie du Bessin, ne tiendrait
pas non plus contre l'examen du côté du Cotefatin.
Cependant il faut convenir qu'elle est encore plus
soutenable que celle des deux autres sàvans dont je
viens Je parler.
Avant de terminer ce mémoire, je crois qu'il est
nécessaire d'en faire le précis et le résumé.
Notre pays est celui des Unelliy Sanson l'a soutenu
le premier ; son opinion a été adoptée par les plus
célèbres géographes , et même par des savans du
1 8* siècle,^ qui ne sont pas d'accord avec lui sous
d'autres rapports. H a placé CoriaUum à Cherbourg,
Cosediœ à Coutances, ainsi que Constantia, qui est
un nom jpostérieur ; il metÀlauna à AJleaume,etOa-
cùàonwnk Garentan. Son opinion, adoptée générale-
ment pendant plus d'un siècle, a été attaquée en 1 745
ajS MElfOlAES DI LA SOCIÉTÉ ROYJLLE
par d*Âii ville, qui a indiqué ikos s^ carie pour llm^
toire romaine remplacemeot de Crodalomtm à Va-
lognes ; eu 1 747, par Tabbé Le Bœuf , qui a placé
cette ville à Goavaias; eo 1766; par Belley qui a
porté la positioo ^JUatma aux Meitiers d'Àloone, et
s'est accordé avec d'Auville pour mettre Crocia"
toaum près de Yalognes. D'À.nviUe> eu 1760^ a
attaqué tputes les places de Sanson ; il est res|é d¥
seutimeot de Belley pour Crociatont$m , Ta smvi
pour remplacement diAlauna^ et s'en est écarté
pour Coriallum et CosetUœ que i'abbé Belley laissait
à Cherbourg et à Goutances, et qu'il a reportées i
Goury et à Montgardon. U a fait deux villes de Cb-
sediœ et de Conttantia , et placé la dernière à Cqu-
tances. I^e sentiment de d'AnvUIe j adopté ser-
vilement par de bons géographes, et surtout par
Mentelle dans spn Atlas, est le plus improbable
de tous. Sur quatre places indiquées par d'Au-
ville y pas une n'a fourni un fragment de brique ,
une médaille, un reste d'antiquité quelconque;
il n'existe point de restes d'une chaussée romane
jaux environs de Montgardon, comnie l'ont cra
l'abbé fielley et d'An ville. L'abbé BeUey est forcé de
lire XII au lieu de vu sur la table de Peutinger pow
s'accorder avec elle relativement à la dists^n^e .d'^-
Jamiak Coriallum ; ils sont forcés de prendre i}n dé-
tour inconcevable pour aller de CemUlwn ^ Crocuir
ionum , d'après la suppositicm ^Alttutut^ ville îbter-
laédiaire, é^ait aux AIoitietsd'AloBaerEpsu^osaiit
Ï}WS ANTIQUAIRES DS FRANCS. S^Q
qu'il fallût lire xii au lieu de vii^ pour la distance
entre Q^'iallum et Alaunay d'Anville (prouverait
encore à peine ta moitié de son compte entre Goury
et les Moiliers d'Âionne, Il est aussi forcé de faire
une correction excessive en mettant Cosediœ à Mont-
gardon y il est réduit à supposer qu'on doit lire, ix au
lieu de %x.
Le sentiment de Sanson ne piésente ayeune à» ees
difficultés ; les positions qu'il désigne offrent toutes
des antiquités romaines; ses preuves géométriquef
SMt satisfaisantes ; la distance de Yalognes à Cher-
bourg répond à celle que marque la table entre
Alauna et CoriaUum ; celle de Yalogoes à Goutanced
a la même conformité •
A la vérilé^ la position de Crociatonum à Garentau
n'offre que des médailles pour preuve. Afin de lui
donner autant d'évidence qu'aux autres^ il faudrait
aussi retrancher qn chiffre, et lire xi au lieu de :2pci.
Cependant , comme il ne nous reste plus de guides^
pour indiquer l'emplacement de Crociatonum , puis -
que l'opinion de l'abbé Bjslley et^ d'Anville est insoU'*
ten^ble , il fa^t choisir entre Le Bœuf et Sanson^
ou convenir de bonne foi qu'il n'y a pas xle lumières
décisives sur ce poipt.
SSO MÉIIOIRES DE LA WOlitt ROYIIE
ii*i ■ *
MEMOIRE
Sur les cercueils de pierre qui ont été trouyés en diverses
communes du dépaptemeDtdlle-et-Yilaine; par M. Rilueb,
correspondant de la Société.
vin trouve des cercueils de pierre fort ancieiis
dafis un grand nombre des départemens dont h
France se compose. Celui que j'habite en renferme
dans beaucoup de ses parties^ et je vais essayer de
décrire ceux dont j'ai pu avoir connaissance. Il
* convient, ce me semble, de réunir sur ce sujet
le plus qu'on, pourra d'observations et de les compa-
rer entre elles , afin de s'assurer si ces monumens ont
des particularités qui leur soient communes à tous ,
et s'il n'en est pas d'autres qui puissent établir entre
eux quelques distinctions. C'est ainsi que l'on se
fera Une opinion sur les temps auxquels on doit les
rapporter, et que l'on pourra décider s'ils ont tous
à peu près la même origine, ou si les uns étaient,
soit Gaulois, soit Romains; les autres ne seraient
pas d'une date postérieure au premier établissement
du christianisme dans les Gaules.
Les communes du département d'Ille-et-Vilaine ,
dans lesquelles je sais que l'on a trouvé des cer-
cueils de pierre , sont principalement celles de Van-
J>ES AITTJQUAIBES DE FUAN€£. 3S*1
del «t de Louvigaé du Désert ^ daoÀ l'aitûndiâse-
maitde FougëKs.;*de \mivjei de Dandoiip dans
celui 4ie Beones; d'ÂrgeoIré, de Domagné, d'Ë-
trelles, de Yisseicfaes dans celui de Vitré ^ etc.
Ces cercueils se reucontreut communément sous
terre , à la profondeur de trois ou quatre pieds^ dans
les cimetières actuels , ou du moins en des espaces
qui en sont assez proches pour avoir pu en faire
autrefois partie. Cependant oii en trouve quelquefois
aussi en des terrains tout-*à-fait détachés ou même
fort éloignés des cimetières.
Dans le bourg de Vandel , outre ceux qu'on a tirés
du cimetière ^ on en a décoayert plusieurs dans une
ruelle qui est à une distance ksseï. considérable de
l'église, et que Ton nomme encore la nie des tom-
beaux.
Dans la commune de Louvigné du Désert, on en
a extrait plusieurs d'une lande située près du village
de Losibrs , à une forte demi-lieue du ctef-Iieu.
Chaque cercueil est gé];iéralement composé de
deux pièces distinctes ; savoir : i^ jm coffre d'une
longueur proportionnée à celle du corps qu'il devait
renfern^er > et d'une largeur qui diminue progressi-
vement d^Ja tête. au^ pieds ;^^un couvercle plat
dont les diipensions en longueur et en largeur sont
les mêmes que celles du coJOPre.
lies parois^ latéraux du coffre et son couvercle ont
raremeiit plus de trois pouces d'épaisseur. lie fond
du coffre ea a communément un peu davantage^
a8a MÉMOIRES de là sdoiin rotule
Il s'e»t trouvé des e^Stes eo pierre de grMÎI di
pays 9 et de plusieurspiècet i d'autres/ mais peu Mn-
brevx; en briques. Daas ces oas^à, le comiierole était
ordinairement en pierres d'ainkâses épaisses el gros-
aièrement taillées, Mfôs, bien plvis géttéralemeiit, les
deux pièces de chaque cercueil sont d'une pierre
blanche, légère ^t porewOj qui parait elle-^mème
n'être autre chose qu'un mortier dechauKi^ desaUe
durcis. Il est probable qu'on doniiait à ce mortier
une certaine ccosistance, ei qii'im 1^ moulait ei^spite
pour en faire séparément un coffife et un couvercde*
Ge dernier^ encore humide quaiid on l'appliquait sur
le cofire^ le fe^rmait hermétiquement et j adhérait
même quelquefois avec forçe« La chaux avait peut*
être la propriété débiter la décomposition des corps.
H n'existe point dans le pays de pierres naturelles
qui ressemblent à la composition dont nous parlons;
et, lors même qu'il aurait été possible de* s'en pro*
curer ; on en aurait difficilement obtenu par Jla taille
des pièces à la fois aussi longues et aussi minces.
D'ailleurs, celles que Ton a pu- observer présentent
plutôt à leur surface Tempreinte d'un moule que
celle d'une soie ou d'un ciseau.
Ce qui peut sembler assez extraordinaire, cVstqne
le sable dont se composait le mortier en question, était
calcaire et coniposé en ^ande partie de détrimens
de coquilles marines ; quelquef ob même on n'y dis-
tinguait ah^lument que des co^Ues qui parais-
saîent avrâr été cçaèasaées asse v grostièr^ment. Oa
chercherait en vaiq , dans l'intérieur du pays, du sablt
I>IV< ANTIQUAIKES DB J^RANGE. 283
Jis celte e^pèicë , mais qu ça Irofiyerait le» ëlémçns
«wks bonds de la um*
hes cercueils doot nous parlons, sont (;eUep[i6ot
posés dans Ja Kenre qu'ils ont ccmstammoiit la tète à
l'ouest et las pieds à l'est. Ou en pecoaa^t des frag«
neDs daas des uxaçomieiies fi»1; anciennes»
Leseoffm qui oat été ouverts i^nfermaieot géoé-
Tidem^t des os pins ou moins dors. Dans quelques^
uns , cepepdant, on n'a ^pouvé qu'un peu de terre ,
cequisemblèifaitanntHicer qpe^ parmi ces sépultxises,
il y ea a de bien plus anciennes les unes que les au -
très. Peul-rétiie aussi les os se sofit«*ils mieux cunseori-
Tés dans les cereoeib qui étaient le plus beranétiqiie-*'
mettt fermés.
On ne voit cmnmunément , ni au-dehors ni au*^
de4ans des cercueils^ aucune gravure^ aucune figure^
auGiioe inscription : je ne connais à cela que deux
exceptions» fournies Tune ei l'autre par la commune
de VandeL; encwe les observations sur lesquelles
elles 86 fondpnt, n'ont^eUes pas itne grande authen^
cite. '
L'un de ces cercueils é^t de la pierre de la corn-
poràdon dont il i4ent d'être parlé; il j avait quelque
cbose d^écrit sur le couvercle ; mais on n'a ni eon-
secvé Finscription , ni cbercbé dans le temps à la
décfaiffirer.
li'autre cercueil avait son cofiEre «n briques et son
cDiiverxde en pierre d'ardoise. Sur celuirci il y «v^it»
dit-on^ une figure gravée. U parak que c'était une
image informe du soleil^ à laquelle on donnait le
1284 HÉMOIHES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
nom iT ostensoir. Dans le coflPre de ce même cercueit,
00 prétend avoir trouvé cinq ou six médailles oHon-
goes d'une grandeur approchant de celle d'un petit
écù. On les brisa y dit-on^ eu voulant les éclaircir^et
on n'en conserva pas même les fragîuçns.
Dans un des cercueils trouvés à Vieux*Vj ^ qui
n'avait que quatre ou cinq pieds de longueur^ on a
dû trouver une boucle oblongue en cuivre^ que l'on
jeta conmie réputée de nulle valeur.
L'un des cercueils le plus récenmient découvert,
au moins à ma connaissance > le fut^ en xSii^ dans
une pièce de terre depuis long-temps inculte ^t an-
ciennement plantée > qui fait aujourd'hui partie de
la métairie derEffrajère, commune de krMégaudais^
près d'Ën^e , 4lans le département de la Mayenne.
U avait intérieurement 5 pieds 6 pouces (i^,8o ) de
longueur, sur i8 pouces 6 Hg. ( o'^ySo) de' largeiff
près de la tête, et 6 pouces (O916) aux pieds. U
était d'une pierre légère et très-blanche qui, évidein"
ment y n'était elle-même autre chose ^u'un mortier
durci où la chaux était peu apparente.
Le âable était» en très-^ande partie, composé de
détriment. de coquilles marines. Le coffre ne conte-
nait que des os qui, d'abord assez durs, ne tardèrent
pas à tombçr en poussière, quand l'air les eut frap-
pés. Il fut trouvé par un pauvre homme , stras une
vieille souche de châtaignier qu'il cherchait à ex-
tirper, et quelques vestiges font présumer qu'assez
près de là il 7 avait très - anciennement une cha-
pelle. . '
I^ES ANTIQUAIRES DX FRANCE., aSSc
fia fouiUaat . soos . les Tuioes du cMleau de SaioK
Aubia-'du'Cormier y on a froinré aussi des cercueils,
de pierre* Il 7 a lieu de croire qu'ils sont plus an-
ciens que le château , et qu'avant l'établissement, de
celui-ci^ qui date de 1 2 23 > il y avait déjà dans son
empla6ement une çglise avec un cimetiëre. Ge^ cer-
cueils étaient en pierres d'ardoises^ et^ ce qui est digne
de remarque , ces pierres étaient liées entre elles par
un ciment composé de fragmens de coquilles^ Oh di-
rait que les coquilles entraient comme un élément
oblîgé.dans la composition de ces cercueils. ^
Parmi une multitude de lieux disséminés sur toute
la surface de la France y où Ton- a trouvé des cercueils
de pierre d'une nature plus ou moins analogue à ceux
dont nous venons de parler^ je me permettrai de
citer l'ancienne abbaye d'Iseure, près de Moulins^
dans le département de rÂllier.
On a découvert aussi; en l8i5, dans la commune
d'Arcj-Sainte-Restîtute, département de FAisne, un
très-grand nombre d'anciens cercueils qui , pour la
forme et la position, ont la plus graïide ressemblance
avec ceux que nous avons décrits. Ils sont rangés
côté à cote sur des lignes nord et su ^ 9 les pieds tour-
nés vers l'est ; mais j'ignore de quelle nature est la
pierre dont ils sont formés.
Qu'il n^ie soit enfin permis de citer une lettre que
Ton trouve dans le Mercure de France* du 16 octo-
bre 1785, n^ A^j et qui fut écrite par M. Du Boueix^
correspondant de la Société Royale de hiédecine de
td6 MÉHOllUiS 1» LA SMIIIB BOTAIE
«
Pms^ et médedft de Honaeuv^ frère dte rei^ aufotB*^
à'hxn Louis Xyin> noftte légituie soureraïa.
On Terra dans cette lettre qu'en fuîllel 178a ^ on
trouva dans le boui^ du Loroiss Bilttepeau^ distnit
de Ndùtes de trois lieues / un grand nenlMie de cec-
cueib absolument semblables à c#ux que noosaTons
décrits : la pierre dont as étaient formés était un
amalgame de coquilles grossièrement p3ée$ et rmm
par uil ciment calcaire. De petites epquîUes bivalves
s*y trôuyaient' encore entières.
Dans un Mitre quartier de ce méon^ boul^ , ou a
trouvé des tombeaux taillés djius le roc et recouverts
d'iine pierre plate dont l'espèce est commune dans le
pays. M« Du Boueix termine ainsi sa narration ;
« Maintenant je demande aux érudits et aux aman-
te teurs de Tantiquité , 1^ pourquoi Ton a préféré
(c pour la construction de C0S tombeaux d^s coquil-
(c lages marins à toute autre matière > ce qui estd^au-
« tant plus surprenant ^ que Ton a'a pu les tirer que
« de la mer, éloignée du Loroux de douze à quinze
« lieues ; que le transport n'a pu s*eû faire qu'à
« très-grands frais , tandis qu'on trouve partout et en
« abondance, dans le lieu même , une pierre seins-
« teuse y feuilleHée , solide , fort aisée à exploiter ,
«< qu'^pn peut extraire en très*grandes pièces^ et bien
ce plus propre à résister à l'injure du temps et à con-
te ^server des cadavres^ que cette pète poreuse et
« friable de coquillages ? ^
« 2^ Par quelle raison' s^est-on unicfuèment scifvi
« dé cette pierre du pays datis certains quartiers du
DISS ANTIQUAIRES M JrHANCE. %Sy.
« bmig > tfiOMlb <|iie daas d'autre» oo ae trouve qné
« ces tombeaux de coquillages^ sans auciiD mélange
R despvemiers?
« 5p Ëofin^ îe prie d^observer qu'il ne se rencontre
K aucnm coquillages fossUes dans les envkons di»
« Loroux; qu on n'y trouTO pas un atome de pierre
ce calcaire > et que ce pay^ dans une trèsrgrande élen**
« duei ViO&te partout qiae la terre argileuse ntres-
« cible > une espèce' de pierre scbisteuse, des silex)
« et de la roche granitique. »
Les questions que M. DuBoueix proposait en 1785,
nous pourrions encore les répéter aujourd'hui ;^t^
pour les présenter d'une manière plus générale ,
nous demanderons à quel temps^ à quels peuples 9 à
qoel culte il faut attribuer les sépultures qui sont
lobjet de ce mémoire^
Je vais hi^arder à ce «sujet quelques conjectures ;
mais je les soumets à la Société flojale des Anti«
quaires , seule juge compétent en des questions de
ce genre-
J'ai peine à croâre que de simples cercueils de
pierre aient été Tcmyrage àe$ Romains. L'usage des
Romains fut |d[tttô% dans tous les temps , de brûler
les corps que de les renfermer dans des cercueils
confiés immédiatement à la terre.
Ils érigeaient très * souvent des monumens funé-
raires aux personnes qui leur avaient été chères ou
dont ils voiraient honorer la mémoire. Mais ces mo-*
numens avaient peu de ressemblance aveè C6i|ixque
nous avons décrits^ et l'on y trouvait plutôt des cen*
2 88 HÉHOIUS DS LA SOI^IÉTÉ l^OTÀtE
dr^s contenues dans une nme qu'up corps entier dé^
posé dans un cerceuil.
Je ne crois pas non plus que Tusagede renfermer
les morts dans des cercueils de pierre ait jamais été
celui des anciens Gaulois .^ et leurs succejsseurs n'ont
pu remprunter des Romains, s'il ^t Trai que ceux-ci
ne le connaissaient pas euii-mémes.
Je suis donc porté à croire que ce sont les chré-
tiens qui f les premiers, ont employé ce mode d'in-
humation , lorsque leur culte commença à être gé-
néralement répandu dans tontes les provinces de la
France.
n peut sembler extraordinaire qu'aucun signe re-
ligieux ne se fasse communém/ent remarquer sur les
cercueils de pierre. On pourrait cependant répondre
à cela que, de nos jours à la vérité, des signes reli-
gieux figurent le plus souvent dans les inhumations ;
mais on les place à l'extérieur, et de manière qu'Os j
soient en vue. Rarement en figure-t-on sur les cer-
cueils de bois qui sont en usage aujourd'hui.
Je serais assez porté à croire qpe les croisades^ ou
du moins les premiers pèlerinages à laTerre-Sainte^
ont pu contribuer beaucoup à fai§p adopter les ce^
cueik de pierre, et surtout ceux de pierre de cowr
position.
L'affectation que I'od mettait à placer les morts
^ manièi^e qu'ils eussent toujours la face tournée
vers l'Est s'expliquerait asse^ bien par ta vénération
qu io$i)jyrait la Terre-Sainte , située dans cette direc-
tion.
DS6 ANTIQUAIRES DE FRANCE. ^89
J'ai dit que> près de Taocienne abbaje d^Iseure ,
dans le département de FAllier, on trouvait beau-
coup de cercueils de pierre. Or^ d'après, une 9UQië|ïne
tradition > ces sépulcres y conservent encore le, nom
de tombeaux dei croisés.
Quant au sable qu'on allait chercher fort loin pour
en composer la matière des cercueils ^ j^en trouverais
rexplication dans l'opinion où l'on a été bien long-
temps ^ qu'il y avait de très-grands avantages à être
inhumé en Terre-Sainte.
Cet avantage appartenait sans difficulté à ceux des
croisés ou despélerins qni mouraient à laTerre-Sainte;
mais ceux même d'entre eux qui étaient de retour
sur leurs foyers ont pu désirer d'y participer^ en fai-
sant venir^ pour composer leurs tombeaux ^ du sable,
sinon de la Palestine, ilu moins de quelque fteu moins
éloigné, qui fût comme assimilé à la Terre-Sainte
par la grande dévotion dont u était l'objet ; du mont
Saint-Michel , par exemple ?
On sait que, pendant fdus ^e mille ans, le mont
Saint-Michel fut, dans toute la France ^^t même ail-
leurs, en très-;grande vénération : de toutes parts on
y allait en pèlerinage. Les pèlerins revenaient en
grandes troupes, sonnant de la trompe et chargés de
coqviilles. Cet usage s'est perpétué jusqu'à nos jours^
et à n'y a pas très-long-temps encore qu'un jeune
habitant de nos campagnes n'aurait pas osé demander
une fiHe en mariage s'il n'avait pas auparavant fait au
moins un pèlerinage au mont .Saint-MicheL Ne ppu-
IV. 19
I
i
i
290 MÉMOIRES DE LA SOClJTi KOYÀlK
Tait-on pasréseirertoutesles coquilles rapportées par
les pèlerins pour les inbnmations ? pour celles des
riches^ s'entend ; car^ sans doute, on ne faisait pas tant
de frais. pour celles des pauvres.
OBSERVATIONS
Sur quelques antiquités du département de la. Mayenne ,
par M. RiiLiER, correspondant de la Société.
Ije départements de la Majeane, quoique d'âne
assez m^iocre étendue , renfermait autrefois dans
son sein les chefs-lieux de deux nations gauloises ;
savoir : Nœodunum , capitale des Diablînies, et Fa-
goritum, capitale des Ars^iens* Ptoléméefait mention
de ces villes, et M. Danville en a dooné une. intéres-
sante notice.
Le département de la Mayenne étant limitrople
du mien (celui d'Ille-et- Vilaine ) , et les circons-
tance^ m'ajant procuré quelques notions sur .ses an-
tiquités^ je vais les transmettre ici d'une m^ère
succincte. Je dois en très-grande partie ces reBSêi-
gnemens à un mémoire qui me fut communiqué^ il y
a déjà long-temps, par M. Maupetit^ député du dé-
partement de la Mayenne. * . î .
]>SS ANTIQUAIRES DS PR^NCS. 291
Il parait bien constaât^que remplacement de la
ville de Nœodunufn était celui qu^oùcupe maintenant
le bourg de Jublains ^ à deux lienes et demie an sud-"
est de la ville de Mayenne. Le nom de Nœodunum
lui avait probablement été donné paroles Romains ;
mais elle avait existé sous quelque autre nom , long-
temps avant leur établissement dans' cette contrée ,
et elle a survécu assez long-temps encore à la chute
de leur empire dans les Gaules.
On croit qu'elle fut détruite , ainsi que bien d'au-
tres vîires , Vers Tan 867, par les Normands qui , dé-
barqués sur les bords de la Loire , pénétrèrentdans
le pajs et y exercèrent de grands ravages*
Les Romains avaient établi à peu de distance de
cette ville nri camp statiônnairc fort régulier , dont*
on a reconnu distinctement les parties priiiéipales.
La vilfe de Nœodunum devait à la bienfaisance de
Fempereur Tite un cotisée et un temple de là For-
tune. On a retrou vé des vestiges de ces deux édifices.
On a trouvé aussi dans les environs beaucoup dfe
médaillesT, de belles mosaïques , des vases de fabri-
cation romaine et de différentes formes , des débris
de colonnes , de statues , etc.
Il est probable que de nouvelles fouilles mettraient
au Jour de nouveaux vestiges de Tantiqùiléj qui,
reniontant à différentes •origines , pourraient • être
ou Gaulois, ou Romains, ou d'une date postérieure à
l'établissement du christianisme dans ces provinces.
Une très-ancienne fontaine, située près du bourg
de Jublains , et nommée \2i fontaine des crn^es, a fait
aga MÉMOIRES DE lA SOCIÉTÉ ROYÀtK
Présumer que des bdns pubUcs oat existé autre-
fois dans cette partie . et cela disposait quelques per-
sonnes à croire que le nom de Jublains pouvait être
venu par corruption de Julii balnea, bains de Jdes-
Gésar ; mais le camp romain et les autres étabbs-
semeus dont nous venons de parler paraissent bien
postérieurs à Jules-César, et il est plus naturel de
chercher dans le mot DiabUntes letymologie de
celui de Jublains , que l'on trouve, au sqrplus, ecnt
Jublent dans de très-anciens actes.
On rapporte qu'en creusant des fondations dans le
bourg de jublains , on a trouvé deux tercueUs de
piçrre de madrépores recouverts de grandes tuiles de
vingt à vingt-deux pouces de longueur , sur qumze a
dix-huitde largeur. Je soupçonne fort qu'à unepre-
nûère vue, on a qualifié de madrépores ce qui n y
ressemble pas mal en efifet ; je veux dire cette pierre
factice et légère, qui ne se présente a 1 œil que
comme un amas de coquUles marines , et dont nous
«vons vu ailleurs qu'un grand nombre d anciens cer-
cueils ont été formés, -^ " ,
Du eamp prèsdeNœodunum, une route romame,
défendiie par un retrancliement, communiquait aux
marais ou étangs d'Aron , et cedernier point formait
la droite d'une position retranchée qui, bordant la
rive gauche de la petite civière d'Aron , aUait s'ap-
puyer à larivière de Mayenne. Cette position était
bien choisie pour tenir à la fois en respect les peu-
ples répandus sur les deux bords de la Meduem ( w
Mayenne), savoir: sur la rive droite, \çs RhedoMS
BBS ANTIQUAIRES DE FRANCE. 298
et autres peuples armdricaios 3 sur la rive gauche,
les Diahlmtes,\é^ Jmens, et autres peuples de la
nation Aulerce.
Quant à la ville de Fagoritum^ on sait qu'elle
existait au lieu que Ton nomme encore aujourd'hui
la cité y dans la commune de Saint-Pierre-d'Erve, sur
la petite rivière d'Erve qui, venant de Sainte-Suzanne,
vase jeter dans la Sarthe préside Sablé. Jfe n'ai pas
appris qu'on ait encore extrait de ses ruines d'autres
monumens antiques que quelques vases romains et
une médaille d'argent de Valériçn.
On trouve des pierres levées en différens endroits
du déparlement de la Mayehne, et notamment dans
les bois de Graon.
te seul monument antique (du|département de la
Mayenne dont il me resterait à parler, est la chaire
du diable , pierre que, de fort loin, le diable a dû trans-
porter dans sa place actuelle , et sur laquelle on a
débité bien d'autres fables. J'ai vu ce monument et
puis en donner la description.
U est situé tout près des bâtimens d'une ferme à
laquelle il a donné son nom ( la ferme de la chaire du
diable ou simplement de la chaire ) , sur la route d'A-
ron à Jublains, et à trois quarts de lieue du premier
de ces bourgs.
Il se trouve à l'eitrémité d'un terrain aride et in-
culte , où s'élèvent cà et là, au-dessus du sol, beau-
coup de roches de granit. Une de ces roches qui, cer-
tes, quoi qu'en dise la tradition, n'a jamais changé
de place , a été un peu aplanie à son sommet ; et, sur
J2g4 HBMOIUS DS L4 SOÇléxÉ ftOYAIE
cette étroite plate-forme y quin^est élevée qpe d^en-
viroa trois pieds au - dessus du terrain naturel, on a
creusé un petit enfoncement oubassip, de six pouce&
de profoûdeur , qui seii\ble destiné à recevoir et à
soutenir le montant d'une croix ou de toute autre
chose.
Plus bas, à Test et à l'ouest , on voit sur le talus
naturel de la pierre deux entailles qui serviraient fort
bien dé base ù deux jambes de force, posées pour
assujettir le montant en question .
Voilà ce qu'on appelle la chaude du diable. Ce n'est
autre chose qu'une pointe de rocher qui a été dis-
posée £^s3ez grossièrement pour servir de piédestal à
un monument quelconque. Quel était ce monument?
c'est une question que je n'entreprendrai point de
résoudre ; j'observerai seulement qu'à quelques pas
de là i sur les bords du chemin, il existe actuellement
une grande croix.
D£S ANTIQUAIRES DE nANGE. SqS
^, IIWIM. I I — ' ■ ■ <■
LETTRE
A UN AMI EN ANGLETERRE ,
Sur Pétymologie du mot Gauohemare; pdr M. le baron
CocQi7E>EiiT^SIoRTB]iEt^ membre de la Société.
J £ suis aussi frappé que vous^ Monsieur, de la res-
semblance qu'il y a pour la terminaison entre le mot
français cauchemare et le mot anglais nightmare. J'ai
même été conduit à faire quelques recherches sur
ces deux mots , en m'occupant d'un travail général ,
relatif aux êtres fantastiques que l'imagination acréés
chez les différens peuples, et qu'on retrouve , avec les
mêmes attributs et les mêmes noms, dans des pays
éloignés les uns des autres. Il m'a toujours semblé
que ce moyen de reconnaître Taffînité de& nations «
n'avait pas été mis en œuvre jusqu'ici comme il mé-
rite de l'être.
La finale des mots caiwhemare et nightmare . me
paraît conserver la mémoire d'un de ces êtres fan-
tastiques auxquels le vulgaire attribue volontiers lefs
phénomènes dont il n'est pas en état de démêler la
véritable cause.
L'oppression angoissante y que quelques personnes
éprouvent pendant le sommeil, a des cauâes nàtiirél-
les bien connues des physiologistes ; mais le peuple ,
V
296 MÉMOIEES DE LA SOCIÉTÉ ROTAU
à qui ces causes échappent^ a mieux aimé y dans beau-
coup de pays y en supposer de surnaturelles. Suivant
lui y le poids qui semble alors comprimer la poitrine^
et dont on est en quelque sorte dans l'impuissance
de se délivrer^ est celui d'un être malfaisant qui re-
vêt un corps pour' sauter ^ur les victimes de son ca-.
priçe^ et les tenir sous lui dei manière 4 gêner leur
respiration. C'est ce que les anciens Grecs désignaient
par le non d'e^/tfAT»^ {^id est supevsaliens) y et les
Romains par celui dUncubus.
J'espère vous démontrer deux choses ; la première^
c'est que l'épbialtès des Grees; l'incube des Latins,
portait le nom de mara ou mare chez les peuples de
langue suio-gothique> habitant le nord de l'Europe)
et du nombre desquels étaient les Normands.
La seconde y c'est que cet être imaginaire est de-
meuré inconnu, du moins sous ce noiù, partout où
la connaissance n'en a point été portée par les sep-
tentrionaux.
Si je réussis à bien établir ces deux propositions ,
il vous paraîtra, j'espère , aussi démontré qu'à moi,
que le mot de cauchemare a dû être apporté dans le
nord de la France par les Normands, comme celui
de nighimare Ta été eh Angleterre par les Ânglo-
Saxons.
J'ouvre les dictionnaires des langues du nord , en
commençant par le dictionnaire islandais; passant
ensuite au suio-gothiqùe, à l'anglo-saxon , au sué-
dois , au danois , au hollandais.
Partout je trouve mar^ mara ou tnâre , avec le
DÉS ANTIQUAIRES DÉ FRANCE. ' 297
double seps de ropprëssion nocturne et d'un malin
génie qui cause cette oppression.
Les dietionniairès allemands me ihontrent ce même
tenue avec les mêmes significations ; mais ils m'in-
di({uent en miême temps une distinctionremarquable^
c'est que le mot mâry ou, comme on écrit en aile-
mand; makr ( et aussi naeht-mahry mar de nuit )^ est
particulier à la Basse-Allemagne oti Allemagne sep-
tentrionale^ et est remplacé^ dans l'Allemagne supé-
rieure ou méridionale^ par ceux à^alp, drud,trempe,
schrœterleiny schertzell, wichtele^
Cette observation me porte à croire que la con-
naissance de Tespèce de divinité subalterne, nommée
mâr par les Scandinaves, a été transmise par ceux-
ci aux seules tribus allemandes qui les avoisinaient
dans le nord de FAUemagne , et n'a pas pénétré fort
avant danà ce pays.
Une remarque analogue m'^est suggérée à Tégard
des tribus slaves, par Texamen de leurs diivers vo-
cabulaires.
JTe trouve, en polonais, en sorabe , en sloraque de
Hongrie , dans les dialectes slaves de la Carniole, de
la Croatie , de TEsclavoniè , de la Dalmatle , le mot
mâr diversement altéré en ceux de mora ou zmora ,
mor ou mouraj morjj et même murrawa et hihimora.
Mais peut-être aucun mot semblable n'existe t-il
dans le pur russe • tel qu'on le parle dans les ancien-
nes provinces de cet empire. *
Il se pourrait que les dialectes slaves, où ce mot
se rencontre , l'eussent adopté d'après les Scandi-
298 IDËHOIEES QE LA SOGlixÉ ROYAUB
naves et d'après les Allemands du nord. Il en est de
même des Finnois ; leur langue leur fournit un terme
propre pour désigner le cauchemare ; c^esijjaïnaïa ,
qui signifie foulement^ compression^ ets'ibfont
aussi usage àvusioimaraf c^est qu'ils Tout 'emprunté
des. Suédo>is leurs voisins.
Dans le nord-ouest et Touest de l'Europe y les lan-
gues qu'on nonune celtiques ne renferment aucun
mot qui ressemble à celui de cauchemare: mouste-
rik etm'ac^herik , enbreton, viennent, l'un de mous-
m
trd , FOULEE y l'autre de maù'h, oppression. Le malin
génie qui toumente ceux qui dorment est , suivaot
les Bretons , le petit foulon.
n est presque superflu de parler du basque^ langue
si étrangère aux origines de la nôtre ; cependant je
dirai que le cauchemare s'y nomme, lozovroa ou
dmescaitza; l'Espagnol dit pesadiUa; l'italien , pesa-
ruolo ; et la même idée de pesanteur se retrouve dans
le ^mot appesart ou appesant ; qui est ou qui a été
en usage dans c[uelques parties de la Franqe.
^ Lcjs dictionnaires languedocien . et provençal ne
m'ont rien fourni. C'est aux habitans de nos provin-
ces méridionale^ de France à nous apprendre si le
mot de cauchemar^y ou quelque mot qu'on y puisse
rapporter, se trouve dans les dialectes de leurs pajs
respectifs. Je suis porté à croire c[ue non, par la même
raison qui a empêché le mot mahr de pénétrer dans
le midi de l'Âllenèagne.
Les Lyonnais disent cauches^ieille , suivant le dic-
Uonnaire étymologique de Ménage j se seraient-ils
X
V
BE8 MIKffAXMLS DE FBANCE. S99
représenté le] génie du cauchemare sous la figure
d'une vieille sorcière ?
Je u'entreprendrai point de rechercher si bu^tzi-
cularius, qu'on dit être un terme de la basse latinité,
a signifié effectivement ce que nous nommons cau-
chemare, ni si le lemur des Romains y a quelques
rapports.
Le grec moderne m'offre le mot (Socpvxvccçy relatif
à la pesanteur, à l'oppression , comme le sont aussi
les termes 6'sr/CoAj^ et ^viyccXnùy , dont les Grecs
anciens faisaient usage , lorsqu'ils ne personnifiaient
pas le cauchemare» ^
On dit en hongrois linkabas et bos^orcany.
n était bien probable que les. langues orientales ,
sait sémitiques, soit indiennes, n'ofîrir aient rien qu'on
pût appliquer à l'étymologie qui nous occupe y j'ai
cru cependant devoir m'en assurer.
D'après cette revue d'un graqd nombre de langues,
il paraîç bien constant que le mot de mare appartient
primitivement et exclusivement à la langue suio-go-
thique et à ses dérivés.
J'ai à faire voir maintenant que ce nom était celui
d'un génie malfaisant , d'un esprit-follet ou lutin , qui
se plaisait à tourmenter j^s humains pendant leur
sommeil.
On pourrait citer d'abord Jean Wastow, auteur
d une Vie des saintsde la Suède, intitulée Vitis Aqui-
loniay 1633^, suivant lequel mara était dans lajoiy-
thologie des anciens Scandinaves , le nom d'une
30O HEH0IM8 DB tA SOClili ftOtUE ^
divinité subalterne , ou faiitôme dangereux pendant
la nuit.
A la vérité, le célèbre Ih déclare qu^il n'a pu
découvrir sur quelle autorité Wastow s'était fondé.
Mais Eric Olaus, qui a écrit en latin Thistoire de
la nation suédoise y témoigne la même chose y en par-
lant de la mort d'un roi de Suède nommé Valender,
qui fut, dit-il, étouffé en dormant, par un démoa
que les Suédois nomment dans leur langue mara.
cr Qui in somno à dœmone suffocatus interiit , quoi
genus sueio nomine Maaa dicitur. > Lib* i^p. 27, sui-
vant la citation de Keissier.
Wachter, auteur d'un glossaire fort estimé, dit
aussi , au mot nacht-mar , que le vulgaire nomme
ainsi un spectre de lïuit : « opinione vûlgi spectmnt
nocturnunu » Il ajoute que niœre était \^ nom d'une
certaine nymphe , et il renvoie pour plus de détail
aux antiquités septentrionales de Keissier.
Voici ce qu'on lit dans cet ouvrage , pages 5^4 et
497^ où l'auteur traite de l'opinion des anciens hubi-
tans du nord sur le cauchemarey qu'il nomme nachl-
mare , alpdrucken et drutdrucken.
« Les Scandinaves nommaient une jeune fiUe, en
« général, Meti; mais ils donnaient le nom de JUeuar^
« ou les vierges par excellence, à trois^nymphes que
« les femmes invoquaient pour obtenir une heureuse
ce délivrance, et qui, sous d'autres rapports, avaient
ce à peu près les mêmes fonctions que les Parques, ou
ce f4,oifûci chez les Grecs etles Romains. ^^
Bfia ANTIQUAIRES DB FRANCE. 3oi
L'auteur pense qu'on doit rapporter à]ces divinités
des Scandinaves les inscriptions suivantes , trouvées
dans la partie du nord- est des Gaules; Tune à Metz^
au-dessous d un bas-relief représentant trois jeunes
filles; l'autre à Langres.
Vous ne serez pas fâché que je vous les copie :
IN HONORElt DOMVS DIYINf
DUS UAI&ABVS
TIGANI VICIS PACIS.
n.
DEABYS MAIK, . .
JVLIVS REGVLVS
EX VOTO.
Le culte de ces parques Scandinaves ^ ajoute Keiss-
ier^ a donné naissance à ce que le peuple raconte de
la nachUnar qu'il croit être un spectre femelle y qui
accable de son poids les personnes qui dorment , et
leur iptercepte la respiration . « A matribusy swe mdiry
deseendimt anîles nugœ von der nachtmar. Fœmi-
nei sexûs spectrwn credunt , sommantes pondère sua
gravans y ut arctiùs inclusus spiritus œgrè possit
meare* Puis^ il ajoute : c'est ce que les Anglais appel-
lent nigfitmare et les Français cauchemâre, « Àogli
appelant nightmare... Galli> cauchemare. »
302f HiMOlftES DE LA SOCIÉTÉ ROtALE
Johnson , auteni^ ,du grand dictionù^e anglais
qui porte son nom, ^t dans lequel il donne les éty-
mologies des mots ^ fait venir aussi n^htmare , de
MarUy nom d'un mauvais génie , qui , suivant la my-
thologie des Scandinaves, se pldt, dit-'il, atourmc»!-
ter les humains lorsqu'ils sont endormis*
Voici quelques autres preuves tirées des dénomi-
nations vulgaires de certaines choses que le peuple
attribue au malin esprit , parce quil ne peut les ex-
pliquer autrement*
On sait qu'il existe en quelques pays , notamment
en Pologne, une maladie nommée plica, dans la*
quelle les cheveux sont mêlés et comme feutrés.
Cette maladie porte, en suédois, le nom delHarlock;
dans la basse Allemagne/ceux de mahrjlechte^ mahr*
klatte, mahrenzopff; en flamand, celui de mahren-
vlicht , ce qui veut dire chevelure tressée , tapée ,
bouclée par les mains de la Muhr.
Dans quelques parties de l'Allemagne , on appelle
marentakken^ branches produites par 1^ Afar, les
branches de certains végétaux, comme le saule ', la
chicorée-sauvage, Ta&perge, et autres qui , au lieu
d'être cylindriques, sont larges et plates^ ailleurs
cfest le gui qu'on nomme ainsi, notanihn'ènt en Hol-
lande.Cette plante parasite 9 dont la maiiiièré de croî-
tre est si singulière , à toujours été en possession de
passer pour douée de propriéffe surnaturelles. ^'
J*ai dit plus haut que , pour les peuples de l'Aile-
magne méridionale, ce n'était plus hiMahv qui s'aiiiu-
saità donner le cauchemat^e, mcnis d'autres ftJlels
DES ANTIQUAIRES DE FRAlfïGE. 3o5
qu'on y appelle surtout a^ et drud; ainsi, ce qui est
pour les Allemands du nord, des branches de mahr^
est, pour ceux du midi, les Terges Xalp (alpvutken)
ou le buisson de drud ( druden busch ).
Ueupatoire se nomme alpkraiit^ Tarmoise (ilpraute,
la fumeterre ^ï^/'^wcA, noh que ce soient des plantes
alpines , mais parce que , d'après leurs vertus réelles
ou supposées , le peuple les croit sous Tinfluence du
géûie du cauchemare.
Lfesbélemnites, à raison des propriétés occultesque
le peuple leur attribue, en ont reçu le nom de pieri^
cl'alp, ou lancées par Talp {alpstein ou alpschotls-
tein).
Valp des Allemands y que les Islandais appellent
alfpj les Danois alfr^ a passé dans la langue anglaise
sous^la dénomination à^elf; aussi la plica, que notis
avons vu s'appeler en Scandinave marlocky se nom-
me-t-elle en anglais elflock , et ce nom se trouve
dans Shakespeare.
Le vulgaire a encore en Allemagne un usage su-
perslitieux dont il n*est pas étranger à notre sujet de
parler ici en passant , ne fùtrçe que pour inviter à
rechercher sll y a quelque chose de semblable en
France ou en Angleterre.
Vous avez peut-être entendu parier , Monsieur ,
un assemblage de ^traits, que quelques-uns orit
ûômmé signum pjthagoricujii , et qui , tracé dun
mouvement continu de la main, refiTésente un pen-
^^gone. Adelung dît que cela s*àppélle, en terme de
blason^ un pentalpke. Quoiqu^M en soit, cette espèce
de paraplie jouit , 'che2 certains paysans allemands ,
au rapport de cet auteur^ d^une sorte de célébrité ]
ils croient qu'eu le traçant sur la porte d'une étable,
la veille de sainte Walbui^e, on empêche les drudes
ou sorcières d*y entrer. Celte figure est pour eux le
pied de Valp o\x de la drude ( alpfuss dmdeafuBs ).
Je crois bien n'avoir plus riQU à vous dire sur le
rxxol cauchemar e , en ce qui concerne sa finale ;mais;
pour ne rien omettre , il faudrait pouvoir rappprter
quelque chose d'aussi solide sur la. première partie
de ce mot.
Je sais que beaucoup d*auteurs ont prétendu que
cauche ou chance n^élait rien autre que le latin cal-
cans. Voyant dans le mot inare le nom que la jument
porte en anglais ( en allemand mâhre ) ; ils ont tra-
duit cauchemare par equa calcans; mais, outre qu'il
n'est pas bien naturel de se représenter une jument
à cheval sur un homme, je n'aime pas ces mots hy-
brides que l'on suppose composés de parties aussi
hétérogènes que le latin et l'alleniand.
Je vaisdonc essayer ùiié autre étymplogie , sans
me flatter cependant de vous la faire adopter, et en
vous priant de lâcher de trouver mieux.
Quetschen , qu'on prononce à peu -çrks^ couetsche,
est un verbe allemand dont le%ens est presser extrê-
mement^ écraser j rien n'empêche qu'on ïî'ait dit
en allemand, çouetsch-piave pour signifier încubus
opprimens, ou l'oppression causée par là mara, et
Ton conçoit comment dans la bouche des Français
ce mot se sera changé en celui de cauehemare ou
cauchemarei
J'ai rhoElneur d'être, etc.
P. 5. Peut-être serez- vous tenté d'objecter à la
seconde partie de mes recherches étymologiques, que
l'allemand n'était pas la langue des anciens Normands.
Mais j'aurais pu alléguer de même l'anglais, quash
( qu'on prononce à peu près couesch ) , et plusieurs
mots semblables dans les langues de la Scandinavie
et dans les langues orientales.
EXAMEN CRITIQUE
Do récit des historiens qui ont avancé que W bibliothèque.
d'Alexandrie avait été brûlée par le khaljfe O'mar; par
F. &• kvQtis, membre résidant.
ijLiEXAi7i)RiB; d^abord toute païenne^ puis toute phi-
losophe et mystique, bientôt après demi-jtiive , et
berceau du christianisme y ensuite musulmane de
différentes sectes, n'est plus l'Alexandrie des Ptolé-
mées , ni même celle d'O'mar. Le nouveau coviquér*
rant n'y trouvera plus de traces de cetle^célèbre bi-
bliothèque qui, de nos jours encore , est l'objet de
tant de regret^^ '
IV. 20
3o6 IfiklOIVSS M U SOCIÉri'ROTALE
Ces immenses archives du génie de ^antiquité pas-
sent vulgairement pour avoir été réduites en cendres
lors de la prise d'Alexandrie par les Arabes maho-
métans.
A peine fondée par lé vainqueur de l'Inde, Alexan-
drie devint importante et riche. Elle s'accrut encore
sous les rois successeurs d'Alexandre. Ainsi que
d'autres grandes cités , elle se divisait en plusieurs
quartiers , qui étaient comme autant de villes sépa-
rées. {Voy. la description assez étendue qu en donne
Strabon dans son dix- septième livre. ) Un de ces
quartiers, le Bruchioriy placé sur le bord de la mer,
près du grand port, renfermait tous les édifices dé-
pendans de la basilique ou palais des rois , le grand
collège et plusieurs autres monumens.
Le premier des Ptolémées , Lagus, ne borna pas
ses efforts à rçndre Alexandrie une des ^villes les plus
belles et les plus commerçantes , il voulut encore
qu'elle devînt le foyer des sciences et de la philoso-
phie. Par le conseil de l'émigré athénien, Démétiius
de Phalère, ce prince y établit une société de savans,
modèle de nos académies et de nos instituts mode^
nés. Il fit élever pour leur usage ce célèbre musée
qui fut un nouvel ornement pour le Bruchion. C'est
là que fut placée la grande bibliothèque , ouvrage
(dit Tite-Iive) de la magnificence des rois , et de leur
amour pour les sciences.
r Pfailadelphe, successeur de Lagus, lorsqu'il vit la
bibliâthèque du Bruchion portée à 4^o,ooo volumes,
soit que le local n'en pût contenir un plus grand
DBS ANTIQUAIHES DE FRANGE* 5ùJ
nambre^ soit qu'il fût jaloux d'éterniser au$si sob nom
par un monument semblable, en fonda une seconde
dans le temple de Sérapis> dit le Sérapeuni, situéassez
loin du Bruchion , dans une autre partie de la ville. ^
Ces deux bibliothèques s'appelèrent long-temps la
mère et la fille. '
César, pendant là guerre d'Egypte, ayant fait
mettre le feu à la flotte du roi; qui se trouyait dans
le grand port , l'incendie se communiqua au Bru-
chion; la bibliothèque mère fut consumée; et si
Ton parvint à en sauver quelque chose ^ il est pro-
bable que les débris en furent portés dans celle du
Sérapeum. Une peut donc à l'avenir être question
que de celle-ci :
Evergète et les autres Ptolémées l'augmentèrent
successivement; Cléopâtre l'accrut en une fors de
200,000 manuscrits de lai>ibliothèque du roi de Fer-
game, qui lui furent donnés par Marc-Antôine. Les
femmes galantes ont fait parfois de grandes choses.
Suivons les traces de l'existence de la bibliothèque.
Aulu-Gelle et Ammien^Marcellin semblent insi-
Qjuer que tout ce qui était à. la bibliothèque d'AJexan-
drie avait été détruit par Tincendie du temps de Cé-
sar. Le premier dit dans ses Nuits attiques( liv. 6,
chap. 17):
a Lq) nombre des livres rassemblés en Egypte par
« les rpis Ptolémées , était immense , allant jusqu'à^
« 700, 000 volumes ; mais ils ont tous été brûlés pen-
« dant la première guerre d'Alexandrie ; non de des-
20*
3d8 MÉMOIMS DE LA SOCXtci ROTAUB
. sein prémédité, mais par la faute 4es soldats, et
« peut-être des auxiliaires. ». \
Etlesecoad(l. 22,c.i6 desonhist.): «LeSérapeum
« Tîenfermait unebibliothèque inestimablede 700,000
« volumes, ramasséspar les soins desrois Ptolémées,
« et brûlée pendant la guerre d'Alexandrie, lors de
« ladeslructioB de laviUe parle dictateur César. »
Mais tous deux ont tort sur ce point ; Ammien ,
dans la suite de son récit, confond même évidem-
mentle Sérapeum et le Bruchion. U est prOuvé que
César n'a détruit que quelques édifices dans ce der-
nier, et non point toute la ville.
Suétone, dans la Vie de DomitieD, raconte quçcet
empereur envoya des copistes à Alexandrie , pour y
copier une grande quanUté des livres qui manquaient
à sa bibliothèque. Il existait donc encore une biblio-
thèque à Alexandrie bien long-temps après César?
On sait, d'aiUeurs, que le Sérapeum ne fut détruit
qu'en l'an Sqi de J. C. par les ordre* de Théodose.
Sans doute que la bibliothèque sôuflFrit considéra-
blement dans cette dernière occasion^ mais qu'après,
elle ait encore existé, du moins en partie, c'est ce
ce qu'on ne peut révoquer en doute sur le témoignage
d'Orose, qui fit, vingt-quatre ans plus tard, le voyage
d'Alexandrie , et qui assure y avoir vu, dans plusieurs
temples, des armoires pleines de Uvres, restes des
anciennes bibUothèques. Il est à remarquer que cet
auteur, ainsi que Sénèque ( De tranquilUtate anuru,
c. 9)» porte le nombre des volumes brûlés par César
à 400,000 ; et, comme il paraît que le nombre total
DES ANTIQUAIEES DE IRAKCE»' Sop
des livres était de 700^000, reste » avec les débris
qu'on a pu^sauver de la première , un fonds de 3» à
400^000 f qui a du composer la seèonde. .
Le véridiqueOrose» ep, 4^^^ ^^ lé dërniei; témoin
que noust ajons de l'existence d'une biblipthècpie à
Alexandrie. lies nombreux écrivains cbrétiens des
dnquième et sbdème siècles ^ qui nous ont trans-
mis tant de choses inutiles^ ne nous disentpasunmot
de cet important objet;
Nous n avons donc plu3 derdocumens certains sur
le sort de notre bibliothèque , depuis 4^^ jusqu'en
656 , Où , selon d'autres , 64o , que les Arabes
prirent Alexandrie ^ période d'ignonance^ de barba-
lie^ de guerres^ de soulèvemens^ et de:^aines disputes
entre cent sectes diverses.
Vers Tan de J. C, 636 ou 64o, les troupes du klia-
lyfe 0*mar,sous la conduite de son lieutenant A'mrou,
s'emparèrent d'Alexandrie. Pendant plus de dix sib*
cles^ personne en Europe ne s'inquiéta^à cette occa-
sion^ de ce qu'était devenue. la fameuse bibliothèque.
£n£gQ , vers 1660., un savant d'Oxford , Edward
Pocoeke , qui avait rapporté^ dèrdeux voyages dans
l'Orient^ beaucoup de manuscrits arabes^ fit con-
naître pour la première fois au monde savant ^ dans
une traduction latine^ l'histoire orientale du méde-
cin A'boulfaradje .Voici ce qu'on y lit : « .... Alorsilo-
« rissait chez les musulmans Jean d'Alexandrie , que
^ nous^nommons le grammairien ; et qui se rangea du
« parti des chrétiens jacobites Il vécut jusqu'au
« temps où A'mrou-ben él-a'ass prit Alexandrie.
fSiO MÉMOIRES D£ LA SOCXÉlé BOTALE
<c II âe rendit auprès du conquérant^ et A mrou, ^i
« savait à quel degré de science était parvenu Jean,
ce le traita avec beaucoup d'iionneuri écoutant avi-
<r dément ses discours pUlosopbiqties , lesquels
«c étaient tout nouveaux pour lés Axabes ; A'mrou
«c était lui-m^me un homme de beauco^ d'esprit et
« de pénétration, ayantdesidées fort nettes. Il retint
« dès-lors le savant sans cesse auprès de lui; Jean lui
« dit un jour : Tu as visité tous les magasins d'Alexan-
« drie et as apposé ton scel sur toutes les différentes
«< choses que tu 7 as trouvées. De tout ce qui peut te
« servir je n'en veux point parler; mais tu devrais
« raisonnablement nous laisser ce dont tu ne peux
« faire aucun usage. — Qu'est-ce donc que tu vou-
€c drais? interrompit A'mrou. — Les livres de philo-
« Sophie , répliqua Jean , qui se trouvent au trésor
« royal. ^— Je ne puis disposer de tien , dit alors A'm-
«< roû^ sans la permission du chef des croyans, O'mar-
« ben él-khotbthâb. Il écrivit donc à O'mar, lui man-
« dant ce que Jean lui avait dit. Il reçut d'O'mar use
(c réponse avec ces mots : Quapt à ce qui regarde les
« livres dont tu parles , ou ils s'accordent avec le
« livre de Dieu , et alors il suffit du livre de Dieu
« sans euX; ou ils contredisent le livre de Dieu, et,
« dans ce cas, il ne faut pas les conserver* Suivait
* l'ordre exprès de les anéantir. A'mrou-bcn ôl-a'ass
« les fit en conséquence distribuer dans les différons
« Bains de la ville, afin qu'ils servissent à les^chauf-
« fer. De cette façon, ils furent tous, en une demi-
« année-, consumés par le feu. Ecoute, et admire! »
DBS ANTIQUAIRSS DR F&Allf€S. 3l 1.
Dès que ce récit d'A^bpûlfaradje fut conni» eu Eu^
rope , il 7 fut admis sans cootestatioa ; ily aequit du
poids ^ et, dans l'opinion vulg^œ^ il passe encore
pour certitude. , ' ^
Depuis PocockeV oa a eu ccmnaissaDce d'ciu anitte
histotriea:<trab6t aussi médecin , et qui fait à peu pths
le même récit C'est À'bdollathyf , q|ui écrivit ver^
Fan i»oo>et par conséquent ^lus tôt qu^'boulfaradje.
On en doit la publication au professeur Paûlus, qui
l'a faite sur un manuscrit arabe de la bibliotbèque
bodléiénne. Voici le passage en question :
ce . • • • J ai vu aussi le portique qui, après Aristote
< et ses disciples , est devenu le collège académique^
« et de plus ^ ce collège qu'Alexandre-le-Grand fit
« bâtir en même temps que la ville » dans lik[ueUe
« était renfermée la superbe bibliothèque qu'A'm"^
« rou-ben êl-él*a'ass rendit la proie des flàmm^Sy de
« l'aveu du grand O'mar, à qui Dieu soit miséricoi^
«dieux, .•
Comme cette historiette cadrait avec le caractère
de.férocité et de barbarie que nos historiens chré*
tiens y et ceux surtout du temps des croisades , attri-
buaient aux Sarrasins , personne, pendant fort long^
temps> ne s'est avisé de la révoquer en doute • Nous al-
lons essayer de justifier sur ce point le khalyfe O'naar,
et sou lieutenant A'mrou, non par amour des Sarrar
sins 9 mais par amour de la vérité.
On pqut soupçonner d'abord , puisque A'bdéllatbjf
eslleplus ancien^ qu'Â'boulfaradje a eu connaissance
<îe ce passage de son histoire , et n'a fait que le com^
3l2 IDlMOIfttS m LA SOClM EOTAIE
mente», et TeD^yer à sa manière. A'bdoUatibyf ne
rappotte aucune des circonstances qui ont dû ac-
conqpagner la destruction de la bfttiothèque. Mais
comment ajouter foi à un écrivain qui raconte aycir
iru ce qu'on sait qui n'existait plus de son temps?
J'ai im» dit-ii, le portique et le collée qu'Alexandre-
le^rand fit bâtir, et dans lequel était renfermée la
superbe UbUothëque. Or, ces deux bâtimens étaient
placés dans Tenceinte du Bruchion, et, depuis le rë^e
d'Âurelien, qui Favait fait détruire, c'est-^à-dire an
moins 900 ans avant A'bdoUathyf^ le Bruchion n*élait
plus qu'tin espace désert , couvert de ruines et de
décombres.
A'bou]faradje, de son côté , place la bibliothèque
dans le trésor royal : l'anachronisme estlemême. Les
bâtimens royaux étant tous dans Tenceinte du Bni-
chioii, il n'en pouvait plus exister alors ; d'ailleurs ^
que signifie le trésor royal dans un pays qui, depuis
long-temps, n'avait plus de rois ^ et qui était soumis
aux empereurs d'Orient ?
Et comme un fait n'est pas absolument incontes-
table parce qu'il est raconté par un ou deux histo-
riens, quelques scrutateurs ont cru pouvoir douter de
celui-K^i. Renaudot, dans son Histoire des patriarcbeè
d'Alexandrie, en avait déjà ébranlé l'authenticité en '
disant : ce récit a quelque chose de suspect, comme
il est ordinaire chez les Arabes. Enfin Querci , les
deux Assemani^ Villoison, Gibbon, et en dernier lieu
M.Reinhard^ se sont tout-à-fait déclarés co»tre cette
assertion.
DBS ÂNTIQUAIKES DB PBAI^CB. 3l5
GîMion Jreinarque d^abord que deux historiens >
tous deux de l'Egypte , n'ont pas dit un mot d^ua
évépement si remarquable. Le premier est Ëutjc-
kius^ patriarche d'Alexandrie / qui y vivait Soo ans
après la prise de cette ville par les Sarrasins^ et qui,
dans ses Annales > a donné très au long Thi^oire du
siège et des événemens qui l'ont suivi. Le second est
Bl-Makyn > écrivain très-véridique^ auteur d!uiie his-
toire des Sarrasins^ et qui surtout rapporte dans un
grand détail la vie d'0^mar> et la prise d'Alexandrie :
est-il concevable , est-il croyable que ces deux his-
toriens aient ignoré une circonstance si importante ?
que deux savans (qu'une telle perte devait vivjenlent
iutéresseï^) n'^pn aient fait aucune mention , eux qui
vivaient , qui écrivaient à Alexandrie^ et l'un d'eux,
Eutychius^ à une époque assez rapprochée de l'évé-
nement , taudis que nous en apprenons la première
nouvelle par un étranger qui écrivait six siècles après,
sur les frontières de la Médie ? — . ,,
D'ailleurs^ observe encore Gibbon , comment le
khaly fe O'mar, quin'était lui-même nuUemçivt ennemi
des sciences^ aurait-il agi, dans cette occasion, contre
son caractère particulier , tandis qu'il avait, pour isç
dispenser d'un tel acte de barbarie, le sentimenjdes
casuistes de la loi musulmane ? Ceux-ci déclarent
( i^o/. le tom. 3 des Dissertations de Reland , sur le
droit militaire des Mahométans ) • qu'il ne convient
« point de brûler les livres des chrétiens, pàrrespecf
î< pour le nom de Dieu qui s'y trouve > et que tout
« croyant peut faire un usage légitime des livres pro-
5l4 UÉMOWES D£ LA SOGlÉTli fiOTAUS
« fanes d'bislioire , die poésie, dldstobre naturelle
c et de philosophie, » Cette décision ne ^ent point
les bràieurs de bibliothèque. .
A<;es raisons, M.JK.. Reinhard ajoute les siennes; 41
remarque qo'Eutycfaius, dans ses Annales (tome. 2,
page 5t6), rapporte les termes de là lettre par la-
qoeUey après un siège long et opiniâtre^ A'mrou rend
comptean khalyfedela prise d'Mexandiie. J'aiempor-
té la ville de vive forée et sans capitulation préalable^
dit-il^ je ne.puis te déciice les trésors qu'ellerenferme;
quilme suffise de te dire que j'ai trouvé 4-0O0 pa-
lais 1 iiooo bains> 4o>ooo juifs taillables^ 4oo théâtres^
is^ooo jardiniers vendant des légumçs. Tes musul-
mans demandent le pillage de la ville et le partage
des trésors. 0 mar ^ dans sa réponse y désapprouve
cette demande ^ et défend sévèrement tout pillage
et toute dilapidation.
On voit qu'A^mrou y dans le rapport officiel qu'il
fait de sa conquête , cherche y ainsi que la coutume
s'en est conservée de nos jours , à en exagérer le
prix et à en rehausser l'importance, U n^oùblie pas
une baraque^ pas un juif, pas un jardinier. Gomnient
aurait-il oublié la bibliothèque , lui qu'A'boulfaradje
peint comme un ami des arts et de la philosophie?
Aurait-il donc pensé que ce célèbre et antique mo-
nument ne valait pas la peine qu'on en tint con^te ?
El-Makyn rapporte à son tour la lettre d'A'mrou,
à peu près dans les mêmes termes. Pas un' mot delà
bibliothèque.
Ofi peut objecter que peut-être jamais cette lettre
DES AKTIQUAinES DU FRAlfCE. 3>5
n'a été écrite par A^mroa/et que lés deux historiens
la lui prêtent? ttàison de plus pour qu^il y. eût été
question de la bibliolliëque s'il j avait eu lieu ; eus-
sent-ils oublié tous deux cet article^ qui edt dû être
si important aux yeux de deux savans^habitans d'A-
lexandrie? Se seraient-ils piqués de paraître mieux
inforniés de l'existence des bains et des jardins po-
tagers que de celle de la bibliothèque ? ' -"
Mais, si la lettre est authentique , comme sou éçm-
tenu doit le faire penser , qu'on fasse attention à la
réponse du l hàlyfe , qui ordonne d'épai^er tout ce
qui se trouve dans la ville. '
On pourrait, sans grand risque, tirer de tout cecr
la con clusion'que la biblio thèqùe des Ptolémées n'exis-
tait déjà plus en 64o, lors de la prise d'Alexandrie
par les Sarrasins^ -
EuToici de nouvelles preuves, tirées de deux écri-
vains à peu près contemporains d'O'mar. -
L'un d'eux , Jean Philoponos ( que Gibbon et d'au-
tres ont confondu mal à propos avec Jean le gram-
inàirien,dont parle A'boulfaradje) dit, dans son Com-
mentaire sur l'analytique d'Aristole , « que <lans les
« anciennes bibliothèques il s'était trouvé 4o KVres
ce différens de cette analytique. » Il ne nomme pas
expressément les bibliothèques d'Alexandrie , mais
il vivait , il écrivait dans celte ville , où, sans douté, on
les nommail toujours les bibhothèques par excellence,
et îl rie pouvait parler ici d'aucune autre. On sait
d'ailleurs que les écrits d'Aristote avaient été rassem-
blés très - soigneusement pour la bibliothèque des
5x6 MÉMOIRES B£ LA SOCIÉTÉ ROTÀIE
Ptolémées. Voyez ce qu'en ont dit Athénée ^ Stra-
. bon et Plûtarque, dans la Vie de SjÙa, .
Mais s'il reste encore quelque doute j qu'on con-
sulte le mattre de Philbponos ^ Âmmonius Herméas,
dans ses observations sur les cs^thégories d'Aristote.
n vivait a Alexaùdrie avant Tinvasiondes Sarrasins.
« Ptoléniée Philadelphe > dit-^U ^ passe pour s'être
« fort appliqué à ramasser les écrits d'Aristote ^ et
« pour avoir libéralement récompensé ceux qui lui
« en apportaient ; ce qui fut cause que bien des gens
« en présentèrent de faux^, sous le nom d'Aristote ,
« et que dans la grande bibliothèque il se trouvait
« jusqu'à 4o différens livres de l'Analytique.»
C'est bien de la bibliothèque d'Alexandrie que
parle ici Anmionius; c'est donc d'elle aussi que Philo-
ponosentend parler. Ce qu'il appelle les anciennes bi-
bliothèques^ est la même chose que ce qu'A^oamônius
appelle la grande bibliothèque; ils en parlent tous deux
conune d une chose qui a été y et qui n'existe plus :
cela est de la dernière évidence. On peut même bien
penserqu'il s'agit ici de la bibliothèque du Sérapeum;
car Philadelphe^ qui rassemblait avec tant de soins
les écrits d'Aristote ^ les aura sans doute placés dans
ime collection qui était son propre ouvrage ^ et qu'il
affectionnait particulièrement.
Si l'on consulte les probabilités naturelles, ouïes
trouvera de même contre le récit d'A'boulfaradje, et
contre l'existence d'une bibliothèque au temps d'O-
mar etd'A' mrou. Les livres des anciens étaient écrits
DES ANTIQUAIRES D£ FRANCE^ Z\y
OU sur du parchemin, ou sur des feuilles de papyrus.
Ceux de la bibliothèque d'Alexandrie devaient être
surtout de cette dernière espèce, puisque le papyrus
était me pliante égyptienne. Or, ces feuilles de pa*-
pyrus étaient très-sujettes à. là dissolution et aux in-
sectes, surtout dans Fair chaud et humide d'Âlexan-
drie , de sorte qu'il fallait fréquenunent renouveler
les copies. Or, croit-on que tous les soins nécessaires
aient été donnés à la conservs^tion d'une tello biblio-
thèque après les rois Ptolémées, au milieu des guerres^
des soulèvemens qui eurent lieu , et pendantlesqueb
le goût des sciences et 'des lettres tomba comme on
sait?... Les manuscrits en parchemin , qui probable-
ment n'étaient pas nombreux , purent résister plus
long-temps ; mais tous les autres durent être devenus
la pâture des vers , après deux ou trois siècles.
A'boulfaradje ne détermine pas le nombre des livres
(ph selon lui, furent brûlés; mais , dit-il, ils ser-
virent pendant six mois à chauffer les bains de la ville ;
et nous savons qu'il y avait 4ooo bains. Ecoute et
admire, ajoute-t-il. En effet , il y a de quoi admirer.
Des livres qui chauffent 4ooo bains pendant six mois !
Un plaisant pourrait observer qu'A'mrou ayant pris
la ville précisément au mois de mai, on ne devait pas
avoir , en cette saison , grand besoin d'eau chaude
dans les bains d^Âlexandrie. Les volumes,ou rouleaux
des anciens, n'étaient guère comparables à nos in-
folio, et le nombre des livres brûlés , en accordant
^^ I^us possible , ne pouvait aller qu'à trois ou quatre
3l8 MÉMOIRCS DE LA SOCIÉTÉ fiOTAU
cent m^e ; la portion journalière de chaque bain
devait être ausssi fort mince.
Et quels matériaux pour faire bouillir des chau*
diQres ! quQ de vieux parchemins et des rouleaux de
papyrus! Il devait s'en exhaler une odeur fétide^capar
ble de corrompre l'air; et remarquez que ni le parche-
min ni le papyrus ne peuvent servir à chauffer de Teau »
Ciette dernière absurdité n'est peut-être pas une des
raisons les moins fortes contre le récit d'A'boul-
faradje.
Mais s'il est vral^ comme il le semble , qu'en 6^0,
lors de la prise d'Alexandrie par A'airou^ la célèbre
bibliothèque n'existât plus , de quelle manière avait-
elle donc été dispersée et détruite, depuis l'an ^ib
qu'Orose assure encore l'avoir vue?.
Remarquons d'abord qu'Orose ne parle que de
quelques armoires qu'il a vues dans les temples ; ce
n'était plus là tout-à-fait la bibliothèque des Ptolé-
mées , celle qui existait dans le Sérapeum.
Qu'on se rappelle ensuite les troubles et les éter-
nelles guerres dont l'Ëgjpte a été le théâtre depuis
les premiers empereurs romains^ et l'on s'étonnera
qu'il ait pu subsister encore quelques traces de la bi-
bliothèque dans des temps postérieurs.
Sous Commode , le Sérapeum souffrit déjà un in-
cendie, mais sans être tout-à-fait détruit; ce qoi
pourtant ne put arriverisans que la bibliothèque n'eût
à souffrir.
On sait quelles dévastations commit le génie mal-
DES ANnQV AIRES DE FEARCB. ' Sig
faisant de Garacalla dans la malheureuse Alexandrie.
Le musée y fut abattu.
Sous Aurélien, tout le Bruchion ïut démoli. Cet
empereurprit ensuite la ville y et la livra au pillage
de ses soldats. . .
Vinrent ensuite les troubles de Tarianisme.
Théodose4e-6rand enfin , poussé par les exhorta^
tions de Févêqfue Théophile^ fait réduire en cendres
le Sérapeum, Tan deJ. G. Sgi.Il est certain que
tous les bâtimens attenans à ce temple furent cette
fois la proie desflamnies.Ge serait donc des chrétiens
qu'il faudrait accuser de cette perte ; et Ton ne peut
guère douter que le zèle aveugle des premiers siècles
n'ait porté des hommes peu éclairés à détruire livres,
monumens, enfin tout ce qu'ils croyaient pouvoir
perpétuer ou rappeler le culte des idoles.
' Si cette fois il est encore échappé quelques dé-
bris de la bibliothèque, il est probable que le second
Théodose , aussi bibliomane que les Ptolémées , se
les sera appropriés.
S'il en est encore resté à Alexandrie; que seront-ils
devenus pendant la guerre qui s'est élevée dans ses
^urs entre CjriUe et Orestc? pendant les soulève-
mens qui ont eu lieu sous ^empereur Marcian?Il est
très-probable qu'il s'en fit' alors un gaspillage consi-
dérable. Les moines en firent passer dans leurs mo-
nastères , les empereurs d'Orient à Gonstantinople
et dans d^utrës villes où ils établirent des écoles. Il
est hors de doute que , vers le commencement du
neuvième siècle, une grande quantité d'anciens
320 HÉM0IBB8 DE LA SOCIÂTÉ ROTALE
livres se trouvait disséminée en Egypte. LéonrAfri^
cain rapporte que le khaljfe Mamhhoud envoya, en
Syrie , en Arménie et en Egypte^ diverses personnes
avec la commission d'y rassembler et d y acheter
d'anciens livres, et qu'elles revinrent chargées de tré-
sors inesthnables.
Ënfin^ qu'on se rappelle encore que> sousHéraclias,
les Perses prirent et pillèrent Alexandrie qu'ils aban-
donnèrent peu de temps après : alors survinrent les
Arabes > qui ne purent^ comme l'on voit> y trouver
l'antique bibliothèque , à moins qu'il n'ait été fait
pour sa conservation un miracle, dont malheureuse-
ment nous n'avons aucun exemple dans l'histoire de
la littérature.
Gibbon se déclare encore pour la négative ; il re-
grette bien plus^ dit-il^ la perte des bibliothèques
romaines qui ont dû périr lors de Tinvasion des bar-
bares du nord ! il ne nous est parvenu que des frag^
mens des trois grands historiens de Rome ; et nous
devons nous étonner du nombre de morceaux de
littérature grecque qui^ont surnagé jusqu'à nous à
travers le déluge de dévastations^ qui a couvert tant
de siècles. Nouseii possédons les ouvrages classiques,
et ces oeuvres du génie, à qui la voix de l'antiquité
assigne le premier rang. Aristote , Galien , Pline ,
avaient lu , comparé , employé les écrits de leurs de-
vanciers, et ils ne nous donnent point de raisons
valables de penser qu'il se soit perdu ni vérité impor-
tante, ni découverte utile, qui puisse intéresser beau-
coup la curiosité des modernes. Quant à ce qui re^
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 32 1
gardait la littérature des barbares , on présume que
l'orgueil des lettres grecques n'aura pas permis à des
livres éthiopiens^ indiens^ chaldéens, phéniciens^ etc.
d'entrer «dans cette bibliot}ièque ; et d'ailleurs il est
fort douteux que la philosophie ait pu éprouver, par
cette exclusion , une véritable perte.
Sans rejeter entièrenaent ce que dit Gibbon à ce
sujet, on doit penser cependant que nos richesses lit-
téraires seraient plus grandes si nous possédions en-
core la bibliothèque du Sérapeum. Qui que ce soit
qui l'ait dé truite, les vers ouïe feu, l'incurie ou le fa-
natisme, il est certain qu'elle nous offrirait un Aristote
complet et correct , qui peut-être alors serait tout in-
telligible ; les œuvres de Ménandre, tout ce qui nous
manqué d'Eschyle , d'Eurypide, les poèmes d'Empe-
docle et de Stésichore ; une multitude d'écrits phi-
losophiques de Théophraste , d'Epicure , de cent
autres; une foule de morceaux historiques dont nous
sommes à jaïnais privés. C'en est donc assez pour
causer quelques regrets aux amis des sciences et des
muses-
Mais , j'en conviens , en déplorant la perle de la
grande bibliothèque du Sérapeum , on peut rester
assez indifférent sur ce qu'A'mrou a brûlé, si en effet
il â brûlé quelque chose. Il est assez démontré que,
de son temps, la collection des Ptolémées ne pouvait
plus exister ; mais on sait que , pendant les deux ou
trois siècles qui ont précédé l'arrivée des Musulmans,
il avait paru une effroyable quantité d'écrits polé-
miques, produits parle gnostisme, l'arianisme , le
IV. 21
322 MÉMOIRES DE Là SOCIÉTÉ ROYALE
monophjsitisme ^ le monotélitisme ^ etc ., toutes
sectes qui agitèrent beaucoup l'empire ^ et en parti-
culier Alexandrie.
Il est probable que la maison du patriarciie et les
églises étaient pleines de ces écrits ; et. s'ils ont servi,
à chauflPer les bains , il faut convenir (ajoute Gibbon)
que du moins une fois ils auront ser^i rhumanité.
EXTRAIT
Da Glossaire breton j ou Recueil des expressions vicieuses,
surannées ou rustiques , usitées dans la ci-devant proyince
de Bretagne; par J. F. M. M. Â. Le Gonidec, membre de la
Société.
A.
Agios, s. m. pL caresses, révérences, façons,
cérémonies. Il ne s'emploie qu'avec le verbe faire :
ils m'ont fait beaucoup rf^agios a mon arrivée*
ÀiGLEDON, s. m., par abus pour édredon , duvet
de certains oiseaux du nord, particulièrement de
VEider, canard d'Islande • On lui a fait présent d'tm
coui^re-pied ^^aigledon .
ÂHBIEII5EUR , s. m. , cclui CD la garde duquel on
a mis des biens saisis parla justice. En hvelon , alnen-
ner ou ambienner signifie la même chose : on ïa
nommé ambienneur dans là maison du condamné.
AmelettCi s. f. , par abus pour omelette, œufs
i
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 023
battus qu'on a l'ail cuire dans la poêle avec du beurre.
faites-nous une amelette de huit œufs.
Anguille , s. f. ( on mouille les deux //). Outre
sa signification connue commç poisson , on lui
donne aussi ceile de fente y crevasse qui se fait dans
un mur. C'est ce qu'ailleurs on nomme lézarde, IL
s'est formé une anguille dans toute la hauteur du
premier étage : quelques personnes emploient le
mot couleuvre dans le même sens.
Anguille, adj. ( on mouille les deux// ) , fendu ,
crevassé,. en parlant des murs; c'est ce qu'ailleursi
on nomme lézardé. Ce mujr est ainsi anguille depuis
plus d^un an.
Anillc , s. f . ( on mouille les deux // ), béquille ^
sorte de bâton , avec une petite traverse , dont se
servant les vieillards et les estropié^. Anille ne s'em-
ploie guère qu'au plurier. OA assure quUl ne pourra
plus marcher qu^avec des anilles*
. Anuit , adv. aujourd'hui, au jour où nous.sOmmes^
Le P. Grégoire, dans son dictionnaire français-
breton , dit que ce mot vient de l'usfi^ge des ^Gaulois
de cooai^ter le temps par nuits et non par [ours. //
ne viendra pas anuit.
AOUT, S. .m. Outre son emploi pour désigaep un
des mois de Tannée, on donne encore à ce mot la
signification de moisson, réc^ltç. jCommmceresr-
vQu^ bientôt yotre août ? Dans ce derûier* àerts seule-
ment, il se prononce oût en Bretagné|; c^eàt sans
doute pour le distinguer du mo t précédente-
21*
32^ HXMOI&ZS DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
ÂRBELÈzB , S. f . ^ côtes de porc frais non séparées.
Nous aurons une arbelèze pour rôti.
ÂAHORiQTJE y s. f . C'est le nom que Ton donne de-
puis long-temps à la Basse-Bretagne , particulière-
ment aux cantons maritimes. Du breton armôrSc^ ou
plutôt an^ôriky composé de ar pour i^àr^ ou war sur,
dessus y et de môrik y diminutif de môvy mer. On doit
donc entendre par armorique un pajr^ situé sur la
petite mer {i).
Absenac ou ARCENAG OU ARSENA> S. m. y par abus
pour arsenal y magasin d'armes. Allez à /'arsenac ;
et présentez cette demande au garde^magasin.
AssABLER^ y. a.^ combler y remplir de sable. La
mer y ayant assablé le port de l^ ancienne ville de
Penmarc^hy a été cause de sa ruine. S^assabler, pour
s'engraver , s'engager dans le sable. Son bateau s'est
assablé , et il a été obligé d^ attendre la marie.
Assassin , s. m. ^ par abus pour assassinat y meurtre
en trahison et de guet-apens. // a été commis wi
ê
(i) Les anciens donnaient le nom d'AaiioKici on d'AmMOucAiii à on
peuple placé à l'ouest de la Gaule ; mais le mi sens dte ce mot embar-
rasse, lorsque l'on yeut déterminer les limites du pays qu'occupait ce
peuple. Qu'entendaient les anciens ^an petite mer? M. de Penhooët^ dans
ses recherches sur la Bretagne , n'aurait-il pas eu raison lorsqu'il a avaiicé
que l'on ne devait comprendre , sons le nom d'armortcaiiu^ que les habi-
tans du Morbihan et des environs de son archipel. C'est peut-être par ex-
tension qu'on a donné depuis le nom d'armoriquê à toute la c(yte de
Bretagne , au lieu de celui d^orm^. Car je remarquerai qu'en breton , «r-
mâr ouaréâr (et non armdrîA ou arvârià) est le nom que l'on donne à
toute l'étendue de la côte de Bretagne qui a vue sur la mer, par oppo-
sition au mot arkoat ou drgoat ( sur le bois ) , nom par lequel on désigne
l'intérieur de« terres.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 325
assassin la nuit dernière dans notre rue ( il est po-
pulaire. )
Atr^ts, s. m. pi. , décombre » gravois , du breton
atred qui signifie la même chose, ^t^ez-i^ousfait e/z-
lei^er les atréts qui remplissaient i^otre cour ?
Au-HouROiB^ façon de parler adverbiale pour si-
gnifier moribond; mourant^ près de mourir. Lorsque
je suis sorti, il était au mouroir.
AvANGEB, V. n. , aller vite , fournir, en parlant d^un
ouvrage , etc. Ce tricot est si fin qu^il n^avange pas
du tout. Je ne puis pas avanger a cela.
B.
BAfiO0B fS.î., crotte, boue des rues, au figuré em-
barras 9 gène ; du breton babouz , qui a à peu près les
mêmes acceptions. Il y a beaucoup de baboue dans
votre quartier; ils m'ont entraîné malgré moi ^ et en-
suite ils WLont laissé dans la baboue.
Badie, s. f. C'est un des noms que Ton donne à la
guigne ou cerise douce. JVe donnez pas de badies
noires à cet enfant, celalui salirait les mains : donnez-
luide% badies rouges.
Baille, s. f. ( on mouille les deux //), baquet
sans anses, du breton bal, qui signifie la même chose
et se prononce de même. Mettez de Ceau dans la
baille poiir arroser le jardin. Voyez Baratte.
Balant, adj., pendant, qui pend. Ce mot pour-
rait venir du substantif balant , terme de marine si-
gnifiant partie de manœuvre qui n'est point halée ou
326 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
tirée. // a toujours les b^'as balans , quand il mar-
che. On dit aussi abusivement être en balant, pour
être en balance , en suspens , irrésolu.
Ballin, s. m,, couverture de lit d'une étoffe gros-
sière , composée de laine brute et de lin ou de chan-
vre, du hrelon pallin, qui signifie la même chose. Ce
hû\\n est trop court pour mon Ut; donnez^nienun
autre.
Bamboche , s. f. Outre ses acceptions connues, on
lui donne encore la sigoificalion de pantoufle ou
mule avec un quartier de derrière. Cest probable-
ment le mot babouche mal prononcé. Otez vos sou-
liers et mettez vos bamboches.
Banie ou Bannie, s. f. , ban , publication , procla-
mation qui se fait dans l'église pour avertir qu'il y a
promesse de mariage entre deux personnes. Savez-
vous pourquoi on a fait une banie dans les rues? on
n^a passé [que deuxh^me^j ajant obtenu des dis-
penses de la troisième,
Banir ou B^N^iR , V. a., publier, proclamer, pro-
mulguer, passer les bans, annoncer qu'il y a pro-
messe de mariage entre deux personne^* Deniaùi on
banira la paix. Votre frère a été barii dimanche
dernier.
Bar, s. m., poisson de mer fort délicat, mais très-
difficilefà transporter. On le nomme aussi sur^mulet.
Mettez le bâr sur le gril, et servez-le à la sauce
blanche.
Baratte, s. f. Outre son acception connue, on lui
donne encgare la signification de baquet avec deux
r
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 327
anses, pour porter de Teausurla tête., du breton
barazy qui signifie la même chose. Allez chercher de
teau dans la baratte. Voyez Baili^jb*
Barbuquet, $. m., petite gale sur le bord des lè-
vres. // a souvent du barbuquet aux lèvres.
Bataclan, s. m., tous les meubles et ustensilesd'un
ménage. /& se sont embarqués avec tout leur bata-
clan. ( Il est familier. )
Battes , s. f. , la quaotité qu'on peut battre à la
fois, de quelque chose que l'on parle. Cela nous
donnera deux battées de papier. Nous avons dç quoi
faire une battée de pommes a cidre.
Batette ( prononcez ba-i-ette), s. f. , par abus
pour baguette y verges, houssine, etc. Cette bajette
servira à battre les habits. Il a perdu une des bayet-
tes de son tambour.
Bègaud, adj. et s. m., badaud, niais. Ce jeune
homme est un vrai bégaud.
Bégauder^, V. n. , badauder, niaiser, s'arrêter
d'une façon niaise à regarder ce ^ui se passe. //
niarche dans les rues tout en bégaudant.
Bégauoerie , s. f. , action , discours de badaud*
C'est aussi un lien commode pour causer et pour
voir ce qui se passe dans une ville. La bégauderie
approche fort de f imbécillité : la bégauderie est, tou-
jours pleine de mondç.
Bélinbr, V. n. 5 se battre à coups de tête comme
les béliers. En Bretagne y on voit souvent les lutteurs
béliner. /
1
328 MEMOIRES DE LA SOGlixi^ ROYALE
Bère^ s. m. y par abus pour berceau y dans toutes
ses acceptions. M eite% cet enfant dans son bère. Le
vaisseau sera lancé bientôt; on travaille à son bère.
BiGNET, s. m., par abus ^pouv beignet , pâte frite à
la poêle. Tout le monde en général aime fe^bignets
de pomme$.
Bigorneau > s. m* C'est le nom que Ton donne
au limaçon de mer y coquillage bon à manger. // a
toujours des bigorneaux en poche y et il les mange
avec une épingle : quelques-uns disent bigorne.
Biiriou, s. m. C'est un des noms que Ton donne
en Bretagne à la cornemuse y instrunâent champêtre.
C'est; sans altération y le breton biniou qui signifie la
même chose. Nous ne sommes pas loin de la danse y
car f entends le biniou. Voyez Vaize.
Boise ^ s. m. , pièce de bois équarrie, madrier.
Voidez-vous que nous nous asseyions sur la boise ?
BoÎTe, s. f. Outre ses différentes acceptions con-
nues ^ on lui donne la signification d'appât pour
prendre le poisson ; ce mot est pur breton , avec une
très-faible altération. Il vient de boued, nourriture,
mangeaille. T ai fait une bonne provision de boîte
pour la pêche. On dit' aussi résure dans le même
sens.
Boite, adj., un peu ivre de vin, gris. Quoiqv^H
n'ait pas beaucoup bu , il n'en est pas moins boite.
Dit papier boite, pour du papier brouillard.
Bonnbau , s. m. , bois ou liége flottant qui désigne
DES ANTIQU AIRES DE FRANCE. 329
Tancre mouillée : c'est ce qu'on nomme ordinaire-
ment bouée. Il y a sûrement une ancre près d^icij
car s^oilà un bonneau. On dit aussi gas^iteau dans le
même sens.
BoRD^ s. m. Outre ses différentes acceptions con-
nues^ ce mot s'emploie aussi pour côté. Chacun s^en
alla de son bord.
BouiiniFAiiiiiE^ s. f. (on mouille les deux//);
repas abondant et peu délicat. // aime la bourdi-
faille; c^est tout son bonheur. ( Il est familier. )
BouRRixa ; s. m. ; ordure, fumier, boue. Pour-
quoi avezr-vous laissé ce bourrier derrière la porte F
il a du bourrier dans ses flûtes , phrase proverbiale
qui vaut celle-ci : ses affaires sont en mauvais
état.
BouRSETTE, S. f., plante que l'on mange en sa-
lade; on la nomme mâche ou dougktte à Paris.
Taime mieux la boursette que le pourpier, quel-
ques-uns la nomment bourse-à-févêque.
BouscoGiïBR, V. a. , pousser et repousser, ballo-
ter. Ik nCont tant bouscogné , que fen suis encore
tout étourdi. ( Il est familier. )
BREGiiiLBR,^. n. (on mouille les deux//)» faire
un. mouvement , bouger, se remuer. Quoiqu^il eût
la certitude que sa vie était en danger , // n'a pas
brécillé un instant.
Brbdacer, V. n., radoter, rêver, dire des extrava-
gances par un affaiblissement d*esprit; déraisonner :
55o MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ KOYALE
depuis quelque temps il ne fait plus que bredacer.
( n est familier. )
BiiENiQUE 0UBERI7IQUE; S. f.^ sorte de coquillage
de mer que le peuple mange , du breton brennik ou
brinnik , peut-être pour bronnik , petite mamelle ,
dont ce coquillage a effectivement la forme : achetez
des breniques/7oz^r notre souper.
BrignoN; s. m., par abus i^qiût brugnon , espèce
de pèche sans duvet. Les escargots sont très-friands
des bngnons.
BaocHON^ s.?m.^ petit morceau de bois mince et
court, espèce de petite cheville pointue ; il vaut le
diminutif brochette^ et"* vient comme lui du français
broche : prenez un bro4^hon , que vous mettrez dans
le petit trou du baril. Vous auez oublie le brochon
que vous avez mis au poulet.
Baocoli^ s. m. , jet ou tige de chou , ou de toute
autre plante qui commence à monter en fleurs. Ce
mot, contre l'opinion de ceux qui le font Tenir de
ritalien , me semble tout-à-f ait breton , composé de
brous y jet, rejeton, et de kaoly chou , légume on
plante. Les brocolis de navets sont plus estimés
que ceux de chous ; quelques-uns prononcent
bricoli»
Brodb , adj. , celui ou celle dont le teint' est un
peu noir, brun, 'brune. C'est une^ssez belléfemme,
mais elle est un peu brode*
Brouaillês, s. f., pi. ( on mouille les deux W );
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 33l
intestins de poissons ou de volailles qu^on vide. Ces
brouailles seront bonnes pour pêcher des cancres.
Brouéb, s. f. , il se dit de tout ce qui vient par
accès, etc., et qui ne dure guère; du breton brouez,
qui signifie la même chose. // est survenu une
brouée de pluie qui nous a forcés à nous réfugier
dans une maison : il lui a pris une brouée de toux
qui a été sur le point de V étouffer.
Bruaut, s. m., oiseau dont le plumage est jau-
nâtre ; c'est une espèce de verdier ; on le nomme
aussi bruant en breton. Mettez ce bruant dans une
cage.
BuiE, s. f. y grand vase ordinairement alongé, en
terre vernissée , qui sert à puiser de Feau à la fon-
taine, yous ne pourrez pas porter la buie sur i^otre
tête , elle est trop lourde. A Nantes et dans les envi-
rons > oii dit une bue.
c.
Cabosser, v. a., bossuer, faire des bosses, en par-
lant des métaux. // a cabossé sa tabatière d'or. ( Il
est familier.)
Capbtibre, s. f. Outre son acceptioi;^ connue,
on l'emploie par abus pour limonadière , maîtresse
d'un café. P^ous direz à la cafetière de m'en^^ojrer
trois demi-tasses.
Calandrer, V. a., hoUander , passer des plumes
à la cendre chaude. Il faut calandrer w^ plumes
aidant de les tailler.
332 MÉMOIRES DE Ik SOCIETE &OTALE
GiLiN, S. m. , ustensile de cuisine en fer-blanc;
avec un couvercle bordé , servant à cuir-e différentes
choses au gratin. J^rêtez^moi votre câlin pour cuire
des côtelettes.
Camper , v. a. ^ retaper^ retrousser les bords d un
chapeau contre la forme. Faut-îl camper votre cha"
peau, ou le portezryous en rond ? chapeau campé ^
chapeau à trois cornes.
Gampin^ adj. et s. m.^ boiteux^ celui qui boite,
qui ne marche pas droit; du breton kamuc, qui si-
gnifie la même chose. Il est resté campin depuis
sa chute ; les campins sont communs dans cette
i^ille.
GAMrii9E> féminin de campin.
Gahpinbr, V. n.^ boiter, clochçr> ne pas marcher
droit. Je Vai toujours vu campiner, même avant sa
blessure.
Caiïetaxb> s. f. , petite herbe fort mince qui croit
dans les eaux vives qui n'ont pas d'écoulement , et
que les canards aiment beaucoup. Je ne veux pas
qu'on enlève la canetaie de cette mare.
Canette^ s. f.^ petite boule de terre cuite ou de
marbre dont se servent les enfansdans leurs jeux,
c'est ce qu'on nomme bille à Paris. J^oulez-vous jouer
a la canette ?
Garapousse; s. f. , espèce de bonnet en feutre,
connu ailleurs sous le nom de casquette. Les cara-
pousses sont fort commodes pour la chasse et pour les
voyages.
BS3 ANTIQUAIRES DE FRANGE. 333
Casse, s. f. Outre ses acceptions connues , on lui
donne encore la signification de lèchefrite ^ ustensile
de cuisine servant à recevoir le jus du rôti. Vous avez
oublié de mettre la casse sous la poularde.
Gasse-museaiT; s. m., espèce de pâtisserie fort
légère , dans le genre des échaudés : c'est ce qu'on
nomme colifichet à Paris. // faut acheter un casse--
museau pour les serins.
Gastille ; s. f. ( on mouille les deux // ). C'est le
nom que l'on donne à la groseille à grappes rouges
ou blanches. Ce fruit apparemment a été apporté
d'Espagne en Bretagne. Les castilles blanches sont
moins acides que les rouges.
Gastille , s. f • ( on mouille les deux // ) , que^
relie, dispute, différend. Ils sont toujours en castille/
on ne les voit jamais d^ accord.
Gastiller , s. m. ( on mouille les deux // ) , gro-
seiller à grappes à fruit rouge ou blanc. Le castiller
est un des premiers arbustes qui porte fleur. Voyez
Gastille, pren[iier article.
Ghipoter, V. n., marchander, faire tous ses efforts
pour obtenir du rabais sur une marchandise. Cette
dame n achète rien sans chipoter.
Ghipoteur, adj. et s. m., celui qui marchande,
qui veut avoir du rabais sur une marchandise. G est
le plus grand chipoteur que je connaisse. Comme on
sait qu^il est chipoteur , on lui surfait toujours
beaucoup.
334 MÉMOIRES D£ XA SOCIÉTÉ ROYALE
Chipoteuse , féiuinin de chipotew^.
Coches, s. f.p. , dépens, dépense, frais. Il a appris
à ménager depuis quil s^it à ses propres coclies. On
dit aussi crochets dans le même sens.
CoMBOT, s. m., étage; du breton kombot, ou
kembotf qui signifie la même chose. // a un fort
beau jardin a combots , à terrasses , en amphi-
théâtre.
CoRôiNER, V. n. , écornifler, cherôher à manger
aux dépens d'autrui*, prendre du tabac dans la taba-
tière des autres; etc. On détroit avoir honte de cor-
biner quand on est si riche ; il n^ achète pas de tabac,
il aime mieux corbiner.
CoRBiNEUR , s. m., écornifleur,. parasite. Cet
homme est connu partout pour un corbineur.
Corée ou gourée , s. f. ^ fressure , Fassemblage
du foie, du cœur, de la rate et du poumon de quel-
ques animaux. En Angleterre et dans plusieurs
villes de F Allemagne , les hommes ne mangent au-
cune partie de la corée de la viande de boucherie)
on ne les achète que pour nourrir le$ chiens et les
chats,
CoRTNUÈRE , S. f. Outrc SCS acccptious connues, on
emploie ce mot pour angle , coin , encoignure. Elle
s'est blessée en heurtant contre la cornière de h
cheminée.
CoTiR, V. n. Outre son acception connue, ce
verbe s'emploie aussi pour éclater , crever , faire un
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 555
grand bruit. Le trop grand feu a fait cotir la cas--
serole de teire.
Coulée ; s. f., vallée, espace entre deux monta-
gnes, pays au pied d'une montagne. Cette coulée
produit beaucoup de blé et de foin.
Gouiiis, s* ifSL. Outre ses acceptions connues, il
s'eni^loie aussi pour désigner la bouillie claire que
Ton fait avec du gruau d'avoine. Depuis sa convales-
cence on lui a ordonné de manger beaucoup de
coulis das^oine , pour\?u qiCilsoit bien cuit.
Coup-POUR-son, façon déparier adverbiale qu'on
peut rendre par 'ce;5 mots : à-tous-coups ou bien
coup-sur-coup, // répète cette eocpression coup-
pour-sou.
Crocher, V. a., prendre, saisir, mordre. Madame
crochait le bras de son marij cet enfant ne croche
pas le sein de sa mère.
Grouiller v. a. ( on mouille les deux // ), ver-
rouiller, fermer au verrou; en breton du dialecte de
vannes on dit kroulein ( ou mouille 17 ) dans le
même sens. Avezrvous eu soin de crouiller la
porte ?
CuTE, s. f., cache, cachette; du breton kûz ou
kûty qui signifie la même chose. Ne craigncT^-vouspas
(jue Fort découvre votre cute .-^ (Il est populaire. )
336 MEMOIRES DE LÀ SOCIEHÉ ROYAIC
/
D.
Da60I7, s. m. , _pièce, morceau d'étoflFe ou de
métal qu'on attache à des choses de même nature ,
lorsqu'elles sont trouées. ///^t/^ mettre un àz}û<ycLa
t habit de votre fils \ on mettra un dabon a la cas-
serole. On dit aussi un gros dabon ^ pour un richard^
un homme qui a beaucoup de biens et peu de mé*
rite. ( Il est populaire . )
Dabonner, V. a., raccommoder, mettre des pièces
à des habits , à des ustensiles de cuivre , etc. Son
gilet est tout dabonné; il faudra faire dabonner /<?
chaudron. ( Il est populaire. )
Daî7s^ prép., par abus au lieu de à, aussi préposi-
tion , au y aux. Il en a autant que de doigts dan^ la
main y mes souliers ne me tiennent pas àiusles
pieds.
Dauba REUR; s. m., aide-macon ou sert-macon ,
aide-couvreur; du breton darbareur, qui signifie la
même chose. Ce darbareur est bien chargé pour
monter à l* échelle.
Défeiner, V. a., tirer de peine ^ faire sortir du
malheur^ rendre à une meilleure chance. Il foiU
mêler les cartes, cela vous défeinera peut-être. Je
suis enfin défeiné. Ce verbe est formé à rimîtation
du génie de la langue bretone.
Deri. s. m., débordement, sortie hors du bord.
:l
. DES ANTIQUAIRES DE FRANCE* 55^
La dernière pluie a causé un déni d^eau fort eonsi^
dérable.
DiOT 9 adj. et s. m. , par abus pour idiot y stupide y
imbécilie ; en breton > on dit aussi diot ou diod dans
le même sens. // faut être bien diot pow cmire
cela.
DoiGi'E , s. f. ( le ^ ne se pronotice pas ) , ai-
guillée, certaine étendue de fil, de soie, etc., coupée
de la lon^eur qu'il faut pour travailler à Taiguille.
Donnez-moi une doigte de fil , et deux doigtes de
laine \ quelques-uns prononcent douette.
DONGBR, OU DONJER, OU DANGER, S. m., répU-^
goaoçe, dégoût, aversion; il se dit plus particuliè-
ment en parlant des mets. Elle méfait àongevpar
sa malpropreté. Sçn plus grand donger est contre
les grenouilles .
DouET^ s. m., lavoir, lieu destiné, à laver le
linge. Il faut porter le linge au douet.
* Doute > s. f. Outre ses acceptions connues, ce
mot s'emploie encore avec la signification de fossé
d'un château , d'une ville , etc. ; du breton douez , ou
dous^ez , qui signifie la même chose. Ilny a pas deau
dans les douves. On a transformé les douves du chd"
tau en un fort joli /ardin.
IV. ^2
338 HÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROT^tE
VESTIGES D'ANTIQUITÉ
Obserrés dans le Jurassien ; par M. Movkiea, conservateur èi
musée départemental du Jura, correspondant de la Société.
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.
JLi'HOMKE est , dit-on ^ le même partout, c'est-à-dire
il est partout faible, crédule et routinier, sans s'en
douter. A quelques modifications près, apportées dans
ses mœurs, par Tinfluence de la religion , le paysan
est encore ce qu'il était il y a seize à dix-huit siècles.
Les habitudes qu'il avait conservées au temps de saint
Eloy, comme l'attestent plusieurs conciles tenus dans
les Gaules, il les contiuueencorede nos jours, malgré
la censure de ses zélés pasteurs. Au reste, il faut avouer
que la superstition est reléguée si avant dans le fond
des hameaux , qii^à peine o$e-tt-elle se montrer au-
jourd'hui.
Ce serait une pénible tâche à s'imposer, que celle
de suivre Tesprit humain dans toutes ses aberra-
tions. Ce cadre serait vaste ; mais qui voudrait le
remplir? Si j'entreprends de consigner ici quel-
ques-uns des traits caractéristiques d'une portion peu
éclairée de mes compatriotes, ce n'est pas que je
DES ANTIQUAIRES BB FRANCE. 55q
veuille les signaler comme un peuple particulière-
ment imbu de préjugés ; le Jurassien n'est pas plus
ignorant que Thabitant des autres contrées. J'ai lu
des mémoires sur les usages de différentes provinces,
qui prouvent que , partout ailleurs, les générations ne
Le cèdent aux nôtres ni pour le nombre ni ppur l'ab-
surdité des erreurs. D'ailleurs, tout en recueillant
ces notes sur des usages singuliers, qui sautent à l'œil
de l'observateur le moins attentif^ j'ai reconnu que
ce qu'il y avait de marqué^ au sceau de Tantiquité
dans notre esprit et dans nos mœurs, n'est pastout
à blâmer ; et que , par des vertus et des qualités es-
sentielles^ le bon pëiiple du Jura rachète l'imperfec-
tion commune*
Chapitre I. — De V esprit patriotique.
Le caractère du Jurassien est fortement dessiné.
Ici la passion vit dans les souvenirs , et la haine oatio^
nale se perpétue san$ perdre beaucoup de son éner-
gie; il semblç qu'elle survit encore à toutes les do-
minations étrangères, même à celles qui ne sontplus.
§^ 1. La haine des Romains s'est transmise de père
en fils, dans une partie de la montagne de Saint-
Claude , d'une manière si vigoureuse , que le nom
de Romain y est deyenu synonyme de méchant.
En 1817, un maire delà commune de Ginquétral>
ayant été desservi près de Tautorité supérieure , ex-
posa dans sa défense , que ses délateurs méritaient
si pisu d'eatinàe , et qu'ils passaient pour si mécfaans^
qu'on les avait > de tout temps> surnommés Romains.
32*
34o MÉtfOIBES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE * -
Aux XIIP etXiy* siècles» on disdnguait encore les
étrangers qui peuplaient la partie haute de la Se*
quanie^ par la dénomination de Romans et âtAUe^
mans: ( HisU de Pontarlier , par Droz. ) Au com-
mencement du XIY* siècle y Jean de Blonnay et Jac-
quette de Joux accordèrent à des Allemand un
abergement ou des franchises ; et Jeanne dé Joux
égala leur condition à celle des Romans.
§ 2. Semblable antipathie a r^né et règne en-
clore entre les habitans du duché et du comté de Bour-
gogne^ spécialement dans les communes situées entre
Auxonne et Dôle, ainsi que dans celles desGranges,
de Nomoet^ de Ghampagnat- sur-Guizeaux. Ces ini-
n)itiés remontent à des temps antérieurs à la venue
4e Gésar; elles ont leur source dans les guerres per-
. pétuelles que se livrèrent les Séquaniens et les Eduens
au sujet du péage de la Saône , contestations dont les
écrivains latins ont assez parlé. {César y de bel. gall.)
J'ai moi-même entendu des habitans de l'une de
ces dernières communes y se répandre en plaintes
amères contre la mauvaise foi des François . dési-
gnant sous ce nom leurs adversaires , qui étaient du
département de Saône-et-Loire y plus anciens Fran-
çais que les Jurassiens.
11 est vrai que le procès qui a entretenu ce ressen-
timent date du XIU'' siècle.
^ Certainement ce fut pour la province de Franche-
Comté un événement très-heureux d'être réunie à la
France^ sous le beau règne de Louis XIV; cependant
ce bonheur ne fut pas apprécié par tous les nouveaux
DES ANTIQUAIRES DE. FRANCE. 3^1
sujets. Le sourenir des incendies , des meurtres^ des
pillages y des exactions commises par les troupes en*>
Demies pendant les siècles précédens , aigrit encore
long-temps Içs esprits : peu à peu il s'effaça , mais
d'une manière si incertaine , qu'il existait encore, il
j a peu d'années , des vieillards qui étaient restés
Ë^agnols au fond du cœur. La ténacité de quelques
anciens à cet égard est. citée. On rapporte qu'un in-
dividu de Yincelles, arrondissement de Lons-le-Sau»
nier, refusa, jusqu'au dernier soupir, de prononcer
le cride f^ii^e le roi de France^ que l'on exigeait jadis
de tout moribond , comme un acte de soumission au
nouveau gouvernement , et qu'au contraire il mur-
mura entre ses dents quelque imprécation. Un homme
de Polign j recommanda , dans un testament, en dic-
tant ses dernières volontés , qu'on l'enterrât la face
contre terre et le derrière élevé , pour marquer le
mépris qu'il faisait du nouvel ordre de choses.
§ 3. Mais si les enfansdelaSéquanie voient avec
peine leurs ennemis s'impatroniser chez eux , ils n'en
accueillent pas moins les étrangers en paix avec ami-
tié et distinction ; et l'on peut dire que , partout où
les mœurs nouvelles n'ont pas altéré la bonhomie
de nos pères, les lois de l'hospitalité sont encore dans ,
leur pleine vigueur. Avant la révolution, un étranger
qui arrivait dans une de nos villes, était aussitôt in-
vité à des repas , et admis dans la société. Hospites
ad epulas i/ocant : quisint, quâ causa venerint y post
cœnam rogantes ,, etc. ( Diod., liv. 6, chap. 9. )
3^2 UÉMOIRES DE LÀ SOGIETB ROYALE
Chapitre II. — Du physique.
§ !• L'habitant àxï Jura, qui s'est fait admirer,
par sa stature et par son courage dans les armées y
depuis qu'il est Français , est un de ceux de toute
l'ancienne Gaule x{ui a le plus conserré de traits de
ressemblance avec les Celtes ses pères, à en juger
d^s^rès le portrait qu'en ont tracé les auteurs latins.
La taiUe des Séquâniens était desplus.avantageuses,
leur corps bien proportionné dans toutes ses parties:
ils cherchaient , par leurs gestes , leur voix y et par
l'expression de leur physionomie , à se donner un air
redoutable et guerrier. Quelquefois ils faisaient dres-
ser leur chevelure sur leur tête , et ils la rendaient
d'un rouge ardent au moyen d'une certaine prépa-
ration ( Diod. de Sic. , liv. 6 y chap. 9) ; ils avaient
la peau fraîche, les jeuxbleus et les cheveux blonds.
Il est remarquable que les contrées septentrio-
nales produisent les chevelures blondes et rouges ;
chez les Anglais , les Prussiens, les Russes, les Sué-
dois , le blond dans la chevelure et le bleu dans les
yeux , sont des couleurs universelles, tandis que, chez
lios Ptovenceaux , chez les Espagnols , les Italiens et
les Turcs , la couleur des cheveux et des yeux est gé-
néralement brune.
Au temps de César, le climat de la Gaule était
plus rigoureux qu'à présent. Le Rhône gelait tous
les hivers ;. les armées entières et leurs bagages pas-
saient, sur la glace, d'un rivage à l'autre.
k
r
«DES ANTIQUAIKES DE FRANGE. 3^5
Le Rhône ne présente plus ce phénomène; mais
aussi le sol gaulois n'est plus si riche en forêts qu'il
Tétait alors. Ce changement notable de température
s'est fait sentir dans la Séquanie , où il est rare main-
tenant que les grandes rivières gèlent si profondé"-
ment qu'alors. Cependant les cimes du Jura , cou-
vertes de frimas durant plusieurs mois de l'année ,
entretiennent beaucoup de froid dans le départe-^
ment, et c'est à la sévérité de ce ciel que nos mon-
tagnards doivent la robqste constitution qui les dis-
tingue.
Nous vojonsencore^ dans la partie haute de la pro-
vince y des femmes dont la stature rappelle le sou-
venii* de ces Gauloises qui suivaient à l'armée leurs
époux y et qui, dans les rangs ^ ressemblaiefnt à des
machines de guerre. ( Hist. des Gaulois y par M. K-
cot de Genëvre. )
Quant au mélange qui règne parmi nous dans les
couleurs des cheveux etd^s yeux, on^pourrait l'at-
tribuer aux alliances qui se sont faites successivement
entre les familles gauloises et les colons de l'Italie
et des autres pays méridionaux.
§ 2. Les Bressans portent les cheveux naissans, à
la manière des Bourguignons leurs ancêtres > chez
qui la longue chevelure était ime marque de distinc-
tion, et la tonsure un signe d'esclavage. (Hist. de
Bourgogne^ par Mille, liv. i, pag. 109. )
344 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYfLC
Chapitae III. — De Vhabillemeni des hommes.
§ I. Une espèce de surtout, qui est généralement
usité dans nos campagnes^ est la blaude; elle est
bleue dans la montagne , et blanche dans la Bresse.
Les Gaulois Font certainement connue^ et c'est peut*
être leur sagum , si des monumens anciens , où l'oa
voit des personnages costumés de cette manière^ sont
bien réellement gaulois. ( Hist. de Baune , pi. 7 ,
fig. 1 et 3. ) Au reste, on en trouve d*à peu près sem-
blables dans les monumens romains et gothiques.
§2. Le Bressan du canton de Saint- Amour con-
naît encore une sorte de vêtement qui a appartenu
spécialement aux Séquaniens, d'après le témoignage
du poète Martial. Du moins il parait assez clair que
ce qu'il appelle andromis, et qui se nommait en cel-
tique androm , est ce que les Français connaissent
sous la dénomination de balandvan , et les Bressans
sous celle de balandron .
§ 3. On voit encore des vieillards qui portent des
culottes à braguettes ; elles s'ouvrent à Tentre-cuisse,
et se ferment par une double boutonnière et un double
boutOR en forme de petite bobine. Ce nom de braie
et de braguette est un reste de haute antiquité. César,
comme chacun s^it , divise la Gaule en trois régions
principales , parmi lesquelles est la Gaule à bf*aie
( GalUa brUccata ), dont la Séquanie faisait partie.
Dans un chapitre de mes recherches , j'ai donné la
k
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 3^5
description et la figure d'un petit joueur de musette,
qui est vêtu de la braie. Cette figurine a été trouvée
à Senay, près la ville d'Orgelet.
§ 4. Le montagnard, surtout dans le Grandvaux^
se ceint les reins d'un faisceau de cordons de laine
de deux couleurs /le plus communément rouges et
jaunes, et agréabilement assortis.
Le radelier de la rivière d'Ain , du côté du Bugey,
porte également une ceinture de plusieurs couleurs
vives y et de soie , qui se noue sur le côté et yjQotte en
frange. Cevingulum se place l^orizdntalement; chez
les un3 9 il sert à contenir de l'argent ; chez les autres,
il n'est qu'un objet de parure, à moins qu'il ne serve
aux ouvriers pour se soutenir les reins dans le travail.
Les anciens postaient une ceinture , mais ils la pla-
çaient le plus souvent en écharpe. Quelques gens
riches , chez les Gaulois , ceignaient leur tunique
d'une hand^ dorée ou argentée. ( D/o^. , liv. 6,0.9.)
Les Âsiâ^tiques y attachaient, entre autres objets, une
balance^ quand ils faisaient les fonctions de juges aux
portes dès villes (i).
(1) On a découvert sûr le territoire de Domblans, où passait
une ancienne voie , une petite figure de bronze , représentant
Jupiter ifiator. Le dieu tient d'une main la haste, de l'autre
un vase ; il es^ nu-pieds : ses sandales sont engagées softs sa
ceinture. {Monfaucon (antiq. expl.) donne pourtant une figure
pareille à celle-ci pour Escalope, ) J'ai tu à Besanpen une
autre antique semblable , trouvée dans la rue de Ronchaùx ,
qui a été originairement une voie romaine, romana calx.
\
346 HÉUOIlUiS M M. SOCIÉTÉ EOYAUS
Il est boa die distinguer cette ceinture civile du
balteus qui appartenait à Tordre militaire, quoique
nous voyions encore les officiers, dans les troupes -es-
pagnoles, allemandes, russes , etc. , porter la cein-
ture horizontale ^ à la manière de nos magistrats.
§ 5. Le Bressan se distingue de tous les autres ha-
bitans du pays par le devantier de peau blanche dont
il se pare aux jours de fête ; c'est un tablier de peau
chamoisée qui est suspendu au cou par deux cor-
dons, et tient au corps par d'autres cordons qui nouent
derrière le dos. Il est remarquable que les Bressans
sont de race bourguignonne^ généralement parlant.
Plusieurs indices me donnent lieu d'adopter ce sen-
timent^ qui n'est pourtant p^s celui de M. Droz, de
Pontarlier.
Parmi ces indices , je citerais bien quelques usages
et des noms appellatifs , mais ce n'est pas ici le lieu*
Or, un passage de Socrate établit que les Bourgui-
gnons s'adonnaient beaucoup aux arts mécaniques^
et qu'ils étaient presque tous charpentiers, lotirons
et maçons. De là sans doute l'usage journalier da
tablier que nous venons de décrire , et le titre d'où-
vrier sous lequel le maître de la maison est toujours
désigué.
LaBressanne dit communément /zof' ouvrier, pour
7720* mari.
§ 6. Le vigneron se garantit les jambes, au moyen
d'une espèce de guêtres de toile , sans boutons et
sans sous-pieds , chaussure qui s'appelle garodes ou
DES ÀNTIQfVAXRBS DE FRANCE. 347
varodesy dans le département du Jura , et golèches
dans une autre partie de la Franche-Gomté.
Bullet (Dictcelt.) pense que ce dernier mot, qu'il
tire du celtique galochenn, msivqxxe une sorte de chaus-
ses gauloises semblables aux guêtres de nos vignerons,
dont il s'agît ici.
§ 7. Quant à la chaussure , les sabots sont com-
muns à tous les Jurassiens. Les jours de fête, on sort
avec des souliers à grandes boucles carrées , dans la
montagne et dans la plaine. Les souliers à cordons
sont plus spécialement employés dans la région in-
termédiaire.
Chapitre FV. — De ^habillement des femmes.
Il existe, d^s le département du Jura, des cos-
tumes originaux ; mais celui de la Bressanne du can-
ton de Saint-Àmour est le plus élégant, le plus riche,
le plus coquet. Essayons de le décrire, quoique nous
soyions dans Tignorance de sa véritable origine.
§1. 1^ Petit chapeau de feutre noir (i), dont la
forme est couronnée de blonde de même couleur ,
et d'où tombent, de chaque Coté , des rubans noirs
garnis de dentelles. Il se place obliquement, et tl^ht
par deux cordons au cajffion. 2^ Le caffion (car c'est
ainsi que l'on appelle le bonnet qui enveloppe les
cheveux) laisse à découvert la partie antérieure de
(i) lï^inckelmaDD a prouvé que Tusagc du chapeau était
très*ancien.
348 HiMOIEBS DE £A BOCltri EOTAIX
la téte^ et se termine derrière en cul de poulet. Niobé,
d'origine égyptienne , est coiffée dans ce goût , sui-
vant les monumens. Les femmes , à la célébration
des isiaques , avaient leurs cbeveux plies dans un
bonnet. Chez les filles , le cctffixyn ne dépasse guère
Toreille ; chez les fenuues» il se prolonge jusque sous
le cou f où se fait un nœud de ruban. 3^ Collier de
velour noir y d'où pend , entre les deux épaules, un
flot de pareils cordons , et, sur la gorge y une croix et
un cœur en relief d'or ou d'ai^ent^ selon la fortune.
4® Tablier à bavette enrichi de chaînes d'or ou d'ar-
gent^ qui sont retenues de chaque côté par des
épingles à grosses boules. 5^ Robe de laine courte,
à courte taille , et à manches qui s'arrêtent au coude.
Les coutures de la taille et les manches sont ornées
de larges rubans de soie , et quelquefois de galons ,
qui coupent sur la couleur du fond. Le nombre des
plis, formant garniture ai;i bas de la robe , fait con-
naître la fortune d'une belle héritière. 6^ Gorgire
ou fichu de couleur indifférente > engagé sous la robe
par derrière 5 et sous la bavette par devant. 7® Sou-
liers bronzés.
§ 2. DanslaBressedeBeaufortetdeBeaurepairei
qui sont voisins des cantons de Saint-Âmour et de
Cousance, le chapeau disparaît déjà dans la coiffure
féminine ; et on ne le voit plus reparaître nulle part.
La volette est une coiffe de lin^ quelquefois de mous-
selîne, dont les ailes, tantôt redoublées sur les tempes,
tantôt flottantes sur le^ épaules y se nonunent barbes.
Dans les cérémonies funèbres et religieuses, ces ba^
DES ANTIQUAIRES DE FIANCE* 3^9
besse dédoublent et se développent comme un voil&
courty d'où la dénomination de volette. J'ai eu entre
les mains un psautier du douzième siècle, où étaient
représentées diverses figures , avec des coiffures ab-
solument semblables : c'était déjà le voile des veuves.
§ 3. Une autre espèce de voile est particulière
aux vieilles femmes de Chapelle-Voland ; le couvre-
chef s'élève en pointe assez haute derrière la tête, et
se déploie sur les épaules y à peu près comme celui
des femmes de l'île d'Oléron, du pays de Gaux et
des sœurs hospitalières en plusieurs villes de France.
J'ai donné ailleurs la figure de ce genre d'habille-
ment ( Essai sur F origine de la Séquanie , livre 3 ,
chap. i3, pag. 2o4) qui rappelle celui d'Isis, d'après
les monumens anciens. ( Hist. du Ciel , tome i ,
pag. 56, fig. du Canope. — Antiq. explic^ in-folio,
pag. 29, fig. phrygienne. — Ibid.y pag. 2 1 3, fig. égjpt.
au tombeau de Démétrius ) , et, d'apï*ès le costume
actuel des femmes cophtes ( Descript. de Vuniv.y par
Manesson Mallet» tom. 3, pag. 81).
§ 4* Ailleurs, dans le département du Jura (Lons-
lé-Saunier^ Dole y Polignjr , Salins y Saint-Claude ),
les femmes portent des bonnets à fond large , rond
et plat, ayant des ailes plissées du chaque côté. On
ne peut mieux comparer rette coiffure qu^à celle
en usage àMeulan , département de Seine-et-Oise.
§ 5. Les vieilles fenunes de la haute montagne
{Noseroj-y les Rousses y Saii^ - Laurent , Mi/oux)
portent une toque d'un genre singulier^ elle ressem-
35o lliMOIRSS D£ LA SOCIBTÉ EOYALE
ble à une calotte de velours noir entourée d'une touffe
de franges de soie de même couleur. Sur la partie
du toquet qui domine la nuque ^ est implantée hori-
zontalement une grande épingle de cuivre argenté >
qui se termine, à chaque extrémité , par un globe
de même métal. Je ne sais à quelle comparaison
recourir pour donner une idée plus claire de cette
coiffure ; je ne connais d'ailleurs aucun monument
où l'on puisse en indiquer l'origine*
§ 6. On connaît dans toute la partie montagneuse
une espèce de souliers appelés ^a/ocAe^, à l'usage des
femmes , et dont l'origine est incontestablement gau-
loise , ainsi que l'atteste leur nom^ rendu en latin par
gallica , et par galocha en celtique ^ suivant Ballet.
§ 7 . Les montagnardes aiment aussi à se voir au cou
des chaînes, des cœurs ^ des globes d'argent^ et, à la
bavette, une chaîne de ce métal ; mais leur luxe en
ce genre n'approche pas de celui des Bressannes ^
parce que leurs fortunessont infiniment plus minces.
Leurs pendans d'oreille sont d'or , ainsi que leurs
bagues, mais le plus souvent les anneaux sont d'ar-
gent. Si l'on ne porte plus, comme au temps des
Celtes , des bracelets ,* nos Bressannes y suppléent
parler rubans et les galons qui ornent leur mancKe
depuis le coude jusqu'à la hauteur de l'aisselle.
Diodore de Sicile (liv. 6, chap. 9 ) parle des col-
liers, des chaînes, des anneaux, des bracelets dont
se plumaient les Gauloises ; et les prophètes qui ont
personnifié Jérusalem, donnent à peu près la même
idée de la' toilette d'une fille juive.
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 5 5 1
§ 8. La couleur favorite des Bressannes des envi-
rons de Saint-Amour est le bleu de roi ; des environs
de €uiseaux, le noir > des environs de Beaufort , le
brun rayé ; de RuflFey> le blanc ; dans le vignoble et
dans f arrondissement de Dôle , on préfère les cou-
leurs vives , les nuaûces gaies ; dans les hautes mon-
tagnes et dans les cantons de Saint-Juliéû , d*Aria.-
thod , d'Orgelet, assez généralement le violet rajç ;
mais dans les villes, les bourgs , les gros villages où
le luxe s'introduit, les indiennes rouges, jaunes, vertes
et le grand blanc.
Chapitre V- — Des usages à t occasion de la
naissance.
^ 1. Lorsqu'un enfant vient au monde, on le lave
avec du vin, et on lui fait avaler un œuf frais. La
sage-femme qui coupe le cordon ombilical se garde
bien de le jeter ailleurs qu'au feu, car on en tirerait
des pronostics plus ou moins fâcheux, selon ce qu'il
deviendrait. Par exemple, l'individu périrait par l'eau,
3i l'ombilic était abandonné à la rivière , ou par la
luorsure des bêtes , si quelque animal venait à s'en
emparer. Il paraît que l'on n'a pas peur que la nour
Telle créature .meure dans un incendie.
§ 24 Comme on a l'opinion que l'enfant doit res-
sembler à ses parrain et marraine , les parens sages
ont soin de choisir, pour remplir ce devoir, les per^
sonnes les plus, considérées ; mais , comme on aime
toujours à s'attacher aux branches solides, on ac-
35a HÉHOIRES DE LA SOCIÉTÉ EOTALE
corde quelquefois la préférence aux plus riches.
Jusqu'où Tambition ne va-t-elle pas se nicher? Etre
parrain d'un enfant naturel (pour la première fois
qu'on est parrain ) porte bonheur. C'est aussi d'an
heureux présage y et pour la personne qui donne son
nom pour la première fois ; et pour le nouveau-né ^
quand, par hasar4> ils sont du même sexe.
§ 3. L'occasion d'un baptême est souvent saisie
pour rapprocher deux jeunes gens que l'on voudrait
unir par des liens encore plus solennels. Le compère
achète une bague ou des gants à sa commère , et elle
lui donne un bouquet enrichi d'un grand nœud de
ruban. Le parrain , et, suivant les lieux, la marraine
fait un cadeau à l'accouchée (soit un pain de sucre ^
soit une miche de pain blanc ) , usage d'autant plus
antique, que Térence, dans son Phormion (acte i,
scène i ), fait dire à son personnage : Quand l'enfant
sera né, combien de cadeaux ne faudra-t-il pas faire;
que la mère s'appropriera?
§ 4. Le parrain, avant d'aller à l'église, ou il est
suivi d'une troupe de compères et de commères ba-
billardes , se munit aussi d'une ample provision de
dragées ou de petites monnaies, pour les jeter, à
Fissue de la cérémonie du baptême, aux polissons
qui suivent le cortège, en criant : à la crepille! à la
crepille! terme corrompu $ accroupi, parce que l'on
s'accroupit pour ramasser par terre les dragées et les
pièces de monnaie.
§ 5. De retour à la maison^ on attache les bou-
quets aux rideaux du lit de raccoucfaée ; ces bou-
DKS ANTIQUAIRES DE FRANCE. 553
quels représentent les couronnes d'olivîer et les ban-
delettes de laioe que les Grecs suspendaient sur la
porte de leurs maisons, à la naissance de leurs en-
fyns. « Cet usage , dit Tabbé Barthélemi, qui retrace
ce les mœurs ancienne, annonce à la république
« qu^elle vient d'acquérir un citoyen. » Dans nos
campagnes , un étranger peut , en comptant les bou-
quets qui couronnent la couche conjugale, savoir le
nombre d'en fans qu'elle a produits. Le parrain conli^
nue à donner carrière à ses libéralités , en distribuant
les ncnlles y ce que les anciens appejiaient natalitia.
§ 6. Les relevailles ont lieu lorsque la santé de
l'accouchée permet qu'elle se rende à l'église pour
se faire rebénir et se purifier. Alors, couverte d'un
voile , et un cierge à la main , elle se présente aux
pieds des autels. C'était autrefois la coutume de faire
un cadeau au prêtre; mais le cadeau est maintenant
remplacé parle prix d'une messe. Cette coutume est
absolument semblable à Vobservance dé Tancienne
loi chez les Juifs.
i
Chapitre VI- — Des usages relatifs au mariage.
§ 1 . Quand il j a projet d'alliance entre deux fa-
milles, un parent officieux du un ami delà maison
du garçon se charge de négocier cette affaire ; c'est
ce qoe Von appelle burlesquement le trouille-èon-
don. Il se rend à la demeure de la fille, où il ne
manque pas de faire un pompeux étalage des quali-
tés et de la fortune de son protégé , ni d'entendre le
IV. 23
354 MilIOIHES DE LA SOCIÉTÉ KOYALE
plus bel éloge des vertus et des agremeos de la jeune
personne, de la bouche même de ses auteurs. Ce
jour^là on ne décide rien; mais^ à la manière dont
lentreoietteur a élé accueilli à table , il peut déjà
préjuger de Fissue de sa mission.
§2. Si la démarche a pris une bonne tournure, les
parens se parlent , et Ton fait la demande en forme.
Vers la fin du repas , qui est presque toujours celui
du soir, lorsque la gaité commence à jeter quelques
éclairs, le galant, placé à côté de sa belle, lui pré-
sente sur une assiette, ou lui dépose dans son verrez
un rouleau de pièces d'or ou d'argent , selon ses fa-
cultés pécuniaires; si elle accepte le présent ^ elle est
fiancée : timide et embarrassée , elle met les arrhes
dans sa poche, et c'est là toute sa réponse. Dès-lors
il ne lui est plus permis de revenir d'un pareil enga-
gement, sous peine de rendre le double' de la somme
acceptée. Chez les Romains, selon Plutarque et
Pline , on donnait aussi des arrhes , et les fiançailles
se célébraient la nuit, et quelquefois au point du jour.
Ces gages sont un reste de l'antique usage où Ton
fut chez les Orientaux d'acheter sa femme, usage at-
testé par une foule de passages de l'Ecriture sainte et
des auteurs profanes, particulièrement par Strabon.
§ 3. Les visites mutuelles que se font les parens
avant la demande formelle, ont toujours un but inté-
ressé : ceux de la .fille vont i^oir les êtres , c'est-à-
dire, vérifier si les rapports qu'on leur a faits sur
Paisance du postulant sont exacts ; cetix du garçon
htS ANTIQUAIRES DE FRANCE. 355
font la même démarche, dans le dessein d'observer
le caractère de la prétendue. Par exemple, pour
éprouver si elle est soigneuse et propre , on posera
à terre le balai en travers de la porte : elle devra ,
en entrant , le ramasser et le ranger; et si elle veut
en outre donner l'idée de son humilité à ses exami-
nateurs, elle balaiera la chambre en leur présence.
> - • .
§ 4- Après la foi donnée, les futi^rs distribuent,
chacun de son côté, aux parens, amis et connais*
sance$, soit des dragées, soit des beignets, en signe
de leur engagement solennel. Ces envois se font ou
la veille, ou une semaine avaiit la publication des
bancs; c'est ce que bous appelons tonner les ^fian-
çailles, et ce que les Latins nomioiaient sponsalia.
Quelquefois, chez ce peuple, la promesse de mariage
était simplement verbale ; mais ordinairement on la
mettait par écrit comme aujourd'hui.
§ 5. Le jour fixé pour passer le contrat est com-
munément la veille de la célébration du mariage .
Nouveau souper auquel sont conviés la double pa-
renté et les voisins. Avant ce moment , il se passe une
scène singulière chez les Bressans : la fiancée, ayant
réuni chez elle plusieurs de ses amies, se dégiiise
avec elles, et elles se tiennent dans une pièce séjpa,-
rée. Le futur arrive, accompagné de ses camarades
et de ses frères , à la maison qu'ils trouvent fermée ;
ils frappent à la porte en réclamant une brebis. On
leur répond qu'il n'y a point là de brebis qui leur
appartienne ; mais ils insistent vivement , se font in*»
23*
356 lféM0I1\£S DE LA, SOCIÉTÉ ROYALE
troduire* et cherchent eux-mêmes dans chaque ap-
partement. Arrivés à la porte de la chambre des
jeunes filles , ils y frappent et renouvellent leur de-
mande. Même réponse qu'à la première porte. Â la
fin il sort de cette chambre un individu qui, après
avoir.assuré qu'il vient de vérifier lui-même qu'il ne
se trouvait pas dans son troupeau de brebis étran-
gère, fait défiler une à une les jouvencelles. Le pré-
tendu les fait danser successivement ; et s'il vient à
ne pas reconnaître celle qu'il doit épouser, c'est un
sujet de raillerie sur son compte pendant toute la
soirée.
§ 6. Cette joyeuse cérémonie terminée , on pré-
sente à la mère la robe de noces que la fiancée ne
manque pas de trouver de soa goût ; et quelqu'un de
l'assemblée adresse aux futurs une petite harangue ^
où rhymen n'est pas ménagé , mais qui pourtant ne
détourne jamais les parties contractantes de leur ré-
solution. En même temps on offre à la fiancée] un
morceau de mauvais pain noir pour marquer qu'elle
né doit pas s'attendre à vivre dans un contentement
parfait ; elle en mange , puis On lui fait accepter du
' gâteau et du vin pour lui faire entendre que tout ne
sera pas peine dans son ménage. En quelques en-
droits , le futur partage avec elle cette collation sym-
bolique. Plularque rapporte (de claris mulieribus)
ce que les fiançailles s^accomplissaîent en faisant
ce boire les deux amans dans une même eoupe , en
tt signe d'union et d'amour. »
DES ANTtQUAIBES DE FRANCE. SSj
§ 7. Bientôt tout le mopde se inet à table; les
femmes y arrivent tard et y font une courte appa-
rition ; mais le^ hommes y passent bravement la nuit
à boire et à chanter.
§ 8« La célébration religieuse du mariage a tou-
jours lieu dans la paroisse où la fille avait son habi-
tation. Uheure étant venue de quitter le toit pater-
nel pour aller au pied des autels, une scène du
genre larmoyant succède toul-àrcoup aux éclats de la
joîe. Rassemblés sous la cheminée, les parens de la
fille commencent à pousser de gros soupirs, à expri-
mer leur$ regrets sur la prochaine séparation <juî va
se faire, et a verser un torrent de Ivraies. On a
peine à détacher la jeune victime du sein de sa bonne
mère , car elle ne veut point paraître s'être ennuyée
de son état de fîUe. Cette sorte de violence se prati-
quait déjà, comme une cérénâonie, chez les Latins^
au témoignage de Montfaucon (antiq. expL).
§ 9. Le cortège se dirige en pompe vers l'église,
au bruit des arme$ à feu et des instrumens de
musique*
§ 10. Une couronne artificielle de myrte fleuri
orne Ta tête de là timide vierge. Lrvue dé cette cou-
ronne donne lieb au public , soît de convenir de
Fhonneur dé k jeune fille quand elie a su lé conser-
ver intact, soit de gloser sur cet emblème de la vir-
ginité lorsqu^il est arboré par une vertu suspecte.
Chez lès Romains, la 'couroim'e nuptiale était de
358 MÉMOIRES DE LA SOCIETE ROYÂiE
vervene cueillie par la fiancée elle-même, et injs-
térieusement portée^ pendant plusieurs jours ^ sous
ses vétemens. Les époux hébreux se couronnaient
aussi de fleurs^ en signe de joie.
n est inutile de dire que les veuves y et les filles
qui ont fait des enfans, ne se permettent pas de se
parer de la couronne.
§ 1 1 . Le plus proche parent de la future, au défaut
du père ^ marche en tête avec elle, et le prétendu reste
un peu en arrière .avec les vieilles gens. Le garçon^
franc et la fille-ffanche ^ qui sont les amis intimes du
couple, brillent au premier rang] ils sont, parleurs
fonctions, chargés de] faire les honneurs de la fête
pendant tout le temps des noces. Ils représentent le
Camilte et la Pronuba des Romains, et ils sont ac-
compagnés de jeunes gens des deux sexes qui sont,
comme en Judée , les compagnes de réponse et les
compagnons de V époux.
§ 12. Le prêtre, avant de mettre sur ce couple la
chappe , qui est un simulacre du véritable joug que
Ton imposait jadis aux époux , ( d'où sont venus le
mot conjugium et l'expression ego ços conjungo ) ,
bénit leur anneau et leur pièce d'or ou d'argent. Le
sou d'or ^t le denier furent offerts à.Clotilde, au
nom de Qovis, par Atirélien, lor^ue ce député
gaulois, qui représentait le roi de Flrance à la cour
deGondebaud, roi des 'Bourguignons, épousa pour
lui cette [princesse. « Cette coutume , si on en croit
« Frédegaire et Marculfe , fut loQg^temps observée
r
DES ANTIQUÂIHES DE FRANCE. 56q
« ea France.^ C'était ime espèce d'achat ; nous a'a-
« vons retenu de cet ancien usage que celui où
« sont encore les maris , de donner quelque pièce
« d'argent à leurs épouses^. » ( F'elly , histoire de
France, T. l.)
§ i3. Au moment où le marié met le lien au
doigt de sa femme, il s'établit entre eux une alter-
cation tacite, mais très-divertissante ; si la jeune per-
sonne tient beaucoup à la maîtrise dans le mépage,
elle ne laisse pas aller la bague au-delà de la se-
conde phalange ; tandis que le nouveau marié, tout
occupé du sein de conserver Tempire dévolu à son
sexe> fait tout ses efforts pour la faire glisser le plus
loin possible. Ce sont surtout les veufs qui don-
nent aux curieux assistais le spectacle de pareilles
contestations.
§ i4* On tirerait niauvais augure de l'oubli de
recevoir la paix, dans cette circonstance : recevoir
la paix y c'est baiser la relique ; mais les mauvais
plaisans de la noce, jouant platement sur les termes,
présentent aux jeunes mariés la paix ou l'omoplate
d'un animal , et leur font heurter le front l'un contre
l'autre.
"S
§ i5« Le père du nouvel époux, et à son défaut
son plus proche parent, ramène l'épouse. Des coups
de fusil et de pistolet sont de nouveau lâchés, en
l'air y et l'on pousse de& cris à pleine gorge qui
attirent la population aux portes et aux croisées ;
\
I
i
L.f. «
360 MËMOIIIES DB LA SOCIETE ROYAIE
le ûàqle ménétrier fait , de plus belle , grogner
sa viole , soupirer sa musetle , ou géoûr $oq
crincrin.
La coutume d'accompagner eh armes et en mu-
sique le cortège nuptial est de toute antiquité :
en armes , pour s'opposer à des entreprises de ven-
geance de la part des rivaux ; en musique , parce
que cette cérémonie est essentiellement gaie, et
que d'ailleurs toute solennité sacrée ou profane ne
se passait pas autrefois sans un joueur d'instru'
ment.
§ 16. En Bresse^orsque les deux familles qui coq-
Ixacteot alliance ne sont pas du n^émè endroit, on
charge les meubles elle trvussel de U mariée sor
une ou plusieurs voitures , que l'on conduit chez le
mari. Quand il n'y a qu'un char^ ce sont les femmes
qui y prennent place ^ juchées, tant bien que mal,
par dessus les meubles , et filant soit au fuseau, soit
au rouet; quand il y en a plusieurs , les jeunes
homniesont le Teur, et quelquefois c'est le garçon-
frattc qui file. La quenouille qui figure de nos jours
entre les mains de la fille-'franche et du garçon-
franc, figuraif déjà dans les mains des Pronjubœ qui
accompagnaient la nous^elle TanaquiUs ^k Rome,
en mémoire, dit Pline , de la laine j du fuseau
et de la quenouille de la première Tanaquilis (qui
s'appelait aussi Caia Cécilia ).
§ 17. A toutes les rues du village natal, si la
nouvelle épouse s'v est fait, aimer ^ la jeunesse du
DES ANTIQUAIUE8 DE màHCE. 36 1
lieu jette des piècei^ de bois en travers du che-
nadn pow arrêter un iDStant les voitures^ cher-
chant à lui prouver par là les , regrets qu'ils res-
sentent de la perdre ; au sortir du village , ils lui
offrent un bouquet.
§ 18. La voiture de la jeune mariée est attelée
d'un nombre de bœufs proportionné aux fortunes ;
et Taltelage , tout couvert de rubans, doit courir
avec rapidité dans les villages , les bourgs et les
villes que Ton traverse , mais surtout lorsque Ton
approche de la destination , au bruit des accla-
mations réitérées: et des détonnations d'armes à
feu. Le trajet ne se fait pas sans de fréquentes
libations ; les facétieux en font faire même aux
personnes qu^ils rencontrent en chemin.
. Quelquefois la jeunesse du village où l'on se
rend^ vient à leur rencontre avec armes , musique
et bouquets.
^ § 19. La mère du marié se tient à la maison ,
la porte fermée; et, quand le couple s'j présente,
CD lui jette , par la croisée , Ou de l'étage supé^
rieur, plusieurs po^nées de graines, blé, p€Às,
féves^ avoine, glands,, etc., symbole de la prospé-
rité que l'on souhaite à leur uniour A l'intronisa-
tion d'un roi du Sénégal, les nègres pratiquent
la même chose. D'où vient ce rapprochement de
mœurs entre des nations si distantes ? ( T Afrique y
ou histoire, mœurs , usag,, etc. par R. G. V. i8i4. )
Au bout de quelques minutes, la porte s'ouvre^
36a MÉMOIl^ES DE LA SOCIÉTÉ KOYAIE
la mère s'avance , et, sur le seuil, présente à sa
bru un verre de vin et un morceau de pain qu'elle
doit partager avec son consort , pour signifier que
biens y jouissances , tout entre eux , va désormais
devenir commun. Nous avons , à l'occasion des
fiançailles , rendu compte d'une coutume antique
absolument semblable.
Dans quelques endroits j c'est alors que Ton fait
répreuve dii balai.
§ 30. Le couple et sa suite sont d'abord entre-
tenus sous l'âtre enfumé , puis on les promène de
cbambre en chambre, et l'on parcourt toutes les
parties de l'habitation . ^
§ 21. Durant toute la journée, celui de la noce
qui voit le moins la jeune mariée , celui qui s'en-
nuie le plus , c'est l'époux. Il sert tout le monde
à table 9 sans j prendre place. Quapt à la ch^re
compagne, elle ne doit absolument i^ien faire \
ses amies l'habillent, la déshabillent; pour la se-
conde, et peut-être pour la dernière fois, elle
figure à table , comme le personnage le plus inté-
ressant. Enfin , ce jour là serait pour elle le plus
beau de sa vie , s'il n'en était pas le plus ennujeux
et le plus long.
§ 22. Les amis des mariés se masquent et vien-
nent, vers la fin du souper, divertir l'assemblée,
et faire au nouveau couple leurs compKmens : c'est
ce que l'on Si^^pelle aller à la poule .
DES ANTIQUAIRES DE FftAKCX. 363
§ a3. Vers Tbeure du coucher , dans certaines lo-
calités , on fait en sorte d'enlever et de tenir cachée
la jeune épouse , afin que son mari en soit privé la
première nuit^ aventure qui amuse beaucoup les gens
delà noce. U arrive aussi quelquefois que la mariée
réclame en sa faveur les trois nuits de Tobie.
Chez les riches y les noces durent jusqu'à sept jours^
comme chez les Israélites.
§ 24* Il n'est pas nécessaire de dire qiie Ton
danse le premier jour , la première nuit et quel-
quefois plusieurs jours] consécutifs. Chez les jeunes
époux I ces sortes de divertis^emens ne manquent
guère; mais quand un veuf se remarie, on craint
sans doute qu'il s'en dispense ; et , dès la publica-
tion de ses bancs > on le contraint, par un charivari,
à donner on bal. Quand ce sont deux veufs qui
convolent h secondes noces-, on ne leur donne pas
cette galante sérénade. Dans les villes ( avant que
l'autorité supérieure en eût interdit l'usage ) , on
gratifiait du charivari indistinctement tout individu
dont le mariage était publié.
§ 25. Aussitôt après l^hymen , on fait un pèle-
rinage. On invoque l'intercession de Notre-Dame de
MSége pour obtenir de la progéniture. On s'adresse
à Saint-Qaude jpour avoir un garçon , et à Notre-
Dame d'Ouoz jpour avoir une fille.
i
n
36^ MKMOIBES DE LA SOcUli ROYALE
Ghapitais vu* — D^s usages relaies auxfu-
. nér ailles.
§ 1. Dans uh village de Tarrondissement dé
Lons-le-Saunîer ( Cowri. ****), j'ai été témoin ocu-
laire d'un acte singulier , dont je laisse aux savans
le soin de rechercher le motif à travers le dé-
dale des bpinions que les honimes ont eues sur
l^essence de l'âme ; je ne sache pas que l'usage
dont je vais parler soit répandu. Un individu ve-
nait d'expirer ; presque au même instant y qb vint
sur la porte répandre les vases d'eau qui se
trouvaient dans la chambre du malade« On est daos
la croyance y nie dirent alors les personnes qui
me rendirent raison de cette action ^ que l'âme > e»
quittant, sa dépouille mortelle y $'eat plongée daD3
cette eau, afin de se purifier avant de paraître an
tribunal suprême. Il me semble avoir lu quelque
part que l'on agissait de même en pareille oeca*^
sion chez je ne sais quelle nation de l'Afrique ou
de l'Asie* Les observations consignées ci -^ après
ont été recueillies sur d'autres localités.
§ 3. Un père de famiUe meurt .:'le&. voisins > les
voisines accourent à la maisoa funéraire ,. pour
offrir des consolations à la f apiillç.. ^flîiigéeji et jour
aider la veuve à préparer le repas qui doit a.Yoir
lieu le lendemain , à l'issue de l'enterrement.
§ 3. Dans plusieurs cantons , notamment dans
ceux d'Arinlhod et d'Orgelet, si le défunt a su lire,
DES ANTIQUAIRES D£ FRANCE. 565
on ne lensevelit pas sans lui mettre à la maia son
livre de prière , et, dans le cas contraire , son cha-
pelet. On voit qu!en cela notre religion a sanctifié
uoe opinion accréditée chez les païens : personne
n'ignore que les âaulois, nos pères, jetaient daûs le
bûcher funèhre des lettres à Tadresse de qnel-^
ques habitans de Tautre monde , et qu'ils ne dou-^
talent nullement que le nouveau défunt ne les
portât exactement à leur destination. In defunc^
torum pyram epistolas scripïas quidam conficiunt ,
tanquam 'eas moHui sint lecture ( Dioçt. de Sic» ,
1. 6, chap. 9 ). Les Romains congédiaient leurs
morts avec des certificats de bonnes vie et mœui^s ,
qiie les ombres devaient préseater là-bas à leurs
juges. . .
§ 4* Ailleursr et dans plusieurs communes de ces
mêmes cantons, on place dans le cercueil, et sous
la tête du trépassé , une petite croix de bois à
laquelle est fixée une pièce de monnaie, autre-
fois destinée à Garon. Ainsi nous voyons encore
en cette occasion les pratiques du paganisme acco-
lées à celles du christianisme.
§ 5. On donne avis du décès aux parens. Ceux
qui sont éloignés ne viennent que le lendemain ;
le cercueil du mort est placé dans la principale
chambre , et chacun vient y faire le signe de la
croix avec un rameau humecté d'eau bénite. A
côté des tréteaux, ^u dresse une table qjae Ton
charge de rafraîchissemens pour les personnes qui
366 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
Tiennent du dehors^ et c'est peat-éti*e là un reste
de l'usage du repas funèbre dont on yoit la repré-
sentation dans les monumens antiques.
§ 6. Sur le cimetière ^ Tobseryateur fait encore
diverses remarques. J'ai vu ^ dans Tarrondissement de
Lons-le-Saunier^ jeter dans la fosse un des meubles
pour lequel le défunt avaitmontré une aflFection par-
ticulière ; c'est ordinairement un verre i uneécuelle,
quand il avait aimé laboisson> ou un instrument de
son métier^ quand il y avait excellé.
On sait que , sous les premières dynasties de nos
rois^ lorsqu'un prince mourait^ on renfermait dans
son tombeau uu de ses serviteurs y son cheval y sen
chien, ses idoles, de l'or monnayé, des in:eu-
l^les, etc. y ainsi que l'atteste la découverte du mo-
nument de Childéric, à Tournay , et de celui de
Ghilpéric, à Paris. Au reste, ces sépultures françaises
n'étaient qu'une imitation de celles desrois orientaux;
et notamment de Cyrus chez lesPerses, dont Strabon
nous a transmis les détails d'après Aristobule (Geog^i
liv.6).
Gomment expliquer la conformité qui se rencontre
entre ces idées de nos pères et de nos contemporains,
avec celle d'un peuple sauvage de l'Amérique , que
j'ose à peine nommer les Cannibales ? « Quand un
ce caraïbe meurt, s'il a un nègrO, on le tue, afin
« d'aller servir son maître dans l'autre monde ; on
« enterre aussi avec lui ses meubles et son chien. »
Le chien , qiii ne figure plus aujourd'hui dans les
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 367
funérailles^ y jouait autrefois un grand rôle j nous en
trouvons des preuves fréquentes sur les mausolées
gothiques^, où la figuré du gisant a toujours à ses
pieds*un chien-lion ou une levrette. Ces idées venaient
des Egyptiens qui i croyaient avoir plus d'une rai-
ron pour admettre le chien dans leurs processions ,
et pour leplacer sur leurs autels^ sous le nom à^jénu--
bis, et à la porte du Tartare, sous le nomde Cerbère.
Dans l'origine^ le chien n'était qu'un symbole delà
fin delacarrièrehumaipe^parceque, dans la sphère
céleste , la constellation de la canicule marquait ,
pour les Egyptiens ; la fin de la carrière annuelle du
soleil.
§ 7. Les couronnes de fleurs, surtout de roses ,
qui soiit posées sur de petites cr(^ix de bois à la tête
des Tumutiy indiquent la sépulture des vierges et
des jeunes garçons. Quelquefois, lorsque la saison
ne fournit pas de fleurs, on en fait d'artificielles ayec
de la laine de plusieurs couleurs, ou avec des rameaux
de buis ornés de bandelettes. Les anciens peuples
couronnaient aussi leurs morts. On déposait la cou-
ronne sur la tombe, dit Cicéron ; elle était l'emblème
de la paisible sécurité de l'autre vie. Lycurgue , qui
interdit le luxe dans les fqnérailles , ne défendit point
les couroqines de fleurs ; et cette coutume est d'autant
plus antique que, stivant Clément d'Alexandrie,
( Exor. ad Grœc. ), lorsque les Corybantes eurent
tué leur frère , elles l'ensevelirent avec une couronne
de pourpre. Cet U3age s'introduisit plus tard à Rome,
368 MliMOIRES DE LA SOCIEXS ROYALE
selon Pline qui rapporte que le premier mort cou-
ronné fut Scipion l'Africain. On appelait coronœ la-
nificw, dit cet auteur^ les couronnes des morts , en-
lacées de bandelettes de laine de plusieurs couleurs.
Addunt nunc etiam lanam^ dit Yarron ( liv. 6 ).
§ 8. On remarque, sur quelques cimetières de la
Bresse des environs de Louhans , des bâtons de diffé-
rentes grandeurs posés à côté des tertres funéraires.
Ce sont les mesures des cadavres qui j|sont inhumés^
elles rappellent à l'esprit des passans quel était l'âge
des trépassés.
§ g. Au moment où le corps est descendu dans la
fosse, les assistans jettent dessus une poignée déterre,
à rimitation du prêtre \ et quelques gens s'imaginent
que l'âme n'arrive devant Dieu que lorsque cette par-
tie des obsèques a reçu son accomplissement.
§ 10. Un usage, qui est général dans la province,
est de brûler la paille du lit du défunt, àTembranche-
ment d'un ehemin très-fréquenté. Ceci est peut-être
un reste de la coutume de brûler les corps. Bien
qu'il ne soit pas raisonné de la part des bonnes gens
qui le pratiquent, un pareil usage est fort louable,
et il devrait s'étendre à la destruction des draps, cou-
vertures, rideaux, matelas, toutes lesfois que la ma-
ladie qui a emporté ^individu, est de nature à se com-
muniquer parle simple contact des objets. On purifie
aussi l'air à l'intérieur par des fumigations de ge-
nièvre. Comme on croyait qu'une habitation était
DES ANTXQUÀIftSS DV FEAME. S6q
sooillée parle souffle de la mort, les Latins avaieiil
institué les denicalesfenas, qui avaient pour but de
la purifier.
§ IX. Le philosophe Lucien (auchap. du deuil)
parle du repas par lequelse terminaient les obsèques;
cet usage n'est pas perdu : de retour à la maison mor*
tuaire , les hommes se mettent à table. Cest alors
que , le verre en main , chacun fait Téloge funèbre
du père de famille, tant et si bien, que Ton finit par
boire à sa santé. Le festin fini, on rallume les cierges,
on s'agenouille, et Ton récite le De pmfundis.
§ la. La mort d'une fille n'a presque rien de tristQ;
c'est , pour ainsi dire, un sujet de félicitation, car on
la croit plus heureijse au-delà de cette vie , qu'elle ne
Teût été sur la terre. On donne, à cette occasion, un
grand repas , et c'est ce qu'on appelle fuire la noce.
En eflfet, tout se ressent de cetteidée dans la céré-
monie funèbre ; les jeunes amies de la défunte sui-
vent son convoi, vêtues de robes blanches et couvertes
d'un Toile , comme les compagnes de P épouse chez
les Hébreux; personne ne pleure. Le cercueil est
couvert d^im grand linceul blanc^donton porte les
quatre coins, et sur lequel on appsé une belle cou-
ronne de fleurs emblénlatîques de la pureté et de* la
pudeur. « Le prêtre récite à haute voix sur cette
ce jeune cendre une hymne à la virginité. M ^
On reirouve parmi des peuplades sauvages, et même
chez des nations civilisées, ces opinions bizarres ; car
il est ^ dans plus d'un coin de la terre , des hommes
rv* ai
SgrCI llÉM<Hli£9 M LA 90CVkTt IIOYAUS
qui témoi^ôent de l'affliction à la âaissarice de leurs
setnUsâ^ks, et qui se réjouissent de leur lùort coiâme
de révépement le plus heureux qui pût leur atrÎTcr.
Les Caraïbes , que nous avons déjà cités^ sont de
ce nombre; et fe croîs avoir lu, dans jithènes an-
cîènné et nouvelle , quelque cHose de semblable.
Chapitm Vni. — Dfis usages dont le retour est fixé
dans le œurs de Vannée civile.
J'établis par ce titre une différence entre les usa-
ges qui ne tiennent pas à l'objet des fêtes chrétiennes
et ceuic qui s'y rattachent par le fond. Je traiterai
Mbséquemtnent de ces dernières.
g 1. D'abord je me dispenserai de paiier du/our
de Pén, pinrce que» cet os^ étant uaiverâ^> il n'est
pas un enfant qui ne sache parfaitement ^Q^il doit à
Numa cette bonne habitude des parens de donner ^
étreotnes, et que ki déesse Strénia présidait à cet beu*
reux jour. {^Sjrmmaq. Epit.^ L G.-^J^erùiL^ aa Uvre
del'IdoL)
. l^e cbristianisdie a fait, non. saos^ peine >. ^^^4^-
rai4re lès débauches publiqttes par lesquelles on bo*
n0rAlongrtemps> dans tout l'empire raotaÎB» le pré-
tendu roi^Janus^ à qui l'anoée^ le ipcemièr mois^ et
' spécialement le premier jour étaient doMacréai Oa
ne eonçoit pas que Idiféte des fous > qui ékiiitifeM siàte
de toute» <ies »f aimes y féte^èvilége s'â.^9is Sut fa-
mais » et q0ise eélébts^it a« sein des églises > ait pu
MS ÂNTIODAIRIfl DE r&AKCfi. 5yi
subsister en France juaqu'en i444*D^â^ioi>son s'en
ahstiRt à la circoDcisioQy mais, par ua abus ^al, dit
Mensj(Cat. de$ fêtes^ pag. 76)^ on la transporta à
la fête de l'Epiphaqie y et surtout au commencemeot
du carême. Pour moi, je ne pense pas que Les Jà^
nualesj devenues la. fête des fous, aient été transfé-
rées au carême; j'aurai bientôt occasion de.démoii*-
trer que les folies du carnaval découlent d'une autre
source plus ancienne» Quant à ï Epiphanie^ voyez
ce qui concerne les Roisj au chapitre suivaint
§2. Le dimanche delà, Quadragésîme, qui est le
premier du carême , aulrement dit le dimanche dès
brandons ou à^épicréesj à la chute du jotir y lès col-
lines eties plaines de la Bresse présentent le spec-
tacle d'une infinité de torches ard^entes que les en-
fans portent çà et là, et agitent principalement sous
les arbres fruitiers , en crîant : Plus> de fruits que de
feuilles! plus de fruits que de femUei! L'enfant se
persuade que cet hoinmage rendu aux vergers leur
donnera la fécondité^ et qu'ils répondront à ses voeux
par f^abdndânce. Ceci est une institution que Ton suit
par bai>itudesans en soupçonner l'origkie^ et parait
av^r 6u un but utile j celui de détruire les nids 4e
chenîlks, dont alors les .œufs sont renfermjésIlaQs
des fallots attachés aux branches. Ole est évidem*
ment un reste d^s céréales y quoique le calendrier
romain ne porte point de jours dédiés à Gérès> dans
le^ovrfitnt du mois de mars> auquel tombe ordipat-
i*ement ndtre dimancbe diépierées. Ce terme ; dont
34*
$7^ MÊIIOIRES DE LA SOGIÉTB &OTâIE
je n'ai vu nulle part Fétymologie > se composeiaH ,
selon moi» de deux mots qui indiquent la^ consécra-
tion du jour à la divinité dont il s'agit y commeï épi-
clidèset Vépiscira de TAttique. Épi a le sens de fête
dans plusieurs autres noms, tels que épicrène^ la fête
des fontaines; épidémies y ^ fête des génies tutélaires ;
épùnénieêy la fête des nouvelles lunes f épiphanieSfh
fête de l'apparition des dieux ; épiscaphies^ la fête
des barques; épiscènes ,\a, fête des tentes. Quanta
Cérès , U faut observer qu'on prononçait Kérès , et
que, par sjncope et par corruption , on a dit Krées.
Au surplus^ le dimanche d'épicréesse nomme éga-
lement ( ainsi que nous l'avons vu plus haut ) les bran-
dons, ^utre mot dont l'explication vient à l'appui de
notre conjecture» Les brandons sont des flambeaux
de bois sec dont les paysans s'éclairent pour mar-
cher la nuit; on les appelle, en quelques lieux,
fouailles. Or, auxcereo/es , fêtes instituées par Trip-
tolème en l'honneur de l'agriculture, on portait des
flambeaux, eh mémoire de Gérés qui parcourut le
monde pour chercher sa fille, avec des .flEnJsieaux
allumés. En cette solennitéi on sacrifiait un pore à
la déesse, et il n'est pas inutile, pour faire connaître
^e Cérès était également fêtée en hiver , de remar-
quât que c'est en hiver que Ton tue les cochons,.
§ 3. n existe dans le vignoble, et probablement
ailleurs, une autre coutume non moins ancienne que
la précédente , et qui revient à la même époque. Elle
semble tenir à la fois de la fête. de Gérés, 4« celle de
L.
BES ANTIQUAIRE» DE FRÀNGE*^ 5y$
Junon Lucine / et des matronales réunies j et voici
sur quoi peut se fonder x^ sentiàaent. Ge jour-là^es
épouses de Tannée font griller une mesure de pois,
et fabriquent des gaufres qu^elles distribuent à la jeu^
nesse de Tendroit; puis elles' donnent un bal toquél
on se rend déguisé ou masqué. Le veuf remarié^ qui
ne fait pas danser, reçoit le charivari. Cette réunion
déjeunes gens, ces bals offerts par de jeune^ mariées^
voilà ce qui a rapport à la fête des /Ti/tiro/^e^ et à celle
de Lucine ; mais ce cboix de comestibles n'est pas
si facile à deviner : est-ce une allusion aux produc*»
tiens de la terre, dont on se croyait redevable à
Gérés ? Si les pois sont grillés , si la fleur de froment
est présentée en pain roussi par un fer chaud y estH^é
en mémoire de la disparition de Proserpine dans les
enfers (i ) ? Ce que les anciens pensaient <le lé fiévè
qu'ils employaient dans les ^sacrifices aux dieux in-^
fernaux et dans les funérailles 5 ils ont pit le penser
du pois, autre légume sec qui a la même inflexibi*
lité. Au surplus, il serait^possibleque ces pois grillés
et ces gaufres indiquassent encore l'adjonction des
férales qui se célébraient le vingt*un février, et des
fornacales qui tombaient le dix-buit,. aux fêtes des
matrones, de Junon-Lucine, et de Cérès>^ lesquelles
étaient assez rapprochées.
(]) ïies philosophes expliquent Je mythe du séjour aTterna*-
tif de six mois de la fille de Gérés sous k ciel et sous Ta
terré , par la yicissitude des saisons dont sfic mois sont pro*
duetift et six paraissent lester en reposa ^
374 HinOIUS D£ U. SOCIÉTÉ ROYÂtE
P<Hir levmiajsv cet article , ajoutons que la primi-
tive Eglise chercha à sanctifier l'usage des brandons.
L^in^iyidas qui» les jours précédeus, s'^aieot li-
vréa à des diverbssemens défendus^ paraissaient de-
vant les ^iltels I une torche allumée à la main , pour
fJEiire réf aration publique de leurs scandale^. ( ^L
desfém* )
. §4* Bans la partie haute du département, au lieu
de flambeaux on allume des feux à la sommité des
montagnes y et Ton danse gaîment à Tentour.
§ 5. L^ courses ie;Ktravagantes , les farces disso**
lues^ les dégui^emens grotesques qui ont lieu àTen*
l2*ée do carfîme, à renterrement de Mardi^graà (au-
trement; appelé carnai^l ou carêmentrant ) ne sont
qu^une continuation des lupercales, qui tombaient
en février , et dçs libérales qui arrivaient le dix-sept
mars^Les jeûnes. Romains» après avçir sacrifié des
chèvres à Pan , se couvraient )a tète et les épaules
des cornes et delà dépouille de ces animaux^ et cou-
raient les rued sans autres vétemens ; c'était une imi-
tatioxides orgies. Tout dégénéra, dans ces fêtes, en
mascarades, etc.. .. C'était à qui ferait le plus de fo-
lies. Au lieu de porter une peau de faouct>u de d^è^rre,
on crut beaucoup mieux faire de s'habiller en chèvre
ou en tigre ; de s^aJËubler la tête dés cornes d'un che-
vreuu ou d'un jeune cerf; de se couvrir le visa^ge
d'écorces d'arbres , de façon à in)ker k nefis camaid
/
OIS ARTlQUAIftlS DE nàlfOS. S7&
et les oreiiles fiaintues dm chefreau etâu bôO€> sans
négl^er les iau très orneniens de la figarè. On <htÂr
sissaîiun gvos garçon bieû hbiiFpi potar faire *le pei>-
sonnage de Bacciius , 4]u*on plaçsât «ui? tin diar^; et>
ponr veodre le tout plus rnerv^itleux > les prétèndas
tigres tjraifiaiènt ee char> tandis ^ue les b^bcs et 1^
chèvres gsambadaient à f eatoiji* en femtô dé satjfï^es
et de faunes* On donnait à ceux cpi suivaient ^taiO'
comp^naienft le chs^ de Baeqhus ies noms de baer
chans et de bacchantes, c^est^à«<dire de pleureurs et
de pleureuses , parce ^oe la fête eonsimençait pardês
regrets ^t de^ laineatations. »
On prend pour oin d^&a gaulois ui| jeune iiomme
représenté avee des oorn^ de cerf ou 4e daim pai^oai .
les figure^ d'un bas^réUef (trou^^ en 1701 dans Yé-
glise dq Notce?4)aine dé Pâiis ), et qui porte le nom
à^eermimnog; ce lie p^it être qu nn dé ces' jèiinés
lionnes qni^ au premier de V^f fé(e delà gàulo^
Ai^imt^,a\ se convrai^t delà d^poqille d/é% cerfs.
Cette conjecture est d'anti^^ plus probeâdé, que la
plupart ^es antiquaires qui okte^sitaminé le «aonumént,
ie donnent pour une rejM^ésen^atioQ de la çérémonitë
dt^uidiqne du gui de cbéné^ qui avait lieu précisé-
ment ce '^9ur4^ , c^est-^à*<^e le pi^etnier de Tiannée
ceUâque.
§& Îje'i»€ï/est§énéi^l^rnewteonnu en^Prance^^
i<ne fn'at^éVenâ donc pas à le décrire; seulement je
dirai que; dànârf origine^ il n^était pas, comme à pré-
seM, un ^n^HKiBgexle Fraiour à la beanté, mftisde
•
3^6 HEIIOIUS DE Lk SOCUlxi ROTÀU
la considération à la puissance. L'usag'e d^ planter le
mai ne nous est pas venu directement des Komains ,
qai, à* la vérité, ouvraient le mois de mai par les
jeux floraux ; ils le tenaient, comme nousy desGeltes,
nos.a^teurs cojnmims, qui cpmmençaient Tannée à
par^jour. « On alluinait^ à cette occasion^ dit M. Da-
vid 4e Saint-Georges, traducteur d'Ossian (dans des
recherches manuscrites qu'il a laissées , touchant
plusieurs Ueux du département du Jura), on alla-
.mait nn grand feu sur une hautieur , à portée d'une
fontaine ou d'un amas d'eau quelconque , et l'on y
faisait de grandes réjouissances. Cet usage^ ajoute-t-il,
s^^Bjt conservé par les feux que les bei^ers ^e nos
; campagnes , où le .printemps est plus reculé, aUu-
juçbt encore la veiUe de la Saint^ean , » qui tombe
}q six de ce mois. La solennité celtique du premier
mai s'appelait ieilhin, le feu de Bélénus ou du soleil.
Là tille de Polignj paraît. lui devoir, et son existence
et son QOni. {Essai sur t origine de la Séqutmie ,
liv. 5, châp. lâ, pag. 189.)
. Le choix de ce jour, avait été déterminé par ie le-
ver héliaque des pléiades> constellation vulgairemeiU
connue sous le nom de la poussinière ,. à canse do
nombre d'étoiles qui composent leur groupe fesserré.
Les Orientaux la nommaient meah, la multitude .,
synonyme de pléiade et de pléione. Au centre , se
pion^ait Tastre àemaiay que les mythologues fai-
saient mère de Mercure , et d'où s'est foçmé Jle nom
dvimois auquel cet astérisme sç rencontrait en cod-
jonction avec le soleil. Aussi le. mois 4^ mai était-ii
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 577
SOUS la proteetidn d'ÀpblIoa^ dku-soleil des anciens.
Or, le jour où ce groupe d'étoiles s'enveloppait de
la lumière du grand astre, les Celtes se réunissaient
sous les auspices de cette divinité^ au milieu des bois
qui lui étaient consacrés. Cette assemblée s'appelait
h champ de niai. Où en irapportait des arbres que
l'on déposait devant la demeure des personnes mar-
quantes. De là le titre de ma/ores donné aux magis-
trats, qui sont ceux à qui L'on doit les honneurs du
mai En 181 8i je visa Nog***, commune de ràrron-
dis^inent de Lons-le-Saunier , rendre pareil hom>-
mage à un mau'e qui venaitd'êtreinstàllé; et, lors du
pasfsage de $. A. R. Monsieur, par Polignj en 1814^
les habitans de cette ville aVaiônt été, dans les baujes
montagnes, couper «des sapins entiers, qui furent
plantéa en forme de maî^ devant les maisons, dans
toute la longueur de la rue que le prince devait par-
courir. ^'
Si les amans se servent du mai comme d*\Jtn inter-
prète de leur tendresse, enle chargeant de couronnes
de fleurs et de galantes devises, \es mauvais plàisans
saisissent aussicpielqnefois Toccasion du premier mai
pour placer à la porte de certaines personnes peu re-
commandables par leur conduite, des emblèmes in-
jurieux ^ tels quedes cornes et des débris d'animauot
crevés. Ce qu'il jade plus blâmable en cet abus, c'est
qu'il arrive souvent que la malveillance et la récri-
minatiop compromettent injustement la réputation
la mieux établie.
§ 7 . ^v/y7, chez les Romains, , était «pus U pro-
tection de Vénus, à qui le poisson étailt consacré ,
parce que les mythologues débitaient que cette déesse,
fuyant les persécutions de Typhon , avait pris la &-
gpre de cet animal. Les Syriens^ les Phéniciem, Içs
Babyloniens qui adoraient la volupté sous la mésm
forme , publiaient d'autres fables de ce genrç.
Il faut croire que, le premier jour d'avril, l(U!(|u«l
la fête de Vénus était iixée dans l^çaleodl^ieir jromaÎQi
au lieu dç s'envoyer le5 uns aua^ autres du produit de
leur pêche, en mémoire des métamorphose» delà
déesse, les anciens en faisaient seulement le simu-
lacre, parce que le signe des poissons , le domdème
du iKH^diaque^ n'arrivait point en avril, mais en février,
qui est le vrai moment de pécher. Voilà ,')e crois,
cevlE|ui donna lieu aiux poissons, d'ai^ril y sorte de di-
vertissement de ce jour qui consiste à faire faîjreà
quelqu'un de fausse^ démarches, ou à lui envoyer
de faux présens.
• » . ■
§ 8. Le vingt-trois juin , i^eilie de laSaint-fJean ,
on entend le soir les bergers aiinoneer> dans les rues,
au son de leurs oornets , la fête des maris tnnppés ,
laquelle est censée se solenniser par une longue pro-
cession de maris de cette classe, dans k plus vaste
prairie Aa voisinage. Le plus reoommandable par
son ancienneté de service dans la cotifrérie porte ,
dit«0n , la bannière qm est jaune et surmontée d'un
beau bois de cerf. En Lorraine , s^iaot en cwwre
M. Le Rouge {Mémoires de P académie celtique ), la
/
DES ÂNTIQUAIUS DS FRÀKCE* 3 79
procassimiâerait réelle. EnFranche-Goraté» le$ époux
maltraites sont plus honteux; niais, on a soin de
les désigner par des cornes arborées à leurs portes,,
dans la nuit du vingt-trois au vingt-quatre de ce mois.
Dans la première de ces provinces, cette farce arrive
à la Saint-Gengoult , le onze mai; dans l'autre, à la
Saint-Jean dont nous parlons. La vie de saint Gen-
goult prête à ce rapprochement de disgrâce maritale.
Les fériés de Vulcain, mari célèbre de ranûqiiitéj
avaient lieu vers la même époque ( leidngt-^le^ixmaiji
onze des calendes de juin. .
§ 9. Nous devons sans doute le^. wufs de Paqi^es
aux Phéniciens qui adoraient le créateur sous la
forme d'un œuf. Suivant leur théogonie , la nuit re-
gardée comme le principe de toutes choses avait
engendré un œuf d'où étaient sortis Tamour et le
genre' humain ( i )«
A Pâques, le soleil, arrivant sur Téquateur , nous
fait quitter les longues nuits. L'œuf primitif se brise,
et le genre humain renaît. L'usage de toquer les œufs
se rattache , comme oa voit , à des opiniops biea
aolâques.
S 10. Enfin, la Saùit-Sj-hestre qui ferme Tannée,
(1) Les GbaldéeDS,Ies Perses, les Indiens^ et même les
Chinois ont adopté ce symbole. Les Égyptiens avaient l^œuf
d'Osiris. Orpbée désigne par un œuf le principe fécondant de
IHmiwrs. Les CSrees «t les ftotnains i^ffralem des oeufs à ieors
diTiuiliés.
33o MEMOIBES DE LA SOCIISTIB ROY AIE
et qtii est en conséquence la veille du grand jour des
étrennes générales^ est aussi un jooràcadeaux; mais
il n'est au profit que des. indigens.
Chapitre IX. — Des usages dont le retour est
fixé dans le cours de tannée religieuse.
Cest une chose admirable qtie Tart avec lequel
les pères de TEglise ont su adapter certaines so-
lennités religieuses à des pratiques du paganisme',
trop fortement enracinées pour être tout-à-coup
détruites. Quels obstacles n'eussent-ils pas eus eu
eflFet à surmonter ,, s'ils eussent entrepris d'abolir
de prime abord des habitudes que l'on sait bien
être comme une seconde nature ? Le peuple aime
les distractions , les spectacles , les fêtes : il suit machi-
nalement^ mais avec opiniâtreté; les institutions des
ancêtres; et la meilleure preuve que Ton puisse donner
de Fimpuissance des efforts dirigés contre ses usages,
c^est la célébration actuelle de ses lupercales et
de ses orgies sous le nom de carnaval. Le seul
moyen de triompher dans cette lutte était , en che^
chanrt seulement à purger certaines cérémonies de ce
qu'elles avaient d'indécent, de le^ tolérer en ce
qu'elles avaient d'honnête, et d'en sanctifier le
motif. Pour faciliter cette substitution , les insti-
tuteurs des fêtes firent en sorte d'opposer, avec
le plus d'illusion possible , les souvenirs aux sou-
venirs , les simulacres aux simulacres , les objets
aux objets. Cédant à cet heureux prestige y le peuple
- 0ES ANTIQUAIRES D£ FRÀNCB. 38 1
perditînseiisiblemeot.de vue ses anciennes institu-
tions > quoiqu'il les retrouvât en quelque sorte
dans les nouvelles , mieux appropriées à sa dignité ;
seolementlenomet le quantième en furent quel-
quefois changés. C'est le cercle de ces fêtes con-
tinuées que nous nous proposons de parcourir ici.
§ 1. Celle des Rois existait déjà avant Tère
chrétienne. A Rome , c'était en Thonneur de Sa-
turne et de Janus du quinze au vingt-un décembre,
tandis que maintenant c'est le six janvier. « Pen-
dant tout mon règne qui ne dure qu'une semaine,
dit le premier de ces dieux dans un des dialogues
de Lucien, il ne m'est permis de faire aucune chose
ni publique, ni particulière / mais seulement de
boire, de chanter, de jouer, àe faire des rois
imaginaires , de mettre les valets à table avec leurs
maîtres , de les barbouiller de suie^ ou de les
jeter à Teau la tête la première, lorsqu'ils ne retan
plissent pas bien leurs nouvelles fonctions. ^ C^x
qui célébraient les Saturnales s'élisaient un roi {i) :
et d^ailleurs, il y avait toujours chez les Romains
un roi du festin que le sort désignait ( Horace^
Od. 4% lib. L ).
(i) La fête des Sôus-Diacresy des Fous ou des Calendentve
célébrait « à Paris, le jour de TÉpiphanie ; ailleurs ^ le jotur
a dès Innoçens. » Les prêtres et les clercs s'assemblaient ,
élisaient un pape ou un évêque : ils le conduisaient en pompe
àréglise^ où ils entraient en dansant ^ maéqués ^ rerêtus ou
d'habits de femme ou d'animaux.
S8a HÉiroiEBs dc là sogiétc royale
Toul cela se pratique encore ^ nos jours y à
quelques diflërences près. La veille de i'Epîphaoie ^
chaque famille bourgeoise fait tirer au sort^ au
mojen d'un jeu de cartes , par le plus jeune d^s
enfans , quels seront le roi y la reine et le valet
provisoire du lendemain.
Pour les désigner, du temps d'Etienne Pasquier,
on posait au milieu dp la table un petit garçon,
« que le maître interrogeait sous le nom de Phébé^
comme si ce lût un enfant qui, en l'innocence de
son âgfc, représentât une forme d'oracle d'A?poUon. »
A la campagne , l'enfance est également l'arbitre du
destin (i) ; mais le plus communément c'est la fève
qui adjuge la rojauté.
Une fève (9) perdue dans un gâteau qui se pa^
iage lai souper entre les convives^, en*tOinbaDtà
l'un d'eux, le fait proclamer roi ou reine; alors le
Qouveau souverain seSk&ml une compagne , ou la
priocessie se choisit unffppux,
<31iaque fois qu'ils boivent , leurs sujets doivent
s^empresser de crier le roi boit , ou la reine: boit! les
(1) Je lisais dernièrement un acte de partage de successioBj
passé pardeyant notaire, en i664, où il était dit expressément
qm» Von ayait Caift tirer les Iota /hit un enfant de eqit à huit
om. .
'{n) « Kénophon, tia livre des dits et aetes de Soerate , nous
enseiigne qtte, dans la Tflle d'Adiènes^ les magisirats étaient
créés au sort de la féye. Par aventure leur s<$rTatt-eHe de
ballotte ?» (Pasquier^ Recherches^ Hv. !▼, <*. IX.
ÏSm ANTIQUAIRES DE FBANGK. 585
omis6kms wnt punies de la peine du barbouillage.
Quiconque arrive pendant le festin ( et même
pendant l'octave )y doit déclarer , en entrant , qu'il
salue le rai et la reine. /
Pendant ce temps4à , les ehfans et les pauvres
vont^ de porte en porte, chantant les trois rois
àTOrierU , et demandant leur part du gâteau qui est
sur la table*
Je dis leur part y et en eflFet on a soin d'en ré-
server une pour eux, que l'on appelle la pdrt de
Dieu et de la Sainte-^Vierge ; car ce jour est essen-
tiellement consacré à l'égalité des conditions , et
rappelle aux chrétiens l'hommage rendu par la
grandeur à la pauvreté. La principale idée de cette
fête des rois est intimement liée à Finstitution
profane par d'habiles rapprochemens. D'un côté, les
saturnales rappellent le sceptre passant des mains
de la puissance à celles de la pauvreté j*les maîtres
servant les esclaves, et tous les rangs ramenés au '
même niveau ; de l'autre , des mages viennent au
£6nd d'un établë reconnaître la majesté d'un nou-
veau ipaître , devant qui disparaissent toutes les
distances. Voilà sans doute une analogie qui a dû
êt^e la cause ide la continuation d'une partie des
saturnales Sotis le nom de X Epiphanie ou fête des
rois.
Qtiaique Ton n'ait rien de certain sur la qualité
<ies trois sages <|ui vinrent à Bethléem , cepen-<
danlime tradition constante les donne pour trois
N
384 HÉMOlRBé DE hk SOClili ROTÀLS
Si Ton voulait pousser plus loin les parallèles ^
ces trois têtes couronnées se retrouveraient dans
celle de Saturne et le double visage de Janus>
et la triple adoration de ces personnages ferait
allusion au ù'iple triomphe d^jiMiguste qui se so-
lennisait le même jour, six janvier , ou le.kuit
des ides de ce mois. ( Orose ) Je trouve Meusi ( Cat.
des fêtes 9 p. 84 ) de mon avis sur ce point.
§ 2. « Le savant Baluze dit que la Puri'
Jication est la première des fêtes instituées en
l'honneur de la mère de Dieu : le pape Gélase ,
suivant le sentiment le plus commun et le plas
suivi > rétablit en l'année même de sa mort > c'est-
à-dire en l'an 496 , pour l'opposer aux purifications
que les païens faisaient aux lu percales j en portant
des torches allumées autour de leurs temples. pour
purifier leur ville. » ( Cat. des fêtes j p. gS ).
Le deux février est aussi connu sous le nom de
la Chandeleur , solennité ainsi nommée du grand
nombre de cierges que les fidèles font bénir à la
messe , et avec lesquels ils vont en processio.n dans
l'église ou au-dehors.
Dans le canton d'Orgelet j au retour de l'office ,
le père de famille 1 après avoir récité le Pater et
VAs?e y fait découvrir l'épaule à toutes les person-
, nés de la maison , et 7 forme une croix de quatre
ou cinq gouttes de cire. U marque aussi du même
signe le fond du chapeai\; ensuite, avec la fumée
du cierge , iL dessine d'autres croix aux seuils
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 385
supérieurs des portes et (les fenêtres y par où Tair
entre dans Thabitation^ ce qui est sans doute une
pratique subtituée aux lustrations que Ton faisait
en l'honneur de Junon Sospita qui présidait à la
salubrité de l'air, et dont on chômait la fête au
premier des calendes de février par des purifi-
cations. De là le nom de Fehniarius impoâé à ce
mois.
§ 5. Le dimanche des Rameaux ou des Palmes ,
autrement dit Pâques fleuries , jour auquel les
fidèles se rendent à l'église avec des rameaux de
buis ( les enfans y implantent des pommes ) , en
mémoire de l'entrée de Jésus-Christ dans Jérusalem,
tombe vers le même temps où l'empire romain
célébrait les {victoires de César et Auguste salués
empereur , le huit et le seize avril. On fait remon-
ter l'institution de la fête chrétienne à la fin du
sixième siècle. « La bénédiction et la distribution
des Rameaux sq faisaient en plusieurs endroits , hors
des villes et des paroisses On s'avançait avec
des branches d^ arbre s y etc. » ( Cat. des Fêtes ).
§4* Les enfans > dans les villes comme dans les
campagnes , à l'issue de l'office des Ténèbres ,
sortent de l'église , agitant divers moulinets de
bois ( la crécelle ) qui produisent beaucoup de bruit,
et courent ainsi toutes les rues. On croit que ce fra-
cas imite le déchirement du voile du temple de
Jérusalem , ou qu'il exprime le désordre de la na-
IV. 2 5
386 HiHOiaBs de la société aoTUE
ture dans ces momens de deuil. « Il est plus vrai'
semblable 9 dit Tabbé Meusi^ que c'est une coutume
ancienne qui ilous rappelle les siècles auxquels les
cloches n'étaient pas encore inventées (1)^ et où
Ton se servait de crécelles. » Pendant la Semaine
Sainte ; les cloches se taisent, et Ton n'entend que
la crécelle au Sanctus et à VÉlévation. Je ne vois
dans le calendrier romain aucune cérémonie qui
corresponde à celle-ci.
§ 5. Pâques signifie passage. D'abord les Egyp-
tiens célébraient le passage du soleil de l'hémis-
phère inférieur à l'hémisphère supérieur , qui
arrivait alors sous le signe du Bélier.
Moïse saisit cette circonstance pour instituer une
fête qui devint très-célèbre chez les Hébreux, et
dans laquelle il se montra diamétralement opposé
au mode de sacrifice des Egyptiens , puisqu'il or-
donna à son peuple dlmmoler l'agneau qui était
adoré par eux.
Cet acte , criminel à leurs yeux , était un coup de po-
litique de la part de Moïse ; il forçait les enfans dls-
raëlà chercher leur salut dans la fuite, et c'est ce qu'ils
firent. Dès-lors ils consacrèrent , chaque année ^
par ordre de leur législateur , la mémoire de leur
passage de l'Egypte au désert. Les mystères du
christianisme devaient s* enter sur ceux de l'idolâtrie
(1) Bleusi aurait dû dire : ha aièclea auxquels les cloches
étaieni encore rares.
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE* • 387
pour les détruire , et la résurrection du divin ré-
générateur eut ligua pareil jour.
§ 6. Le lundi de Pâques ^ il est d'usage , sur
plusieurs points du département , et notamment à
LoDS-le-Saunier et à Orgelet , d'aller prendre un
repas en famille daus la campagne. Je ne vois pas
d'autre raison de cette coutume que celle de repré-
senter le départ des Israélites d'Egypte pour le
désert > par opposition peut-être à la fête de Ju-
piter vainqueur , et de la Liberté qui tombait aux
Ides d'avril y treize de ce mois.
§ 7. Les rogations ont été établies en France^
sur la fin du cinquième siècle. D est présumable
qu'alors le peuple se livrait encore à des pratiques
de l'ancien culte. Les processions des Céréales ^
des PaUlies , des P^inalies à Vénus, des RobigaUes
et des Florales , se faisaient chez les Romains ,
les 19, 2Q,22f 26 et 28 avrils c'est-à-dire pendant
les calendes de mai.
% 8. Le trois mai amène Viàçention de la Sainte-
Croix. Ce jour-là > les cultivateurs font bénir des
faisceaux de croix de coudrier , préparées par les
bergers, qui sont ensuite plantées dans les héri-
tages. Ces croix ressemblent à celle que les peintres
mettent à la main de saint Jean précurseur ; c'est
pourquoi on les appelle croix de Saint*Jean-Bap-
tiste. On dit vulgairement que les jeunes gens qui
les trouveront en moissonnant se marieront dans
3&8 HiMOIBES DE LA SOCïtri ROTÂiE
Tannée. Ceci n'a rien de parfaitement analogue
à ce qui se pratiquait sous le politbéisme^ si ce
n'est peut- être aux compitales en l'honneur des
dieux lares, parmi lequels on distinguait les Larei
des champs. Les compitales arrivaient le deux
mai, le lendemain d'un jour consacré à la bonne
Déesse , aux lares et vxïsi jeux floraux.
§ 9. Au sujet de la Trinité s^oyez le chap. XI,
S- 6.
§ 10. Les Panathénées de l'At tique ( appelées
à Rome Quinquatrie$ ) et la fête de Jupiter invinr
cible y qui se célébraient aux ides de juin, présen-
taient le spectacle de processions > auxquelles les
chrétiens ont jugé à propos d'opposer celles de
la Fête-Dieu. En plusieurs endroits du déparle-
ment du Jura, et particulièrement dans la partie
basse , les paysans attachent une espèce d'heureuse
fatalité à posséder des couronnes qui ont touché
l'ostensoir , le jour de cette fête ; et , quand la
cérémonie est terminée , les mères de famille
vont coucher leurs enfans sur les divers reposbirs
où le prêtre a donné la bénédiction.
§ II. A la Natis^ité de S aint-Jeafi- Baptiste se
rattache le retour d'un usage bizarre dont nous
avons traité au précédent chapitre, et d'idées su-
perstitieuses dont nous parlerons au chapitre XI ^
s 5.
§ 1 2 . La Visitation de la Sainte Vierge , fixée au
DE3 ANTIQUAIRES DE FRANGE. SSg
deux juillet 9 a été subtituée aux changemens de
maisons qui étaient en usage à Rome le premier
des calendes de ce mois.
§ i3. Les Brumales à Thonneur de Bacchus >
qui commençaient le 24 novembre et qui duraient
un mois, étaient l'occasion de fêtes joyeuses aux-
quelles la jeunesse des deiix sexes avait le plus de
part ; conséquemment il était difficile de ne les pas
continuer.
Le christianisme permit donc 1® aux jeunes
filles d'avoir pour patrone sainte Catherine ,
au 26 novembre , et de la fêter par des réjouis-
sances décentes ; 2^ aux écoliers et aux jeunes
garçons , de se réunir le six décembre , dans le
même but , et sous les auspices de leur patron
saint Nicolas. Ces petites fériés se célèbrent avec
beaucoup de zèle, en Françhe-Comté , autant par
les agréables festins auxquels un sexe appelle ordi-
nairement l'autre, que par les bals où la présence
des deux est indispensable.
§ 1 4« Comme au dimanche d'Epicrées , dès le
soir qui précède Noël , on voit , de toutes parts,
dans la campagne, briller de nouveaux brandons.
Le 24 décembre , ce jour que les Romains avaient
ajouté aux saturnales sous le noni de Juvenalisy
nos jeunes villageois allument deifouailles Ott flaiii-
beaux, s'en vont processionnellement sur les hau-
teurs, et y forment en dansant diVerses évolutions.
Au chapitre XI , il sera question dïdées supers-
3gO lI]élIOIR£S DB LA SOCIÉTÉ ROYALE
titieuses relatives à la soleonité de ce jour. On se
garde bien de se rendre à l'office nocturne, sans
avoir sur soi quelque chose de neuf, sous peine
de ne pouvoir , dit-on , j contenir ses flatuosités.
A rissue de la messe de minuit , on célèbre la
naissance du Sauveur par une collation joyeuse
que l'on appelle le ris^eillon.
Cest alors que y dans quelques endroits, on
renouvelle les feux de voisin à voisin. Le lende-
main , les enfans se lèvent de bonne heure pour
visiter au foyer la tronche y c'est-à-dire la grosse
bûche sous laquelle ils trouvent des gâteaux ou
des fruits , qu'ils regardent comme la produc-
tion de sa fécondité miraculeuse. Ce jour-là aussi
les gens les plus pauvres mangent du pain blanc,
les parrains et marraines doivent à leurs filleuls
un pain au lait.
Ces divers usages paraissent presque tous pro-
céder d'une source païenne. Je n'ai pas besoin
de dire que les Romains célébraient à la même
époque leur solem-novum ( parce qu'à partir de
ce point , le soleil ^ parvenu au plus bas de sa
carrière , commençait à remonter sur l'horizon ) ,
cela est trop généralement connu. De là le sol
no9us orituv de la prose de la Nativité. Les ré-
flexions générales que nous avons déjà placées an
commencement de ce chapitre , et les observa-
tions, particulières que la solennité de Pâques a
donné lieu de faire dans celui-ci , trouvent encore
ici leur application. Je ne répéterai donc plus la
DS8 ANTIQUAIRES DS FRANGE^ 3oi
rai^oû de pareille coïncidence ; seulement je rap-
porterai , d'après les notes manuscrites de M. Da-
vid de Saint-Georges , que, vers Tentrée de l'hiver,
les druides rendaient aussi un culte solennel à Bêlé-
nus, l'Apollon , soleil des Gaulois , dont ils repré-
sentaient l'image par de grands feux allumés à la
cime des montagnes. Cette fête celtique s'appelait
Sam^hîn ou le feu de la paix. Béni par les prê-
tres , ce feu était distribué aux assistans qui reve-
naient ensuite à la maison, un tison allumé à la
main. Ceux qui n'avaient pas eu part à la distri-
bution du feu , en demandaient à leurs voisins
pour renouveler celui de leurs foyers. De là vient
que , dans plusieurs campagnes , on le laisse quel-
quefois éteindre , afin de le rallumer de cette ma-
nière , en témoignage de bonne intelligence et
de paix. Comme ce feu sacré était censé porter
bonheur à Tâtre sur lequel il était apporté , on
Tentretenait au moyen d'un gros tronc d'arbre que
nous appelons aujourd'hui la tronche ^ et qui doit
durer jusqu'à l'Epiphanie.
Enfin la coutume de revêtir ce jour-là quelque
vêtement neuf, nous reporte sans doute au règne
des Garlovingiens, où Tannée commençait au â5 dé-
cembre.
§ i5. On croit que la fête des Ihnocen$ n'était
pas hi, même que celle des fous^ qui était un reste
des saturnales des Romains, et que les enfans de
chœur ou les petits clercs faisaient dans l'église ,
Sq2 Mémoires de la société royaie
la veille et le jour des SaiDts-Innocens> sentiment
qui me semble tout-à-fait défectueux. Cette fête
des jeunes gens, devenue, depuis plusieurs siècles ,
plus innocente que jamais , se passe à solliciter
et à obtenir de petits présens qui sont commune*
ment des fruits.
Les enfans demandent leurs innocens à leurs
pères, mères, parrains, marraines et supérieurs.
Les galans les vont solliciter près de leurs maî-
tresses. <
Chapitre X. — De quelques usages particuliers.
Outre les usages que ramène le cours périodique
des saisons , il en est qui méritent de trouver place
dans nos recherches.
§ 1* Par exemple, nous voyons assez fréquem-
ment dans les campagnes , à quelques portes de
grange, des dépouilles d'oiseaux carnassiers et de
bêtes fauves : elles y sont arborées comme des
preuves de prouesse.
Les Celtes fixaient de même , comme d'honora*
blés, trophées, aux seuils supérieurs de leurs por-
tes , les têtes de leurs ennemis tués , et celles de^
animaux redoutables qu'ils avaient abattus à la
chasse. « Hostium spolia sanguine perfusa famulis
tradunt , in jotihus domoruni cum cantu atque
hymmis affigenda : quemadmodum feras soient ve-
natu captas » ( Diod* de Sic. ^ liv. 6, chap. 9. )-
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. ^q5
Gomme c'est principalement la noblesse qui se
livrait à Texercice de la obasse , c'est exclusive-
meat à la porte des châteaux que Ton vit, pendant
nombre de siècles , de pareilles enseignes. De là
l'idée de distinction que Ton attache encore à avoir
à sa porte un pied de biche pour faire mouvoir
I9 sonnette. De là surtout ces ramures de cerf placées
sur les casques et sur les couronnes y dans le blason
des hauts et puissans seigneurs du règne féodal.
Diodore de Sicile (liv. 6, chap. 9), parlant des Gaulois,
atteiste Tantiquité du choix de ces figures sur leurs
casques : « j^reâ galeâ caput muniunt paulùm
eminentiore , in quâ aut cornua impressa $unt , aut
avium vel quadrupedum effigies sculpta ». Au temps
où les cornes étaient un attribut de haute considé-
ration pour la caste noble , elles étaient déjà un
symbole fgnominieux pour certains maris d'une
classe inférieure, y à en juger par quelques usages
ridicules dontrorigine semble se perdre dans la nuit
des temps. Voyez les paragraphes relatifs aux mais^et
aux processions de la Saint -Jean, chap. YIII.
§ 2. Le sujet nous amène à retracer le souvenir
d'une coutume d'origine barbare (puisqu'elle nous
venait des Francs , ' dit du Gange au mot strotare )
qui n'est plus en vigueur comme punition de l'adul-
tère , mais qui l'est encore en plusieurs lieux comme
peine infligée à quiconque a battu sa femme ou son
mari.
Au scandale qu'avait produit l'aventure des amans
394 MKHOIRBS DE l SOCIÉTÉ ROYALE
surpris en flagrant délity nos pères ajoutaient le spec-
tacle plus scandaleux encore, de faire courir par la
ville ou par le village les deux coupables montés
sur un âne et tout nus. Des scènes de ce genre prou-
vent-elles la pureté ou le relâchement des moeurs
antiques ? sont-elles tombées en désuétude par la ra-
reté ou par la trop grande multiplicité des exemples?
Ce n'est pas de cela qu'il doit être ici question.
Quoiqu'il en soit, cette loi a existé anciennement
dans la Pisidie. ( Nie. Damasc . apud Stobaeum ,
serm. ^2.) et dans plusieurs provinces de France ,
notamment dans la Bourgogne ( Pézard, Recueilde
chartes. )*'dans la Bresse (Ghart. Aymon. Sabaud.
Baugiac. pro villa de Bag. , an 1266), dans l'Agé-
nois , la Gascogne , l'Auvergne , etc.
Maintenant donc on ne trotte plus les adultères >
mais seulement les époux qui, en s'administrant
brutalement des corrections , ont trop attiré l'atten-
tion publique. On a vu quelquefois un mari tout hoD-
teux, promené sur un âne au milieu d'une foire, ayant
à son dos l'annonce de son méfait. Quelquefois aussi
on fait un mannequin que l'on costume de manière
à faire reconnaître la femme à trotter; et une nom-
breuse escorte de polissons ^ après Tavoir assis dans
une cariole , le promène dans toutes les rues en
criant : une telle a battu son mari*
§ 3. On ne sait comment concilier le respect ex-
traordinaire que les Gaulois et les Germains por-
DBS ANTIQUAIRES DE FRANCE. 5q6
talent aux femmes ( respect dont Tite-Live , César et
Tacite ont consacré le souvenir dans leurs écrits)^
avec l'usage où elles étaient de ne point paraître à
table lorsqu'il y avait des étrangers, et qui s'est per-
pétué jusqu'à ce jour dans nos Campagnes et chez
plusieurs nations de l'Europe. Jamais la maîtresse de
la maison , et encore moins ses brus et ses filles , ne
s'assejentà table, lorsque des amis ou des étrangers
y sont conviés, à moins qu'elles n'y fassient une courte
apparition, vers le milieu du repas, dans les grandes
circonstances, telles que le mardi-gras, les rois , la
fête patronale, les noces, et lorsqu'il convient de
faire compagnie à des personnes de leur sexe. Hors
de pareils cas , les femmes de la maison, et quelque-
fois celles qui viennent les voir, , mangent à la cui-
sine, soit sur leurs genoux, soit sxxvV arche-banc, mais
presque toujours debout, et plus occupées à traiter
' leurs convives qu'à se servir elles-mêmes. En géné-
ral, les paysans n'ont pas du beau sexe les mêmes
idées que les personnes qui ont reçu de l'éducation ;
ils le regardent en quelque sorte comme une partie
défectueuse de l'espèce humaine , jusque-là qu'ils
s'excusent quelquefois de parler de lui. Plus d'une
fois j'ai entendu des gens me dire naïvement ï notre
fygnme , sauf votre respect.
§ 4. Nous avons dit ailleurs que l'on oblige, par
le charivari y^ un veuf qui se remarie , à faire danser
Ja jeunesse du lieu. Voyez le chapitre relatif au ma-
riage» S2^4»
396 MEHOIBES DE lA SOCIÉTÉ l^OTÂIE
§ 6, Dans les lieux où , pour la première fois , il
s'éfablit une foire , on promène, par les rues et sur
toutes les places où elle se tient, le bœuf Jleuri. Ce
bœuf est couvert d'un drap blanc parsemé de fleurs
et de rubans de nuances vives , et il a les cornes or-
nées d'un gros bouquet. Pendant cette promenade,
qui se fait aux acclamations du peuple , les libations
de vin contribuent encore à égayer la cérémonie ,
comme cela va sans dire. Il semble voir le bœuf
fleuri que l'on sacrifie en Provence le jour de la
Fête-Dieu , et qui est comme le bouc hazael des
Israélites.
§; 6. Une petite fête, qui se célèbre avec plus de
joie; encore, parce qu'elle est toute bacchique par es-
sentce, se donne, par le propriétaire d'une pièce de
teripe, le jour qu'il la met en nature de vigne. Alors
tous les voisins, les amis, les gea<} de l'endroit se
pointent avec empressement à cette plantation, quoi-
qu'ils donnent à cet acte gratuit de complaisanee
le nom de corvée. À la suite de ce travail, auquel on
s^aiiime parles chiansonsles plus gaillardes, il 7 a un
plantureux souper où l'on sable bien autant de vin
qu'il en doitcroitre , la première année, dans la vigne
nouvelle. Il ne faudrait pas sortir de ce festin salis
avoir dignement fêté Bacchus, c^est-à-dire sans avoir
Uiiisé sa raison au fond du verre. ^ " '
§ 7. Lors de la récolte des premières herbes, qui
se fait en partie de plaisir , la dernière voiture de
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 5Q'J
foin que l'on amèae au fénil/est montée par des
jeunes gens des deux sexes, qui chantent eu chemin^
et qui poussent des cris perçans à la fin de chaque
couplet. Une touffe de fleurs cueillies dans la prai-
rie , est arborée au milieu d'eux , et leur attire d'a-
bondantes rosées; car^ à mesure qu'ils passent devant
les portes et les croisées^ on arrose le bouquet sans
ménagement. Il paraît que ce divertissement est un
reste d'hommage à la déesse Fauna , Matuta ou Cy^
hèle qui présidait aux productions de la terre^ et dont
on faisait la fête à Rome , le trois des ides de; juin.
§ 8. Ce bouquet reparaît en d'autres circons-
tances; par exemple y il se montre infailliblement
au haut du pignon ou de la cheminée d'un édifice
dont on vient d'achever la construction , et les ma-
çons appellent arroser le bouquet^ boire amplement
au compte du propriétaire qui leur doit un festin.
§ 9. Les fantômes grotesques , formés d'une mau-
vaise veste et d'un vieux chapeau ajustés sur deux
bâtons crwsés^ et qui servent d'épouvantails dans la
campagne pour empêcher les oiseaux et les poules
de manger les fruits et les semences, sont une imi-
tation du Prîape, surnommé Avistupor ^ c^i remplis-
sait les mêmes fonctions chez les païens.
§ 10. Dans toutes les églises de village et dans
une infinité d'églises de villes, vous voyez des statues
de saints , et surtout des images de la vierge , revê-
tues de robes et d'ajustemens , ouvrages de la piété
SgS MÉH0IRB8 DE LA SOCIÉTÉ ROTAlfk
des fabriciens^t des filles de conférences. H serait
plus beau d'avoir des statues quelconques de marbre.
Au reste ; si chez les Athéniens (au rapport dePau-
sanias); si dans TEIide, si a LacédémonCi si à Gorinthe»
on mettait des voiles et des manteaux aux statues des
dieux ; si même on portait le zèle de la dévotion jus-
qu'à leur laver les pieds ^ nos filles de conférences
et nos fabriciens peuvent bien faire preuve d'un si
bon goût.
Ghapitrs XI. — De quelques idées superstitieuses
qui se rattachent à la religion.
§ 1. Le nombre treize y que Ton appelle vulgaire-
ment point de Judas j est si redoutable^ qu'on fait tout
pour l'éviter. Combien de fois n'a-t-on pas quitté la
table lorsque Ton s'est aperçu qu'il s'y trouvait treize
convives ?
§ 2. Vendredi,\o\a àeXz. mort de Jésus-Christ ,
n'est pas moins sinistre. Que de gens qui Blaseraient ,
à pareil jour^ ni changer de chemise^ ni faire un
marché^ ni entreprendre un voyage !
§ 3. Rencontrer sur son passage une croix qui se
serait formée par hasard de deux brins de paille ,
est de mauvais augure : un malheur est imminent.
«
§ 4* ^ ^'^^ du cierge pascal est Un préservatif
de toute espèce de maléfices. Le chasseun^n met dans
i
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 5qq
la crosse de son fusil; sans cela, le coup ne partirait
pas sur un loup^gaivu.
§5. Dans le caliton d*Orgelet, Isl fougère mâle,
que Ton a pu cueillir^ étant à jeunet en état degrâce^
avant le lever du soleil,le jour de la Saint-Jean(24 juin)^
possède aussi la merveilleuse propriété de repousser
les sortilèges, et de prémunir contre les maléfices.
Mêlée à l^eau bénite et au sel béni , elle devient un
excellent spécifique pour le bétail malade.
§ 6. Celui qui voudra voir troîs soleils s'élever à
la fois , le four de la Trinité, de^Ta être en état de
grâce et à jeun , mais il faut gravir sur une montagne
bien haute.
§ 7. Si quelqu'un, au lieu d*assister à la messe de
minuit , va se coucher , la chauchei^ille ou chausse^
paille , qui descend par la cheminée , Ten fait bien
repentir. Cette chausse-paille ou chaucheville , est le
cauchemar.
§ 8. Tandis que toute la famille est à l'office noc-
turne , le peureux gardien de la maison en- ferme
exactement toutes les ouvertures, pour que les esprits
et les ombres ne puissent s'y introduire.
§ 9. Les fidèles, qui sont en état de sainteté, à l'é-
glise , pendant la cérémonie , ont la faveur de con*
naître ceux des assistansqui sont 507*cier^^ car ils leur
voient une tète de cavale au lieu d'une têtebumaine.
40O MBJfOlRES DE LA SOCIÉTÉ KOYALE
S 10. On croit que, lorsque iVbé'/ coïncide préci-
sément avec répoque de la naissance du Fils de Dieu
( je ne sais trop^comment on entend cela), toutes les
bêtes de l'étable, dans chaque maison, se mettent à
genoux à l'heure de minuit.
§11. Un individu qui n'a donné aucun signe de
religion , ni durant sa vie, ni à ses derniers momens,
a-t-il été porté en terre? Le cercueil ne pesait guère,
car le corps du défunt n y était plus^ il avait été em-
porté par le diable, et les personnes qui étaient à ses
obsèques s^en sont revenues fort effrayées de cette
disparition. U est vrai que Ton n'est pas soi-même
témoin de pareils prodiges, mais on en tient toujours
le récit de personnes dignes de foi.
§ 12. Le diable est noir, cela va sans dire. Cest
toujours sous cette triste couleur qu'il se transforme
en bouc, en chat, en vache ^en mouton, en poule, etc.
§ i3. A propos de poule noire, elle a de grands
pouvoirs , et elle est un trésor pour celui qui la pos-
sède. Aussi est-elle servie la première de toute la
basse-cour, et est-elle régalée des meilleures choses.
Selon qu'on sait la contenter^ elle multiplie plus ou
moins la pièce d'argent que Ton met couver sous elle.
§ 1 4. Les croisées de chemins sont les rendez-voas
ordinaires de Satan et de ses suppôts mortels. Là, on
fait pacte avec lui ; là, si l'on s'entend bien avec ce
mauvais génie , on peut faire sortir d'une cave éloi-
gnée tout le vin que l'on voudra, pourvu que l'on
DES AOTIQUAIIUBS DB FRANCE. 4oi
dirige bien sa cruche yis^-à-vk le robinet du tonneaUy
quelle qae soit la dâstaoce des lieux.
•»
§ i5. Selon les uns , le sabbat se tient en l'air ;
seloii d'autres , au bord d'une fontaine > ou dansdes
lieux solitaires; bien entendu que l'on s'y rend par
la cheminée^ et monté sur un balai. Le bouc préside
rassemblée* Au surplus , le grand juge de la terre de
Saint Cïaude, en 1610, Henri Boguet^ dans son />»-
cows exécrable des sorcier$, sorte de gens dont il
fit btûler un assez bon nombre , ne nous laisse rien
à désirer sur ce qui se passé au sabbat. M. de Gaila^
qui a fait, sur le pajrs des Landes^ des remarques in-
sérées dans les MéniCHres de Tacadémie celtique, rap-
porte aussi un passage de Pierre de Lancre, membre
d'une commission nopimée par Henri IV pour faire
la reoher che des sorciers du pays de Labour. Et que
l'on ne doute pas que ces pauvres diables n'aient été
réellement criminels, puisqu'ils l'ont eux - n^émes
avoué, et qu'ils ont donné, sur leurs réunions sabba-
tiques, des détaib tels qu'il serait impossible de les
imaginer ! Enfin, si Fon ne brûle plus de sorciers de
notre temps , ce n'est pas qu'il n'y en ait plus , mais
c'est qu'ils ^e sont trop multipliés.
Personne n'ignore que les francs-^maçons ren-
dent encore un culte infâme au diabolique boiiqtiip,
qui vient au milieu de leurs rgunions mystérieuses; et
que les bons cousins charbonniers , association fort an-
cienne , ne soient malignement occupés à faire la
pluie , la grêle , les tempêtes, quand ils sont rassem-
IV. • 26
4o;i Min ûiu« M u s^SifM eot4ie
blés pour se dlivertîr daas un li^o écarté^ ^ Fombre
d UD chêne et au bcutl d'uo ruisseau aussi trauquiUe
qu'eux. L'abbé Baûnier^ tome V^ attribue ForigiDe
du ss^bat aux druidesses. « Les femmes , dit-â^ après
l'extioction de ces prétresses , continuèrent à en ob-
server les pratiques , et dès-lors on conçoit la diffi-
cuhé qu*il y eut de les faire cesser. Ces feomies
croyaient bonnement alle^ au sabbat , ou que Diane
leur prétait, la nuit, des montures pour courir à tra-
vers les airs. » Pour moi, je présume avec plus de
vraisemblance crue ces * mystères nocturnes ne sont
qu'un reste de ces cérémonies celtiques et romaines
auxquelles on assistait masqué et afi^blé de carnes,
de peaux de bétes, faisant mille extravagances, nodUe
infamies qu'une plume pudique répugneraità décrire.
Le christianisme étant Revenu la religion de TEtat,
les anciens crpyahs demeurèrent encore long-temps
attachés à leurs dogmes, pu plutôt aux pratiques de
leur culte ; .mais il fallut se cacher, s'envelopper des
voiles de la nuit, et se déguiser pour s'y livrer avec
plus de sécurité.
■
< $ i6. Au chapitre suivant, § 9, nous allona xapr
porter d'autres idées superstitieuses sur lesj^ei^enans
qui demandent des prières^ |i leur i)amîD6 pour leur
déUvràneCi!
DAS ANTIQUAIBB$ Sift FIAlfCJB. 4o3
GflÀPiTRB XII, — De quelques idées superstitieuses
qui ne se rattachent pas à la religion.
Point de ruiner ^ point de cimetières, p<»&tde
châleaux^de fontaines où de citefoès solitakes <iui
n'aient ou lenrs esprits ou leurs rè?enans , oxx leurs
basilics , ou leurs ^onivres.
§ 1 . Allez au château d^Oliferne, que la tradition
coDsidère comme Tantiqae manoir è^ hauts et puis-
sans seigneurs , et qui pourrait bien être le casttum
olinum de la Notice de l'Empire. En gravissant la
montagne presque inaccessible qui se termine par
ses ruines imposantes, le garde forestier TOt» racon-
tera ce qu'il rit un beau matin en parcourant les bois
de son triage qni hérissent cette côte j il en est en-
core tout ému. Attiré par le bruit des ^ors de chasse,
il arrive dans une clairière ; là, il trouve> réunis sôus
lin grand ibêne , nombre de seigneurs,^ de^àmes et
de serviteurs*, les uns mangeant sur la pelouse, les
autres gardant les chevaUx , ou donnant la curée à
une meute des plus nombreuses. La joie brille à ce
festin champêtre. Etonné , il recule et prend un
sentier qui Féla^ne obliquemîètifr du groupe ; nfids ,
enchanté d'un spectacle si nouveau pour lui , iVdé-
tourne la tête pour en jouir encore.. . . Rien, tout est
disparu.
j
/
36
4o4 HiMOIUS DE LA SOCXiri EOTAIE
§ a. Vot^e guide vous montrera , par-delà la ri-
vière d'Ain , en face et au niveau du donjon d'Oli-
ferne, trois aiguilles dérocher nommées dans le pays
les trois dames , et il vous retracera la chronique qui
les concerne. Ces rochers renferment trois héroïnes
infortunées qui, chaque nuit encore , s'en détachent
pour yenijr visiter leur premier séjour, CMiferne.
Lors de la prise du fort, tout fut passé au fil de Tépée,
excepté ces dames qui, ayant été renfermées ( comme
Régulus) dans un tonneau armé à l'intérieur de pointes
de fer , furent abandonnées à la pente longue et ra-
pide ^e la .côte orientale , et précipitées dans la
rivière.
§ 5. Ailleurs, vous trouveriez des châteaux aban-
donnés des vivans, mais tout peuplés d'esprits, de
larves , et dçrevenans beaucoup plus terribles : ceux-
ci y font , avec les chaînes qu'ils traînent après eux,
un vacarme aifreui^. Quelquefois, silencieux, ils ap-
paraissent enveloppés d'un grand linceul au-'des^
des murailles, et on les distingue parfaitement à la
pâle lumière de la lune. Voilà les lémures des an-
ciens.
% 4* Quand ce ne sont pas des esprits qui se sont
impatronisés dans les donjons déserts, c'est la ponivre
quiy fait sa résidence. On l'a vue, maintes fois, par-
tant des ruines du château d^Oi^elet , aller se désal-
térer à la fontaine d^Eole. Elle ressemblait à une
barre 4^ ^^^ rouge traversant les airs. C'est un serpent
DES MUQUAIRES 0E FRANCE. 4o5
ailé qui n'a pour se conduire qu'un diamant qui lui
sert d'œil au milieu.du front; pour boire, elle le dé-
pose sur le rivage; ntoment fatal pour elle, et bien
heureux pour vous. Si vous pouviez vous emparer
alors du précieux talisman , vousseriea le plus riche,
le plus puissant de tous les hommes ; et elle , ne sa*
chant plus que devenir dans $a cécité, périrait bien-
tôt de tristesse et de désespoir* Pei^onne ne Ta encore
surprise en défaut* Aussi passe-t-elle pour être im-
mortelle. La vonivre appartient au blason , où elle
est connue sous le nomdeg^^Vre. Vonivre vient de
vwere , c'est la traduction d'un mot héhteu qui si-
gnifie viç, et, quand on veut, serpent .^
§ 5. Ahi ne vous logez pas, }e vous en conjure ,
dans telle maison : personne n'y prospère ; un basilic
j est caché sous le toit ou dans quelque trou de mûrs.
£t savez- vous bien ce que c'est que le basilic ? C'est un
serpent ailé, tout couvert d'jeux comme Argus^» et
qui est né d'un œuf de coq y couvé par un crapaud.
. S 6. Ily a d'autres animaux dont la vue fwtuite
ou le cri annoncent le trépas et les malheurs. N'a-
Tait-ron pas vu la corneille ou, la pie se percher .sur
un arbre du verger ou voisin de rhabitation , quel-
ques jours avant le décès de telle personne ?ljn cer-
tain petit oiseau^ que l'on appelle F oiseau de la mort,
ne s'était-il pas arrêté sur le faite du toit ? N'avait-on
pas entendu le coq chanter avant minuit? N'avait-on
pas remarqué que les poules s'en allaient caquetani
4o6 UEMOIRES DE LA SOCiETÉ EOYÂLE
d'un Ion plaintif > et chantant comme les petits pou-
lets? Enfin, n'est-îl pas vrai qunn chien Tenait sans
cesse hurler autour de la mabon 9
m
§ 7. D'ailleurs, à la mort d'une' personne (on petit
bien le vérifier), on voit quelquefois , dans ses héri-
tages , Courir les qaela , ou f eux-foUets , qui ne sont
autre chose que les âmes de ses devanciers ou des
lutins ^ maudite engeance à qui Ton ne doit que trop
souvent les ouragans , le topnerre et la grêle !
§ 8. Puisqu^il s'agit de farfadets , disons tout ce
qu'ils sont capables de faire, car j'ai été presque té-
moin de leurs prouesses. Un jour, étant allé rendre
à un parent campagnard les derniers devoirs » j'avais
couché dans la maison mortuaire. Je me levai de
bonne heure pour remonter à cheval , mais je ne
trouvai pas la selle à la place où je l'avais suspendue
la veille. Un domestique mâle , qui savait Bien où
elle était , m'aida à la chercher , et me toutint sérieu-
sement que c'étaient les esprits-follets qui l'avaient
toaiisportée.Toatelanuit, il. avait entendu; un gr4nd
moa|i^fl^t dans l'écuiie ; il s'était levé pour venir
wtecles'betfis ; mais, ayant vu des c^n^^ol^te^vol'
tig» çà et: là, là pem* L'avait saisi , et il n^était. pas
entré.
Gesfeuâe^fùttets, qui sont parfois des météores
réels , surtout lorsqu'ils volent à la surface des ciflac-
tiètes et des prairies, causent de mortelles frayeurs
aux gens simples et superstitieux.
DE6 ANXIQUAIIUSS DB FKANCE* 4^^
§ 9. Mail quelle ne doit pas être la tet*reur de 1à
veuve , lorsque> dam le Ail«àçe de ses nôita soEtairàs
et d^aaléesy elle eat^ad maccher daos ,sa chambre.-
poisser uû soupir... remuer un meuble, et tirer les
rideaux de jsqu lit !... Ciel I c'est Tâiite gémissante de
son mari qui yie^t hii demander des prières pour sa
délivrance du purgatoire, ou qui s'avance indignée
pOut lui reprocfaet k eause^de sa damnaticm !
§ lo. DVutreà météores , d^autrès pEéàô'niènes
sont àùissi dès àvaiit^côùréurs de l'avenir. Coûime les
anciens de toûfés les nations^ tés niûdérhé^ voient ,
dans lé nrinaméritV des guerres désastrétiéés, des
événem^ns fûnesteià, la naissance et là niôt"); des
grande; L'année q\iî précéda nblte tévélulioti > î^bn
avait éBservë avec iîiquiétadé d^s i^ougeurs sinistrés
dàn^ Filttàosplièifë, |>t^éèàges cërtaîiîs des catastrô|)&és
lé* |)ltti< trâllljtiéiî. Saris éompfer les comètes, qui
ne lîidiiqueAt jUm^ d'âiliidheër au thbiidé qiieli[{ike
chose de thajeiir, où a éhcorë d'autres signes célestes
à coh^ùltei^.Laliihé;, ééi^iiée d'une âdréolë sanglante
oti de diverses côulëtirS , jJtéJiaré lés ésjirife* à des
chàh^mens liotablesdàtisrÊtkt.
S' 11. Quant aux travaux agricoles, la lune de
fêUé phase en donné le sigiiâl , ét^ (iéteÛé àiitreV en
empêche la réussite* Xàdilune rousse est surtout d une
#r -• ...»
maligne influence : c'est celle d'avril qui se prQloog/e
a»fii«i& Ptorqudi^'^pelkh'tHm'/^t^iM ?p6^A^
4o8 llivOIftES I>X LA. $0G1XXÉ ROTUE
égyptien ?Tiiyphon> qui était en Egypte Tennemi
d^O^iris:» le gémeau mal > était roieo; (i).
% m. Dans un canton de FarrcmdisseBient de
Lons-le-iSaunier , on appelle les trois cavaUert , troi»
jours qui se trouvent précisément sous le cours de
cette lune; le premier est saint Marc > dont la fête
tombe au 25 avril ; le second , saint Georges, qui est
fixé au 2& du même mois ; le troisième , saint Piii-
lippe, qui arrive aii premier mai. Or, tandis que le so-
leil parcourt à cette époque le signe du taureau , le
firmament présente pendant la nuit les constellations
du centaure, qui est un cavalier y et le coeur du scor-
pion qui fut toujours un astre de malheur.
$ i3. Ze^/ou/9i/ei!t{t^//i!?, qui sont les trois der-
niers de mars et les trois premiers d'avril , exercent
et amènent quelquefois des gelées sur les semences
confiées à la terre, une influence non moins fâcheuse.
Cette vieille a lai^ssé dansVesprit du paysan du can-
ton de Yoiteur des idées vagues indéfinissables ; il
se la représente comme une fée qui court par letemps^
c'est-à-dire qui traverse les airs. Ces jours coïncident
avec le lever héliaqué d'Andromède, et le lever cos-
nnque de la Yiei^e.
(i) Od dit Yulgaîrement (et Tadage parait biea ancien) qae
fa lune rousse commence en mouton et finit comme un dm-
gon; comparaison tirée des signes célestes, et qui n^ezprîme
autk'è dhose que le passage de la lune^ dès le hélier du zo-
diaque ^ à la grande béie ou baleine, dont la ^ole -lance des
Oamùsies «omme les dragom d'Ovide et le Uf/iaihan de Jok
. DX8 ANHQUMRBS DE VRANCB. 409
' % i4* Une fée est un être accompli qui s'entend
merveilleusement aux ouvrages du sexe ; aussi dit-on
proverbialement d'une personne qui réussit dans les
objets de goût, qtfelle trauaille comme les fées. Mais
souvent aussi on leur attribue des travaux qui ont
exigé une force et une adresse extraordinaires , tels ,
parexemple^queFérection de cespierres gigantesques
qui étonnent les regards et Timagination, Yisiitajit un
jour la quenouille de la fée , qui existe entre Gha-
vannes et Simandre , aux confins des départemensdu
Jura et de FÂin , j'interrogeai la tradition sur ce mo-
num^t^ et Ton me répondit naïvement que c'était
la^u qui l'avait apportée sous son bras, et qui l'a-
vait plaqtée là.
Les fées marchent la nuit à la lueur de ces mé-
téores qui voltigent à fleur de terre ^ et que l'on ap-
pelle en quelques endroits farfadets y nom qui paraît
en efiet l'indiquer ; phar peut signifier le feu, la lan*
terne , le phare , et fadets peut vet^r de failœ / le
phare de la fée.
§ i5* loi baguette dwinatoire aconseryé sa pre-
mière vertu . Voyez-vous parmi les décombres du châ-
teau deT******* (canton de SeilUères) ce-nouvelAl-
bert, venu d'Arboispour explorer les trésors cachés
dans la colline? Il tient par les deux bouts une ba-
guette de coudrier qui, sans doute, est marquée de
quelques signes bizarres ; et il marche avec dignité ,
ayant l'air d'être conduit par la puissance surnatu-
relle qui réside dans son morceau de bois. Tout*à-
{
4lO MÉMOIRES DE LA BÙCTtti ROYALE
coup, ô bonheur ! le sceptre enchanté tourne entre les
mains au devin; le trésor est sous sefspîe^.Il ne s's^t
plus que de fouiller le sein de la terre : on le fonitte
depuis seulement un an , et l'on y a déjà trouvé ud
as dé cuivre à Teffigie d'Adrien* Je n-'en sais pas <k-
vantagt.
§ i6. S^il n'est plus aujourd'hui de vieilles fenunes
qui rendent leurs oracles dans les anttes des mcm-
tagnes et dans le sanctuaire des forêts sacrées, comme
faisaient la sibjUe deGtimes et nos veltéida, il en est
de logées dans des greniers ou sous des voûttes obs-
cures, à qui viennent s'adresser les vœux des faibles
humains , et pour qui les destinées n'ont point de
voile. Fort heureusement pour nous » il n'est pas une
ville, et peut-être pas un boui^, qui n'ait sa prophé-
tesse. A la vérité, elles ne savent plud évoquer les
ombres, à l'instar dé la Pytbonîsse d'Endor ; mais
elles possèdent encore le^ecret des philtres, conune
la puissante Médée de glorieuse mémoit^e. Elles lisent
aussi nettement l'avenir dans un jeu de carte et dans
un marc de café, que l'on peut lire le passé dtos un
livre*Quelque£ois vous rencontrez^ à chaque pas, sur
la foire , de ces sambeth voyageuse^, itlfitlitneilt plus
obligeante» que leurs patrones dû tëxùps jadis, dis-
tribuant à peu de frais les trésors de lëurpréseie^ce,
et s'entomrant d'une foule aussi empressée à sai^ au
vdi l'un des rubanside ce pavillon qui tourne s«r un
pivot , que satisfaite d avoir recueilli au tttjau d«
ForeiUè ^les oracles de oe porte-voiX.
DBS ANTIQUAUBS DE FRAUGB. 4 & ^
§17. Il n'est peut-être pas mutile d'observer que
touis ces deTins prétendus, que Ton connaît sous le
nom de iakémiens presque partout ^ sont désignés,
en certains lieux du Jura , sous celui de Sarmsias ,
et qu'on leur préie certains actes d'impiété et de sa-
cntége qui les font regarder avec horreur par les
personnes mêmes qui ont recours à leur magique
savoir.
S i$» De même que la montagne du château de
Robert-le-Diable, en Normandie , le Jura , sur plu*
sieurs points, a son herbe quiégare^ Les étourdis ou
les ivrognes qui errent dans les bois et les lieux in-
fréquentés, comme au sein d'un labyrinthe, sont per-
suadés qu'ils ont marché sur cette plante enchantée.
S 19. La désolation étant entrée dans une famille,
une vache de Tétable est arondalée , c'est - à - dire
qu'une hirondelle, en passant sous son ventre, a con-
verti son lait en sang. Rien ne la guérit, et vaine-
ment a-t-on versé ce lait échauffé à la croix formée
par deux chemins. L'hirondelle, tout aimable qi^'elle
est pour nous, n'en porte pas moins sous la gorge
une tache de sang, signe de réprobation; car tout
le monde doit savoir l'histoire d<^ lâ métamorphose
de Progoé , fille de Pandion , qui fit manger à Té-
rée, son mari, leur propre enfant. Ainsi Progné et
l'hirondelle c'est encore tout un«
§ 20. Verser à table une salière est un mauvais
pronostic ; répandre de l'huile est, au contraire, d'un
favorable augure.
4 1 U MSMaiBSS DE £A SQClÉTi EOTALE
§21. Prenez bien garde que le tranchantde voCre
couteau ne soit tourné du côté de votre voisin .* ce
signe lui annonce qoe vous avez de la haine contre
lui. D'abord il le retoumerisb pour vérifier si c'est
inadvertance de votre part ; mais si vous^ lui rendez
sa première portion , le superstitieux convive com*-
mencera à s'agiter. A la troisième épreuve > il écla-
tera et vous demandera raison.
§ 22. Jem'aperçoisquejen'aipasparlédesr^fv^.
Cependant, si Ton veut bien se rendre au témoignage
des rêveurs , les songes sont encore aujourd'hui des
avertissemens de l'avenir, tels qu'ils Tétaient au temps
des patriarches ; et . ils peuvent être des inspirations
d'en haut , telles que le croyaient les héros d'Homère.
Toutefois, on peut admettre, sans que cela répugne
à la raison, des inspirations divines qui viennent dans
le sommeil , et dont l'objet se réalise } mais ces sortes
de révélations ont toujours été fort rares, et l'esprit
de Dieu ne souffle pas à l'oreille de tout le monde,
pour annoncer les petits accidensd'une vie mesquine
et saqs intérêt.
Entrer dans le détail des songes heureux et mal^
heureux serait s'engager dans un vrai dédale , inex-^
tricabilis error. D -y a des livres sur l'interprétation
des rêves , nous y renvoyons les curieux qui auraient
encore du temps à perdre.
t—i-
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 4l3
« t
■11' ■! I I ■■■! W0I I I Il I, , ■ .■i.ll I T ■ I ■■ 1» ■ I
RAPPORT
Sar les notes eD forme de rooabûlaireqoe B|. Langlës a placées
à la saite du Voyage de M. Tone chez les Mahrattes ; par
M. CiABiBB^ AnnénieD^ professeur des langues orientales à
la bibliothèque du roi> membre de la Société.
Jub goût des voyages en Orient^ renouvelé chez les
peuples de TËnrope depuis l'époque des expéditions
des croisades» a rendu des services immenses à la lit^
térature et aux sdences physiques. Le but principal ,
pour lequel les hommes se chargent de ces entrepn9es
pénibles et dangereuses , n'est pas toujours Tavan-
tage des lettres. Ce sont ordinairement des vues
d'intérêt personnel ou d'intérétpolitique et religieux^
qui les déterapiinent à se transporter dans des pays si
lointains ; mais leurs travaux ont été en même temps
plus ou moins propres à augmenter la masse des conr
naissances humaines. Les voyages sont presque tou-
jours utiles, sous un rapport quelconque» pour celui
qui les entrepreDd ; mais tous les livres de voyage
n',offrent pas aux lecteurs le genre d'intérêt que ceux-
ci désirent y trouver. Le voyageur qui se met à l'abri
des préjugés nationaux» qui a un esprit élevé» des
connaissances éteihlues et variées» ou qui a» au
moins » des notions préliminaires sur les langues des
peuples qu'il visite» sera toujours plus compétent»
4l4 uiMOIftBS DE LA 9Q€lin lOTAlE .
non seulement pour donner des itinéraires et des des-
criptions chorographiques , mais encore pour dé-
crire avec exactitude des mœurs^ des usages , de la
religion et du gouveroement de chaque pays qu^il
parcourt.
Le goût des voyages en Orient a contribué aussi
beaucoup à augmenter et à répandre celui de l'étude
des langues orientales^ Des savans, instruits dans ces
idiomes , et dévoués plus spécialement au noble soin
d'enrichir le dépôt sacré des productions de l'esprit
humain^ se sont donné souvent la tâche* de «^OHuparer
les relations des voyages avec les auteurs indigènes
des pays ^ d'en rectifier les faits erronés, d'y porter
le flambeau de la critique > et de compléter ce qi»
reste encore à savoir sur l'histoire , sm\sL géographie,
sur les mœurs et sur les usages des people^de l'Aaie.
Le voyage de M. Tone chez les Mafarattes. ofire,
sous plusieurs rapports, des délaib curieux et
instructifs ; mais îl présente en même temps beau-
coup de lacunes^ sur les objets scienriifiqoes et
littéraires. L'auteur s'est servi> dans ses relatieDS,
de quantité de mots indiens y po>iir désigner les
noms àes hommes et de» lieux , ceux des fmctioBS
civiles, politiques, militaires et religieuses du pays;
mais it s'est trompé dans bien des endfmts sur le
véritable sens de ces mots ; quekjMfdis it Mgl^
même d'en indiquer la signification ^ et plus siMiiveAt
il abandonne tout ce. qui est relatif à fbistoîre et à
l'érudition. Ces sortes de renseigneme^ et d'ex-
plications qu'on aiene à trouver dans un pareS ou- j
yngty étaient oubliés très^souvent dans ceux de
M. Tone. M. Langlèa a rempli q^ lacunes enyajou*
tant des notes historiques et littéraires rangées en
fonne de glossaire» afin d'offrir en même temps aux
lecteurs la facilité de consulter le résumé de 9^$ nom-
breuses recherches sur le pays des Mahrattes. Il y
rapporte ordinairement l'éty mologie des mots ; il ob-
serve s'ils sont originairenient samscrits, persans^
arabes ', turcs , ou s'i]^ appartiennent à d'autres lan-
gues de l'Orient ; il corrige les fautes palpables in-
troduites par le voyageur ^d^i^s la manière de pro*
noncer les mots indiens; il rapporte de nouveaux
renseignemenssuffles usages^les opinions religieuses^
la géographie^ et les événemens historiques > en ren-
dant de cette manière l'ouvrage du voyageur anglais
plus instructif.
Dans ce compte rendu à la Société des Antiquaires
de France I j'ai cru devoir m'occuper plus spéciale-
ment dea objets qui peuvent concerner Tori^gine et
l'affitiation des langues > et qui sont en même tena^ps
relatîis au geirre de travau^s dont elle s'oécupe. Les
personnes quf fant des recherches sur les rapports
des langues et sur la transmission des mots d'une
contrée àrau.tre> teou^er^t dîE^n^ les notes de MvLan-
glès de» remarques eurîeuâiss çt; intéressantes. Ces
notesvenfenBent environ deux cents mots usités chez
les Mahrattes. I et dont pli^urs sont coimpinns aux
langues scythe, samscrite, persanne et arabe. Mais
on y trouve en mém« temps à peu psm Wà^ tc^ntaine
de mots qui paraissent avoir des rapports plus directs
/
4l6 lliMOIRBS DE U SOGliTÉ ROTAtE
avec rarménien et avec quelques idiomes de TEu*
rope. Qu'uae langue indienne air de l'analogie , ou
du mélange avec ceOes des Arabes , des Perses et
desTatars, on ne doit point s'en étonner^ puisqu'on
. sait déjà que ces peuples conquéraus firent^ à plu-
sieurs époques ) des incursions dans les Indes ^ y in-
troduisirent leurs usages et leurs opinions religieuses;
et par conséquent les rapports qu-on trouve entre
ces diverses langues , ne doivent être naturellement
que le résultat des communications réciproques^ qui
sont consignées dans les annales de ces nations (i).
Mais on ne rencontre aucun fait , aucun indice dans
ks histoires connues , qui puisse nous indiquer de
semblables échanges ou liaisons entre les Indiens ,
les Arméniens et les anciens peuples de TEurope.
Cependant , on trouve des ressemblances plus ou
moins frappantes entre les idiomes de ces pays éloi-
. gnés Tun de l'autre par des espaces immenses ; et on
a lieu de présumer qu'il y a eu peut-être , dans un
temps immémorial; de pareilles relations entre ces
divers peuples, ou plutôt qu^ ces peuples ont eu dans
l'origine une langue et une patrie eommmie^ et
qu'ils ont été successivement changés déplace dans la
suite des temps , par des événemens qui nous sont
absolument inconnus. L'usage de la langue et les
traditions des opinions et des préjugés populaires
forment le dépôt d'héritage le plus durable que les
(i) Voyez aussries notes de H. LanglèS; pag. 276.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 4^7
hommes aient pu conserver et*transmettre de géné-
ration en génération et de pays à pajs. Les res-
semblances qu on remarque dans ces sortes d*héri-
tageâ des peuples de TOrient et de l'Occident ajoutent
encore quelque probabilité de plus à Topinion -qu'il
j a eu une origine et une langue commune pour tous
ces peuples. Les mots des divers idiomes dans les-
quels on trouve des rapports et des similitudes sont
ordinairement dans la cathégorie des mots qui ap-
partiennent à Tusage et aux besoins journaliers ; on
n'y rencontre que très-rarement de^ces mots qui sont
nés du raffinement des arts> des sciences et de la ci-
vilisation des siècles hbtoriques : cette circonstance
vient également à Tappui de la même conjecture ;
et nous allons rapporter ici quelques-uns de ces mots
communs à plusieurs langues.
Bakht f ce mot signifie en indien^ en persan et en
turk , sort, fortune , destinée , bonheur : dans Tar-
ménien^ il désigne absolument les mêmes idées ^ on
récrit aussi p-vt'ty bakht; mais il semble appartenir
à cette dernière langue y car il est formé delà racine
m^af^ àkht, maladie, infirmité ^défaut, malheur, et
de la particule privative p., b ; de sorte que le sens
étymologique du mot bakht est dans l'arménien non-^
maladie , non^malheur, bonheur. D'après l'usage de
cette langue , on ajoute aussi à ce mot d'autres parti-
cules prépositives et privatives ; et l'on en forme les
mots de rf,ép.uilutf. y thejbakht , ^2g;'"b"l 9 nechebakht ,
ëuiipjulugi y anbakht , ^ittuip.iuluif. ^ çadabakht qui
IV. 27
4l8 MEMOlttES M, IK SOCIÉTÉ EOYALE
signifient alors malheureux , et correspondent aux
mots perssins njk'bakht y bad-bakht (i).
Bârguir signifie chez les Mahrattes un cheval^ un
corps de cavalerie ; chez les Turcs , un mulet; chez
les Arméniens, un porteur de fardeau ; il est composé
de ^^«-, ber . ou phnub, bèrn^fordeau, charge; et de
ktp f ë^^^y porteur : et on le donne aux hommes et
aux animaux également qui porteraient des far-
deaux (2). '
Beggary y ou plus correctement beygafy{^)y veut
dire en indien homme contraint de travailler ^ ou Yac^
tion de forcer les gens atravaiUei' avec ou sans sa-
laire s il présente le même sens dans l'arménien avec
un léger changement de voyelle : bej^ ou, selon les
Arméniens, "i*"Ji ^^Jj signifie grand -père y chefi
prince; k^cl;^ g^^Jy ou avec la lettre formative du
pluriel 4'"p/'^> gaiyk , on désigne nécessité , besoin
forcé; et les deixx mots ensemble indiquent travaux
forcés, ou travaux publics.
Bitch enhindoustku j (l^), et m itck ou métch d^^,
Jl;^ ^ en arménien, signifie également milieu, centre*
Boungah, en persan, bagages et le lieu où cm les
dépose (5) ; en arménien, il désigne les mêmes idéeS;
il est composé de fuiiA, boun, ou poun, naturel, pro-
pre , et de ^u»^, gah , bagage.
(1) ployez les mêmes notes, pag. 274.
(2) Idem,
m
(3) /<û?em^pag. 276.
(A) Idem, pag. 277.
(5) Idem, pag. 278
OSS ANTIQUAIRES DE FRANGE. 4*9
Borader, mot persan qui signifieyrère (i), et parait
en quelque sorte être identique avec le mot latin
frater.
Dans sa note sur le mot déremsalah, lieu de re-
posy M. Langlès rapporte un autre mot indien, qui est
douara^ porte (2)> et qui parait être le même que le
mot arménien ^t-Jt- ou ^lm% y tfiour ou thourn y
porte ; et le mot grec ^vpàt^ thiu*a, porte.
Gourou y en indien, veut dire un brahmane (5), et
khowj désigne^ chez lesSyriens» un prêtre; dansFar-
ménien^ t'npi/i', khourïn signifie profbndy mpéné-^
trahie , instruit dans les choses secrètes.
Râdja , mot samscrit signifiant 5oz£(^aram, briller{l\)y
paraît avoir de l'analogie avec le mot latin radius ,
et le mot italien raggio .
Top veut dire aujourd'hui , chez les Indiens , les
Persans» lesTurcs et chez d'autrespeuples de l'Orient,
une pièce d'artillerie , ou un canon. Il mé semble
qu'il a quelque rapport avec les mots arméniens npipy
thopy frappement , bruit de frappement ; impt^/^ ,
thopélyfrapper , de même qu'avec les mots français
tape, taper, qui ne paraissent être dérivés ni du grec
ni du latin.
(i) Payez les mêmes notes, pag. 279.
(2) Idem, pag. 281.
(3) Idem y pag. 294.
(A) Ideniyipdig. 33o.
27*
420 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
RECHERCHES
Sur rétyinologie des noms de lieu et autres dans la Sous*
Préfecture de Thionville; par M. Tbissiu^ correspondant
de la Société, . ^
s.
mJes recherches sur l'étymologie des noms des
lieux d'une province ne sont pas inutiles lorsqu'on
s'occupe des antiquités et de l'histoire de ce pays.
On trouve , dans ces noms plus ou moins altérés ,
des débris du langage des difFérens êiges, et en même
temps des traces des dominations successives sons
lesquelles le peuple a fléchi.
L'art étymologique ^ trop subtilement approfondi
par les efforts de savans qui se sont livrés à leur
imagination , est devenu aux yeux de bien des
gens une vaine science -, des personnes instruites
ont conçu des préjugés qui, il faut Tavouer^ ne
sont souvent que trop fondés ; il ne faut pas cher-
cher loin , et au moyen de décompositions trop sub-
tiles , une origine que Ton peut trouver tout près;
j'en citerai un seul exemple, puisé dans Bullet(i):
(i) Mémoires sur la langue celtique, par M. Bullet (a).
Besançon, Daclin, 3 vol. în-f», 1764, 1759, 1760. ^
(a) Sans contester l'érudition de Ballet, la Société Royale des Anti-
quaires de France est bien éloignée d'admettre ayeuglément ses espli-
/
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. J^2l
BouzonviUe ^ bourg ou petite ville de Farroiidisse-
ment de Thionville, a eu son origine au moyen âge.
Le nom pTopve Boson était commun; la termi-
naison i^ille était également fort employée* Quoi
de plus simple que de voir dans ce nom de Bou-
lOnyiUe y habitation de Bazarif Bozonis villa? Bulle t
eu a jugé autrement^ Tomel, page 248. «Bouzon-
« ville, à Fembouchure d'une rivière dans laJ\fo-
ce, selle; Bouch, Bous,- embouchure; O/i, rivière;
« f^ili, habitation , ou simplement Bous , Bouson ,
embouchure.» Est-il donc nécessaire de chercher
dans Bouzonville trois : monosyllabes celtiques dé
première .origine y quand on voit dans le nom de
cette petite ville ^ deux mots clairement exprimés ,
un nom propre et le mot Pailla , Tun connu et que
Ton trouve dans Grégoire de Tours , l'autre déjà en
usage dans nos environs? Ce -bourg a conservé de
tout temps le nom luAin Bozonis Villa. On doit s'en
tenir à cette éty molôgie. -
BouzonviUe d'ailleurs n'est pas sur la Moselle,'
mais sur la rive droite de la Nied; elle est à
quatre lieues de la première de ces rivières; enfin
elle n'est nullement à un confluent* L*e$ noms
d'hommes sont entrés dans^ la composition d'une
foule, de noms de lieux; un article spécial leur
sera consacré. Voyez § 54.
cations ; elle ne garantit pas même toutes les étymologies dont il est
question dans le présent écrit.. Pour la détenniner à insérer des disserta-
tions dans le recueil deses Mémoireat,, il suffit qu'elles présenten.t des ren-
seîgnemens utiles 9 et qu'elles puissent provoquer des discussions qui
servent aux progrès de la science arcbéolpgique. (NoU des éditeurs»)
4â2 HÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
Les recherches auxquelles nous nous sommés
livrés^ mettront plutôt sur la voie qu'elles n ap-
profondiront la matière; nous aurons pour priû*-
cipe de n'adopter aucune supposition ^ à moins
que des exemples d'une application palpable ne
les justifient. C'est en voulant tout expliquer , que
des écrivains ont fait tomber en discrédit la science
des étjmologies; tous n'ont pas eu le tact éclairé
de Ms Pougens , sans doute.
Ce travail se sentira souvent de la privation
des ressources littéraires. Borné à notre seule bi"
bliothèque , nous nous sommes aperçu fréquem-
ment de son insuffisance ; mais ces notions ne sont
qu'un accessoire aux recherches sur les antiquités
et sur l'histoire de la province ; on ne peut exiger
qu'elles soient complètes.
Je fais f après ( i ) Jérôme Jacques Oberlin ^
l'observation que BuUet a appelé du nom commun
de celtique^ la langue basque , le bas breton et
le gallois. En employant le nom de celtique dans
les étjmologies tirées de BuUet , je fais usage de
son hypothèse , mais sans adopter ce qu'elle a sou-
vent de hasardé*
Les provinces du nord -est de la Finance ac-
tuelle ( i8ai ) ^ antérieurement à la domination
romaine, étaient peuplées ps^r les Celtes ; les Belges^
« • ■
(i) Essai -sur le patois lorrain des etivirons du ban de k
Roche; pat Jérôme- Jacques Oberlin. Strasbourg; Stcin, 1775^
în-12, pag. 7.
DES ANTIQUAIRES DE FKANGE. 4^3
peuples germains > passèrent le Rhin et vinrent oc-
cuper les rives de la Moselle, qui semblaient être
une terre promise à la valeur des Teutons , sortant
de leurs forêts. Les Romains y établirent leur do^
mination (environ 5i ans avant l'ère chrétienne), et
la maintinrent pendant cinq siècles. Leis Francs,
autre peuple germain , les remplacèrent. Ainsi Fon
aperçoit trois peuples dominateurs qui ont dû
laisser des traces de leurs langages. On ne doit
chercher le» étyiûologies que dans les langues
celtique, teutone et latine. Voilà la première idée
qui doit nous guider. Nous bornons pai^ cette ob-
servation l'étendue de nos explorations. Nous voilà
délivrés^ si je puis m'exprimer ainsi, du gtec, du
punique , des langues de Torient ; et , en nous ar-
Fêtant au celtique, nous n'examinerons pas la pro-
digieuse et curieuse affinité entre ce langage de
la vieille Europe et les idiomes des temps primitifs ,
créés dans Porient;
Cette succession de peuples . ayant des langages
d'origines diverses, pourra faire rencontrer des
mots composés de deux racines, Tune celtique.
L'autre teutone , composition rare généralement ,
mais que Ton ne pourrait rejetçr ici^ puisquelle
serait justifiée.
Lorsqu'un homme puissant, un chef militaire ,
une peuplade groupée autour de ce chef , ont
voulu s'établir en un lieu où il n'y avait pas d'ha-
bitations, la nécessité a du faire créer un nom. à
ce lieu , s'il n'en avait pas encore ; et s'il en avait
4^4 MHM0IU8 DE LA SOClin BOYAIE
un^ les nouveaux venus ^ en l'adoptant, ont im-
posé au moins à ce nom ancien la terminaison
propre à leur langue , leur prononciation. Ces deux
conditions seules ont rendu très-souvent les noms
originaux méconnaissables ; quelquefois les vain-
queurs se sont bor&és à traduire dans leur lan-
gage le nom ancien qui devait continuer à être
mis en usage par les indigènes.
Dans toute la France on remarquera une foule
de terminaisons diverses qui ont pour signification
commune Texpression habitation, mais avec toutes
les variétés possibles d'application , conmie enclos,
demeure, ferme et ses dépendances, château,
réunion de maisons , cens , etc. La langue latine
et le langage dit mediœ et infmœ latinitatis (i) ont
plus de cent cinquante expressions qui toutes se
rapportent à habitation, à domaine.
Il en est plusieurs en usage dans nos environs,
nous les passerons en revue ; ce sera la première
division de ce mémoire dont la clarté dépendra
surtout de Tordre dans lequel nos observations se-
sont offertes à Fattenlion.
u Court. — Cw^tis (2) , dans la ba5se latinité ,
(1) Glossarium ad scriptores mediœ et infimœ latinUaUs^
auctore Ducangej etc. Paris, 1735, 6 vol. in-P.
(3) Bullet, I, 3, note.— PouîDié du diocèse de Toul,dapère
Benoit ( Benoît Pioart, mort en 1720). Tonl, 1711, 2 vol. 8*.
— Toir les pag. 4 et 5 du r'Tome sur les terminaisons vlUe^
Court j MénUj etc. — Ducange, Gloss» ad scriptores mediœ et
infimœ latinitatis, au mot Cortis.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 4^^
à diyerses significations; il s'est entendu principa-
lement pour la luasse de bâtimens, servant de ma-
noir au maître et ap métayer^ . ainsi qu'au bétail,
et pour toutes les dépendances de la ferme.
Aboncourt , Abbonis curtis» — ( Abbon , nom
propre , §. 34.) ^
La s jUabe cor se retrouve ou simple on com-
posée dans une foule de langues pour signifier hor
bitation.
2. Ville. — Villa signifie dans les anciens au*
leurs maison de campagne, métairie. Dans la basse
latinité, employée par les rédacteurs de chartes
du. moyen âge, on retrouve ce mot pour ville,
bourg, village, métairie, habitation; il est devenu
la terminaison d'une foule de noms de lieux.
Thionvillei ntodonU ritti.— Bouzonville, BozoniaFiUa.
5. yillers.--En allemand SBtOer , Willér, fSetler,
Weiler. Villare, sorti de Villa.Cest l'adjectif Vîllaris,
mis au neutre par ellipse^en supprimant un substantif.
On a dit aussi Villarium, YÛlata pour village, ha^
meau, habitation.
Termînaisoù française :
S* AngeTiUers.-*-HochonTiIlers.
Terminaisons allemandes :
3'* ^ctwcilcr , Berweiler; — jnttf^miUï ^ Merscbweiler.
3*'' JUebmllUig , NiedweUing.
426 MKMOIABfi M LA SOCIÉllS ROYALE
4. Bourg. — Syllabe d'origine teutone , pou^
signifier ville 1 forteresse, château; ce qui a été
étendu ensuite à village. C'était chez les Germains
un lieu fermé de murailles. Végèce (1) dit en parlant
de ce peuple : Gastellum parvum quod Burgum
vocant. Isidore dit que Burgs est un mot gau-
lois qui veut dire habitation. On écrit en langue
germaine Burg , Burgk ; en vieux français , on trouve
Bopy Borc^ Bors»
J^omburg; Hombourg. — Xolttnhwt^f Kalembourg. —
Snagbcbn^i Hagdebourg.
Aujourd'hui on entend par bourg, un lieu plus
important qu'un village et au-dessous d'une ville.
Cette signification ne peut s'appli<5[uer aux lieux,
dans la composition des noms, desquels est la syl-
labe Bourg.
6. Ham. — Lisez Bullet (2) sur la syllabe Ham,
ou Hom, ou Heim. Il prouve qu^elle a fait le tour du
monde des anciens, en signifiant toujours domicile,
habitation. La latinité ne l'a reçu que dans sa déca-
dence où Ton trouve hamellus , hamellum , hame-
létta^ hamlettum, hamletuniy ( Ducange,etc. ).
En Allemagne^ heim veut dire au logis , à la mai-
son ; la désinence heim est employée dans Manheim,
Oppenheim.
(1) De re mUitari. Lib. IV; il écrivait au 4* siècle.— Notice
*
de la Gaule, par Danville, 184.
(2) III, 5. — Ducange, III, io46.
r^ 1
DES ANTIQUAIRXâ DK FftANGË. 4^7.
Elle VesXy en Angleterre > dans Backingham^ Dur*
ham / Nottingham ;
Et dans Fanoîenne Flandre^ en Belgique^ dans
Tournetem, Erînghem, Teteghem.
Dans diverses provinces de France, nous trou-
vons iffo/^fleur y Condom , Ham , JMarckols-
heim , etc. .
Dans nos environs , cette syllabe a éprouvé trois
variations.
5' Ham haute et basse. — Ham-sous-Varsbeurg.
5" Cattenom. — Manom. — Macquenom.
5"' Dalem.— Fixem.— Suhem.
6. Le mot Mansio (i) était, chez les Romains, un
lieu de gîte pour le^ troupes en marche , ou bien un
lieu connu pour offrir aux voyageurs des facilités
de logement et de nourriture. Ce mot a fini par de-
venir le synonyme d'hôtellerie ; ainsi restreint > il
peut être regardé comme l'origine de maison, à
moins qu'on ne la cherche dans le vieux mot mas,
Nous avons le rupt de mas , ruisseau de la maison ,
qui se jette dans la Moselle^, à trois lieues de Metz.
Dans le midi il y a une fo^le de lieux semblables ,
le mas d'Azyl (Ariége) , le mas d'Agenois ( Lot-et-
Garonne ).
Mansum , Maniiez Mansionilè ont eu dans le
moyen âge la signification de Filial de Curiis. De
(i) Vossius, 492.
428 MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROTàtE
làsont venus tous les noms en ménil, si commans
dans le département de la Meurthe (Menil-la-
Tour, MénÛlot^ Le Menil^ Grandmenii, etc.). Cette
tenninaison manque dans le département de la
Moselle.
Au dbdëme siècle^ on Sip^hit (i) Mansus , la
quantité de terre que pouvait cultiver une famille
de serfs.
Des traces de Mansio sont restées dans nos envi-
rons ; on le retrouve dans.
Mansberg^ ( Lieux qui n'existaient pas loin de la
/ route romaine de Metz à Trêves, par Ca-
Manc J, I ranu8ca et Ricciacum.
Menskirch.
Mence , ferme auprès de Metz.
l.Cella (2), demeure, maison, monastère.
NondkeU (3).
On trouve dans ce nom les mots cella , habita-
tion , et JVonna , religieuse , fille consacrée à
Dieu.
8. La terminaison Ange^ si commune dans les
parties sud et ouest de l'arrondissement de Hûon-
ville, exigera quelques développemens i tout porte
(1) Hist. de Metz, III. Preures, 7g.
(2) BuUet, 11^ 296. . .
(3) Le yillage deNonsart s*appeUe en latin Notfum Sarium;
peut - être doit - on traduire Nondkeil ou Nonkeil par Noi^a
Cella. (Hist. de Metz, III. Preuves, 7.)
DES ÂNTIQUAIIIBS DE FRANCIÇ. 4^9
à croire qu'elle ne veut dire autre chose qu'habita-
tion / demeure.
Bullet a reconnu cette signification dans la sjUabe
an y ang ( i • 267 ) ; mais il n'en a pas fait un usage
constant dans ce sens. Ses yariations sont remar*
quables^ elles sont pénibles pour celui qui voudrait
toujours s'appujer sur ses doctrines.
Dans l'i^xplication du nom Démange^ il dit : dé ,
rivière; mon, mange, habitation. ( i. 25i ).
Four Fénestrange. Fen, cçurbare; estrainchj grande. I, a53.
Goudressange. San, étang; ^^r^^ goudre|bord. I^ a55.
Guénange. Guerij embouchure ; an , rifiëra. I^ 256.
Haboudange. Abu^yAbou, enrironné; c^n^ririère.
Morhange. Mor, sur; ange, cime de montagne. I^ 264^
Morlange. Mor, bord; lan^ rÎTiëre.
Peuange. Peu y montagne; an, ang, habitatien. 1, a6j/
Rélange. Ré, ruisseau; lam, bois; gem,ge, près. I« 268.
Talange. Tal, coupé; an, rWiht^ige, de gen, près.I^ 271.
Yaudreyange. Bodre, Fbdre, bord; pan^ rivière; g»^ ter-
minaison oisive. I, 273.
Vidlange. F'i, habitation; de^ deux; lan^ étang; ge^ ter-
^ninaison obire^ £6û/.
Telles sont les variations qu'offre l'opinion de Bul-
let dans le seul chapitre des noms des lieux de la
Lorraine ( I^ 24^ à 274. )v sur la désinence Arige.
On doit en conclure qu^il n'avait pas d'idée fixe sur
cette terminaison qui se retrouve plusieurs centaines
de fois dans une étendue assez circonscrite , et qui
n
\
430 UÉ1C0IBB8 DB LA SOCDBTi AjOMLE
mérite par là de fixer jDOtre attention. Celte adop*
tion presque générale n'est pas FeiFet du hasard ni
celui de la volonté d'un individu.
La racine topographique an et ses relatives ou
dérivées me paraissent avoir une application im*
mense, Garignon , Bragance, Gatane, Âlbano,
Agram ( Croatie ) , Penna ( Naples) , Bergame , etc.
On doit reconnaître^ à notre avis^ dans jinge , la
racine an , qui sert aussi à former la sjllahe ham,
heim, em. Quand on di francisé la désinence, on a dit
jinge i comme :
Roussange. — Gandrange. — Florange.
Quand au contraire Tinfluence de la langue teu-
tonique a dominé , on a dit j^ng.
8" XlanQ ; Klang. — (^ongelfangi Gongelfang.
8'" aîetttng ,'Bctting. — Wôlfling , Voelfling.
JEngen ou Ingen,
Les habitans de cet arrondissement parlent alle-
mand dans les quatre cinquièmes des communes; la
terminaison française /inge est la traduction de la
terminaison Engen ou Ingen.
. Yolckrange^ en allemand, SBoIlriiigeii, Yokkria-
gen ;Bertrange, Sertriit]|en/.Bertringen.
D'où êtes-vous? demande- t-on à un paysan.—
S'il vous répond en français , il vous dira : Je suis de
DM ANTIQUAIRES DE FHAKQE: 43 i
Bertrange; sic'esteii allemand, U répondra : 3c^ f>in
ton Senrittgeti , Ich bin von Bartringen,
Jlnge^ JEngen, Ingen sont donc ideafdques;
On trouve ces terminaisons en Allemagne dani les
noms d'une foule de lieux : .
Engen.— Memmîngen. — Stuhlîngen. — Usingen. — Mei-
îiungen. — Sîgmaringen. — Lieningen , nom allemand de la
princiefpauté de Linangc.— Gôttingen (GottîngueV
/ ...
La désinence ingae appartient surtout à la Hol-
lande : Groningue, Flessingue.
9. Hoff, hoven, houve, sont les mêmes mois r
Hoff.— Filstroff. — Flastpoff.— Halstroflf.
9". Hoven (i).
Dedenhoven. — Odenhoven.
On le retrouve dans les noms allemands de THion-
ville, ©iebenj^ooeii , Diedenhoven ;
Cattenom, *etten^ot>en ^ Ketterihoven ; '
Manom , aRonÇot^en , Monhoven \
Macquenom, SWaquenl&oi^ett , MacquenLoven.
9"' Houve.
La houve de Merten , vaste forêt du canton
de Bouzonville, où il y avait çà et là des habita-
tions.
(1) Germani Hofas seu Hobas, solitàrîas colohorum œdea
vocant. (Ducange, Gloss, III, i24i.)
43a MilfÔlMS DE LA SOCIÉTÉ EOTAU
Dans la latinité des chartes de notre province ,
on trouve souvent Ao^, hofay hova, huba, houva
hobunna (i), etc., signifiant^ comme i^Ula et curtis^
un bien complet , les bâtimens et les terres , bois et
prés. Le métayer ou colon se nommait hobarius. Ce
mot est d'origine teutonè ; hoff" avait fort antérieu-
rement la même signification. Ce nom, plus ou
moins altéré , se retrouve dans plusieurs langues vi*
vantes.
To. Le mot dorfy village, appartient au teuton;
il est resté sans changemens dans la langue mo-
derne.
Slen^orfi Neudorf (nouveau village).
Ober^orfi Oberdorf (village d'en haut).
@r&n^orf| Grûndorf (village vert^ entouré d'arbres).
@c^TOer^orf , Schwerdorff (village difficile , c'est-à-dire d'un
accès difficile).
Siemetoorf I Remeldorf.
Les noms terminés comme Freistroff , Launstroff>
ont peut-être plutôt pour désinence le mot ^or/ que
hoff^i ce qui importe peu , puisque la signification
estia méme^ habitation, village.
11. Rodemack(3), autrefois Rodemacheren et
(i) Vossius. P. aaS et a54. — Hontignot. Dict de dipL—
BuUet,1II, ai. — Duoange. Gloss. III, iâ4i.
(a) L'historien deThou a traduit Rodeinack farRupeaMartis;
ses traducteurs ont mis Roc-de-Mars ; des notes marginales
ajoutent (II, oSy^ éd. de i734) pu Rodemack (II, 3i2) ou
Rocheôiars.
DE3 ANTIQUAIRES DE FRANCS* 453
Koènigsmaçher ( aU. Konisgmackeren ) ont une
terminaison commune qui se retrouve dans :
Macberen , canton de Saint-Âvold.
Maçker » canton de Boulay.
Grevenmacheren , entre Luxembourg et Trê-
ves, «te.
Bullet n'est pas d'acord avec lui-même sur Tori :
gine de cette terminaison.
ïe trouve f dans son grand ouvrage :
Macker, Mag ou Mac, nom appeliatif d'habita-
tion, devenu propre de celle-ci. Èr, superflu, ou ma,
petite, caer , habitation (I, 2^1 ).
Macharen, à une courbure de la Meuse, mach,
courbure; ren, rivière; I, 3io.
Mâcher , à une courbure de la Moselle ; mach ,
courbure ; er, près. Ibid,
Mach est^il donc un nom générique d'habita-
tion ? signifie - 1 - il seulement la courbure d'une
nviere c
Oom Galmet nous dit dans la noUce de la Lor-*
raine, i Col. 710 : « Macheren, en allemand, veut
« dire autant que Maceriœ en latin, et Maizières
« en français : d'où viennent tant de lieux nommés
« Maizières. Maceriœ signifie une muraille à sec ,
« une muraille de jardin , en général toute sorte de
« murailles (1). «
(i) Maceriœ dicuntur longi parie tes, quibus-pineœ pelaliud
IV. 28
434 MÉMOIRES D£ LA SOCIETE ROTALB
Berthollet(i) traduit le mot Macheren par limite^
( V. 92 ). En adoptant cette opinion^ Rodemack
( Rothen macheren ) voudrait dire limites rouges.
12* Le mot mallum (d)> mallus, est employé très-
fréquemment dans les lois de la première et de la
deuxième race pour assemblée judiciaire , réunion
des délégués du prince. Cette expression , qui yicDt
du teuton où Ton écrirait 3Iael , a formé quelques
noms de lieux (5).
Mailing»
Mèilbourg , château entièrement détruit et dont
il ne reste que le nom ; il était près d'îllange , à trois
kilomètres de Thionville.
Le nom latin de JiUz ( Judicium ) avait la même
signification y assemblée de juges.
On trouve encore Malroy dans le canton de Vigy«
1 S^ Nous avons dit que quelquefois les noms de
lieux rappellent les dominations.
clauduntur* Longues parcis> de quoi vignes ou autres choses
sont closes. (Ducauge^ lY, 3o2.]
(i) Hist. du duché de Luxembourg et du comté de Chinji
parle père BerthoUet, 8 yoI. in-4^.
(2) Mallus. — Yossius, de vitiîs sermonis , etc. Ehey. 1645;
pag. 24o et 34o. — Montignot^Dict. de dipl. , p. i42.
(3) Gomplurium in Belgio locorum ac ^icorum nominibus
t adjici Hall , Wendelinus observât^ quod in lis olîm Blalll ha-
hiti sunt. (Ducange^ lY, 3o2).
DES AKTIQUA1R12S DE FRANGE. 4^5
Ainsi :
I
MetzerTisse. — Metzeresche j
nommés vulgairement par les habitans des villages
voisins Wàse et Esche, ont conservé des traces de
leur longue adjonction au territoire de Metz.
K6nigsmacher s'appelait, avant le i4'' siècle, itfa-
cheren (en français Macères) (i). Le mol konig,
kœnigy fw , fut ajouté, lorsque Jean, roi de Bo-
hême et comte de Luxembourg, tué à la bataille
de Grécy ( i346 ), la fit entourer de murailles. On
le distingua ainsi de Macheren , près de Luxemboui^,
que Henri II, comte de .Luxembourg, avait fait
fortifier au iS'' siècle ( Grevenmacheren, Mache-
ren du comte ,* Kœnigsmacheren, Macheren du
roi. )
.Merschweiler
tire son nom (2) d'une famille puissante du pajs de
Luxenabourg , déjà connue au 11® siècle.
Elle possédait le château de Mersch , surFEltz, à
(1) Hist. de Lux. par Berthollet , y, 92. — Précis hist. et chr.
du Lux., par Ghristiani, i8o5, pag. i83. — Galmet, notice, II,
6i3. — Délices du Pays-Bas, III, 212. Cet ouvrage nomme ce
lieu en latin Régis marca et Grefenmacherrij marca car^Hs.
— Dans une charte de i?54, on lit : CurtisMachra dicta. —
Berth. VII; Preuves, XIV.
(2) BerthoUet , hist. du Lux. V, 3, etc. , VII, Sjo. — Not. de
la Lorr. de Calmet, II, 786.
28*
436 MÉMOIMS DB I*A SOCIÉTÉ fiOYALE
trois lieues de Luxembourg. Il existait déjà au
g'' siècle. (Locus quidicitur^Blarisch in pago va^
brinse. — Dans une charte de 853. — BerthoUet, H;
Preuves, LX. )
Gattenom. La première pensée que Fon ait, en
entendant prononcer ce nom , est qu'il veut dire ^e-
jour des Cattes (i). Les Cattes étaient des peuples
de la Germanie que la guerre a pa conduire aux
rives dé la Moselle. Cette étymologie est fort dou-
teuse.
Cat (2) y en langage celtique y signifie guerre '. le
mot Cattenom veut dire demeure guerrière y lieu
fortifié. Ce nom est identique dans sa composition
avec celui de C!atwicky en Hollande {Vicus muni*
^^ ). En i4oo, on nommait Cattenom, Kattenheim ,
en allemand ; aujourd'hui Ketten/ioi^en; dans un titre
de 1 32 5, je lis Kathennem. Peut-être ce lieu a-t-il
été anciennement occupé par des Cattes.
La position des lieux d'habitation sur les hauteurs,
dans les vallées, près des rochers, près des hoi$> dans
des prairieS; au milieu de jardins, dans une plaine,
sur un ruisseau, autour d^une église, d'un moulin ,
a servi très-fréquemment dans leur origine à les dé-
signer. iPresque tous les noms de nos ^çviroos ^si
formés sont teutons.
Pour les décomposer , il faut se rappeler la tra-
duction des mots suivans :
(i) Berth..I, i38. ' : '
(si) BuUet, II, 286.-— Dict. étym. de Menace, I^3âo.
I
DES ANTIQUAIKES DB FBANCB, 4^7
Qîcrg, herg, montagne. — %h<^Uthal, vallée. — ©tcin,
stein, pierre. — ÎDal^, u^ald, forêt. — i^olj , holz , bois. —
j^ag i^agen y ^a^, hagenj haies^ broussailles. — Sufc^^ huach^
bois, buisson. — SDiefe, u^iese^ pré. — ©artcn , garten^ jardin.
— 3fete, feld^ plainç; champ. — Qitx, acker^ champ. —
î8û(^, bachf ruisseau. — ^hx^yflussj rivière. — ^irc^e, hirche,
église.— 3nâ^I> mUhly moulin.
Il est également utile de savoir la signification des
mots suivans : tibttf ober, haut. 9lteterNiëde r, bas.
3lft/-^A, vieux. 9leu, Neu, nouTOau, neuf. ®rof,
grosSf grand. ^leln^ klein^ petit. 93rud^, brucky
pont. Sbel 9 Edely noUe ; mot qui a servi à former
ceux d'Àiàling et d'Edling y canton de Bouzonville
( demeure noî>Ie , château , CE bell^of f Edelhof ) •
«
l4« l'Os noms terminés en iïerg' (i) sont nom-
breux ; tous indiquent le placement du village soit
sur ùa lieu élevé , soit sur le penchant ou au pied
d'un coteau :
Berg, Warsberg, Mansberg^ Yinsberg.
On a conservé la terminaison française dans
Richemont^ Justemont.
i5. Thaï y Vallée.
(i) Dîct. étym. de Ménage. I; 180^ article Curieux. -—
Wachter^ Glossar. Germanum.
438 MiMOIlISS OB LA SOCltti BOTAtE
Dalem, Bataendahl^ Dalstein.
Le mot français est resté dans Rangueyaux.
] 6. Stein , pierre » rocher.
Dalstein, rocher du vallon.
17. PFaldj forêt.
Greutxwaldy Waltwise, Godewald (le).
1 8. Holz , bois.
Beckerhohy Fronholtx.
ig. Hag, hagen{i)y haies» broussailles,
Hagen, canton de Catienom. — Le Hackenberg.
Le mot teuton hag , hagen a eu pour synonyme les
mots haga, haïa, d'où Ton a fait en français haye. La
syllabe he/s est employée dans Tarrondissement de
Toul pour désigner un canton très-boisé : Rozières-
Heys, Villers-en-Heys , Domèvre-en-Heys , etc.
La même racine se reconnaît dans les noms de
lieux.
AUOimSSIKBHT ( °T°«' ) . .
de y %S1QS9 ( qui signifient Tillaffe on babiU-
\ w^iiî^- / tion près des bois.
THiOHYttiB. ) Helhng, (
V Heslroff^ ;
Il est à remarquer que cette terminaison se re^
(1) Hag. Vossius^aig.
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE. 4^9
Irouve dans la série des mots français Saussaie ^
Pommeraye', Ormoye, Chataigneraye, etc., lieux
plantés de saules, etc. ; la plupart ne sont plus en
usage.
20. Buschf (i) bois, (â) ISàïi basse latinité , ^o^^u^ ,
buscusj bosc/uis, etc. ]En patois ^e^chy beusch ,
bisch.
Braubesch.
De lA Tiennent aussi
Bûsbach, Bouck, territoire d'Ukange.
Boucb, territoire d'Escfaerange.
Et peut-être
Boast? Bousse? Boussange?
21. Wîese, pré,
Metzerwîsse, Gawisse, Altwisse, Gaveistroff^ Valweistroff.
23. Garten^ jardin.
flargarten-aux-Hines, Hargarten. /
25Feldy plaine, champ.
Laumesfeld.
*
24. ^ckery (3) champ cultivé. — Uest facile dy
reconnaître le mot latin ager :
(1) Yossius, i83.
(s) Gloss. Ducange, I, i248.
(5) Acker. Yossius, 35o. — Ducange^ I^ io4.
44o MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
Bousenacker, Belmacker, Ronacker.
2 5 . Bach y ruisseau.
Forbach.
Faulbach, ruisseau paresseux , lent.
Dans Marspich et Daspich> la terminaison est une
corruption patoise de Bach.
Dans Apach ^ le B a été changé en P ; ce qui est
fréquent dans toutes les langues (i).
26. Ftuss, rivière^ cours d'eau.
Harîenflos.
37. Kirch, église.
Kircbnaumen^ Henskireh, Neuokirch.
28. Muhl, moulin.
Donnenmûhl, etc.
La nature des arbres qui dominent dans un canton
a servi souvent à nommer Thabitation qui y a été
fondée.
Nous en avons une foule d'exemples dans toutes
les provinces de France. La Châtaigneraie (Vendée),
Frénay ( Sarthe ) , Frainbois ( Meurlhe ) , Vigneules
(Moselle) Norroy-le-sec , etc. (Moselle) , Nogaretum
(1) Quintil. Lib. I, cap. 7.
D£9 ANTIQUAIRES DE FRANCE. 44 >
lieu plan té de no)'ers )« Fraxinet (Bouches-du-Rhône)
Fressinières ( Hautes-Alpes ) villages qui possèdent
des bois de frêne.
Dans nos environs ^ les mots allemands Sfd^e/
Esche , frêne ; 6i(|n ^ Eicbe , chêne , ^ftattme
Pflaun^e^ prune , ont servi à former divers noms
de lieux.
j
29. Esche.
Escber^nge , Hetzeresche 9 Hestrofr, PreisclK >
Le mot Esche (i) est d'un emploi très- fréquent
dans le pays de Luxembourg»
30. Eiche^ Ëichenbaum.
Bibiche ? peut-être ce nom vient-il de busch^ bois.
(Ifteç 99if(^, littéralement : auprès des bois ).
La terminaison ich est allemande.
Kemplioh^ Eliob^ Qiemery, en allemand^ Schi'merwhy
Sent£ich> Kûntzig ou Kuntzioh. ,
Si. Pflaume^ pmne , p/launnenbaum ^ prunier.
Laumesféîdj champ de prunes.
Pat euphonie , on a supprimé les deux premières
consonnes.
(1) BerthoUet^ V^ 17g.
44^ HEMOIBES DE LA SOCIETE ROYALE
32. Viosberg vient de Weiosberg, moûtagne c[ui
produit du vin , qui est plantée en vignes.
* Les chênes ^ hameau dépendant de Luttange.
33. La tenninaison œuvre , euvre , en latin
opéra (i) (Vandœuvre , Vandoperay Soleuvre) (2),
indique une fabrique. On sait que^ depuis plusieurs
siècles, il y a des forges à Moyeuvre (3). Cette dési-
nence se trouve donc là fort justement employée.
Wandy signifie muraille.
On trouve Manopera dans le fameux édit de
Pistes (4), sous Gharles4e-Gbauve (an 862) pour ou-
vrage manuel y sers^itium manuale y mnnuum opéra.
34. Les noms propres des fondateurs des habita-
tions ou des propriétaires du terrain sont souvent
demeurés dans les noms des lieux ; c'est ainsi que le
village de Porcelette (5) y canton de BouzonviUe » a
(1) Calmet. Notice 11^ Col. 76A. •- « H 7 a en ce lieu^ dit
« Calmet, un château et uoe tour^ qu'on dit être l'ouvrage des
a Vandales. » PouiUié de TOul^ I, i5o.
{2) Berth. Bist. de Lu3l, JV^ 437. — Calmet.. Not. II, Col.
499. Il traduit Soleuvre par Salubriùm^ Cette opinioo^ rap-
portée p^r Bertfaoliet, vient de l'abbé Bertels.
(3) J'ai un titre de 1529 d'Edouard, comte de Bar (Eddo-
ivairs cuens de Bar), qui constate une existence àéyÙL ancienoe.
\ (4) Edictum Pistense , cap. 29.
(5) flist. de Lorr. de Calmet, V, 721. — Hist. de Tout, du
P. Beooît. — Calmet. Notice 11^ 237.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 44^
conservé le nom de son fondateur , M. de Poreellet
de Maillane, évéque de Toul et abbé commandataire
de Saint-Avold , mort en i624-
Ces compositions avec des noms propres sont
comniunes.
Thionville , Theodonis Villa.
Sans adoptep l'opinion que Thionville doit son ori-
gine à un seigneur franc, nommé Théodpn (t)j qui la
fit bâtir sous la première race > on doit convenir
que Théodon est un nom d'homme. C'est le même
que Théodoric, Thierry, nom que Ton retrouve
dans Terville , anciennemept Thierville , village qui
touche Thionville.
Volmerange.
Un Volmar (2) était comte de Metz au 1 1" siècle.
(1) Hist de Lux. de Bertholiet, II, a4i. Note. « Selon le
« sentiment de quelques auteurs. Cette ville que les Latins
« appellent Theorda, F'i/la on, Theodonis VUla, a tiré son
« nom du grec^ et signifie Ville des dieux, parce qu'on dit
« qu'il y a eu autrefois un temple dédié à tous les dieux, à
« l'exemple du fameux panthéon à Rome.
« Mais ceci sent trop la fable pour y ajouter foi; il est plus
« Yraisemblable qu'elle a tiré son origine d'un nommé Tbéodoo
« qui l'a fait bâtir. » ( Délices des Pays-Bas^ lil, 177, édition
de 1720, 4 vol. în-8®.) C'
Dans une charte de l'empereur Charles IV, du i5 jan-
vier i357y on lit Villa Theonis^ aUas oppidum quod DtUefi--
hofen vulgariter appeUdtur, Be^h. VII ; Preuves, XXIV.
(2] Ueurisse, Hist. des évêques de BletZ; 367.
444 MÉIIOIRES DE lA SOCIÉTÉ ROYALE
Un autre a été arcbevêquff de Trêves.
Je. n'entends pas inférer de là que l'un ou l'autre
ait été le fondateur de Volmerange / mais seulement
que ce nom n'était pas inconnu dans la province.
Cette observation s'applique à tous les articles soi*-
vans :
ÂboùGourt.
Ahho y nom en usage dans les dixième et onzième
siècles ^ et même avant. Un Abbon a été évêque de
Verdun.
ï)odenhoven.
Dodo , Saint-Dodon , (i) originaire des Ardennes.
Veymerange.
Wimarus , (2) nom luxembourgeois.
Terville.
Théodôric, Thierry, Terrîc.
On trouve ce nom écrit Thiwville. (5)
Odenboven.
( 1 ) Berthoilet , VIII , 1 70.
(2) Précis hist. du ChrbtîaD.^ 35^ note.*— Calm. Notice II;
1024.
(5) Therricus^ synonyme de Theodorîcus. Hist. de Verdan^
liv. 3, XVI. — Il y a un lieu ncmimé Tbierville > près de
Verdun^ dont le nom latio doit être Theodorici ViUa , suiraot
l'historien de Verdun; in-4%.1745, Uv. 2, CXXVI.
m$ ANTIQUAIftBS P£ FRANCE. 44^
Odon, nom déjà connu au 9® siècle, ou Od^ f 1),
nom de femme* C^était celui . d'uHe soeur d'Adal-.
béron III, évêque de Metz , et de la mère de Saint-
Arnould.
Bertrange.
Beplram , évêque de Metz.
Imeldange.
ImmoD, nom d*un seigneur lorrain au 10* siède^
Angeviilers vientd'Engelram (2);
Varsberg, autrefois Warnesbçrg, de Warnercr
rius , Vàrnier , Garnier , etc.
Il f^sX probable, que les noms d'hommes ont eu^dans
la formation des noms de lieux, une influence plus
étendue que celle que Ton aperçoit aujourd'hui;
mais ces noms d'hommes , n'étant plus en usage, se
sont entièrement perdus , ou bien ils se sont telle-
ment altérés qu'on ne peut souvent les découvrir.
L'emploi des diminutifs , le cha.ngen^eiit de
voyelles a en o> e en/, o en w, celui des conson-
nes fortes en faibles et réciproquement, le v aUe-
niand pris pour/, etc.. rendent très*so^vent mécon-
naissable ce qui a pu aervir de racine à un nom de
lieu.
(1) Calmet. Hist. de Lorr. II. Col. i43. — Calmet. Notice,
II, 182.
i,^) Bibl. Lorr. de Calm. 46.
446 niMOIRES DB LA SOCIÉTÉ ROTAIE
L'altération des noms propres se fait remarquer
dans les nomenclatures hagiologiques ; qui pourrait
deviner que Saint-Gerj (i), évoque de GahorS;
vient de Desiderius , nom latin qui s'applique aussi
à Saint-Didier^ éyéque de Vienne en Dauphiné^ et à
Saint-Dizier, évêque de Langres? On appelle ce der-
nier Saint-Desir, à Liège ; Saint-Dréserj , à Mont-
pellier ; Saint-Déserj , à Uzès, etc. De Sainte^Eulalie^
on a fait Sainte - Ouille , Sainte - Olâre y Sainte-Au-
laire , etc.
n est une foule de noms d'hommes qui ont cessé
d'être employés. On peut en juger, en parcourant
des chartes souscrites par un grand nombre de té-
moins. J'ai en ce moment sous les yeux une charte
du g** siècle, dans laquelle, sur quarante-cinq noms
d'hommes , on n'en trouve que sept qui soient restés
usuels; tous les autres, comme Motarius, Wigeri-
cus , Tietmarus , Gagenhardus , Tetgaudus , Megin-
gaudus , etc. , sont dans l'oubli.
En repassant les détails que contient ce Mémoire ,
on aperçoit l'influence teutone , dominant dans les
noms de lieux ; elle domine encore aujourd'hui ;
les quatre cinquièmes de l'arrondissement ne par-
lent qu'allemand ; mais il est utile de faire observer
que ces mots teutons ont appartenu également au
celtique ; acker , champ , est tiré du celte acre , et
(i) Cl. Ghastelain, Recueil de noms de sainfs qui paraissent
éloignés de lear origine. — A la tête du Dict. étjm. de Ménage,
éd. de 1750.— BuUet. I^ 3q. Il cite plusieurs exemples.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 44?
dérive du latin ager^ s'il n'en est lui-même Torigine.
Daly thaï, vallée^ ressemblent à dol^ qui signifie, en
celte 9 lieu bas , mais fertile ; garten , jardin , à
Gard. Ces exemples sont cités par le père Pezron
( AnAq^ de la nation et de la langue des Celtes ,
autrement appelés Gaulois , xi j 1705 )•
Thionville et ses environs ont partagé le sort du
dacké de Ln^ièembourg , et ont été pendant très-
lon^-temps sous le pouvoir des Espagnols ; il ne reste
aucune trace de leur domination.
On doit remarquer dans cet arrondissement la
ressemblance de beaucoup de noms entre eux ; il
y a homonymie presque complète entre :
Edange^ Elange» Illange, Hellange. — Erange^ Evrange;
— Béyange^ Beuvange^ Badaoge; — Bettange, Blettange;
— * Guertiog, Guerstling, Guëling, Guiching; — ' Bousse,
Boust; — Filstroff^ Freistroff; — Guélange» Guénange, Gué-
yange , TÎlIage détruit ^ près de Metzeresche; — Yeutraoge^
Entrange; -^ Hestroff, Halstroff^ Flastrofif ; — Reimeling,
Remering; — Ediing, Aîdling, Heining, Heckling, Hoblîng ;
— Suzange ^ Huzaoge; — Uckaoge^ Stuckange ; — Naudorff,
Neudorff, etc.
Ces ressemblances de noms ont causé dans les
meilleures cartes une foule d'erreurs. En général on
trouve bien peu d'exactitude à cet égard. On lit ,
dans les cartes de Gassini : Cathenon , Gasch, Zetrich y
au lieu de Gattenom , Garsch , Soetrich. On trouve
dans Ferrari: Breistross^ Boisler: Hatting, pourBreis-
troff, Boler , Haling ; ces fautes ont été répétées dans
443 MÉMOIRES DE LA SOCtÉli ROTÀIE
les cartes faites postérieurement. Elles se répéteront
encore. Il en est souvent de même dans l'histoire et
dans les mémoires historiques. J''ai sons les yeux les
mémo^*es de ViUars( Amst. 1735. 3 v. 12) , les
noms des lieux voisins de Thionville qui ont^été le
théâtre de la campagne de 1706 j sont défigurés.
On y lit Sirek pour Sierck , Anspach pour Âpach ;
Marchevainier pour Merschweiler;Fr/e5/or^pour
FreistroflF; etc. Ce défaut de correction est ^ peu
près général ; on le trouve même dans les ouvrages
dont tout le mérite git dans Texaclitude. Il n'est pas
jusqu'aux sceaux des communes [qui contiennent i
quelquefois des fautes. Par un long usage^ le souvenir
de la faute se perd; elle est adoptée et finît par servir
dérègle.
Cette observation doit naos faire concevoir corn-
bien les noms ont subi d'altérations^ sans motifs^ par
l'effet seul de l'ignorance. Comment remonter à la
source , comment connaître la vérité ? L'ignorance
n'a pas de marché réglée ; elle avance , elle recule ,
elle s'écarte de la voie ; elle couvre d'un voile ce
qu'elle atteint. Pour soulever ce voile , on n'a sou-
vent qu'une critique incertaine et le vaste champ des
conjectures.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE.
449
LISTE ALPHABETIQUE,
*
Divisée par Ganfonsy des Villages , Hameaux, etc., de rarrondissement de
ThioiiTille , avec des Notes étymologiques.
CANTON DE BOUZONVILLE.
ItttORB
des
uiries.
MAIRIES,
aTec les villages ,
haiDeaaz,écarts,etc.,
qui en dépendent.
1 Anzeling •
> a Edling
5 Berweiller
Floselingerm&hl
5 Bibîche
6 Petite-Bibiche .
7 Neudorf.
8 Rodlach
f '
\ 4
NOTES ÉTYMOLOGIQUES.
9 Bisten im Loch. Mairie ... I '"*
$ 8'" Bant, Jean.
S i^, à la fin^ ed?/, noble.
5 3".
$ a8,yZu5f,-coiirs d'eau.
§ ao et 3o , bejr, busch^ auprès des bois.
Littéralement : village neuf.
Beystein , près des rochers. — Loch , trou;
im loch y dans un trou. Sumôm tiré de la
10 Bouzonville.. • •
1 1 Aidling
la Heckling
i3 Benting
i4 Ghateaurouge. .
'i5 Cbémery- Vieux.
i6 Ghemery-Neuf. .
i7,IngUng
i8 Hoblkig
19 Yintring
IV.
position de ce village : ce surnom le dis-
tingue de Bisten-sous-Bems.
$ a et 34.
$ 1 3, à la fin , edel, noble ; habitation noble.
5 8"\
5 8'".
En allemand , Rothenhof.
5 3o.
8'", identique avec Inglange.
8"*.
8"'.
29
I /
45o
MÉMOIUES DE Lit SOCIETE ROYALE
d«5
mairies.
8
MAIRIES ,
«rec les villages ,
haxneaux,écarts,etc.,
qui en dépendent.
O
e:
«n
•g
T
WOTES ÉTYMOLOGIQUES.
20 Colmen
21 Crcntxwald - U-
Groiz
22 Varendt. .....
25 Creuttwald - la-
HonTe..^«i^ • . • •
24 Klockenkoff. . . .
25 Creutzwald-Wil-
belmsbrunn.. •
Mairie . . .
Mairie . • •
Ferme . . «
• • •
Village
Ferme. . •
Forêt de la Croix.
5 9"-
§ 9. Klocke ou Glocke , cloche.
Village. . . FonUine de Guillaume,
26 Dalem
Mairie • . •
10
§ 5»'* et l5. Dalheim , an bord d'onc d
vière : date, rÎTière; ham , en compoatrtl
Acjîi, habitation. Bullet, 1 , 335.-11 y a
▼illage de Dahlem dans le Luxembourg;
tire son étymologie, à ce qu'on prétend, d
le père BerthoUet , des Dalmates qwy
long-temps campé, l , i^- I^'^'JL
a une viUe de Dahlen sur les bord« do KM
I
27 Soleil (la ferme
du)
28 Falck' ( la forge
de)
11
( »9
I 3o
Daktein
Menskirch
5i Ebers^iller. . . .
12
• • • .
32 Férange..
55 Ising
54 Labrûcb. .
. jr 55 Falck
I 56 Weyermùhl....
' 3; Filstroff.
A I 38 Beckerholtï. . . .
59 Saint-08«rald . .
Ferme. . .
Forge. . . .
Mairie . . .
ViUage. ..
Mairie . . .
ViUage. ..
Hameau..
Hameau..
Mairie . . .
Moulin...
Mairie . . .
Village. ..
Ferme. ..
§ i5 et 16.
5 12 et 27.
§ 3. En aU. Eber, aangUei. EberwiÛ*
j4pri villare,
§8.
§ S"'. -Eisjglace.
En ail. Bruch , marécage.
§ 28. fTeyerj étang.
5 pet 10. Fefo, rocher.
$ 18.^
DES ANTIQUAIRES DE FRANGE.
45 1
N«
O ORBKB
des
mairies.
MAIRIES,
avec le« ▼îUages,
hameaaz,écartf,etc.,
qui en dépendent.
4o Freistroff.
i5
16
4i
42
43
44
45
46
47
4«
Diding. .
Gniching.
Brouische
Guéling
HoUing (moulin
de).
Guer^tliog
Niedwelling. ..
Ham • tous-Vars-
berg.
^7 < 49 Vi|i»bet|^.
18
^9
20
31
22
5o Guerting
à aiHargarten-aox-Mines.
I 52 Sonneii^mûhl...
I 53 Heatffoff
/ 54 Varchmûhl
V 55 Gueism&hl
(56 Heining
57 Leyding
58 SchrecUing. . . •
{59 Merten
60 Bibling
61 Oberdorff
62 Odenhoven . . . .
o
en
NOTES ÉTYMOLOGIQUES.
Mairie. .
Village..
Hameau.
Ferme . .
Ferme . .
Moulin..
Mairie. .
Hameau.
Mairie. .
Chât.etferm
Village. .
Mairie . .
Moulin . .
Mairie. .
Moulin..
Moulin..
Hameau.
Village. .
Hameau.
Mairie. .
Village..
Mairie. .
Hameau.
i
5 9 et »o. Freistroff { F^^ dôrf) , en ail.
Franc aleu ou Ville franche. — Calmet.
notice de la Lorr. 1 , 489.
§ 8*".
S 8'».
§ 30.
J 8*". Identique avec Guelange.
l
{
,« 8"'.
5 3. Nied, nom ail., de la rivière de lîied.
§ 5.
$ 14 et 34. Autrefois Warnesbere.Vame
ru Mon 8. "^
5 22.
$ 28. Sonne, soleil.
$ 9 e* ïo.
5 28.
5 28. Geisse^ chèvre.
$ 8"*.
5 8»' 1
§ S'" \ Villages en litige arec la Prusse.
$ 8'".
S 10. ' ^
Oudenhove (Belg. ), prés d'une forêt.
Houd,houden, forêt; kovt(, habitation.
Bullet, 1,3 19.
29*
452
a3
24
25
26
HÈMOiRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
MAIRIES,
avec lei TÎllages ,
hameaux ^écarts ,etc . 9
qui en dépendent.
£3 Porcelette.
64 La Bruyère. . . .
65 Grfïnhoff
66 Diesen (haut). .
67 Diesen (bas). . .
NOTES ÉTYMOLOGIQUES
Mairie. . .
Ferme . • •
Ferme...
Moulin. . .
Hameau..
§ 34* Nom du fondateur, M. de Forcellet
de MaiUane, évèque de Toul.
Nom tiré de la nature du sol.
5 9'
. neimermg j ^^^^^^y^ I »*«%• |
.Reimeling_l^"H e iR^^,É„g. l
$8"'.Reimering
68 Rémering.
Mairie. « • •
69 Gaweistroff . . . .
70 Remeldorff. . . .
71 Saint-Bernard* .
7a Saint-François..
^ I 75 Lacroix
y 74 Schwerdorf. . . .
y S Grovendahl. . . .
76 Heltermûhl. .. .
^, 77 Neunkirchen . . .
78 TrOmborn
79 Varsberg
80 Glasbr&ck. . . . .
iA
29
3o
Hameau.»
Mairie, ham.
Mairi,e. . .
Mairie . . .
Village...
Mairie . . .
Moulin.. .
Moulin...
Village...
Mairie. . .
Mairie... .
Ferme. . .
RemeldoFflf } ^.JK^i i Remclfang. 1
Rémelangel ^^^^^ lRomMmg.fcaiiei
paraissent aroir une origine commane. I
Dom Galmet pense que la racine deceA
noms vient du latin BrnnUiiu , lieu situé su
le penchant d'une montagne. ( Notice II
270.) L'interprétation que donne Dom Cal
met du mot Remillus (1) est forcée.
Bullet (1,335), décompose ainsi Remeilsg
à une source de rivière. Ranij en compo»
tion lUm « tête , source ; Lfyn, nvière.
5 9 et ai.
5 10.
\
en allemand Kreuiz^j
/
§10.
Ji5.
5 28.
5^7.
hom, eau, source y puits.
$14.
Bruck, pont.
Ces trois villj(gei MU
modesnes.
01
(i) Remillus , quasi répandus, courbé, cam 6ré.— Instar remi qui iafleins in «T"
videtur. ( Rob. Stephani Thés Lîng. Lat., 1743, IV, 76.)
M5 ANTIQUAIRES DE FRANCE.
453
N»
O'OODltB
des
nairies.
3i
5a
MAIRIES,
»vec.,le8 YîUages ,
hameaaz,écart8,ef c. ,
qâi en dépendent.
81 Vaudfecbing. # .
8a Alzing..
83 Elicb...
84 YelfliDg.
NOTES ÉTYMOLOGIQUES.
Bullet fl, 273 ) fait venir Yandrevange de
Bodre, Vodre, bord d'une rivière. En adop-
tant cette origine pour Yandrevange , on
doit aussi l'appliquer à Yaiidreching , situé
sur la rive droite de la Nied.
Mais le nom allemand de Yaudrevanse
est Yaldefingen. Ne semble-t-il pas que la
base de ce nom est fVatd, forêt?
$ 8'",
Hameau..
Hameau. .
Mairie. . . I J 8"'. Wotf, loup.
CANTON DE CATTENOM. '
85 Angevillers. . . .
I.
86 Algrange
87 Batzendahl.... ,
88 Berg
89 Beyren ,
90 Ganderen
91 Bonnenmubl..
Mairie. ..
I
Villatr r [ Algerenge, 1206 (H. de Metz, III, Preu
Ferme.. .
Mairie . . .
Mairie. . .
Yillage...
Moulin.. •
92 Boust,
95 Ussekkirch... .
94 Partbe(haote)..
95 Partbe (basse). .
96 Breutroff la-Grande.
ves, 168).
$ i5. Batzen, nom de monnaie.
§ i4« Montagne.
irie . . . |
Mairie
I
5 a8. I
$ 20. On a écrit autrefois Bous et Bus,
Berth. YI, 48.
97 Boler. . .
98 Evange<
Usel, élévation. Bullet, 1 , 485 , au mot
^1. I Usseile. Cette église est située sur un coteau
^ • • • • < isolé. — Il y a, dans le Luxembourg , un lieu
l, nommé Useldange. Berth. lY, 222 à 227
Hameau. .
Hameau..
» . . I Breisiroff^ bral, terre fangeuse , marais.
Maine. . . j B^iiet, i, 55, 59, etc., II , 200.
{Dans la basse latinité , on a employé Bo-
tetum , pour signifier un lieu inculte , une
bruyère. (Ducange, I, 1218.)
Hameau.. | Fêye:^ Evrange»
MÉMOIRES DE LA SOGlili ROYALE
lO
l3
l4
MAIRIES,
a?ec les TillageS)
bameaux,écart8^etc. ,
qui en dépendent.
99 Gattenom
100 Bâcherange....
loi Molvange
loa Boncb*
:»••«. •
8 io3 Errange.
$ i3. Lieo fortifié. Kattennem^ i4* siècle.
5 8* et 29.
Hameau..
io4 Fizem.. .
io5 Garscb...
106 Lagrange
107 Koeking.
108 Huzange.
1 1 109 Gavisse .
L'abbé Lebeenf, en cbercbant Tétymol .
du nom de lieu Mve ou Eve, dit qu'il peu
venir de la sécheresse du territoire ; il coa
claircissem. à Thist. de France, 1758, 2 m
in- 12, 1. 99.)
•^ETrange^ Evange >ETendorff.
12 iio Hagen ou Honne. Hameau. . $. 19*
111 Hettange- la-
Grande
lia SuxanffeouleCa-
baret du dragon.
ii3 Soetrîcb.......
114 Immerbof
ii5 Kanfen.. ......
116 Keibourg «
117 Kontz (basse). .
118 Eontz (haute. • .
Mairie . .
Mairie. . •
Moulin.. .
Village...
Kglûe iodée.
Mairie. . «
$31. Lieu nommé Pf^eis on Wh ao i3* li^
clc. BertboUet , VI , 260.
Mairie. . .
Mais. isol.
Village.. .
Ferme. . .
Mairie. . .
Église... .
Mairie . . .
Mairie. ..
$9-
<
La s7llab4il7oiM, Konte, cst^xpliqnée*
dinairement par jonction^ confluent.
Ces villages sont en effet voisins delajo
tion d'un petit ruisseau avec la Moselle.
ruisseau fait mouvoir deux moulins dép
dams de Haute-Kontz.
D^S ANTIQUAinES DE FRANCE.
455
O'ORBIIB
des
mairies.
17
18
19
420
2t
22
MAIRIES,
arec kis Tillages ^
hameaux,écart8,etc.,
qui en dépendent.
119 Mondorff.
120 Altwisse..
O
en
e!!
NOTES ÉTYMOLOGIQUES.
lai OcnUauge
Mairie,ba->
meau. . .
Hamean. .
t .. !
Mairie,. ..^
12a Entrange
133 Ottan^i^e
ia4 Tétange (hant).
135 Npndleil
126 Rochonvillefrs..
Î127 Puttelaoge - lès-
Rodenack. *. .
laS àasensprnng. .
129 La Kiqùeray...
Village.. .
Mairie. ..
Usine ....
Village...
Village. . .
Maifie. . .
Ferme. . .
Ferme. . ./
i3o Botirg. . .
i3i Haling..
i32 Himiing,
i33 Rentgen(bas8e)
i54 Rentgen (haute).
i35 Dodenhoven.. .
i36 Preische
Ferme. . .
Hameau..
Hameau. .
Mairie . . .
Village. . .
Village. . .
Hameau .
137 Rodemack,
Mairie, châ-j
$ 10.
§21. Littéral, vieux pré. •
§ W. Cité , dans une charte de 1 167 ainsi :
Eeciesia de Oihingbs. (Hist. de Metz , III ,
Preuves , 1 21.) En 1 186, Eeciesia de Otthe»
gbS {Ibid,, 1^2),
§8\
§ 8*. Ot, otln , bord. Bull.; 1, 3 19 ; III, 325.
$7.
5 3. Rock, roc.
Put , fosse , profondeur. BuUet, III, 224.
Littéralement , trace de lièvre.
En patois du pays, Bellevue. Ce nom est
tiré de là position de cette ferme sur un lieu
*éUvé.
§ 4.
§ 8"'.
La syllabe gueun ou gcn, en celtique, veut
dire marais (Bullet, I, 126).
Rentgen , Sotifftgen, Retgen , noms alle-
mands de Ronny, tirent leor terminaison
des parties humides que contiennent leurs
territoires. Foyez Tarticle Guentraoge.
5 9 et 34.
5 ^9- ■
Nous avons donné des détails snr la ter-
miuaiào n Machereny §11. Que dire de la syl-
labe initiale Rod? Soit que le reste du nomi
veuille dire limites, ou , § ii , murailles ,
Rod j Rode, s'applique, en allemand, à la
cnlture ; Rodeiand , terre desséchée ; Rod »
Rode viendraient-ils de i{0f A, rouge, limites
rouges , murailles rouges f 11 est une autre
étymologie celtique. jRorf veut dire chemin^
route. RodemacJL est situé k une petite dis-
tance du chemin romain de Metz à Trêves i
ainsi son nom a pu être expliqué par limites
de la route. Bullet, IIl, dio.
56
1IKM0IKE8 DE LA SOGIÉli ROYALE
d'obdrb
des .
enalriesl
MAIRIES ,
arec lei TÎllagei ,
liameaiix,écaitB,etc« ,
qui en dépendent.
i38 Eyaîng. . .
aa^M.^iSg Simming.
i4o Fanlbach.
!23
a4
^S
; 4i RoiiMy-le-Village.
i4a RoQisy-le-Boarg.
145 Sentzich.
i44 Souflftgen,
25 /i45 Vogelsang.
i46 Bockenhoffy on la
cente de Bock.
147 Volmerange-lès-
Oeutrange. .
NOTES ÉTYMOLOaiQUSS.
Hameau. •
Hameau. .
Hameauf
Maine • • •
Village...
Mairie.. .
Mairie. ..
Ferme . . .
Ferme.* .{
Mairie.* .
5 8"'.
$ 95. littéralement y miasean Jent.
An 1 3* fiécle on disait Rochy. (Berth., TI
PreuTef) IV). Roeh^ pierre, rocher , terrait
pierreux. Ce nom conTÎent an territoire de
nousay, qui est abondant en moelons, à dm
faible profondeur. (Bnllet, III, 33o; I,
181, etc.)
§ 3o. Bnllet ezpliqae ^iiaey par : an
d'une rivière ; San^ près , ce, rÎTière. I, 260.
Gela conTÎent à Sentzich, qui est près de h
Moselle. Les mots Saney (roman) et Senizuk
(teuton) sont identiques.
On trouve la syllabe »ofl , sou/, zoul, po«
paille > chanvre. (Bullet, III, 363, 369, etc.)
Cela convient à Soufftgen, dont les maisou
sont presque toutes couvertes en paille.
Gueun ou Gen , marécage*
§ 9. Boek^ nom d'une famille qniaéti
propriétaire.
$ 8 et 54* yolmar^ nom propre.
CANTON DÉ METZERVISSE.
\
i48 Aboncourt
Mairie, i
§ 1 et 34- Aboncourt , village sur un mis*
seau. Aben^ rivière , ruisseau ; eouri, habita-
tion. (Bullet, I, 145, a43.)
Ce village est sur la Canner.
Ferme. . . S 8. iVeit, Edel, nouvelle habitation noble.
i Bertrange (Luzeniib. j, à nue conrbure de
Mairie.. .{ rivière. Ber^ courbure; fer, rivière ;a»^i
près. Bullet, I, a85.— $ 8 et 34.
Village.,.! S 8 et 54.
^ DM ANTIQDAnES DE FKAMCE. 4^7
!i'
MAIRIES,
g
,.™,
avec les villages,
bameaui, écarts, etc.,
i
NOTES ÉTYMOLOGIQUES.
p..lri«i.
qui CD dépeodenl.
-s
3
iSi Bettlainille. . .
153 Alttt*.
Haiiie . . .
Vill.g....
S 3. Il y a no village Dammé Belbelaio-
tUle, dans l'ancien éTfichè de Verdun.
Dam un titre de io4i (Hirt. de Verdun,
Freuveg, 8), son nom latin egt BeUlani
AU dorf. Tteui Tillag«.
'54M">=T
Villuge...
Foir, S6;Man.io.
iSSBoaiM
Haine. . .
S>o.
4
i56BlGRi>>g«
S8.
,S7Undre™ge...
Hameau..
S 8.
5
.58BQdlng.
Htiiù...
8 8"'. Ce nom e«t idenliqne avec celui
defl«iaBg«.-
ifigEUiug.'.
HanieaD..
S 8"'. Identique avec le nom de Eltango.
iGoBndliDg
Mairie...
S 8-.
KBl-rtpTBb,
S. 4 et .9.
6
i6ï Basbich
Ferme...
S ïo et ï5.
i63 Hellîng
Hameaa..
S 8™.
iG4 Veckriag
ViUi«e...
S 8-.'
.65 Dùtroff.
Hkirie. . .
%9. Nommé, au i4* Mdt, DUKeitroff.
(Berth..Vll, 118.)
7
i66 KQntiich
Village...
Clemancï (pay. de Luiemb.) s'appeUe en
aUemand «««(lîgA. (Betth., VI, idi.)
i6? Stack»iige
ViUage...
8 8.
8
i68EU.i.ge
Uaitie...
S 8. Identique avec le nom d'EUing.
ifig Valmeatioff., ..
Village...
S9-
.;oG„fau,»ge[h.ute)
Mairie....
S 8. CM«n, matai., plaine humide.
{BtdIel.I, 136.J
9 ■
:7iGuéi..ngB(b.MeJ
Hameau. .
5 8. Cité dana une charte de 1 186 : Ee-
etaia é» Gniuxei). ( Hist. de Me», 111 ,
Pteaves , iji-)
'"■
.75Hain(b«.e)...
Miiiie. ..
S S-1 Nom appeUatir d'babitolion , devenue
174 Hamth.ule)...
Village,..
55.) propre à ce lieu.
MÉMOIRES DE LA SOCJÈti ROYALE
N*
ORDRB
des
laiiies.
2
3
8
10
MAIRIES,
' avec lef ▼lllaget»
Iiameaaz,écarts,etc.,
qui en dépendent.
my Hlknting. •..,..
àl8 Kincfa»-ld9^erck. .
^219 Apach
aao Einclinaamen .
i2ai Obemanmen. . .
o
{'aa9
a3o
a3i
aaa Neum&hl..^.. .
aaS Bouzenacker. • •
|aa4 Tockfeld on
Tockenhoif. .
aa5 £?endoffff.
aa6' Lannstroff
aa7 Flatten
aa8 Ritiîng
aag Laumeifeld. • . .
Kalembourg . . .
Hargarten
a3a BfenchweiUer. .
Kitzing
Belmacker. . . .-.
Naadorff
a36 Montenach . . . .
a37 Kaltweiller. ...
a38 Sulzem
NOTES ÉTY1M0LO6IQUES.
a39 Reimeling.
Mttrie ...
Village...
Mairie • . .
Hameau. •
lAoalin dé-
trait en 1818.
Ferme . . .
Ferme . . .
Village...
Mairie . . .
Hameau. •
Village...
Mairie . . .
Hameau..
Hameau^ .
Mairie . . •
Hameau. .
Hameau..
Ferme . . .
Village...
Hameau. .
Moulin. . .
Mairie ...
240 Rettel.
Mairie . • .
Hundy chien.
$ 95. Dans lea enTirons, on dît Opatk,
S «7-
Littéralement : moolin neuf. § a8.
Nom de la famille Tock qui a constui
cette ferme » et à qui elle appartient eocor(
Foyez Etrange , canton de Gattenom.
Foir 5 3i.
C'eêlle Rieeiaeum de la table ThéodosieoiK
Foir § a3et3i.
Foir 5 4.
Foir 5 aa.
Foir 5 i3.
5 8"*.
Foir § 24.
Foir 5 10.
Il est très-probable , comme la tradit^
le porte , que ce village ^ situé entre bidl
côtes assez élevées , tire son nom du \i^
Montes Oeto, (Note de M. Bettioger.)
Habitation froide.
5 5'».
Identique avec Reimelange , RelmddoA
Rcj redy rivière; «a/, te/, penchant (J
colline. Bullet, I, 61. — Cet article, deM
ville deBethel (Ardennes), confient tont
à-fait à la position du village de Betteli
qui est "placé près de la MoseOe, sur le pe»
chant d un coteau. — J'adopte plotôtcclli
étymologie que celle donnée par Ballet (I
268) pour un Rettel qui paraît être le nôtre
« Bettel , à l'embouchure d'une petite n
« vière dans la Moselle. Ro^ deux ; te/f ^
« composition tele, rivière. •
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE.
4<
Ps
lll'ordre
'■ ee«
Iniries.
MAIRIES,
arec les villages ,
haineaax,écart8,etc.,
qui en dépendent.
. 341 Konigsberg. . . .
10 bis)
(42 Bestroff^
NOTES ÉTYMOLOjGIQUÊS.
34? Sierck
11
a44 Rnstroff.
|a45 Rttdllng
[246 Marlenflos
[347 YaleLhausen...
-348 L'Âlteschtttz...
.249 Schleifmttfail.....
12 i35o Tanting
Ferme . . , KOnîg , Roi , Berg^ Mont.
Ruines d'ane
ièrme.
YiUe.chft.
teaufort.'
i
Mensberg
35a Valweistroff. . . .
a53 Flastroff.
a
(2Si Waldwîse.....
a55 Betting
356 GoDgelfang. . . .
{357 Hentingerhoff
bu Henting. . •
.358 Lohmùhl. ...•.
Village... î
Hameau. .
Moalin. . .
Monlin et
huilerie .
Moulin isolé./
Moulin. . .
Mairie . . .
Ane. chftt.
Mairie....
Village...
Mairie . • .
Hameau. «/
Hameau. .
Fermé . . .
Moulin...
« Syrck, à l'embouchure d'une rivièr<
« dans la Moselle. Chireh , décharge, irrup
« tion,embouchure.Bullet, 1 , 370 ; II , 4a3.i
Sierck est situé à l'embouchure du misseai
de Montenach, dans la Moselle ; ce ruisseai
est impétueux lors des crues.
Autrefois Rûckesdor£^ — M. Bettinger
curé de Val^reistroff, traduit ]^9i RosavUia.
S 8'". '
Littér. : missean de Marie.— iUarûp Rivtis,
Cette maison serrait è l'exercice du tir.
Son nom ISchÛtze l'indique.
Littér. : moulin à aiguiser , à polir.
§ 6. Mansio.
Littér. : habitation du pré de la forêt.
5 10-
Forêt , prairie ; pré de la forêt.
§ 8'". Bullet , 1 , 246 , 386. — Identique
avec Bettange.
5 8".
59.
S a8.
462
MéllOIRES DE LA BQ€ïtTk EOTALE
MAIRIES ,
avec les TîUages ,
hameaux, écart8,etc.>
qni en dépendent.
o
5
tn
"ta
Q
NOTES ÉTYMOLOGIQUES.
CANTON DE THIONVILLE.
I
a59 Fameok,
s6o Bdange
[261 Bndange-- sous-
Jiûtemont. . . .
(Cité dans une charte de 11S7, ainsi
Eectetta de Foti^aeres, (Hist. de Hetz.—II
Mairie
Hameau..
Village . . .
[a6a Morlange.'.
263 Bàftse-Remelange • .
264 Kante-Remelange» •
Preuves, 121.) — Dans une autre de 11S6
Eeclesia de Faumàcres^^ÇIbid. 1 43.)
$8».
265 Flonnge
266 Bettange.
267 Magdebourg ou
la Censé Richard f
Hameau. .
Hameau. .
Mairie
$ 8*. Identique avec Budisg.
$ S\CapèliadeMorlttng0s.'^CÀtéAiiiiVi
arte de iiST '"• -
preuves, i4& )
Village . . \ chîéirte de' 1 1 88. — ( Histl de Mets. - U
irie . . . {
Château et
ferme...
268 Ebange.,
269 Daspich,
$ 8*. Ident. avec Reimeling^ Reimeldorft
Flourm^ prairie. Bullet,l, 297; II,5Si,l
mot Florennes. — On a écrit Florehangti
Fioihenges, Flerenges.
270 Gandrange
271 Le Moulin neuf.
5 8*.
Ferme. . . En ail. Magd^ fille.
vmage...-j iii^ Preuves, 191.)
§8.
Hameau..
Mairie • • •
Laminoirs
279 Boussange {Hameau. .
273 Amné ville.
274 Hayange
Hameau
■■I
5
(275
I276
Manom
La Maison rouge
§ 8 et
Jmen^ rivière ; wi7, habitation. BaU«t»
243 , au mot Aménoncffurt,
( Heyngen ( en Belgique ) , à une coorb^
irie .. . | de rivière. — ^m, en composition tin,i
' vière ; §en, courbure. BuUet, 1, 3o3.
Mairie
Mairie . . .
Petit ham.
§ S. Man, homme.
s
DES ANTIQUAIBES DE FRANCE.
46
i>
d'okdrb
des
mairies.
MAIRIES,
avec les ylllages ,
liameaux,écarts,etc.,
qui en dépendent.
5 bis,
1
8
t
3^^ Schamboarg ou la
Censé de Gand
I
278 Lagrange.
279 Marspich
280 Lérange .......
281 Konacker
^282 Moyeurre-grande. . .
283 Froidcul
284 Tréhemont. ...
a85 Moyeavre-petite
286 Gorbas ...*«...
287 La FrapoQÎlle..
288 Ranguevaux.
289 Censé Moraux (la)..
290 Longecôte .....
291 Bellevae
292 Richemont. . . .
295 Beyange«Haate.
294 Bévangc-Basse..
te;
O
<
tu
cr>
-H
A
NOTES ÉTYMOLOGIQUES.
Fermie . . .
Faubourg de >
Tlùonville.. J
Mairie . . .
Ferme . . .
Ferme . . .
Mairie . . .
Ferme . . .
Ferme . . .
Village.. .
Ferme . . .
Moulin.
f
'\
Mairie . .
\295 Pépinville,
Ferme . . .
Ferme . . .
Ferme . . .
Mairie . . .
Hameau. .
Hameau. .
Ferme et
château..
I
5 4-
Autrefois Scheuren et Scura. Bejfth. VII J
a56,
S 8.
S 53. '
S 14.
§33.
S I- Cory habitation.
Frapouiite, mot messin , qui signifie chif-
fon à faire du papier.
Dans un titre de 1329, ce nom est écrit
Ranconuaulz. Ce titre parle des forges qui
y existaient alors. Le nom du Jieu vient de
l'objet de Ja fabrication. Rançon, arme an-
cienne, sorte de hallebarde. Rabelais en
parle plusieurs fois. « Aiguisaient piques ,
vouges , rançons. ( Prologue du Jiv. III. )
Droits croches , comme rançons ou rive-
reaux. (Liv. 5,chap. 16.) Rab. 1732, T. V,
80.
Nom tiré de la position.
Nom tiré de sa position.
S i4* Hfom tiré du coteau de Bevange.
Richemont a porté le nom d'OrneUe ; au
i* siècle , on écrivait liechiefmont. ( Obs.
secrètes de Ferry, XIV, 45,8o.)
S 8.
S 8
S 2 et 34. Pipini rUla.
J4
m£hOIKES de la SOCIETE ROYALE
N»
MAIRIES,
•
ta
0
•a
'ORJDaB
avec les villages,
5
NOTES ÉTYMOLOGIQUES.
des
haineaaz,écart8,etc.,
C9
lairtea
qui en dépendent.
(296 Fronholti
( 397 M ondelange . . .
Tailerie. .
$ 18. Frommf hoU, forêt sainte.
Village...
S 8.
10 .
998 Rosselange ....
399 Jamaille
Mairie . . .
Laminoirs
•
S 8'.
1 3oo Schrémange. . .
(3oi Siuange
Mairie . . .
S 8'.
Hameau. .
S 8'.
/5oa ThionviUe
Ville
S 3 et 34.
12
3o5 6aeDtrang9-BK86e. .
5o4. Ooentrange-Hante..
|3o5 La Briqaerie. .
386 Saint-François.
3o7 La Malgrange..
13o8 Sainte- Anne. • .
309 Saint-Pierre. ..
3 10 Beaoregard....
ViUage...
Village...
Faabonrg de
la Tille....
Faabonrg de
3i 1 Gassion .
l
3ia Ghandeboarg » .
3i3 Mariendhal on
Vorenhoff...
13
f3i4 Uckange.
f
I I
3t5 Bouck.
S 8. Guéun , marais. BuUet, 1 , 56, i36.b|
plaine, entre Thionville et Gaentrange,«t|
humide et marécageuse. De là vient le dos]
de la ville de Guineg (Pas-de-Galaisj.
S 8. ,
Nom tiré d'une usine qui n'existe
Nom venant d'une chapelle près de l'ao-
la""v2fe.T!i cien cimetière de la ville : elle existeencort.|
Faubourg de
^ta Tf)le...
Petit ham.
Ancienne chapelle.
Nom tiré de la position entre la Moselle|
les coteaux de Guentrange.
/ L'ancien nom est Neorbourg. GisâoDti
u, I depuis maréchal de France, y a eu son qaH
renne...< tier-général en i643, pendint le siégede
{ ThionviUe.
l^ommé Schudburgh « dans une épitaphe
Maiion isolée
Faabonrg def
U ville. ..| et
f Nommé Scbudburgn » dans une epnapocj
Ferme. . .1 de 1576^ qui se trouve dans la chapelle de
1^ Preische.
[ VaUée de Marie on des Vierges. Ce noo
« I vient de ce que ce bien appartenait m
Ferme ..,< ^^^^^ ^^ Marienthal, de Trêves. L'aD«jai|
( nom était Vorenhoff.
Mairie ... |
Ferme . . .
S 8. ia36. Udekange. (Hist. de Met»,
III. Preuves, 191.)
DBS ANTIQUAIRES DE FRANGE.
465
des
Bai ries.
IIAIRIES,
avec les yillages ,
hameaux,écarts,etc.,
qui en dépendent.
I
o
V»
NOTES ÉTYMOLOGIQUES.
3 16 yeymeraDge. . .
»^{3i7 Tcmlle
'3i8 Elange . . |Hameau. . % S.
i5
16
S 8 et 54* Dans une charte de l'empereur
I Othon 9 en date du 1 1 mai 977, ce lieu est
Mairie . .. J nommé FFimiringas ( Hist. de Metz, III.
j Preuves « 83) ; et dans une autre de 9g3,
^ fTimeringes, {Ibid. P. 85.)
\ S a et 34. Theodarici FUla.— Un Theude-
Yillage. . • i rie a été l'un des généraux de Gharlemagne
( (Eginhart.)
^3lQ Le MoQlin-Ronge
3ao Vitry.
|5al BeuTange-sous-
Jnstemont • . •
3a9 Justement.
3a3 Glouange*.
3a4 l'A Rosch.
'3a5 Volkrange.
'326 Metzange..
Moulin. . .
1236. Parrochia de Fiterey, Molendina de
. Vtteriaeo. (Hist. de Metz, îll. Preuy.,191.)
Mairie . ; . ^ — Durival (III , 44o) dit , je ne sais sur quel
fondement , que l'ancien nom de ce village
est Fàllange»
Village. . . ( ia36. Territorium de Buivenges, (Hist. de
I
Metz, III. Preuves, 191.)
Fermcraineal Jastus Motu, Justimons, iao6. ( Hist. de
d'ai>i)aje..i Metz, III. Preuves, 169.)
Village. ..
337 Benvange-sons -
Çàint-Michel.
5a8 Saint-Michel...
329 Yntz-Basse ....
330 Macquenom.. .
^33i Yntz-Haute....
33» LaN*nyell«-Yutz..
i33 Helpert (le).. . .
Moulin. . .
Mairie . • .
Hameau. •
Hameau. .
Henni ta ge en
raine., ...
Mairie . . .
Village. . .
Village dé-
trait eo 1816.
Nonvean vil-
lage
Ferme • . .
S 8.
S 8'. Vient du nom d'homme Fuleran.
S 8'.
S 8'.
Hermitage sons l'invocation de saint Michel.
, Au .8* siècle , connu sous le nom do Judi-
cium,
S 5".
466 UÉHOIRES DE LÀ SOCIÉTÉ ROYALE
RIYIËRES ET PRINCIPAUX RUISSEAUX.
Bibiche ouBibesche^ ruisseau. — F'oir Télymo-
logie présumée du village de Bibiche.
Canner ( la }.
Can, tortueux. BuUet, H, 262.
Cette syllabe est la racine de Sequanaj le mot
canaly qui est en usage dans plusieurs langues ; en
vient également
La Gauche 9 les noms latins de la Seine {Sequanaj
César; Secana^ moyen âge) ont la même origine.
Conroy ( le ), ruisseau.
Bullet explique le niDm de lieu Gonroyt ainsi : au
bord d'une riyièfe, Corn, habitation; t^t, riyiète,
1,351.
Fenseh (la).
Celte petite rivière vient du village de Fontois ,
arrondissement de Briey, dont le nom allemand est
Fenseh. La maison noble de Fontois ou Pensch était
connue au douzième siècle. — ^ Galmet, Notice, I,
si^plémeatf 1^0. Berthollel, Histoire de Luœem-
bourg, VI, 261. I
Kisel (la ) , ruisseau.
La teronnaisoti e/, quelquefois oiseuse , est aussi
employée pour indiquer te diminutif.
Moselle (la).
SïoSy fertile, abondante; e/, terminaison 4)iseuse.
BuUet, I, 242.
DBS ANTIQUAIRES DE FRANCE. 4^7
Nied(la).
€c Le Nied est fort tortueux , dit BuUet. L 2^2 ;
a niddu, tordre, rendre tortnetïx. »
Le nom de la Nied paraît avoir une origine com-
mune avec la Nèthe .
La syllabe Tî^fj me,qm veut dire putt,tï'ù Convient
ni à la Nied ni aux dev^ Nèlhes; ces rivières ne sont
pas remarquables par leur limpidité; elles coulent sur
dés fomds terreuiJt du vaseux.
Oî^ne(F).
BuUët explique ainsi l'étymologie du nom de lieu
Orné : « à uiié courbure de rivière. Or, rivière, neu,
na, tàMfé, tottuùsité. «
En appliquant cette iàterprétation à une rivière ,
oh a : rwière tortueuse ; ûe qui convient fort bien à
Ici petite rivière d^Orne , qui tombe dans ïa Moselle,
près'dé Richemont.
FORÊTS.
CalenHoven (la).
L'éfymologie du mot Calenhoven paraît facile à
trouver ; cette vaste forêt est traversée par la route
rotiaaitie de Metz à Trêve , qui passait par Garanùsca
et Rtcciàcum; caïUsy dans la basse latinité, voulait
dite chaussée (Ducange, Glossar.^JS.^ 62).Hoi^a,
/to3â ^ habitation , domaine. Ainsi Calenhoven doit
s'interpréter par habitations situées sur la grande
route. Les fermes répandues dans toute Tétenduè de
ïaL forêt portaient cette désignation collective qui a
fini par s'appliquer à la forêt elle-^mêmâu Le' mot 'Ka-
lembourg veut dire village delà grande route.
Schirmerter ( forêt de ) . 5o *
4G8 HEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
DIVERTISSEMENS POPULAIRES
A NAMUR,
Par M. BoRUf y secrétaire de la Société Royale des Antiquaires
de France*
Un écrivain (i) qui savait bien observer, a cité,
comme une chose cligne de remarque, que l'habitant
du département de la France, situé le plus au nord>
est, malgré son naturel flegmatique et son carac-
tère réservé , fortement porté aux divertissemens ;
«on dirait même, ajoute- t-il, que la nature pré-
ce cautiouneuse le pousse plus particulièrement vers
«ceux qui donnent le plus d'exercice au corps,
« comme pour contre-balancer sa tendance naturelle
« au repos. » Cette observation, déjà si vraie pour
le nord de la France, Test, à plus forte raison, bien
plus pour les provinces belgiques, où Tarbalète,
Tare, la balle, la crosse,. sont des jeux familiers
à la jeunesse comme à Fâge mur ; et ce ne sont pas
les seuls, ainsi que va le prouver la BOticç suivante,
Fun des fruits de mes momens de loisir durant un
séjour de quelques semaines que fai fait dans la
province de Namur en 1)817.
La jeunesse de Namur avait autreifois quatre espèces
de jeux qui lui étaient particuliers : les joutes sur
(1) Dieudonné,dans la statistique du département du Mord.
Douai, 3 Tol. in-8*, i8o3.
DES ANTIQUAIRES DE FBANGE. 4^9
VeaUj le jeu de t anguille , le combat des é chasses
et la danse des sept Machabées.
Les joutes sur Teau et le jeu de Fanguille sont
connus en France; dans plusieurs villes on les a
vus jBgurer de nos jours, au nombre des divertis-
semens-spectacles qui sont donnés au peuple, lors
des solennités publiques.
Il Q^en est pas de même du combat des échasses
ni de la danse des sept Machabées; ces jeux me
paraissent être particuliers à la ville de Namur.
Je donne pour autorité de ce que je vais en dire
à la société , les relations d'un historien contempo-
rain (i), les descriptions d'un poète du pays (2) dont
j'emprunterai parfois le texte, des pièces qui m^ont
été communiquées des archives de la ville, et enfin
les récits que m'en ont fait des habitans qui ont
été ou acteurs ou témoins oculaires de quelques-uns
dç ces combats.
COMBAT DES ÉCHASSES A NAMUR.
Le dictionnaire dé l'Académie définit les échasses :
deux longs bâtons à chacun desquels il y a une
espèce détrier attaché ou unfourckon du bois même
dans lequel on met les piedsy soit pour marcher
(1) Histoire générale y ecclésiastique et ciifils de la if Me et
province de Namur, par M. Caillot, avocat. Liège, 1778.
6 vol. in-iâ.
(3) Poème épique, en quatre chants ^ de 7^9 vers sur ud
de ces combats, inséré dans l'ouvrage de GaîUot, d'une
yersification faible, mais qui a cela de piquant pour les Namu-
rois 5 qu'il cite par leur nom les principaux acteurs de ce
combat qui parait avoir été très-chaud.
V
470 MÉMOIB^S DE ^ SOCIÉTÉ ROYALE
(ffifis les marais y comme font les pauses dans le
Poitou et autres Ueiiopj ^oit, pourrait-on ajouter^pour
tray^c^er ^vec qt^pipsde p^ine des sables mobiles ,
coix^ne je ^'ai yu praUquer dans les Landes de
B^ypfUjtje ^\ de Bordjeaux; soit enfin pour paraître
pfn^ ff^fff^f ^^ rf/Ve/'^/V fe peuple y comme font les
bateleurs.
G^ n'est guère que par divertissement que l'on
se 9firt de ces jambes arti^cieiles dans les pro-
vinci^s de France autres que celles que je viens de
citer i et encore np les avait-on vues qu'entre les
malins des enfans^ avant crue Fauteur des Hahitans
des Lande^ s'avisât de les faire monter sur la scène
dans sa ^ièce divertissante. Toutefois, comme il
n'y a rien de nouveau sous le soleil^ sa plaisante
invention n'est elle-même que du renouvelé des
Grecs et des Romains qui avaient sur leurs
théâtres leurs Grallœ, mot que Jules-César Bu-
lenger (i) définit des perches de bois qui sont mues
par la force de l'homme, perticœ ligneœ auoe cd?
bouiinis \^i agita^tur, d'où sont venus les Cab-
bairarii , les Grallatores , espèces de pantomimes
qui, pour imiter dans leurs danses celles d'hommes
nus aipf pieds légers de chèvres que les myto-
logues pffïpn^ gppelai^pt ^gipanas, s'avançaient
sur des potences de bois, ayant de petites fourches
sur lesquelles ils se tenaient debout comme sur un
(i) JuUi Cœ&aris Bulengeri juliodunensis de theatro ludis-
que Scenicis. Lihri duo y editio prima j; i6o3^ in- 12.
DES ANTIQUAlREâ DE FRANCE. 4?^
prolongement des jambes , adjeclis perticisfutculas
habentibus y atqiie in his supersianies ad similitudi"
nem crurum ejus geheris gradiebantur» v
Ce n'est pas même des échassiers des Greîis
ni des Romains que je vais parler ; Tauteur que j'ai
cité nous en a laissé ma chapitre intéressant en son
livre 1®' de TheatrOy cap. xxxii, de Grallatoribus ;
il n'est qi^estion quç des échassiers de Natnup.
Quand i]( s'agit de donner un combat d'échassçs
à ifîamqr , ce qui jq'a guère lieu que lorsqu'on veut
fêter quelque souverain , quelque grand personnage ;
les jeunes, gens se divisent en deux partis. L'un ,
sous Ip non[i de Melan, est composé de ceux qui
sont nés dans l'anciennç ville, c'est-à-dire dans
l'enceinte, sous la luiontagne, telle qu'elle a été
poussée en 1064, sous le règne du comte Al-
bert II; et Vautre, sou^s le nooi non moins antiquq
d'^i^resse, cofïitprend tous ceux qui sont nés dans la
nouvelle ville, c'est-à-dire entre cette prenaière en-
ceinte, et celle qui a été faite en 14^4 > ^ous le règne
du comte Guillaume IL Chaque parti a son capitaine
et son Alfery et est distingué par les couleurs de
la cocarde : les Mélans les portent jaune et noir
(couleur de la ville), et les Avresses rouge et blanc*
Le corps entier se compose ordinairement de
i5 à 1600 combattans divisés par brigades, sous
des uniformes variés, lestes et briHans; chaque
brigade a ses officiers , ses tambours , ses fifres.
La hauteur des échasses est au moins de 1 mètre
ly]% MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
3o millimètres > ce qui donne un grand intérêt au
coup d'œil.
« Sur des bâtons ferrés des hommes yigoureux
c Surpassent les géans des siècles fabuleux. »
Le champ de bataille est ordinairement la grande
place au centre de la ville j c'est là que, Theure
du combat venue, on voit arriver les brigades
les unes après les autres; celles des Mélans, par
une des extrémités, celles des Avresses par l'autre. On
commence par une parade. Lorsqu'elle est finie, les
drapeaux des deux partis sont étalés aux fenêtres
de rhôtel de ville , pour y être alternativement agités
en Tair durant l'action , suivant que le parti auquel
ils appartiennent gagne du terrain; puis on se forme
en bataille, dans un ordre très-exact. Le capitaine de
chaque parti distribue dans les lignes moitié des plus
forts conîbattans pour soutenir le premier choc , et
forme, de l'autre moitié, un corps de réserve des-
tiné a envoyer des secours sur les points qui viennent
à faiblir durant l'action.
*
Ces deux petites armées ainsi rangées, et que
les chefs ne manquent jamais de haranguer, s'a-
vancent gaiement l'une coutre l'autre, au bruit
des timbales , des trompettes et autres instruniens de
guerre , bien serrés et allignés , jusqu'au milieu de
la place, vis-à-vis l'hôtel de ville , point marqué pour
commencer le combat.
w.^ ,
DES ANTIQUAin£S DE FRANCE. 47^
« Çt.... les voilà l'uae à l'autre en présence,
c Ainsi qu'en un combat de deux coqs vigoureux ^
« On les voit quelque temps s'examiner tous deux,
« Et tous deux, se flattant d'une prochaîne gloire ,
« Avant de s'éprouver ils chantent la victoire.
« De même voyait-on VAt^resse et le Milan
« Se donner l'un à l'autre un regard méprisant,
ff Et chacun d'eux croyant bientôt se faire voie,
« L'air retentit partout de communs cris de joie. »
Cependant l'action s'engage , les combattans n'ont
pour armés que leurs coudes et les coups qu'ils
se donnent échasse contre échasse, pour enlever
et renverser leurs adversaires; mais ils sont si adroits
à cet exercice et si fermes sur leurs quilles , qu'on
les voit s'élancer, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre,
se pencher et se relever dans le même instant. Quand
ils marchent au combat, ils ne manquent jamais
d'avoir à leur suite nne autre troupe d'auxiliaires
à pied ; ce sont les pères , les mères , les sœurs ,
les épouses ou autres proches parens qui, durant
l'action, les animent et se tiennent derrière eux à
pied, pour leur prêter la main de crainte qu'ils
ne se blessent en tombant sur^ le pavé. C'est un spec-
table divertissant de voir, detrrière ces géans, des
filles et des femmes se trémousser, gesticuler , criant
toutes à la fois pour animer leurs amans, leurs maris,
leur distribuant des liqueurs pour réparer leurs
forces, des quartiers d^orange, descitrons^ des prunes
pour les rafraîchir, les aidant à remonter sur leurs
échasses lorsqu'ils ont été désarçonnés , et les exci-
474 MÉAfOIEES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
tant à retourner au combat> à y bien faire leur de-
voir^ pour l'bopneur du parti.
« ...... Dans un de ces combats 9
« Un malheureux A vresse
« Venait d'être accablé d'un coup rude et sensible :
« Pour mettre en liberté la douleur qu'il ressent^
« A peine sur un pied s'était tiré du rang ,
« Quand un de ses amis , qui n'ayait point d'échasse ,
« S'offrit tout aussitôt de combattre en sa place.
« 11 lui demande les siennes
« Sans peine àjes donner il aurait consenti
« Si sa femme ^ attirée au bruit de sa disgrâce,
« N'eût fait pour l'arrêter cette étrange menace :
« Sais-tu bien^ malheureux ^ que par cette action
<c Tu vas perdre à jamais ta réputation ?
« Songes-tu que partout on dira dans la Tille
TT Que sous, un front guerrier tu porte un cœur de fille.
« Mais que dis-je? une fille. Ah! s'il m'était permis
« D'éprouyer ma yaleur contre nos ennemis 9
« Je saurais jusqu'au bout soutenir mon audace.
i Apprendsdonc, grand guerricr^que^ pour quitter VEchasse,
« Il faut avoir au moins quelque membre brisé,
« Alors avec raison tu seras excusé.
« C'est en vain à mes yeux que tu fais la grimace;
« Si tu ne soutiens mieux la gloire de ta race,
« Jq saurai tout permettre à mon ressentioieat,
« Je prêterai l'oreille au^ douceurs d'un amant;
« Et, de ta lâcheté me vengeant sur ta tête,
« Pour te désespérer je serai toujours prête.
« Ne dis pas que trop las tu ne te soutiens plus,
c( Tu ne saurais jamais m'abuser là-dessus,
tt Je connais ta vigueur. Va donc par ton courage
« Prévenir à l'instant un si sensible outrage ;
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. ^jS
*i Songe avec tes amis à revenir vainqueur,
V £t puis nous saurons bien adoucir ta douleur. »
Uaeharnement avqc lequel on voit les deux partis
marcher Tun contre l'autre n'a d'égal que Fagilité ,
l'adresse et la force que les combattans déploient.
C'est encore le poète qui va nous en donner une
idée.
« Le vigoureu^; Blélan et le vaillant Avresse ,
« Savans dans le métier, et d'une égale adresse ,
« Épuisent tour à tour tous les secrets de l'art :
« Tout est mis en usage et d'une et d'autre part;
« Chacun d'eux, mais en vain, cherche son avantage;
« C'est partout même force et semblable courage.
« Déjà plus de vingt fois chacun d'eux repoussé
« ^*ps\ vu, ^ur une écbasse, à demi renversé;
« Quelquefois emporté d'une rude secousse,
« Quelquefois, à son tour, il epfonce et repousse (i).
(i) On pourrait citer bien d'autres passages qui tous prou-
vent combien ces combats ont toujours été aniniés ; celui, par
exemple, où il est question d'un d^3 chanipioqs célébrés par
le poète :
Timozet sijg.aale api^ coiffage :
Malgré trois trous s^n^lao? qu'on yoii; dpssu^ sa 0U »
Dans de nouveaux dangers sa f^r^vpufe l'arrê^p.
Enfin, pfeins de fureurs^ animés par la rage,
S'attaquant de concert.... A ce choc dangerepx^
Nos braves quelque teiops chancellent tons les deux;
Mais ce grand çppp, 8€ipl?^})Ie ^ çfilfti 4v tonnerre.
Malgré leur fermeté, le.ip f^it baiser 2^ ^rçe ;
Ils tombent Tiin et Taut^e » et ces guerriers puissans
Font tomber avoç eux Àvresses ef Mélans.
47^ UÉIIOIRIS DB lA SOCIÉTÉ ROYALE
On a vu de ces combats durer plus de deux heures
saus aucun avantage réel de part ni d'autre. Tantôt
les uns gagnent du terrain, tantôt les autres le
reprennent ; et les corps de réserve qui viennent
au secours, rétablissent souvent les aflFaires. Enfin,
lorsqu'un des deux partis commence à plier, l'autre
occupe le terrain , s'j range en bataille , fait agiter
son drapeau , et crie victoire. Gaillot rapporte que
le maréchal de Saxe, assistant en 174S à un de ces
combats d'échasses qui lui fut donné en divertisse-
ment, prit tant d'intérêt à ce jeu, qu'on le voyait,
de la fenêtre de Thôtél de ville où il était placé,
animer du geste et de la voix les combattans, et
Et ces deux autres passages beaucoup plus caractéristiqaes
encore :
L^-bas j'entends quelqu'un qni, se prenant au ciel.
Vomit contre lui seul sa colère et son 6el;
Les uns , à qui la honte a changé le Tisage ,
SuÎTent tous les transports d'une impuissante rage ;
Et j'en ai tu (l'un d'eux )« avec force enlevé ,
Qui mordait de dépit un innocent pavé.
D'autres, pour se venger du coup qui les menace ,
Avant de culbuter abandonnent Péchasse ,
'Et cherchant à céder, du moins avec honneur.
Sur la terre avec eux entraînent le yainqueur.
Cattalgnê
Exécute lé coup qu'il a prémédité.
Il se met vis-à-Tis 'd'un peloton d'Avresses;
Alors , loin d'employer sa force on son adresse ,
n se laisse tomber ; puis , ouvrant ses deux bras ,
Il renverse sous lui leurs plus vaillans soldats. »
htS ANTIQUAIRES 0E FRANCE. /J-^-j
faire signe d^envoyer du renfort dans les endroits
où il s'apercevait que l'un ou Tautre des deux
partis commençait à plier: il ajoute qu'on a en-
tendu le guerrier dire , après le combat , que si
deux armées étaient, au moment de s'entre-choquer,
animées au point qu'il avait vu cette jeunesse, ce
ne serait plus une bataille , mais une boucherie
affreuse.
On devine bien que ces combats attirent tou-
jours une grande foule de spectateurs de la ville
et des environs. Ces divertissemens étaient tellement
dans les habitudes et dans les mœurs des Namurois ,
qu'autrefois une des places du centre de la ville,
dite la place de Lîslou, était assignée aux jeunes
gens qui s'exerçaient les dimanches et fêtes par
de petits combats entre eux. Gaillot écrivait, en
1786, que, depuis que le magistrat leur avait dé-
fendu ces exercices ( sans doute à cause du danger
de s'estropier), ce jeu commençait à tomber. Le
dernier combat d'échasses qui ait eu lieu , date de
1814 ; il a été donné au prince d'Orange (depuis
roi des Pays-Bas ) sur la place Saint-Aubin. Quel-
ques années auparavant , il en avait été donné un
à Bonaparte. Les autres combats les plus remar-
quables, dont la tradition conserve le souvenir, sont
celui du mois de juillet 1718, en présence du czar
Pierre-le-Grand qui cependant parut y donner moins
d'attention qu'aux joutes sur l'eau , et celui qui eut
lieu en i52i en présence de Charles-Quint qui con-
firma alors les privilèges des échassiers. On croit
/
478 MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
que ce fut à cette époque qu'ils obtinrent celui de
brasser leur bière sans pajer de droits. Il parait
même que les échassiers faisaient corporation comme
les arbalétriers; car j'ai tu au registre général/ dans
les archives de la ville , la mention d'une demande
faite par deux compagnies d' échassiers ^ qu'il leur
fut permis d'aller à Bruxelles pour y assister à l'en-
trée solennelle de je ne sais quel prince ^ permis-
sion que le magistrat n'osa leur accorder.
DANSE DES SEPT MACHABÉES.
Cette danse était le quatrième jeu particulier à
la jeunesse de Namur^ et suivait ordinairement le
combat des échasses. J'en emprunte la description
à l'historien Gaiilot.
ce Sept jeunes hommes alertes, dispos et bien dé-
» couplés, représentant les sept frères Machabées,
?i formeilt entre eux une danse au son d'un tam-
» bour. Ils sont vêtus d'une simple chemise blanche
^ liée au bras avec des rubans rouges, ont culottes,
» bas, souliers et bonnets blancs, garnis de rubans
m de la même couleur ; ils portent de la main droite
3> une épée émoussée, et, tenant chacun de la gauche
» la pointe de celle de leur compagnon , sans jamais
» l'abandonner, ils font mille mouvemens et figures
» différentes par l'entrelacemeût de toutes ces épées,
M qui dénotent en même temps et la vigueur de leur
» tempérament et la souplesse et agilité de leur
M corps. » Je n'ai pu riien découvrir sur l'origine de
la danse des sept Machabées; ce qu'il y a de no-
DÈS ANTIQUAIRES DE FRANCE. . 479
loire dans le pays, c'est que ce jeu a eu lieu pour
la dernière fois en 1774? en présence de Tarchiduc
M aximilien ; qu'à cette époque, il était déjà tombé
en désuétude.
Quant au combat des échasses, pour quiconque n'a
pas la bpDfhomie d'adopter le conte de deux ancien-
nes familles rivales du pays, la famille des Mélans
et celle des Avr esses , qui auraient de cette manière
vidé leurs différends , il n'y a que des conjectures
à fait*e sut l'origine de ce singulier diverlissement*
Les échasses à Namur seraient-elles un héritage
des Romains, dont le séjour prolongé dans le pays
est d'aiUeurs attesté par tant de monumens encore
subsistans j ou bien l'usage n'en doit-il pas plutôt être
attribué au débordement fréquent des eaux de la
Meuse et de la Sambre que l'on sait avoir leur con-
fluent au pied de cette ville qui, en en inondant sou-
vent une grande partie, auraient obligé les habit ans à
inventer les échasses pour pouvoir passer d'une rue
à l'autre. Cette dernière opinion est d'autant plus
probable, que les deux enceintes de la ville, d'où
sont censés sortir les Mélans et les Avresses, sont les
plus rapprochées de ces deux rivières et voisines de
leur confluent, et qu'avant que Guillaume I®', comte
de Namur, qui est mort en iSgi, n'eût fait exhausser
le pavé de la plupart des rues , la ville était
sujette à de fréquens débordemens de ces deux
rivictes.
4So UÉMOIKES DE LA SOdKTZ KOT&tE
SUPPLEAIENT AU MEMOIRE
De M. le baron Châvdkuc de Grazanoes , sor les antiquités
celtiqoes oo gauloises de la Charente - Inférieure^ inséré
ci-derant page 53,
(kitsàit d'vhk sBCom» UBTTU sGUTB ▲ hk socubi.)
JLr Avs une première lettre , adressée à la Société
rojale des Antiquaires de France y nous ayons (i) fait
connaître seize dolmen ou pierres-levées , encore
existant dans le département de la Charente - In-
férieure , et dont deux seulement avaient été pré-
cédemment connus et décrits par MM. La Sau-
vagère , Arcère et Bourîgnon (2). Depuis cette com-
munication , nous avons été informés de Texistence
de trois autres de ces monumens.
Les deux premiers se voient à une lieue de
Rochefort , et près du pont de Charras y sur ud do-
maine appartenant à M. Lescure (3) , officier du
génie maritime. Ils sont placés à deux cents pas
Tun de l'autre : le plus près du canal de Charras,
(1) Lettre da 27 norembre 1820.
(2) Les pierres-leyées de Geay, près de Saintes , et de la
Jamey près de la Rochelle.
(3) Président de la Société littéraire de Rochefort.
M» ANTIOUAIRES DE FRANCE. /\8ï
dont nous parierons d'abord , est presque iotatt ; le
second est moins bien conservé.
Le premier de ces dolmen consiste en un quar-
tier de roche niassive, jadis taillée en carré long,
creusée dans son intérieur en forme d'auge , d'une
assez grande dimension , recouverte avec exactitude
par une pierre aplatie de même substance calcaire ;
le tout repose sur un lit en petites pierres, recouvert
de terre, ce qui devait autrefois former un tertre
proéminent au-dessus du niveau du sol, alors ma-
récageux.
Les proportions de chacune des faces et des di-
verses parties sont :
Longueur de la partie inférieure, prise en dehors
et de l'est à l'ouest, 2^,599 ; largeur idem , prise
du nord au sud ,. 2 "*,436 ; élévation , prise sur le
sol , terme moyen ; o",867.
, L'auge ou le bassin a en longueur^ de l'est à Fouest»
i"'46i ; largeur, i™,o56; profondeur, o*", 7 58.
La couverture ou pierre carrée, qui en fermait
exactement l'entrée , a sa partie antérieure brisée,
et permet de s'introduire dans l'intérieur de l'auge
par la face de l'est. On remarque un trou rond
pratiqué au milieu de ce couvercle i circonstance
qui se repré3ente souvent dans ces sortes de mo-
numensv
La largeur de cette pierre de recouvrement est
de 2^,924 de l'est à^ l'ouest ; sa lai^eur,*nord et sud,
est de 2^,761.
Longueur des deux angles les plus alongés ,
IV. 5i
482 HiMOlASS DE tk SOCIÉTÉ ROYALE
3'"y4iO du nord-ouest au sud-est; épaisseur^ terme
moyen, o^Sgô.
Le temps a imprimé de nombreuses cavités sur
la surface de ce monument; on y remarque les
traces d'un madrépore.
Le second dolmen n'a plus de table ou couvercle.
L^auge est même brisée à Tune de ses faces; on
peut encore reconnaître que, dans son entier, ce
monument était beaucoup plus grand que le pré-
cédent. Voici les proportions de ce qui en subsiste
encore :
Longueur, du nord au sud, 3"',248; largeur, de
Test à l'ouest, i",948; élévation au-dessus du sol,
extérieurement, i'",299; profondeur du creux ou
de l'auge , 0^,97 5.
La couverture de ce monument se retrouve dans
la cour de la métairie de Voumée ou Yormée. Les
paysans racontent à ce sujet que le mauvais génie^
pour montrer sa puissance, la prit im jour et la lança
à mille pas du Lieu où elle gît , et qu'il fit jaillir une
fontaine dans l'endroit même qu'elle vint frapper.
Mais, comme elle gênait dans cet emplacement, de-
venu l'abreuvoir du bétail de la métairie , le fer-
mier de rOumée, moins puissant que le génie, ne
put qu'à l'aide de ses bœufs lui faire parcourir un
court espace, et l'introduire dans la cour de cette
maison. Cette tradition rappelle celle du palet de
Gargantua (1 j, dénomination doQriée dans plusieurs
(1) C'est ainsi que, sur le chemin de Dolus à Saint*Pierre
DJilS ANTIQUAIRES DE FRANr.E. 4^3
endroits aux tables de recouvrement des pierres-
levées.
Celle-ci a 3™, 2^8 passés de longueur dans le sens
le plus étendu : elle est fracturée dans le sens opposé;
son épaisseur varie de o"',244 à o",487.
La nature de cette pierre paraît n^étre pas calcaire^
différente en cela des autres employées pour ces
deux monumens. On fera remarquer à ce sujet
qu'on ne rencontre point , à une grande distance
dans les environs, de roche calcaire; on présume que
celle qui a servi à ces dolmen vient des environs de
Saint-Porchaire , route de Rocheforl à Saintes , à
5 lieues de Charras, où les analogues sont abondans.
Ces deux dolmen /èr/wei ont , dans le pajs, la
dénomination de pierres-couvertes ^ nom souvent
donné à ces sortes de monumens celtiques , et qui
est ici un témoignage de plus de leur origine. Vo-
pinion générale dans le peuple est que ces deux
pierres-levées sont des tombeaux (i), opinion écartée
(ile d'Oléron), on voit un de ces dolmen , nommé la galoche
et la cuiller de Gargantua* Le nom de dolus -vient da celtique
dolj pierre, et peut-être Saint-Pierre n'est-il lui-même que
celui de Saint-Pierre, donné par les premiers chrétiens à ce
monument druidique. On retrouve plusieurs de ces saintes
pierres , ainsi désignées par les berger^ , dans les monlagnes
des Pyrénées. On a beaucoup de peine à détruire ce culte des
pierres.
(i) Le savant père Arcère, de l'Oratoire, Thistorien de La
Rochelle, pensait également que le dolmen de la Jame avait
été élevé sur la tombe de quelque chef de barbares, dans le
moyen âge.
3l*
484 MÉMOIRES DE LA SOGliTÉ ROYALE
par les aDiîquaires en ces derniers temps ^ mais que
le savant M. Dulaure a adoptée.
Le troisièipe monument de ce genre que nous
avons à signaler à la Société rojale y existe au lieu
du Maine ^ commune de Mont-Guyon, arrondisse-
m
ment de Jonzac^ sur une éminence et dans un des
plus beaux points de vue possibles de tous côlés de
rhorizon. C'est une réunion de pierres d'un grès
très- dur, énormes, rongées et noircies parle temps.
Ce monument est élevé sur une longueur d'environ
8"",iai à 9", 745, sur une largeur de 3 "",248 à 3^898,
et sur une hauteur de 3'",898 à 4"*>87a, approxima-
tivement. Ces pierres debout et fichées en terre
en supportent, à une élévation de 8'",i2i à 9"',745
environ, une autre (1) dé même nature, servant de
table ou de couverture, d'un poids et d'un volume
énormes, et qu'on estime peser 3o,ooo kilogrammes
et plus. Le temps Ta fait incliner sensiblemeat.
Tout est vide sous ce monument gigantesque , et
l'on peut contempler facilement cette pierre pro-
digieuse par-dessus et par dessous. Aux deux bouts
de ce m<mument sont des monceaux de ruines ou
gros ^artiers de pierres sans ciment, qui paraissent
lui avoir appartenu et en avoir fait partie ; mais ces
constructions ont été détruites par l'injure des siècles
ou celle des hommes , plus destructeurs que le
temps,
(1) Sans fer, ni chaux, ni ciment, circonstances étrangères
à tous les monumens celtiques ou druidiques.
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 4^5
Le monument de Mont-Guy on porte le nom de
pierre-folle^ qui désigne souvent les dolmen ou
pierres-levées y comme celui Ae pierres ^ couvertes.
On le considère aussi dans le pays comme le tombeau
de quelque général , prince où autre personnage
distingué qui aurait été inhumé dessous^ on ne sait^
du reste, à quelle époque.
Il est singulier qu'on ne trouve dans aucun des
auteurs qui ont traité de l'histoire et des antiquités
de la Saintonge , nulle trace de ce monument res-
pectable. Malgré son intérêt et son importance, il pa-
rait avoir été absolument oublié dans le lieu retiré où
nous l'avons découvert , et qui fut autrefois planté
d'un bois très-épais.
SUPPLEMENT AUX OBSERVATIONS
m
Sur plusieurs lettres inédites de François et âenri , ducs de
Guise; par M. BEamiT-SiLiNT-PAiz , membre résident.
J-iBs remarques n*** 3i et suivans ont été recueillies
depuis Tinipression des pages i33 à 162 du tome IV,
où sont les trente premières remarques (ainsi que
les lettres inédites des ducs de Guise), et ont été
communiquées à la Société royale des Antiquaires
les 29 octobre et 9 novembre 1823.
486 MEMOIRES DS LL SOCIÉTÉ ROYALE
3i. Pages i4i et suivantes.
JVouvelles obseri^ati'ons sur le massacre de F^assy,
Nicole Pithou, avocat à Troyes, frère cadet des
célèbres Pierre et François Pithou, et pourvu en
1572 de la charge de bailli du comté de Tonnerre,
dont la nouvelle des massacres de la Saint-Barthé-
' lemi l'empêcha de prendre possession (il était pro-
testant et il s'enfuit en Allemagne avec sa famille],
a laissé une histoire , encore inédite, de Féglise ré-
formée de Troy es, qui forme le volume 698 des ma-
nuscrits Dupuy, Grosley, dans sa vie des frères Pithou
( Paris f i']56, 2 vol. m-ia ), après avoir fait Féloge
des talens et des vertus de Nicole, parle de son
histoire ecclésiastique, et ajoute (r. /, p. 76) qu'il
est presque tenté de copier les détails dans lesquels
Nicole y entre sur la véritable cause du massacre
de Vassy.,..; que le président de Thou est le seul
qui paraisse ne pas l'avoir ignorée, mais qu'il s'en
faut qu'il l'ait exposée avec autant d*étendue, de
netteté et de précision que Nicole ; que, suivant le
récit de ce dernier, « le massacre de Yassyjïit pro-
» voqué par les Cahinistes ^ et par un manque total
» de respect, de leur part, à Pégard de l'évêquede
'> Châlons. »
Cette remarque de Grosley est d'une mauvaise
foi révoltante; mais, comme s'il s'en fût aperçu lui-
même, il ajoute aussitôt une phrase obscure d'où
DSS ANTIQUAIRES DE FRANGE. /^Sj
Ton pourrait induire qu'il avait été forcé d'exposer
le contraire de ce qu'il pensait. « Pour , dit-il, en
« rejeter la cause sur les catholiques, il faudrait
« supposer que Tévêque de Ghâlons aurait dû tolérer
« des assemblées que le roi venait d^autoriser par
c< son fameux édit de janvier i56i (1662, nouveau
« style). M Puis s'excusant sur ce que tout cela, est
étranger à son sujet, il passe à autre chose.
il n'est personne qui ne s'empressât de répondre
à Grosley, que, sans contredit, l'évêque aurait dû
«o/eVer les assemblées, à moins que Grosley ne pensât
que la puissance d'un évêque ne fût supérieure à
celle du roi, manifestée par un édit. ,
' Mais vOyoïis si, en effet, comme il le dit, le mas-
sacre de Vâssy fut, au rapport de Nicole Pithou,
provoqué [par un manque total de respect des Calvi-
nistes envers l'évêque de Ghâlons.
Observons d'abord que l'histoire ecclésiastique
de Nicple est rangée par ordre chironologique, que
son travail ne consiste en un mot que dans des espèces
d'annales.
Au livre septième, qui embrasse les événemens
de l'an i56i, vieux style, c'est-à-dire commen-
çant à pâques i56i et finissant à pâquesi562, nouveau
style, Nicole raconte, feuillet i58, que le duc de
Nivernais (alors comte d'Eu), gouverneur de Cham-
pagne, arriva à Troyes a la fin de novembre i56i.
L'évêque de Troyes Caracciole (Caraccioli), qui s*é-
Éait fait ministre , voulut aller prêcher dans !a grange
des Calvinistes le 23 ; les catholiques le dénoncèrent
488 MÉMOIRES DE LA SOClilt ROYALE
au doc y qui se contenta de le prier de ne pas
prêcher. Le lendemain 24 ^ Garacciole assista an
prêche (sans prêcher) ; et, sur les nouvelles plaintes
de quelques catholiques ^ le duc se borna à répondre
qu'il était chargé d'exposer les édits du roi.
Voilà ce que Nicole rapporte des faits de novem-
bre i56i.
Sur-le-champ (feuillet 169), il dit que les fidèles
de Vassj n^ayant pas de ministre , en obtinrent
un, pour la deuxième fois, de l'église de Troyes,
nommé Gravelle, qui se rendit à Vassy le id dé*
cembre i56i. Le 16 ou le 17, Tévèque de Cbâlons,
Jérôme Burgensis, accompagné d'un moine docte,
se rendit à Vassy par le conseil du cardinal de
Lorraine; /e 18 décembre ^ il alla au sermon de Gra-
velle. A peine celui-ci commençait sa prière pour
prêcher, que Tévêque l'interrompit, annonçant qu'il
venait comme évêque de Ghâlons,et par conséquent
de Vassy. Le ministre le pria de le laisser con-
tinuer, l'invitant à prendre la parole après lui, s'il
trouvait quelque chose à reprendre à sa doctrine.
L'évêque l'interrompt de nouveau par la même
annonce. Alors Gravelle lui dit qu'il s'ébahit de
ce qu'il Veut les empêcher de prêcher en ce lieu,
vu que le roi et le gouverneur le permettent. Après
cela nouvelle interruption , puis une discussion de
théologie entre l'évêque et Gravelle , que Nicole
détaille au même feuillet 169, au 160^ et au com**
mencement du 161''; discussion où , d'après le jrécit
de Nicole, à la vérité suspect à cause • de ses opi*
(
\
i
DES ANTIQUAIRES 1>E FR^CE. 4^9
nions, levêque n'eut pas l'avantage , et à la suite
de laquelle il se relira. Alors des cerveaux échauffés,
comme il y en a dans toute assemblée , ne purent
se tenir de crier : au loup , au i^nard^ à Varier a
récole.
Nicole ajoute ( feuillet i6i ) que Gravelle , après
avoir administré la cène à Vassy le jour de Noël,
s'en revint à Troyes le lendemain (26 décembre).
Ainsi, il est d'abord clair, par le récit de Nicole,
que révêque ne se plaignit pas, puisqu'il laissa le
ministre exercer ses fonctions encore pendant huit
jours(du 18 au 26 décembre), quoique, d'après les
dispositions de l'édit de juillet précédent {Vojr. ci-
dei^ant page i44), il eût pu commencer on au moins
provoquer des poursuites.
Mais d'ailleurs, s'il en eût commencé ou pro-
voqué , il n'aurait pu les continuer, puisque, pres-
que aussitôt après, ou au mois de janvier i56i, vieux
style , et 1 56â, nouveau style , fut rendu le fameux
édit de janvier, que rapporte Nicole, feuillet 162
et suivans, et qui permet aux réformés de s^ as-
sembler de jour hors des villespour faire leurs prêches
et prières , et défend a toutes personnes^ de quel-
que état qu'elles soient ^ de les y troubler (Voyez
aussi ci-devant pages 1 4 1 et suis^antes ) .
D'autre part, les députés des réformés qui se
trouvaient à la cour publièrent, en février, et en-
voyèrent à toutes leurs églises un avis pour les ex-
horter à obéir à l'édit et à en faciliter l'exécution.
Nicole le rapporte, feuillets ifô et 166.
490 MÉMOIRES DE LA SOGlliTE l^OYÀLE
Après cela il raconte^ même feuillet 166^ à la
fin 9 que à Trojes « nouvelles arrivèrent le 2 mars
« au matin comme les fidèles de Tëglise de Yassy,
« distant de Troyes d'environ i4 ou i5 lieues y eslaat
« assçmblés sans armes à leur façon accoustumée
« en une grange dedans la ville y avaient esté le
" jour précédent ( i®' mars ) les ungs très-inhumai-
(c nement et cruellement massacrés et les autres
<( fort et griefvement blessés , sans aulcung respect
« d'aage ni de sexe par ceux de la suite du duc
« de Guyse, François de Lorraine, authorisés par
« sa présence. » Il ajoute que les fidèles de Trojes
leur envoyèrent un chirurgien qui rebroussa chemin,
parce que, dit- il, il avait été averti eu route que
ceuk de Vassly avaient des chirurgiens.
Nicole finit là son 7'' livre, feuillet 167. Il ne
dit plus rien du massacre, si ce n'est au commen-
cement du 8* livre, où il se borne à rapporter que
cela causa une grande frayeur aux fidèles de Troyes,
parce que le bruit était que les massacreurs s'y ache-
minaient.
Quoi qu'il en soit, où voit-on dans tout ce récit
la moindre circonstance d'où il puisse résulter que
le massacre de Vassy fut, cpmme l'avance Grosley,
provoqué par un manque total de respect des Cal-
vinistes envers leur évêque ? D'abord, l'évêque s'était
attiré, par son imprudence et son obstination, les
propos que rapporte Nicole; et ensuite, ce qui tranche
toute difficulté , les propos avaient été tenus le 1 8 dé-
DES ANTIQUAIRES DS FRANCE. 4^^
cembre, et le massacre eut lieu le i**" mars suivant^
ou soixante et douze fours après»
Le duc. de Guise n'avait d'ailleurs aucune qua-
lité , ni pour, les punir , ni pour les juger. Uédit de
juillet recommandait la paix; il n'appartenait pas
au duc de la troubler, e^ encore moins après l'édit
de janvier suivant. Quoique celui-ci ne fût pas
encore enregistré ( f^oy. .ci-devant page i47 ) > ce
n'était pas à un serviteur de la couronne à l'en-
freindre; et enfin, le duc, on le répète, n'avait
absolument aucun droit de venir s'immiscer dans
les affaires de la religion, dans aucun lieu, et sur-
tout en Champagne , où il n'était pas gouverneur.
D'autre part, on voit combien est fausse la réflexion
de Grosley, rapportée ci-devant page 486; car, quel
rapport y a-t-il entre le droit qu'avait ou n'avait
pas Tévéque de tolérer ou empêcher les assemblées
des protestans , et le ' massacre de Vassy ? l'évéque
avait-il requis, et en aurait-il eu d'ailleurs le dreit,
et le duc de Guise aurait-il pu déférer à ses réqui-
sitions ? l'évéque , disons-nous, avait-il requis le duc
de dissoudre l'assemblée de Vassy ?..* et, en sup-
posant que les protestans de Vassy eussent manqué
de respect à Pévêque le 18 décembre, est-ce que
cela aurait suffi pour autoriser à les massacrer le
premier mars?.... On conçoit que, si le manque
de respect avait eu lieu le premier mars et eût
irrité les soldats du duc de Guise , on pourrait dire
que les protestans avaient provoqué leur malheur.
Mais le dire, lorsque d'après le récit sur lequel on
492 MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
se fonde y le manque de respect avait précédé de
soixante et douze jours le massacre, et lorsque
Tévéque n'était pas même présent au moment du
massacre. ••• en vérité > nous ne savons commeot
qualifier cette allégation de l'historien des frères
Pithou.
3a. Page i56,'^Madame de Castre.,». Nous avons dit au
n" 4, p. 1599 qu'il s'agit de Diane, fille naturelle de Henri II.
Il en est question dans un procès- verbal, dressé par le parle-
ment de Paris ^ sur l'entrée solennelle que la reine Gatherine
de Médicis fit à Paris, au mois de juin i549^ deux années
après l'avènement de son époux au trône de France. Parmi
les personnes qu'on, j nomme, comme placées auprès de la
reine dans les diverses cérémonies de l'entrée, on trouve, à
trois reprises diflférentes, la même Diane, alors à peine âgée de
dix ans> et qui y est désignée en ces termes : madàmoiselu
u. BÀSTAADB DU ROI {K. ms8. Dupuy j vol. 662, fol. i45, i46
et 147). Ce voisinage paraît d'autant plus singulier, du moins
dans nos mœurs actuelles^ que Diane était née six ans après
le mariage de la reine ( Voyez Morerif mot France ^vP de
ffenri II).
53. Page i56. — Voici une preuve décisive que le Balafré
a commis, dans sa première lettre, l'erreur de date que nous
avo99 déjà iodi(|uée au n** 16, p. xS\ , dû nous arons obserré
que la date réelle devait être postérieure au 28 décembre,
)<Hir des Innocensj parce qu'il était impossible que ce jour-Iâ
il eût appris le passage de son père au-delà des Alpes. Nous
voyons en efiet, par les registres mss. du conseil de la ville de
Grenoble, que le duc de Guise passa dans cette ville pour
aller en Italie, vers le 17 du même mois de décembre ; qu'il
y fit une .entrée solennelle avec son épouse; qu'ils s'y artê-
tèrent plusieurs jours , et que le 3o ils étaient à peine i Mont-
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 49^
mèlian, yille où le conseil enyoya ce jour-là un messager au
duc. Ainsi il est clair que ^ le 289 son fils ne pouvait^ dans une
lettre écrite à Saint -Germnin-en-La je , le féliciter de son pas-
sage au-delà des monts.
Puisque l'occasion s'en présente, nous rapporterons^ d'après
les mêmes registres, que le conseil^ pour se conformer à l'usage
où étaient alors les TÎUes de faire des doas aux gouverneurs à
chaque entrée , arrêta ,1e 11 du même mois , d'offrir cette
fois au duc , 1** cinq ou six sommées ou charges d'ayoine ; '
2" deux tonneaux de yin^ l'un blanc et l'autre clairet, chacun
de deux charges et demie (la charge de Grenoble équiyalait
à peu près à un hectolitre) ^ qui furent payés à raison de deux
écus d'or sol la charge.
A l'égard de la duchesse, comme on ne lui avait fait aucun
don à sa première entrée , en i548, année de son mariage ^
et qu'aux premières entrées les dons devaient être beaucoup
plus considérables, on délibéra, le t6, de lui offrir une mé-
daille d'or valant 200 écus, y comprisr la facture d'ieelle.
Siais faute de temps, ou peut-être d'artiste, la médaille ne
fut pas prête, et, le 21 , on décida^ pour parachever le don,
d'y substituer trois mulets , dont le prix arriva à la même
somme {Voir dd, Reg. mss. ii^ 16, ai et 3o déc. i556, et
9 mai 1557).
N, B. L'écu d*or sol valait alors 46 à 48 sous (t^oir iiél., 4 juillet i55o
et 9 mai iSSj).
34. Pages i56 et 160. — A Monsieur de Lorraine On
peut être surpris de yolr le jeune duo de Lorraine à la- cour
de Henri II; mais nous apprenons, par (e continuateur de
Bouchet, auteur contemporain , qu'en avril lôSi (i552,
n. St. } , Henri 11^ lors de son expédition de Lorraine , s'était
saisi de ce duc, à peine figé de huit ou neuf ans, et l'avait
fait envoyer à Paris pour y être élevé avec le dauphin. — f^. id.
j4nnal€s (t Aquitaine y p. 628^ édition de i644 (€'cst eelie
que nous avops citée ci-devant p. 160, n^ 9).
494 MÉMOIRES DE tk SOCIÉTÉ ROYALE
NOTICE
Sur les ruines de Nœomagua Lexopiorum ( rancien Lisieux),
département du CalyadosV4>ar M. Louis du Bois, corres-
pondant de la Société.
JLiES premiers et les plus anciens auteurs qui aient
parlé de Lisieux et de son territoire , sont Jules-César
dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules ,
environ quarante ans avant l'ère vulgaire ; Strabon ,
danssa Géographie , vers Tan lo de cette ère; Pline,
dans son Histoire naturelle , vers Tan 79 ; et ensuite
Ptolémée , dans sa Géographie , vers Tan i38.
Tous s'accordent à peu près sur la position ainsi
que sur l'étendue du territoire des Lexpviens, et sur
le nom de la capitale de leur république. Ils ne dif-
fèrent un peu que sur l'orthographe du nom de ces
peuples, que César appelle tantôt Zieororâ' , tantôt
Lexobu, et Ptolémée Lexoubii.
C'est surtout d'après Strabon et Ptolémée que le
savant Danville se détermina à placer la capitale des
Lexoviens sur le sol de la ville actuelle de Lisieux ,
dans le département du Calvados.
En 1770 , l'ingénieur des ponts-el-chaussées Hu-
bert, faisant extraire; à l'ouest de la ville de Lisieux,
des matériaux pour la grande route de Lisieux à Caen,
découvrit inopinément les ruines de Néomagus , à
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. 49$
deux kilomètres au N. Ô. de l'emplacement du Li*
sîeux moderne. Cet ingénieur qui, malheureiise-
ment; fit son travail à la hâte, et qui manquait de lu-
mières sur les antiquités et même sur la lithologie ,
rédigea un mémoire sur les fouilles superficielles qu'il
avoit faites, et sur les traces d'édifices nombreux et
de rues considérables qu'il avait découvertes , non
pas, comtme il Ta dit ^ au lieu des Tourettes, mais
principalement dans le champ Loquet. Ce mémoire^
adressé à l'abbé Rozier pour le Journal de physique,
n'était pas , par son objet, de nature à j être inséré.
Un des neveux de; ce savant, ^vant lui-même très-
distingué f M. Mongez, membre de l'institut , ayant
trouvé dans les papiers de son oncle le mémoire de
Hubei^t^en fit l'extrait , et, d'après ce travail, lut à
l'institut ( séance publique du 20 vendémiaire an xi),
une Dissertation « sur la véritable situation d'une an-
« cienne ville de la seconde Lyonnaise appelée
« No\^iomagu$ Lexoviorum. » Malheureusement
M. Mongez n'avait pas vu les Jieux : il n'en a parlé
qup. diaprés le méixioire de Hubert , qui renferme
beaucoup d'incorrections , de faux aperçus, et d'er-
leurs sur la nature des débris qu'il a eu occasion de
voir.
J'ajouterai aux détails contenus dans l'extrait de
M. Mongez quelques observations qui m'ont étési^-
gérées , soit par l'inspection des lieux, soit parTexa-
xnea du mémoire de Hubert , soit par les renseigne*
mens que je me suis procurés.
Le nom des Tourettes, quoi qu'en ait dit Hubert ,
49^ MÉMOinEB DE lA SOCIETE ROYALE
ne saurait provenir d'un simple pilier ; il vient évidem*
ment d'anciens débris de tours et de fortifications ou
de constructions de forme arrondie^ qui auront sur-
vécu long-temps à la destruction de la ville. Ces ruines,
plus apparentes, auront vraisemblablement fourni des
matériaux pour les églises et les monastères du nou-
veau lisieux dans le onzième siècle et les siècles
postériears.Toutefois, àrexception de pierresde taille
de QuiUi, telles que ceUesdont était constroitlegrand
pilier (porte de ville) dont parle Hubert^lesqyeUesout
pu être lemplojées sans qu'on les reconnaisse» je ne
trounre nuUe part aucune trace de remploi qu'on
aurait pfu faire des porphyres ; des matrbres et de ces
larges briques qui abondent encore dansles fouilles,
il est extraordinaire a^ssi qtie l'on n'ait remarqué ,
ni dans les murs de lai cathédrale , ni dans \^$ mu-
railles et les tours de la ville , aucunes de ces pierres
de grand appareil sur lesquelles il devait, exister des
inscriptions romaines , ainsi qu'on en découvre dans
les anciennes villes où les Romains s'étaient établis.
Il faut induire de ces remarques que le sol des Tou-
rettes, et surtout celui du champ Loquet» recèlent ^
sôus leurs premières couches mises eh culture^ une
partie considérable des démolitions faites par les
Saxons ( destructeurs de Néomagus etde plusieurs
villes voisines» yers la moitié du quatrièùie siècle).
Ces décombres » négligées pendant plusieurs siècles,
se sont recouvertes successivement de détritus de vé-
gétaux et de terre. Ces conjectures me paraissent
d'autant plus vraisemblables que » jusqu'en 1770» on
DBS ANTIQUAIRES Dï FRANCE. ^97
ignorait la véritable situation de l'ancien Lisienx , et
qu'il a fallu y faire des excavations pour en exhumer
les objets découverts et décrits par Hubert. J'ajou-
terai que les couches épaisses de terre établies sur
les ruines dés monumens de l'ancien Lisieux me sem-
blent avoir été placées par lès barbares eux-mêmes,
qui Voulaient peut-être pat cette opération essayer,
dans leur fureur aveuglé, d'anéantir, autant qu'il
était en eux , jusqu'au souvenir des villes qu'ils dé-
truisaient. Je serais d'autant plus porté à le croire,
que j'ai remarqué, non seulement à Rome, mais
dans plusieurs autres anciennes villes d'Italie, que des
monumens détruits' 6u mutiles, que des fai)riques
considérables, que d'iminetises palais se trouvent en-
fouis sous des couchés cle terre évidemment trans-
portées lai tellement épaisses, qu'il était impossible
que les diétritbs , les végétaux convertis en terreau,
et les divers apports faits par les pluies , eussent pu
les former.
L'emplâcèrtrent que Hubeft et M. Mongez dési-
gnent mal à propos sons le nom de ToUfettes, qui
n*e«t celui que d'ime ■ très-petite partie de ce terri-
toire , s'étend sut* jAtiislieuts pièces de terre eii labour*
et en pâturage, séparées jpar des hafes, et même par'
un chemin. L'un de <?e$' champs, le champ Loquet ,
est celui qui offre le ptus de débris , surtout aux en-
virons d'un^; "cavité en foii»ie d'entonnoir , près de
laquelle on atrpuvé,' à diverses époques, et récem-^
ment , en 1812, plusieurs médailles que j'ai vues ;
IV. 32
I^gS MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
un Domitien en argent > une Faustine et un Yespa-
sien en grand bronze.
J'ai découvert, le pt^emier^ en 18x49 pinceurs pe-
tits fragmens de cette belle poterie rouge en usage
chez les Romains, des tablettes de beaux scbistes
noirs et verdâtres, des morceaux de beau granit gris
très-fin et poli des environs de Tinchebrai (Orne)^
un boutde corniche d'albâtre d'un blanc ^agnifiquei
beaucoup de marbres^ soit bU^çs^ soit veinés rouge
et violet. Les plus conunuos ont été extraits proba-
blement de carrières voisines , de Barou, de Yieu:^ ,
de Laize ^ de Saint-Laurent-dvirAfont, de IVIoutiers^
des Loges et de Fourneaux^ IjesquellcA étaient alors
exploitées. Indépendamment, jJe cesi marbres^ j'ai
constaté l'existence de plu^^urs marbres r^res doot
j'ai recueilli des échantillons nai^breux, tels que du
marbre blanc statuaire de Carrure, du jai4pe ^ç ^eme
ou pagliocço, du c^polUq ^ec à cancres micacées,
des brèches , des griottes, etc. J'ai trouvé ^ussides
fragmens nombreux de pprpbjxes- , soif rouge des
Grecs, soit vert serpentin provenant de l'Egypte et
de la Grèce. Parmi les autres obj.eli$ que j'ai aussi re-
marquésf le premier, je q^ dois pa^néglig<^r déplacer
de jolis tessons de cette belle poterie antique à cou-
verte rQuge 9 dont j'ai p^rl^ pjus haut ; quelquei^os
oifrent les formes les plus élégantes, et pr^sentept;
sur leurs bords, le relief circulaire de ram^uxtrès-
graçipux d'olivier, de vigne et de myrte. Ces frag-
mens sont parfaitement aii^ogues à c^ux que j'ai
DES ANTIQUAIRES D« fllANCE. 4Q9
trûuvés), en 1816, dana les Kumm d'-Mifte-S^inte-Reiae
( Cote-d'Or ), Vantique et puiasaotQ -4^^^ Mandu-
èioiçum f si célèbre d£|n$ l^ CJQmixieqtdiire^ de Gé^ar ,
et qui^ cjoinme Néomagus et Uot d'autres cités dé-
truites par les barbarosi dia^$ les. .ide^^ siècles de la
vieille ignorance , gisent obscupéjuent sous le sqI
qu^elles dominaient, méconnues même des |ils de
leurs anciens habitans.
Quoique superficielles, les fouilles faites en 1770
par riïjgçpipur {I^b^Et, ^p^i)!; dQCO^yr^c plusieurs ob-
jets précieux > tels que des niarbres, des médailles ,
naême le bras d'une stat;ye d.e hvpiiz^j^ çf; jtjçs pièces
de grosse poterie que l'on dédaigna, et que j'ai recon-
nues pour des têtes d'amphore.
Au nord-est de l'ancien Lisieux , et attenant à la
yiUe> j'ai découvert, le 18 m^ii i3|8, un amphi-
théâtre romain d'une grande étendMC; d^ins Tarèpe
duquel il est facile de yoir qu'on iw ljPQ4wiSïait les eau^
d'un ruisseau toôâio pour le^ 9^u(i3tachies,. De v^tes
constructions. antiquQS; eompoaé^es de çQucbes alter-
natives de pierres et de larges briqu^çs, subsistent en-
core , et donaent de ce manument une grande opi-
nion. Une simple levée ^ gazon me|trait à nu le^
gradins et les murs de l'édifice.
Il serait bien à désirer qu^^ l'pn put faire avec $0^
df2SL excavations et des rechercl^es. $»r içs points q^e
nojus avons indiqués. Les pi>opriétjaire$ ^ ices,;ter-^
Faias se piïêteraiettt Ma]cM[)tie£S> wn3 daut^ k ce^ tr*-
va<u jfi qui , faits en temps, c w venèfel^ , .?PF8S l^s yé-
cal(eft> QU& leur QCC^icyitAeraieol ^jU^P ^Jg^^^^, H
32*
» i*
50O MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
i serait digne du gouvernement et de son exceUence
le ministre de Tintérienr , de provoquer et de faire
entreprendre ces recherches qui rendraient au jour
les ruines > sans doute imposantes, d'une des plus il-
lustres cités des Gaules, et peut- être, exhumant des
V choses curieuses, serviraient la science, l'histoire et
les arts.
NOTICE ARCHÉOLOGIQUE
Sur un autel àEsus, par J. B. J. JoaiND, membre résident.
Messhburs,
JL/E monument dont nous allons vous entretenir a
déjà été robjet de votre attention. Quoiqu'il ait
été décrit plusieurs fois , et qu'il soit retracé dans
plusieurs ouvrages, il nous a semblé offrir encore
quelques observations neuves, particulièrement dans
la figure qu'on a considérée jusqu'à ce jour comme
devant être positivement le dieu Esus : ce monu-
ment mérite à tous égards l'estime et le cas que les
savans de tous les pajs en font. Picot, dans son
Histoire des Gaules, en parle avec le plus grand
intérêt. M. Dulaûre, dans son excellent ouvrage
sur la ville de Paris , remarque avec raison que les
points favorables à la navigation des fleuves ou des
rivières de la Gaule furent constammeiit enrichis
et honorés de ces preuves de la reconnaissance des
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DES ANTIQVAIIV6S DE.oRAKCE. 5ot
hommes envers les dieux, à qui ils attribuaient leur
prospérité et leur bonheur.
L'île de la Cité à Paris, favoraV: Tient située pour
la navigation , devait donc auss , fournir à la pos-
térité la preuve de cette même reconnaissance.
Le monument auquel nous nous arrêterons par-
ticulièrement , et qui nous semble intéresser tout à
la fois l'histoire et les arts, est celui qui paraît avoir
été consacré à Jupiter, à Esus, à Vulcain et au
Taureau , objets du culte des Gaulois.
Ce monument, tant de fois dessiné et décrit, le
fut toujours avec inexactitude ; le P. Montfaucon ,^
dans son Antiquité expliquée , et Dom Félibien dans
son Histoire de Paris, en donnent une explica-
tion fautive à de certains égards , et une représenta-
tion plus fautive çncore. Dans le premier volume
des Mémoires de l'académie celtique, on trouve
aussi une gravure de ce même autel faite sur les
dessins de M. Mazois; cette gravure ^ quoique plus
exacte que celles qu'on voit dans les ouvrages déjà
cités, laisse encore bien des choses à désirer sous
le rapport du style et du caractère de cette sculp-
ture des bas temps. Il est tout naturel de penser
que si le dessinateur est inexact et infidèle dans
son travail, l'historien et l'antiquaire qui ne peuvent
pas toujours examiner les monumens par eux-mêmes,
seront induits en erreur par cette inexactitude. C'est
précisément ce qui est arrivé pour le monument
que nous entreprenons de décrire de nouveau, et
que nou$ avons destiné nous- même avec le plus.
S02 MÉMOIKËS D£ LA SOCIÉTÉ ftOYALK
grand soin , d'après loriginal qui, eu te moment , se
trouve dans les magasins et Fahdtn Mnsée des
monninens français , en attendant qti*il soit trans-
porté dans le Masée qu'on se propose de faire au
palais des Thermes dé Julien.
Le 16 mars ijio^ ou 1711, selon M. Dulaure,
en creusant sous le chœur de Notre-Dame de P^tïs,
pour y construire un caveau destiné à recevoir les
dépouilles mortelle^ des archetéqueâ de cette mé-
tropole^ on trotita^ en faisant ce^ Fouillés , plusieurs
fragmens de sbûlpture au nombre de neuf pierres
cubiques , offrant sur chacune de leur face verti-
cale un sujet différent etaccompagnéd'itiScHptioiis.
Parmi, ces frâ^gmens trouvée à Notl*e-Dâme , nous
nous sommes attachés particttliëreiîieut à reproduire
Tautel dit dé Jupiter ou d'Eslià, eiqui est le tniièiix
conservé.
Cet autel est conifioàé de deux piètres, coiHine
on peut lé voir dànisle deèsih que nous en donnons;
iâ Ti'atitèur éiàt de trdis pîédà six f)Ôuces, et chacune
dé' ses faces a deui pieds et dèihi énvifôn : sût
rUne d'elles l*on voit lirié figure en pîèd représen-
tant Jiipiter tenant dé ia maih gauche tlhe haste ou
jpique , dé l'autre qui est presque éntîèrémëiit
brisée, ce diètî était aridaê dé U foudre dohi on aper-
çoit encore Un des carreaux; circonstance omise
par la plupart dés dessinateurs qiii ont reproduit ce
monument. Le bras droit soutenait aussi ûnè par-
lie du palùdaihentiim dont cette figuré est vêtue;
du inê'me côté , à ses pie^s , est un aigle tèllemèât
DES ANTIQUAIRES DE FRANCS. 5o5
ft*uste qu'on le distitag^é à peine. Dans la fracture
du btàs droit, bn remarque Teitipreinte pajtîàiie d'un
coquillage fossile (bivalve). Sur le bandeau qui sert
de corûiche à cet autel, on lit LOVIS; D. JPéli-
bien a lu TOVIS*, ce que notis n'avons pu voir;
mais nous croyons que c'est postérieurement, et par
tin motif qu'on ne peut expliquer autrement que
par ridée d'une flatterie maladroite, qu'on aura
voulu faire de Jupiter, Louis; alors on transforma la
lettre I en la lettre L , à la faveur d'une ligne hori-
zontale qu'on y ajouta, ce qui fait LOYIS pour
lOVIS. D. D. Lobineau et Félibien ne croient pas
devoir reconnaître une lance dans l'arme que
cette figure tient à la main gauche , par cela seul
qu'elle leur semblerait trop courte de proportion ;
c'est une bien faible raison , et c'est aussi bien peu
connaître les licences permises dans l'art statuaire.
Non conlens de n'avoir pas voulu voir ce qui est ,
le dessinateur ainsi que Félibien ont vu ce qui
n'est pas; car l'artiste a indiqué la main droite dans
une position que bien certainement elle ne devait
pas avoir, en supposant même que cette main exis-
tât encore à l'époque de la découverte du monu-
ment. Il serait impossible que la main dé cette
figure , ainsi qu'elle est posée , pût tenir le foudre
dont elle était armée, et dont un des carreaux,
déjà mentionné, nous atteste l'existence.
A la partie diamétralement op^posée à celle que
nous venons de décrire, on remarque un taureau qui
semble être dans une forêt, il est couvert d'une
5o4 MÉMOIRES D£ LA SOCI£T£ ROYALE
housse ou étole; trois grues sont montées sur lui^ une
sur sa téte^ uue sur sou garrot; et la troisième sur
sa croupe; aussi lit-on sur le bandeau de Tautel
TAVROS. TRIGARANVS, inscription latine avec
des formes grecques et celtiques.
A la droite du Jupiter est représentée une figure
de Yulcain (i) tenant de la main gauche une paire
de tenailles ^ et de la droite un marteau ; ce second
attribut est encore échappé au dessinateur employé
par Félibien. Ce dieu a pour tout vêtement une
courte tunique qui lui laisse le bras droit libre;
sa coiffure est en forme de calotte surmontée d'une
espèce de petite boule. On lit au-dessus de sa tête:
VOLCANVS.
Sur la face , à gauche de la figure de Jupiter , on
remarque un homme vêtu d'une sorte de tunique ou-
verte d'un côté, comme celle de Vulcain, et qui
laisse également le bras droit libre dans ses mouve-
mens. De la main gauche^ cette figure tient une
branche d'arbre qui va être frappée de la serpe dont
la main droite est armée; un rameau est déjà à ses
pieds; la tête est ornée d'une couronne de laurier.
Cette figure , comme les autres » est d'une fort mau-
vaise proportion et d'un dessin très*incorrect> mais
ne manque cependant pas d'une sorte de style dans
la composition ; si on en excepte toutefois le Vulcain,
qui remplit assez mal l'espace du panneau qu'il oc-
(i) Une Ogure ùt peu près semblable fut trouvée dans les
fouilles qu*on fit vers le milieu du siècle dernier^ d'une tom-
beile funéraire à Pouilly-sur-Saône.
Dli;S ANTIQUAIRES DE FRANCE. 5o5
cupej premier vice de composition dans les mo-
numens des arts.
Maintenant examinons quelques opinions des sa-
vans qui se sont occupés de la description de ce
monument précieux par son antiquité, et curieux
pour rhistoire des arts dans la Gaule* La description
matérielle qu'on en a faite n'est pas seule fautive ;
l'interprétation historique que quelques auteurs en
ont donnée, nous a semblé insuffisante et peu juste.
Sans avoir recours aux étymologies galloises etbre-
tonnes , comme Va. fait M. Johanneau , dans une fort
longue et fort savante dissertation ^ insérée dans les
Mémoires de l'académie celtique (Tom. I, p. 160 ) ,
étymologies qui le conduisent à faire du mot £sus ou
HœsuSy Syhanus^ le dieu Sylvain des Romains, nous
nous bornerons à ne voir simplement dans ce mot
que le nom donné à la divinité, considérée comme
principe universel (le Jéhova des Hébreux, l'Adonaï
des Syriens, le Zeus des Grecs, le Tôt des Egyptiens,
le Brahma des Indiens, etc., etc. ); et comme le rap-
porte Morery au mot Esus, ou bien à ce dieu terrible
que nous ne pourrions, malgré tout, reconnaître
dans cette effigie.
Voilà ce que rapporte la Tour-d'Auvergne dans
ses Origines gauloises (1) au sujet de cette divinité.
H Un des surnoms de Mars, dans la langue des Celto-
« Scythes , était Haesus. Ce dieu présidait au car-
« nage, et était regardé par les Gaulois comme l'ar-
« bitre souverain de la guerre; on l'apaisait par des
(i) 1À9 et i5o.
5o6 MEMOIRES DE LA SOCIETE ROYALE
< sacrifices humains. Haesus Gallorum deus, idem
« cum Marte / sic Lucan.G^Wï Heusum atque Teuta-
te tem humano cruore plaçant ; sic Lactantius.
<( Et quibus immitis placâtur sanguine diro
«( Tentâtes , horrensqufe feris altaribus Haesus ;
tt £t Tanaris Scythiœ non mitior ara Dianœ.
LVGAIN.
w Les Gaulois représentaient Haesus ou Mars sous
« une forme hideuse. Lucain nou^apprend que les sol-
« dats romains^ qui n'avaient jamais vu dans leur pays
« de dieux d'une figure aussi épouvantable^ furent
« saisis d'effroi la première fois qu'ils approchèrent
« du sanctuaire de Mars dans les Gaules. ( Lucan.
•c lit. ÏÏI, V. 4ia et seq.). .
« Hœsusy en breton^ veut dire horreur; Hœususj
ce dans la même langue^ signifie horrible^ effroyable,
te Inde Hasusus ah horrore, sic dictus, quoniani res
<c horrida horrorem incutit spectatoribtas, quasi quod
« oculis doleat horrida intueri. »
Gomment est-il possible de retrouver, dans les
traits et dans l'action qui occupe cette figure, rien qui
justifie ce que dit Lucain de l'horreur que cette di-
vinité causait aux soldats romains en la voyant,
M
et rien qui se rapporte au culte épouvantable qu'on
lui rendait? Ici, la physionomie de ce personnage
n'a rien d'extraordinaire , et son action est loin de
retracer le carnage. L'artiste eût été bien maladroit
de représenter un dieu dans une action si opposée
aux goûts qu'on lui prête , et sous des traits si
peu faits pour le faire reconnaître. Toutes ces consi-
dérations nous portent à croire que cette figure est
DES ANTIQUAIIIES b£ ÈRANCE. ^ 5oj
celle d'un prêtre ou d'un sacrificateur gaulois , ocfcu-
pé , si ce n*est die la cueillette du gui sacré, du moins
dès préparatifià dti culte du grand Esus, dont le nom
se trouvé ici comme pour indiquer le but auquel
cette action doit se rapporter. On doit y voir encore
le mélange des divinités romaines avec celles des
Gaulois , et la preuve de la fusion dés deux religions
de ces peuples : adroite concession des vainc^lieurs
faite aux vaincus (i).
DES UBIENS, DE COLONIJ AGRIPPINA,
COUi» D'(«IL SUR L'HISTOIRE DE COLOGNE
jusqu'à nos jouqs ,
Par M. le baron de Ladougbtts, membre résident.
vJk a publié , sur Torigine et la religion des Ger-
mains, des articles remplis de recherches profondes
ou ingénieuses ; mais qui ont laissé une foule de
questions indécises (2). Faute de monumens anté-
rieurs à rinvasion des Romains , avouons que l'his-
toire certaine dé ces peuples si renommés ne com-
mencé pour nous qu'à l'arrivée de César , et que,
(1} L'in^crîptiôâ trouvée avec ce monument semble indiquer
qu'il appartient au règne de Tibère , puisque tout ce que les
fouilles onl miâ à jour à Tehdroit où il a été découvert, est de
cette époque.
{p)Foffez Gelenius, Taschenmacher et Augustin Aldenbruck»
dont l'histoire de l'origine et de la religion des anciens
Ubiens a été traduite du latin en allemand, avec des additions,
piir iosepti-GùilIaditie Èrewéh — Cologne, 1820.
5o8 MÉMOIRES DE LA SOCIJBTJB ROTALE
sans lui , sans Tacite ^ nous n'aurions aucune notion
précise sur leurs mœurs et leurs usages. D'après
Tacite, ils célébraient dans leurs hymnes, comme
leurs fondateurs, un dieu Tuiston , fils de la Terre ,
Mannus à qui il donna le jour, et les trois héritiers
de celui-ci. En allant au combat, ils invoquaient Her-
cule f et entonnaient des chants avec une sorte de
cri qu'on nommait bardit : ces hjmnes et ces chan-
sons martiales n'existent plus , et l'on n'a pu recueil-
lir aucun de leurs débris. Où donc trouver des détails
sur le règne de Tuiston, Tuston, Tuiton ou Tuiskon,
le géant, qui portait la couronne, Tan du monde
181 2, et de ses dix successeurs : Mannus ; Inghevon,
d'où seraient descendus les Ingœvones; Istevon,
d'où les Istaevones ; Herminon, d'où les Hermiooes;
Marsus , père des Marses ; Gambrîvius , des Gam-
brives; Sue vus, desSuèves; Wandalus, des Wan-
dales; Tentâtes, des Teutons; HerkulesÀlemannus,
des Allemands? Avec quelle facilité cette généa-
logie nous révélerait des étjmologies germaines!
Ces peuples, dit César, n'avaient que des divinités
visibles, et dont ils ressentaient l'influence, le soleil,
lalune et le feu. Tacite prétend que le dieu le plus ho-
noré par euxétaitMercure; venaient ensuite Hercule,
Mars, Isis à laquelle une partie des Sue ves donnait
la figure d'un vaisseau. Cet historien nous apprend
que les Germains rendaient un culte aux Druidesses
Weleda, Aurinia, et à une foule d'autres. Il ajoute
que les Angli et leurs voisins étaient adorateurs de
la déesse Herthe , c'est-à-dire de la Terre, et les
DES ANTIQUAIRES DE FRANCE. Sog
Naharvales^ des deux Alcus, qu'on supposait être
Castor et PoUux. Nos auteurs modernes vont plus
loin; ils confondent les époques; ils s'appuient
d'actes de conciles , de chartes , de sermons ,
de momimens postérieurs à l'époque où écrivait
Tacite. Sachant que^ du temps de Charlemagne, les
Saxons avaient des croyances venues de la Scandi-
navie , ils donnent à T Allemagne la mythologie de
cette péoipsule (i). C'est ainsi qu'ilsalTeclent cha-
que jour de la semaine germanique à des' divinités
qui, presque toutes, lui ontétélong^ temps inconnues,
et dont une partie lui est restée étrangère. heDi*
manche est consacré au Sôleit, dh Sonne ^ sous le
nom de Sunnendaeg. L'astre du jour est représenté
par une femme vêtue d'une tunique, la tête couverte
d'une auréole, les pieds nus, les cheveux flottans
sur les épaules, tenant le disque du soleil. Lundis
la lune,/rfer mond ( Manendaeg ), un jeune homme
presque nu, ayant un arc, un carquois/ une lance:;
son air est mélancolique ; sous sa main droite , est
une tête de jeune fille, entourée d'une coiffe sur-
montée d'oreilles, et dont \e ventre ouvert laisse
voir un quartier de la lune. Mardis Tuisco ( Ty-
s^esdaeg)f sans doute le premier roi, Tuiston. Reyher
nous le représente sous les traits d'un vieillard barbu,
qui, de la main gauche, tient un sceptre tréflé, et
(i) Od peut consulter, sur l'ancienne religion du nord,
Tapalyse faite par M. Depping, du mémoire de M. Munter.
{Vùyez T. II, p. 216 des Mémoires de la Société Royale des An-
tiquaires de France.)
5lO IMÉUOIABS DB LÀ SPCIBT3 tiOY4LB
tend la inain droite cpoiine i^'il voulait , bénir quel*
qu'uD. {1 est eatouré d'une draperie qui peud sur
son épavile g^uche^ et qui couvre ta moitié desapui-
triae, le ventre ^ \e$ reins , jusqu'aux genoux et U
moitié dç la jambe. On voit à nu ses deux braa y ses
piçd§f le. seii^ droit : sa chevelure ombrage la mmtié
de son front, où deui^ touffes s'élèvent comme de
petites cornes , elle flotte en boucles sur ses. épaules.
Le piéd^tal sur lequel le dieu repose , est figuré
pomme un balustre dont l'épaisseur est forte au-
d^asQUSj et aurdes^us très-légère. Mercredi, JVaden
( Wonsda^g^, que les érodits préteodejat être un dieu
saxon > Wodan, d'où ils dérivent Gotl, Oden,
Othin y et l'on j trouvera facilement le célèbre Odin
des tribus dû nord d^ l'Asie. Il paraît présider à \^
guerre; son casque est surmonté d'un dragon , les
^es étendues ; Wodan est cuirassé , mais sa catte de
maiUe diffère de celle des Romains; cuirasse y bras*
siardfi» cuissards ) tout est sans orneniens; à sou côté
est un glaive courbe et large , surmonté d'une tête
d'oiseau de proie; sa main droite tient une hallebarde;
sa giauche, un bouclier énprrne sur lequel sontfigurés
un cheval et une branche de chêne. Le dieu porte
une moustache;' ses cheveux et sa barbe sox^t couris
et crépus* Jeudi; Thony ( Theunensdaeg.) C'est un
vieillard couvert d'une peau de cerf, dont les bni^
s's^vancent sur sa tête : le vèlen^ent est bouto;ipé
depuis la ceinture Ji^sq^^au co^. Pe U, ipaifl g^uclje,
il ûent un sceptre syrmQnté d'»n Usj s^ droite e^t
placée comme pour bénir quelqu'un ; autour de ^a
DES ANTIQUAIRES pE FRANCE. 5l 1
tête s'aiTon4it une couronne d'étoiles; elle désigne
la majesté; comme le sceptre, la domination. Les
étoiles figurent les douze signç^ du zodiaque ou les
douze mois don( il fut le soi^veraip ; elles représen-
tent aussi les sept étoile^^ les sept planète^ ou les
sept jours de la semaine, Thor est parfois nonamé
Asatlior^ Ase ou Akethor^ le rapide : il est le plus;
fort des; dieux et des IionApies; son pa\ys se nopiine
JVheduanger ( Sihvî cpntre la peur); spa palais a
54q étages ; Thor présidp au tonnerre , à la pluie et
aux vents , au beau temps et à la moisson : il pro-
tège les hommes contre les gçans. D€;ux bouc3
traînent soù char; mais lorsqu'il se rend au conseil
des dieux, il va seul à pied, et traverse à gué les
rivièresi. Il porte le marteau ( Miolner ) qui fait fré-
mir les géans dès qu'ils le voient élevé avec son gant
de fer, parce qu'il a déjà frappé beaucoqp do leuc§
pères. Dans les voyages qu'il fit en Orient , il se
cacha dans le trou du pouce du gant d'un géant :
on lui sacrifiait une couple de bœufs £^veç le saipg
desquels on se teignait la tête. Ce dieu a donné
son nom au Jeudi j qui, pour cette raison, s'ap-
pelle encore chez les Danois et les Suédois, Thors--
dag.y et che;ç les Anglais, Thurs^ay.liïkov passç poqir
être Je Taraoi ou Taramis des Celtes. Vendredi^
Freya y ( Frigedaeg.) Les Germsiinç avaient con-
sacré ce jour de leur semaine à ][a déesse fvéj%
ou Frea, Feya, Friga, Frigga. On la regarde
comme Tépouiie de Wpdan pu Othin, Spn busfip est
celui d'un homme armé; ^W-dessipviÇ ? ^He ç^t çepr^-
5 m MÉWOIKES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE
sentée comme une femme couverte d'une longue tu-
nique, à la manière de la Minerve romaine; sa miain
droite tient un glaivenu,etlagaucherarcdes combats:
on lui faisait des sacrifices comme à la déesse de la
paix, de Tair , de l'amour et de l'hy menée. Le sixième
jour de la semaine^ où elle est particulièrement
honorée , s'appelle de son nom Fretag ou Frejtag.
Samedi, Seater ou Krodo, {Satei^Dagg), Krodo
est un vieillard dont les cheveux et la barbe sont
courts et crépus; il est couvert, jusqu'au milieu de
la jambe , d'une peau de lion, dont la tête lui tient
lieu de casque ; sa main droite élevée tient une roue
avec ses rayons , et dans sa gauche penchée est une
corbeille pleine de fleurs et de fruits, dont les deux
extrémités voltigent ; ses cuisses sont nues ; il est
chaussé de brodequins, il foule aux pieds un mons-
tre marin.: quelques écrivains l'ont confondu avec
Saturne.
Ne nous arrêtons pas plus long-temps sur ces rêves
d'une imagination ambitieuse, qui veut tout con-
naître, tout expliquer; venons à des faits mieux
connus.
Les Suèves, sorte de fédération de diverses peu-
plades qui occupaient la plus grande partie de la Ger-
manie , et qui s'étendaient sur la rive droite du Rhin^
depuis sa source jusqu'auprès du lieu où est mainte-
nant Cologne „ pressaient fortement lesUbiens, au-
trefois puissans, et qui furent réduits à implorer le
secours de César. Comme ceux-ci avaient quelque
commerce , ils offrirent des bateaux pour le passage
DSS ANTIQUAIRES DE FRANGE. 5l3
des Romains. César crut au-dessous de sa dignité et
de celle du peuple-roi, de traverser le fleuve autre-
ment que sur un pont; il nous décrit lui-même corn-
nxetit il le construisit en dix jours , et en fortifia les
deux extrémités. Après avoir châtié les Germains dans
Fespace de dix-^huit jours» César revint sur la rive
gauche^ fit rompre la moitié du pont, et plaça une
. tour pour protéger la partie qui en subsista vers
la Gaule. Les Ubiens afiluèrent à^on camp; mais le
corps de la nation ne quitta la rive droite du Rhin
que rari 717' de Rome, 87' ans avant Jésus-Christ.
Yispanius Agrippa, consul sous le triumvirat, et qui
fut depuis gendre d'Auguste, accueillit ces alliés fi-
dèles, en forçant des tribus d'Eburons et de Condru-
siens à se retirer plus loin dans les terres. Suétone
nous apprend « qu'Auguste transporta dans la Gaule
les Ubiens et les Sicambres qui se donnaient, et qu'il
les plaça dans des champs sur les bords du Rhin. »
Horace et Ovide célébrèrent ces succès de Tempe-
reur. Tacite , parlant de Témigration des Ubiens :
- fc Elle est déjà ancienne, dit-il; une fois sfArs de leur
fidélité j nous les plaçâmes sur le bord même du
fleuve, pour être nos gardiens, plutôt que nous,
•^ leurs sur veillans (i).» Une ville s'éleva, qu'on appela
Ubiùm , entourée d'une muraille qui avait quatre
portes et plusieurs tours. Agrippine naquit à Ubium,
pendant les guerres de son père Germanicus. Elle
obtint de l'empereur Claude, sa époux, d'y trans-
. férer une colonie de vétérans romains, l'an 8o5i de
(1) Traduct. de Dureau de Lamalle.
IV. 35
$l4 MBII0IBX6 DIE LA SOCIÉTÉ AOTALE
Romf , 4^ ^^ 1'^^ cbréti^Qoe. La vilk dm UbîclBs
prit le nom de Golonia Agrippioa* I^ fondalnca y
fit cODstraireuD capitole, plusieurs teuiplesietpali^)
un prétoire, une place d'^niiies. La fimne typogra-
phique de Cologne était alors à peq pri^s ^j^^é^angfi-
laîre ; le Rhin se séparait^ au--defisus de la ¥ÎUe , en
deux bras> doot Tuo mouillait les umrs et le pied du
. capitoloi et Tautrë, plus tott, se dirigeait à lest;
tous deux se réunis^aieul au-desspqs de la cité, çt
formaieot uue île. Colpgpe acquit successivem^at p^e
grande impprtapce. 3es fortifications p 'ét^i^cJifiiRt ;
les inurs^ qui étaient d'^ae p^tpaçift^ e^tracnriUtt^lrC)
furent flanqués de diz-^ept tours rondes o|i depû-
drculaires;op ep. trouve encore des restigi^s ^ Ton^t
de la Tîile. Yitelliun, Trajan ^ Posthutnus lYictoriiHJs
Propulus, furent revêtus, à Cologne, de la pourpre
impériale ;Salonin us, fils de Galfien etprioqe'de la
jeunesse , y fut assassiné (i)« Constantin j fit passer
un grand nombre de Saxons i en leur permettant 4^
suivre leurs lois et leui*^ usages. Les France s'^taiept
emp&rés de cette ville en S55 ; Julien la rapvit, Ja
releva » rembellit ^ la re^di^ comfnerç wtiP > et fi|ca
auprès d'elle une tribu des Francs ^ laquelle 4onBa
à cette partie de la rive gauche 4n lUiîp le nom de
Ripuarie j de Rip0 , rive ; lç§ lUpuaires s'étaient en-
gagés à la défendre contre les Gernt^$. A.ttila passa
(i) On peat consoltery sur le sort de l'épouse et des enfaDS
de Salçoioas ^ rhistoire 9 antiquités, elo., des Hautes-Alpes >
artîirle de BrUnçon**^ Septembre iftao, chei Fanttn^ Kbiaite,
rue de Seine , n* 12. %
à Gol(^de cdmme un totreùt dévastateur. Ëgidius^
généfStl romftiû^ s^y fit pt^odamei' roi d& Itt Ripuârié>
dont elle était la capitale. Ghildérie le Taioqiiit> et^»dt
pour successeur^ à Cologne^ son cousin Sig^iieni dif
le Boiteux ; ce dernier fut assassiné pai^ son Éls Glo -
àéAU; Clovis, qu'on accuse d'avoir consteilié le criiâe>
fit punir le meurtrier de la peine du talion > se rcrndii
à Cologne, harangua le peuple^ et {ni proclamé )^oi
del& ^pnarîe, qu^il.réunit à la Frattce^ en lui coti->-
sertailt sa loi. Thien^ , son fils , ^ ttouvant à CM*-
lons-suf^Marne , fit rédiger cette lai avec celle des
Alletnands et des Bavarois. Plectrude , après avoir
dominé en Atistrasie et en Neuslrie> TOtalait on pré-^
sideir la régence , après la toôrt de Pépin , son épùtàiè,
sôus le nom de sOd fils Tbéobald , encore dans Ted'-
fance; elle gardait prisonnier dans le palais, Ohdr-
les-Màrtel, que Pépin avait eu de sa concubine Al^
païde. Charles s'écbâppaj e*, après dii^ers àvaMagéfi»,
îi s'empara de Cologne; Plectru<iè ki àffant r^itris
le* trésors liojf du» , éBe se retira dabs m *k)î»e.
Charlemâgne passa deux fête le ftbiû k Ool(^n€> p^Nrt^
aller faîrôla gtierre aux S^hùon^-, il Ae se dovitaie
guère alors qu'éû 89t > les Ndtmdrnds la rafisigeraien^,
ainsi qu'un grand nombre de ^\lm Mr le* Rhin. L'his;-^
toire ne dit paë é Ce priUée ^ M^viSÂe feartea^l*, àtt
s'il put encore profiter dû p^M^f qve CrniefiantiA y
atait élevé, Cest dans une assembler? générale mi
cODcile que Charlemagne , en 7&fi, y reçoit les son^
missions àé^ Sucrons, mais «ifon encé^e celtes de Yi-^
tîkiud. Ifù concile avait etylieu à Cologfie avant son
33*
5l6 MIIKHRIS OK LA SOClili ROYALE
règne, et dix-neuf s'y tinrent après lui. Cette ville
avait. été Tune des premières du Rhin à recevoir le
christianisme. Saint-Materne vint y prêcher Tévan-
gile, et il y bâtit une église qui devint un siège, épis-
CQpal. Il assista au concile réuni de tout Foccidenti
par ordre de Constantin , et qui s'ouvrit à Arles le
i~ août 5i4* On compte, après Saint-Materne , dix
évêques de Cologne qui j fondèrent des.presbjtères;
des abbayes, des collégiales; parmi eux, Ebrege-
sile n fut employé en plusieurs ambassades par^a
reine-Brunehaut. Suivant la plupart des historiens ,
le premier archevêque de Cologne fut Saint-Cuni-
bert y gouverneur du fils du roi Dagobert et .archi*-
chancelier d'Âustrasie. Carloman et Pépin ^ fikde
Cbai'les-Martel, donnèrent, en 745, ce siège métro-
politain à Saint - Boniface qu'en 748 ils transférè-
rent à Mayence. Gnquante ans après , Gharlemagne
rétablit l'archevêché à Cologne, et en revêtit Hil-
debolde, qui avait le titre de son archi- chape-
lain; et qu'il fit appeler en 8i4 pour lui adminis-
trer les sacremens. Thégan dit que ce prélat* était
l'intime du prince , familiarissimum imperatoris.
Voyons rapidement ce qui, chez les successeurs d!Hil-
debolde, peut exciter l'attention. Fils de Henri-l'Oi-
seleur, et frère d'Othonl^', Brunon fut à la fois
archevêque de Golc^e et gouverneur de Lorraine,
avec le titre d'archiduc. Il laissa un nom fameux.
Ayant appris la grammaire dès l'âge de quatre aas,
parlant avec facilité les langues anciennes; ce prélat
tenait chez lui, à Cologne, à Vienne, à Metz, une
DBS ANTIQUAIRES DIS FRAICCE; Ô17
sorte d'académie. Lorsque l'empereur voyageait pour
rendre la justice » BrUnon se faisait suivre de sa bi*
bliothèqoe. Il ne quittait ses travaux littéraires que
pour remplir, au nom de son frère , des missions de
paix, ou pour porter des secours aux malheureux.
Hérîbert se montra le plus charitable de tous les
hommes^ lors d'une famine qui, au commencement
du onzième siècle, désola la France et T Allemagne.
Pellegrin , son successeur, éleva l'église collégiale
des. douze apôtres^ nommé archichancelier d'Italie,
il entra dans. Rome à la tète de vingt-mille hotnmes,
s'y empara du prince de Gapoue , et lé livra à l'em-
pereur. Saint-Annon, ayant fait saisir, en id74, le
vaisseau d'un riche marchand, il vit tout le. peuplé
se soulever contre lui jusque dans l'église; il en bar-
ricada les portes, et s'enfuit par une secrète issue;
rentré à Cologne ^ quatre ans après, ses soldats pil-
lèrent la ville , dont il éloigna six-cents commer-
çans. Renaud de Dassel livra de grands combats pour
l'empereur, en Italie, où il mourut d'une maladie
épidémique ; Renaud avait ajouté deux tours à la
'cathédrale , et avait rebâti son palais. Philippe de
Heinsberg, qui lui succéda, menacé par l'empereur
'Frédéric, joignit les faubourgs à la ville , en l'entou-
rant de murs qui avaient, dit-on , vingt-quatre portes
et soixante et trois tours; Frédéric obligea les hâbi-
tans à abattre uiie de ces tours, à combler une partie
des fossés , et à lui payer 264 marcs d'or^ Ce prince
accorda ensuite au prélat une partie de la West-
'pbalie et de l'Angrie ; et, depuis ce temps, les arche-
5l8 3IÉM0IR£S DE £A SdCI^TÉ ROYALE
véqves ppr^èreiit ie ptve *àe daos de ces proTÎnces*
Engilberl de Bei^ fut vicaire en AUemi^e de roa-
poretir Frédërie etgouterneur c|c Henri^ qp'easiBle
il couronna ; ce vertueux prince eccléMasIîqiie fut
assassiné , en i u35 , par ordre de son parent^ Frédé*
rie , comte dlsenbourg.
Conrad de Hoefasteden se battit, en isèi^^y contre
Guittaume , comte de Juliers » qui le fit prisonnier, et
en exigea une rançon de 4<><m> marcs d'ai^enl« £a
1 wifjy il vit recevoir chevalier dfns son égUse soie*
tropolitaine GuiUaimie, comte de HoUande^ qm*û
couronna ; ]^année suivante > à Aix^la^^CkapeUe, et
qui disputa l'empire d'Allemagne à Frédéric. Apres
la mort de Guillaume, Conrad, en ia57, courom^
empereur, à Francfort, Richard d'Angleterre , qui
tint à Cologne, et qui, s'îniwesaant àla conatriiotiofi
de la cathédrale dont s'occupait Conrad , lui accorda
la permission d'une quête dans la Grande-Bretagne.
Sept années auparavant^ Gompad avait fait arrêter
sans motifs le fils aioé du roi de Danemairk, fwpash
sait par Cologne, et il ne lui avait rendu la làierté qu'a-
près^ a voir reçu 6000 marcs d'argent; de pareils traits
peignent les mœurs de cette épûqûe.Ën 1.3S7, à la
suite d'une révolte des: Coltonais , sur lesquels* Cowad
iKiulait s'arroger àe:s> ée^ààs. despoûques., il se Ming^
» Andernach>.Cependnnt L'archevà^e rénasît à s'at-
taeberle peuple^ et surtout les tissermds^ el^, en
1259., il cassa le magi^rat pour ic* composer dlieÂ-
mesr à sa dévotion. Ëngeil>ert de> Falbenhoiiirg suir-
eéda 9 son stége et à ses prétentions:. A peine inslatté^
D£S àHflQUA^RB^ DB ERÂNCE. Sl^
il prit les clefs âe la ville , en changea les officiers ,
établit des péages, demanda des sommes considé-
ràMes. Unë^sédition f ayant obligé à se retirer, il vint
{ûétfre le siège devant Cologne, et profita d'un ari>t-
trage pour en tirer d'abord 6000, pois goo marcs.
Les Golonais indignés le renfermèrent dans unehA-
Cëllerie, à l'enseigne du Cheval, rue du Rhin, Ty re-
tinrent i4 jours, et furent encore obligés, par les
princes voisins qui s'établirent médiateurs, à lui
payer 4ooo marcs. Ce fut alors qu'il commença à
faire bâtir le château de Bonn , et qu'il habitait alter-
nativement à Briîhl, Pappelsdorff et autres châteaux
appartenant à l'archevêché. Depuis dette époque, lés
prélats n'ont plus tenu de résidence constante dans
la ville, quoique maintes fois ils y séjournassent
pendant quelques jom^. On voit encore autour de
Cologne un -chenlin dit Bisckoffsweg ( chemin de
l'évéque ), dont ils se servaient lorsqu'ils ne vo>u-
iaieil! ou ne pouvaient pas entrer dans son enceinte.
Engelbert vonlut livrer la ville à ses alliés. Darts Faf
nuit du i4 octobre, 1^69, un savetier, gagné parles
exilés et par lé duc de Limbourg^ les comtes de
Gièves et de Falkenbourg , pratiqua une ouverture
au travers de laquelle ils introduisirent leurs troupes;
le ihauvais temps les ayant forcés de chercher un
asile daiis des maisons et granges voisines , quarante
chetâliers colonais se rétînirent et chargèretit l'en-
nemi; lènr <^ef, Aiadiieu Overstok, ayant été blessé
à mort, l^di^qta'on le rapportait sur un bouclier, il dit
aifr pétale qui s'empressait auloui^ de lui : « C'est
520 Bl£MOiK£S DE LA SOCIETE ROYALE
sur votre liberté qu'il faut pleurer; courez La défen»
dre; si vous triomphez^ je mourrai content. » Lesbpur*
geois s'armèrent d'épées, de massues^ de pertuisanes,
et la ville fut sauvée» Le sénat ordonna un service
anniversaire , où il se rendit en corps à Saint-Géréon.
Ëngelbert r vaincu dans une plaine située entre Zul-
pich et Lecbuich, fut, pendant trois ans^ prisonnier
de Guillaume^ comte de Juliers. Son suGGesse.ur9.
Sifroy de Westerbourg, qui s'ét^t distingué dans
cette bataille, prit Juliers et presque tout ce comté*
 Worringen, le 5 juin 1288, il fut battu par
Adolphe, comte de Berg, qui s'empara de sa per-
sonne. Sifroi obtint bientôt sa liberté du comte
Adolphe. Mais, dans sa soif de vengeance, il réussit
à le faire enlever dans une partie de chasse, et l'en-
ferma à Briihldans une cage de fer, où on le frottait
de miel, et on l'exposait nu aux rajons du soleil (i)-
Nous ne parlerons pas des querelles continuelles avec
la ville de Cologne^et des guerres terribles dont Ten-
cbainemént signala le règne de plusieurs archevêques.
On fut obligé, à la fin du treizième siècle, de nommer
àtspaciaiies, espèce de juges de paix, qui décidaient
sur les différends entre la noblesse et la bourg:eoisie
des bords du Rhin. Nous ne ferons qu'indiquer l'in-
terdit qui fut jeté sur la ville de Cologiie ,. à cause
des atteintes qu'elle portait aux privilèges de Tordis
clérical ,. qui , en i368, avait quitté la ville. Venons à
Gebhard Truchsès, dont le cœur fut trjop sensible.
Il embrassa le luthéranisme, à l'exemple de l'arche-
vêque Herman, et il épousa Agnès de Ms^nsfeld,
(i) Y. P. Mcrsaeus.
chaDoiaesse de Gerisheim; mais, battu par le parti
catholique^ ayant perdu se^ états, Gebhard alla, avec
sa belle Agnès, expier par la misère, en Hollande,
puis à Strasbourg, sa défection et ses amourSé Du
reste, les Français doivent absoudre les électeurs de
Cologne de leur esprit guerrier. S'ils furent mis
souvent au ban de Tempire , c'était pour avoir senti
qu'un même système poUticpie ou défensif convenait
aux états qui sont èn-déçà du Rhin. Ainsi Joseph
Glétuent, qui, lors d'une élection, l'emporta sur le
cardinal de Furstemberg, soutenu par Louis XTV,
devint bientôt l'allié de ce roi.
Mais l'histoire des archevêques nous a menés trop
loin ; il faut remonter à des temps antérieurs pour
faire connaître le gouvernement, les germes de
prospérité, les dissentions de Cologne, depuis 949
où Othon l'avait réunie à l'empire d'Occident. Ce
prince lui accorda de grandes immunités. Son épousé,
Tbédphànie> y attira des fabricans grecs /et y tipt
une cour dont le luxe était inconnu dans cette con-
trée.; elle y fitiit ses jours, elle y a son' tombeau.
Au dixième siècle , la civilisation avait déjà fait beau-
coup de progrès sur le Bas-Rhin ; la population s'é-
tait si fort accrue à Cologne que l'ancienne en-
ceinle des Homains ne suffisait plus; de nouvelles
habitations s'y élevaient de toutes parts et formè-
rent des faubourgs. L'ile, que les deux branches
du Rhin embrassaient^ fut réunie à la Terre Ferme ;
le bord occidental du fleuve, reculé de plus de cenV
toises, devint un des quartiers le plus populeux de
b22 MEMOIRES DE IK SOCIETE ROYALE
la ville : la proximité du Rhin favorisait sioguUère-
ment le trafic des marchandises de toute espèce.
Daâs le onzième «îècle , le commerce de Cologne
parvint à un haut point de prospérité, et fit sur mer
de ^aodes expéd^onsr La viUe fut revêtue de pri-
vilèges emtraordinaiMs par divers souverains > tels
qn'OthOn lY, Guillaume de Hollande 5 Richard
d'Angleterre 1 Albect d'Autriche. Le premier de ces
princes Tavaift élevée, en » 2 1 a ^ an Bang de viUe lihre
et impériale.
Sous le règne de Tempereur Frédéric y elle s'allia
avecLubeck et les autres viUes anséatiques -, la hanse
y ttnt^ en i364^ une assemblée d0i>t émana un acte
eélèhre de confédération.
Les artS' et les sciences étaient cultivés à Cologne;
aussi le Pape Urbain VI lui accorda , en ) 3$4 , une
nniveiTSÎilé «{tii fut regardée comme û\le de cette de
Cependant les patvieieds , tni5j$^ s^empdrèretff
dtt gouverneadent die b ville ^ e« eb châssèirent la
tribu des» tisserand» ^ s'y étaient iotâroduîlâ dçpAis
deux ans; e'éteîent dies ittanuCâctiAfi^rs de d^9tpfif
paissans par leiil* neuàbre «t leurs itiebesses* Plu-
sievrs d'entre eotx furesft décapités à iar suite 4e
scènes sanglante^ ; iin glfand- nombre sttbit le ban-
nissesDDent, et alla s^ établir à Âuc^la^Ghapell» et à
Mdntjoye ;. d^àutrés enfin ôbtiniseut leur grâlee et
contkicpèreiit lenlr industrie. On va )usc|o'à direqil'efi
celte* oceasion le magistrat roina^dan3dolQgiie 17,0061
niiéliers. En i549 r ^' chassa' ton» les Jiffe à'(]m l'on
!>£& ANTIQUA1U5 DK FRANCE. 5a3
imputa de commettre des sortilèges et d'avoir
ameoé la peste ; le peuple se livra envers eux aux
plus barbares excès.
La ville avait reçu un régime aristocratique ; Tad-
roinistratiou fut partagée entre quinze familles patri-
cîeDues , et divisée ea deux conseils > dont l'un se
nommait le conseil intime, et l'autre le grand con^
seil. Ce genre de gouvernement empiétant de plus
en p)»s sur les droits do peuple > Tinsurrection éclata
ie 4 )wvier x ^96 ; dès que la majorité de là corn-
Ya<iDa se fut déclarée contre les patriciens ^ on as^
saillit le$ conseib ; deux des principaux chefs furent
«aisiSi et 00. leur b*àncha la tâte : on bannit les
autrei ^ et If on confisqua leurs biens^^
La oemmlQfle 5 s'étant constituée le a4 juin sui*
vMtji s'c^çeupa des mesures à. prendre pour affermir
le noKiTel étal des choses sur des bases solides > et
i^aUes de préteior. le Knouvellemenrt des fac-
tÎ4Mis. Ëlk rédigea w» ù^nb^at social {verbund) ,
^ui fat pittclainé k i4:SepteB!dDire iSgiSy comme loi
iooéaoMiiÉale de f Etat } cette eoitistîtutîon refK)saiît
SOT de» pxuMipes dtéttotevatâque»* Lai p<^pdiatàon ^
visée ev* viogt^eux tribus ou corps de métiersi ,
ékt quaraate<neuf séaatewsi à vie ^ et deux boerg-
meeatret auxqwlsr Itr gouvernemei^t de la ville fut
confié Immédiatement apiès> les vingt^^Cux tifib^s
nonimètrentquaâeanteHiuatre déptités^ qui^ réutfis au
séncA et av^x délégiAéa de TâMTchevê^e ^ délibérèrent
â«it leS' statuts d'apffès lescpiels la f u$tice civibe et
criminelle serait administrée.
524 MÉMOIRES DÉ LA SOCIÉTÉ ROYALE
Les commissaires chargés de la confection des
codes achevèrent leurs travaux en 1437. Ces statuts^
acceptés par Tarchevéque et par Tempereur , fo-
rent mis en vigueur dans la même année après une
proclamation solennelle. Cette constitution et ces
réglemens maintinrent la tranqoiUité daùs Gek^e
durant un siècle.
En i5î3^ une révolte des plus violentes éclata.
Deux partis également puissans se reprochaient mu-
tnellement des exactions ; le sang des citoyens coula
à grands flots sur les places publiques, dans les.
rues^ suî^ les échafauds.
Enfin les troublés s'apaisèrent , et les deux partis
convinrent d'ajouter quarante-un articles à la der-
nière eonstitution de i^gG. L'administration fut
confiée à six bourgmestres, dont deux régnaient
alternativement chaque année , et le nombre des
sé&ateurs fut porté à cinquante-deux. Chaque tribu
avait en outre deux députés qu'on nommait les çuor
rante-quatre ; ils avaient droit d'assister aux séances
du sénat , et servaient d'intermédiaires entce celui-ci
et les tribus ; ils étaient les défenseurs nés des ilroit^
du peuple. Cette loi additiotinelle fut acceptée, si-
gnée par toutes lés tdl>us^, et proclamée, le i5 dé-
cembre de la même année , sousle titre.d!Arret trdo-
siloire. {Trdnsfix brief)^
C'est d'après cette dernièi^e constitution , religieo-
se^nent observée, que la ville libre et impériale
de Cologne a été régie etadministrée tant qu'adoré
son indépendance.
DES ANTIQUAIRES DE FAÂNCE. $25
En 1609^ après deux ans de troubles ou plutôt
d'intrigues politiques et de tracasseries tendant à
propager la réformation, l'empereur Rodolphe in-
tervint; un concluêum du sénat bannit les protes-
tans , et Ton rendit désert un sixième des maisons
de Cologne. Mulheim fut Fasile des exilés; de village
insignifiant, il devint alors une ville régulière-
ment bâtie. Un nouveau Maasaniello s'éleva à Golo-
gne en . i683. Nicolas Giilicb, sous le masque de
l'amour du bien public, cachait une ambition déme-*
suréev II